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Classiques Garnier

Quelques apports de Jack Goody Les humains au prisme de leurs techniques

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Études digitales
    2016 – 1, n° 1
    . Le texte à venir
  • Auteur : Guichard (Éric)
  • Résumé : Jack Goody est un anthropologue britannique décédé le 16 juillet 2015. Ses centres d’intérêt étaient multiples mais fédérés par une double approche : un profond universalisme, jamais démenti ; une curiosité pour les supposées oppositions entre technique et culture. En détaillant ces points, nous montrons la fécondité de sa pensée et aussi l’efficacité de ses apports pour qui veut comprendre l’Internet.
  • Pages : 175 à 186
  • Revue : Études digitales
  • Thème CLIL : 3157 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Sciences de l'information et de la communication
  • EAN : 9782406061939
  • ISBN : 978-2-406-06193-9
  • ISSN : 2497-1650
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06193-9.p.0175
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 29/09/2016
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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Quelques apports
de Jack Goody

Les humains au prisme de leurs techniques

Les remarques suivantes nont pas prétention à synthétiser lœuvre de Jack Goody. Celle-ci est fort diverse et toujours profondément novatrice, quel que soit le sujet abordé. De lusage des fleurs à la métallurgie, de la parenté aux rapports entre Orients et Occidents, de la cuisine à lécriture, Jack Goody a été un penseur prolixe1.

Je rappelle ici quelques clés que Jack Goody nous a données pour comprendre le monde contemporain, dans sa dynamique comme dans sa variété. Le propos est volontairement simple, dans lespoir dêtre compris par tous2.

Humains, techniques et cultures

Nous sommes vraiment tous pareils

Jack Goody nous a dabord permis dêtre définitivement universalistes, au plan rationnel et non plus seulement moral : il a fait voler en éclats la théorie anthropologique du grand partage, qui suppposait déjà labsence de réelles différences entre tous les humains (quelles que soient leurs origines et leurs cultures) et prouvait que nos catégories 176en matières de groupes sociaux ne fonctionnaient pas (en démontrant par exemple la non pertinence de la notion de race, en donnant des exemples de la « primitivité » des sociétés dites évoluées) sans toutefois réussir à sextraire de la dichotomie « primitifs/civilisés ». En bref, avant Goody, les « sauvages » restaient toujours un peu sauvages, même sils nous ressemblaient beaucoup : ils raisonnaient comme nous, savaient conceptualiser comme nous, ils disposaient dun vocabulaire parfois plus étendu que nous (et sa richesse nétait pas nécessairement la résultante dusages ou de besoins), leur esprit logique et pré-scientifique était avéré (parfois trop, quand ils trouvaient des causes à tout), mais ils restaient différents de « nous ». Bref, le monde se partageait entre le « nous » et le « eux » sans que nous sachions trop où se glissait la frontière3. Jack Goody a démontré que nous avons tous les mêmes qualités, défauts, capacités. Si différence nous voyons, elle nest due quà la présence ou labsence de techniques, qui circulent et se transmettent sans frein de type culturel. Et notre regard est biaisé car nous croyons souvent en une extériorité de la technique par rapport à ce que nous imaginons relever du social. Or, ce nest pas le cas. Une fois quune technique rencontre une société4, ni lune ni lautre ne sont comparables à ce quelles étaient auparavant.

Pour le dire autrement, les techniques sont grandement responsables de faits culturels que nous croyons souvent caractéristiques des différences (et des hiérarchies) entre les sociétés. Une fois quelles pénètrent une société, elles deviennent source de tant de questions et de perspectives que cette société se mobilise pour trouver des réponses et des usages qui vont profondément transformer ces techniques. Ces techniques ne transforment donc pas la société dun coup de baguette magique, comme le croient les partisans du déterminisme technique, qui supposent que la technique transforme le social5, elles en sont partie prenante adoptent 177dailleurs des configurations différentes suivant les lieux et les mondes dans lesquels elles se déploient.

Parmi ces techniques, une fait couler beaucoup dencre et doctets à lheure de linternet : lécriture. La surprise provient du fait que Jack Goody définit effectivement lécriture, auparavant inclassable, entre la simple inscription et les belles-lettres, comme une technique : une technologie de lintellect. Cette audace intellectuelle savérera fort féconde.

Technologies de lintellect réflexives

Une technique intellectuelle est un ensemble doutils et de méthodes (de recettes) qui aident à penser, cest-à-dire à élaborer ou à faciliter un raisonnement. Depuis notre rencontre avec lécole, nous en connaissons beaucoup : les tables de multiplication, les algorithmes, dictionnaires, cartes, calculatrices, etc. Nous pouvons en citer des centaines. Doù le désir de les classer, de les hiérarchiser. Comment faire ? Pour comprendre intuitivement la solution proposée par Jack Goody, nous pouvons nous poser quelques questions : un ensemble de cartes peut-il nous définir précisément ce quest la cartographie ? Pouvons-nous expliquer ce quest un algorithme par la seule juxtaposition dalgorithmes ? Non. Pourtant nous ne manquons pas de mots pour expliquer ce quest le langage. Cest pourquoi Goody distingue les technologies de lintellect qui peuvent sexpliquer par elles-mêmes (qui peuvent être précisées par leur seul usage) et les autres. Il définit les premières comme « réflexives » et nen repère que deux : le langage et lécriture. Tout individu sait expliquer, même sil baigne dans un régime exclusif doralité, ce quest le langage une fois passé le stade de lenfance. Cest dailleurs le critère que nous utilisons pour distinguer les humains des animaux6. Il en est de même 178avec lécriture : au bout dun temps plus long encore, nous réussissons à expliquer par écrit ce quest lécriture. Et nous ne nous en privons pas.

Ces notions dexpérience et de temporalité sont essentielles pour comprendre pourquoi lidée du déterminisme technique ne fonctionne pas avec ces deux techniques : elles ne nous sont pas extérieures, elles nous fabriquent autant que nous les fabriquons, elles nous appartiennent autant quaux sociétés dans lesquelles nous vivons. En effet, ces techniques sont particulièrement difficiles à maîtriser : il nous faut une vingtaine dannées pour les apprendre, les assimiler partiellement, jongler avec elles. Et encore plus de temps (dépassant souvent le cycle de vie dun humain) pour nous adapter à leur évolution – qui relève de la construction sociale. Les obstacles et embûches qui les accompagnent vont générer des spécialités, une fragmentation du monde social : même dans une société orale, nest pas conteur ni griot qui veut. De même, à lépoque moderne, les métiers davocat, de chanteur, de poète sapprennent.

Ces formes de spécialisations « professionnelles » sont encore plus manifestes pour lécriture, dautant quà la différence du langage, cette technique fonctionne vraiment mal. Elle est supposée transcrire des idées ou des fragments de mémoire, elle est faite de signes parfois en relation avec des sons, dautres fois non. Elle voudrait capter la langue, elle la rend incompréhensible. Par exemple, quand jécris « tu manges », on ne sait si jénonce une question (« tu manges ? »), un ordre (« tu manges ! »), un constat ou une allusion moqueuse (« toi qui refusais de manger, tu finis malgré tout par le faire ? »). En bref, sans la ponctuation, sans une série complémentaire de signes (en français : des guillemets aux tirets en passant par les accents) quil faut assimiler, socialiser, affiner, lécriture nest quun outil pour besogneux, bien moins maniable que le langage, dusage délicat car difficile à partager. En Europe et en Méditerranée, il a fallu environ 4 500 ans pour disposer dun système de signes à peu près cohérent, efficace et bien compris.

Par-delà langue et mémoire

Ainsi, lécriture, qui devait initialement reproduire le langage ou alléger la mémoire, devient une gigantesque machinerie sociale dédiée à son fonctionnement : il sagit avant tout de minimiser les problèmes 179dinterprétation7, de trouver des solutions aux questions induites par la traduction, le commentaire ou tout simplement le déchiffrement de textes endommagés. Il sagit aussi de tirer profit des perspectives et des inventions rendues possibles (ou nécessaires, comme la ponctuation ou la typographie) par lécriture et de prendre ces dernières comme objets de réflexion. La compréhension de la langue (syntaxe, structure), le développement de la logique (avec la possibilité de comparer plusieurs textes) et de raisonnements élaborés (de la critique au tri des listes en passant par linvention de formes synthétiques, comme en mathématique) résultent directement de lécriture. Autant de pratiques motivées par le goût du pouvoir, les besoins de la gestion8 ou la curiosité intellectuelle, qui nécessitent à leur tour des méthodes, des apprentissages, des… techniques. Cette technique na plus de rapport avec ses origines, tant les figures de lécriture, de ses usages et des réflexions quelle induit ont changé depuis son invention : lentement transformée, sans cesse remise sur la forge par les humains – sans quil y ait évolution linéaire ou progressive – avec des évolutions oubliées, tardives ou peu socialisées (pensons à lalgèbre, forme spécifique décriture si fréquemment rejetée). Elle est un travail permanent et collectif qui finit par structurer nos modes de pensée.

Que retenir de Jack Goody et ses disciples ?

Les hiérarchies entre cultures
ou sociétés sont inopérantes

Il ny a pas de cultures ou de formes collectives de la pensée supérieures à dautres ou plus évoluées que dautres. Nous pouvons éventuellement utiliser lécriture comme opérateur de distinction : 180les choses diffèrent selon que celle-ci soit présente ou non dans une société, selon lusage qui en est fait, selon linvestissement accordé (sur le long terme) à la maîtrise des savoir-faire (dimension réflexive incluse) déployés pour permettre le maintien et le développement de cette technique (les écoles au sens large, les institutions dédiées au savoir, etc.). Dune certaine façon, nous savions déjà ce fait : un enfant dérudits plongé au cœur dune société sans écriture (sil en existe encore, ce dont nous pouvons douter) ne disposera pas à lâge adulte des mêmes capacités (potentialités) que lenfant dune famille sans contact avec lécrit9 adopté par les parents du premier. Jack Goody appuie cette évidence avec lexemple de son collaborateur et ami Kum, seul de sa famille Lo Dagaa à être scolarisé, qui laida à transcrire les diverses versions du Bagré et qui deviendra statisticien en Grande-Bretagne. Notre façon de considérer les sociétés (les cultures) comme des entités autonomes, qui auraient des difficultés spécifiques à disposer de capacités intellectuelles que peuvent acquérir certains de leurs membres nest pas tenable rationnellement. Certes, une société ne fonctionne pas avec les mêmes régimes de temporalité quun individu et lUnesco sest cassé les dents après-guerre : les campagnes massives dalphabétisation en Afrique nont pas porté les fruits escomptés. Mais cet échec relatif10 est aussi la preuve quune technique, fût-elle intellectuelle, nest pas quune recette qui, appliquée aux sociétés, va les transformer. Nous retrouvons ici le faux pas du déterminisme technique, si répandu aujourdhui avec sa variante quest le déterminisme de linnovation (« les nouvelles technologies vont transformer les sociétés et accroître nos richesses »). Nous retiendrons de ce point le fait que les catégories que nous utilisons si fréquemment pour penser les collectifs sont fondamentalement inopérantes. Et que cette incapacité masque certainement une incompréhension fondamentale des relations entre technique et culture, bien plus intimes quon ne limagine souvent.

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Raisonner en termes de capacité technique
plutôt que de culture

De façon analogue, on ne réduit pas les membres dun groupe que nous croyons homogène à leur supposée culture. Jack Goody en donne une preuve magistrale avec lexemple de la révolte des esclaves de Bahia (1835), organisée par des lettrés (qui savaient lire et écrire larabe) contre des maîtres certes chrétiens, mais peu familiers avec lécrit. Cest la capacité dorganisation consécutive à la maîtrise de lécriture, plus que des considérations culturelles (religieuses, politiques) qui a permis cette révolte. Ici encore, Jack Goody fait la différence entre les individus, tous pourvus des mêmes « capacités », pourvu quils disposent des techniques qui les stimulent, et les catégories globales (culture, civilisation) dans lesquelles nous tentons de les insérer, au moins par souci de simplification ou de synthèse. Ce constat lui donne loccasion de montrer la faiblesse des analyses marxiste et wéberienne, qui saffirment eurocentristes en supposant une spécificité régionale, voire religieuse au capitalisme.

Lécriture, comme toute technique, a un grand avantage : elle se moque des frontières et na pas vraiment de propriétaire. Jack Goody rappelait avec malice que les Européens, qui ont construit leur domination du monde à partir de leurs savoirs, leurs conquêtes militaires et leurs explorations, nauraient pu avancer sans le papier, la poudre et la boussole, trois techniques inventées par les Chinois.

Les personnes qui maîtrisent au mieux lécriture peuvent rapidement imposer leurs représentations du monde, leurs goûts, leurs croyances à celles qui ne la maîtrisent pas, surtout quand les premières sont minoritaires. Cela valait pour lAngleterre au xviie siècle (la passion pour Shakespeare), pour les colonisateurs au xixe lécriture facilite grandement limposition dune culture. Cela vaut avec lécriture contemporaine.

Il sensuit que ce que nous appelons « culture » relève, dans les sociétés à écriture (mais elles le sont toutes, peu ou prou, au xxie siècle), essentiellement dune culture de lécrit : lensemble des savoirs et savoir-faire induits, stimulés voire requis pour maîtriser lécriture.

Lécriture nest pas une technique objectivable

Jack Goody a montré la vacuité de nos prétentions spiritualistes, qui supposent que la matière et la technique sont secondaires face à la pensée 182pure. Et là, il conforte les analyses des mathématiciens et du petit groupe de philosophes, historiens, linguistes, etc. qui les accompagnent et les stimulent : de Descartes à Dagognet, Parrochia et Granger, sans oublier Leiniz ni Boole. Qui oserait sincèrement imaginer une mathématique, une électricité, une informatique sans écriture11 ? Ainsi, les propos qui distinguent pensée subjective et technique objective ne sont pas adaptés. A fortiori, lensemble de nos raisonnements qui réduisent la technique à une fonction purement utilitaire, à un moyen pour arriver à une fin sont particulièrement fragiles. Et pourtant, ils sont fort présents dans les analyses et les discours produits par nos sociétés.

Inversement, le statut de technique intellectuelle que possède lécriture garantit en quelque sorte le caractère non prédictible de son évolution. Cest certes le cas de toute technique. Avec lécriture se font des choix (dépendant de pratiques, de curiosités, de centres dintérêt individuels ou issus détroits collectifs), se fabriquent des normes, elles-mêmes parfois dépendantes de croyances, par exemple religieuses. Les choses deviennent alors compliquées : un texte devient parfois (et souvent autour de la Méditerranée) Le Livre, un objet sacré, impossible à critiquer, alors même que lécriture invite à la comparaison, la synthèse, la critique. Cette sacralité fabrique une histoire qui prend ses auteurs à leur propre piège : quand par exemple des chrétiens érudits, comme les Jésuites, nourris de lévidence dune unique création du monde, telle quelle est si bien expliquée dans leur Livre, cherchent chez les Amérindiens quils vont coloniser, au moins religieusement, le mythe de leurs origines. Jack Goody explique clairement que dans les sociétés orales (sans écriture), ce mythe est multiple, changeant suivant les auteurs et les enjeux politiques du moment.

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Conclusions

La notion de technologie de lintellect
est essentielle pour comprendre linformatique
et les réseaux

Les transformations actuelles liées à linternet et au « numérique » relèvent dune transformation de lécriture, désormais binaire et réticulée. Nous assistons à une instrumentation de la pensée sans pareille, ce qui témoigne de lextraordinaire acuité intellectuelle de Jack Goody.

Nous savons désormais quil est inutile de tenter de raisonner en termes de révolution, puisque

ces changements sont anciens et sactualisent peu à peu : ce sont les inventions et découvertes scientifiques (majoritairement en physique et en mathématique) qui ont rendu possible le développement des ordinateurs et des réseaux ;

il nous faudra de nombreuses années, voire des siècles pour stabiliser les formes de lécriture contemporaine, ses usages, pour produire de nouvelles normes de linterprétation – aujourdhui étendue aux échanges entre les humains et les machines.

Culture numérique

La culture numérique est léquivalent contemporain de la culture de lécrit des siècles passés. Elle oscille entre savoir-faire pratiques, voire recettes, réflexion sur ces savoir-faire, et imposition par ceux qui maîtrisent au mieux cette écriture de leurs goûts et normes. Nous pouvons considérer quaujourdhui les industries informatiques et de la finance disposent au mieux de ces compétences. Il y a ici un processus décriture du monde à prendre au sérieux, même sil est complexe. Dautres écritures du monde sont possibles. Elles seront vraisemblablement produites par les lettrés du numérique : les experts en littératie binaire et réticulée, qui ne sont autres que des techniciens de lécrit contemporain. Par exemple, les lanceurs dalerte Snowden et Assange sont informaticiens. Cependant, on ne peut en tirer de conclusion définitive. Goody rappelle que lécriture offre des capacités, et non de la puissance. Ainsi, il ne 184suffira pas dêtre codeur ou programmeur pour comprendre, critiquer, analyser et dynamiser nos sociétés. Nous pouvons simplement imaginer, à partir de lhistoire de lécriture, que des personnes fort à laise avec des textes, des images et des musiques numériques, etc., nous donneront, par le biais dinventions, de productions artistiques, sensibles, de théories, des clés pour comprendre le contemporain.

Éducation et consommation

Tout comme on ne devient pas savant en achetant des livres, on nacquiert pas cette culture numérique en achetant des ordinateurs ou des tablettes. Cest par le biais dun fort investissement dans lapprentissage de lécriture contemporaine, dun développement de lesprit critique (en comparant des textes électroniques, éventuellement avec des logiciels) analogue à celui forgé du temps de limprimé, dune réflexion sur les liens entre technique et pensée, et entre technique et culture, que nous pourrons offrir aux générations futures les plus grandes capacités dagir et les meilleures dispositions intellectuelles.

Jack Goody avait sur le monde un regard étonnamment débarrassé de préjugés. Il allait au bout de ses raisonnements. Il gardait lidée que les humains et leurs pratiques sont toujours comparables, quels que soient les lieux et les époques. En ce sens, il était authentiquement universaliste, avec une générosité non pas mue par une morale ou une charité quelconque, mais confortée par ses enquêtes, sa rigueur et son érudition. Il nous a aussi appris à étudier les humains au prisme de leurs techniques.

À nous de profiter des cartes étonnamment claires et lisibles quil nous a léguées pour comprendre le monde.

Éric Guichard

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Bibliographie

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Goody J. R., « Le rapport au passé dans les cultures orales et écrites », É. Guichard (dir.), Écritures : sur les traces de Jack Goody, Villeurbanne, Presses de lEnssib, 2012, p. 39-45. Version anglaise : http://barthes.enssib.fr/articles/Goody-colloque-ENSSIB-Goody-2008.pdf.

Goody J. R., Lévolution de la famille et du mariage en Europe, Armand Colin, 2012.

Goody J. R., Metals, Culture and Capitalism : An Essay on the Origins of the Modern World, Cambridge University Press, 2012.

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Guichard É. (dir.), Écritures : sur les traces de Jack Goody, Villeurbanne, Presses de lEnssib, 2012.

Lévi-Strauss C., La pensée sauvage, Paris, Plon, 1962.

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Malinowski B., Une théorie scientifique de la culture, Paris, Points, François Maspero, 1968. Premières éditions : 1941 pour larticle, 1944 pour louvrage du même nom ; texte en ligne : http://classiques.uqac.ca/classiques/malinowsli/theorie_culture/theorie_culture.html.

Olson D. R., Lunivers de lécrit, Paris, Retz, 1998.

1 Les personnes désireuses de se familiariser avec cette pensée étonnamment constructive à lheure de linternet et de la puissance technique de nos sociétés liront avec profit son interview réalisée par la revue Vacarme : URL : http://www.vacarme.org/article1814.html.

2 Une version antérieure et légèrement différente de cet article a été publiée en ligne les jours suivant le décès de Jack Goody aux URL : http://barthes.enssib.fr/Goody/Hommage-Goody-EG.html et http://barthes.ens.fr/Goody/Hommage-Goody-EG.html.

3 Parfois, « ils » avaient des qualités originelles que « nous » aurions perdues, comme la mémoire. Goody a invalidé cette croyance : les Lo Dagaa font comme nous quand ils doivent réciter un long texte : ils oublient des fragments, en inventent ou adaptent dautres, etc.

4 De telles mises en contact inattendues sont historiquement attestées : avec la charrue et la métallurgie, par exemple.

5 Le déterminisme technique est en soi une notion fragile et difficile à manipuler. Certains sen servent pour signaler des changements de société, en privilégiant des perspectives (politiques, masculines, matérielles) finalement réductrices et souvent contredites par lhistoire. Par exemple, nous entendons parfois que linvention de lavion ou de lautomobile ont radicalement changé nos modes de vie et nos organisations sociales. Un tel raisonnement noublie-t-il pas des formes (elles-mêmes évolutives) de lorganisation et de la pensée collectives, qui sont décisives dans les transformations de ces deux objets depuis leurs premières apparitions (de nos capacités de calcul à des stratégies dalliance et de pouvoir en passant par les guerres du vingtième siècle et les désirs démancipation individuelle) ? Pourquoi se focaliser sur des objets qui alimentent nos rêves de puissance et de vitesse et non pas sur des inventions qui conditionnent notre survie et nos modes relationnels, comme les vaccins, les antibiotiques et la pilule contraceptive, dont lusage conditionne nos existences, notre présence au monde ?

6 La distinction provenant plus de la capacité à expliquer avec le langage ce quest le langage que de la disposition dun langage, qui, sous forme extensive, est parfois attribué à certains animaux.

7 Ces questions dinterprétation peuvent vite devenir de vrais casse-tête quand il sagit de rapporter la parole dautrui. Quand je lis « il dit quil a mangé », dois je comprendre quune personne (appelons-la Jean) dit « moi, Jean, jai mangé » ou que Jean rapporte les actes de Jacques : « Jean dit que Jacques a mangé » ? En Europe, elles sont objectivées depuis moins de 10 siècles et se posent avec une nouvelle vigueur depuis lessor de linformatique et de linternet.

8 Nous sommes au fait des avantages décisifs quapporte lécriture, en matière de prévision ou dorganisation.

9 Même remarque : à supposer que de telles situations existent aujourdhui. Nous sommes ici dans le registre de lexpérience de pensée, quand lexpérience concrète était encore possible il y a un siècle.

10 Cette expérience est partiellement à lorigine de certaines études de Jack Goody et de ses contemporains (Scribner, Cole, etc.).

11 Même Ramanujan, dont on nous dit quil rêvait les théorèmes de mathématique, avait besoin décrire ses rêves au petit matin.