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Classiques Garnier

Humanités digitales versus humanités numériques, les raisons d’un choix

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Études digitales
    2016 – 1, n° 1
    . Le texte à venir
  • Auteur : Le Deuff (Olivier)
  • Pages : 263 à 264
  • Revue : Études digitales
  • Thème CLIL : 3157 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Sciences de l'information et de la communication
  • EAN : 9782406061939
  • ISBN : 978-2-406-06193-9
  • ISSN : 2497-1650
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06193-9.p.0263
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 29/09/2016
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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Humanités digitales
versus humanités numériques,
les raisons dun choix

Je vais tenter ici de tracer quelques arguments en faveur de digital. Ce choix est aussi celui dune évolution personnelle sur le sujet et dun véritable projet de recherche personnel qui va désormais maccompagner au moins sur les deux prochaines années. Ce sont en fait les pro-numériques qui mont incité à affiner ma réflexion et à trouver davantage darguments en faveur de « digital », choix que javais déjà fait notamment pour le titre de louvrage : le temps des humanités digitales. En effet, lorsque jai relayé lappel à communication sur twitter pour le numéro sur le texte dÉtudes Digitales, jai essuyé une série de critiques voire de moqueries quant à lusage du mot digital. Digital semble un barbarisme ou un terrible anglicisme notamment pour certains de mes amis et collègues québécois qui furent parmi les plus virulents à me reprocher cet outrage à la langue française.

Initialement, je penchais plutôt en faveur de numérique, pour des raisons simples : le mot était davantage usité. Jai changé finalement davis après avoir été un temps favorable à une non-traduction et la conservation de lexpression anglaise de Digital humanities.

Sans doute mon esprit de contradiction a renforcé aussi le fait de rejoindre la position minoritaire1 tout en rejoignant ma position institutionnelle à Bordeaux où le choix de lexpression dhumanités digitales a été fait par Valérie Carayol en 2008 pour lancer une dynamique de projet en ce sens. Cette position est également celle choisie par la plupart de nos collègues suisses années également avec notamment Claire Clivaz qui milite pour ce choix2.

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Laccusation la plus fréquente vient de ceux qui pensent que digital est impropre, car il sagirait dun anglicisme. Dans le cas du digital, ce nest pas un anglicisme, mais un latinisme ! Le digitus est ce doigt qui nous permet finalement de remettre finalement un peu le corps en jeu, là où les discours sur le numérique ont tendance à privilégier une sorte dinstantanéité de linformation. Reste cependant à savoir de quel doigt il sagit ? Cest à mon sens un des principaux enjeux du digital… une discussion qui mavait occupé dans Du tag au Like3, qui est en fait une histoire digitale du passage de lindex au pouce. Cette histoire qui est aussi celle de lindexation a le mérite dêtre double (Le guide des égarés4). Les humanités digitales ont le mérite de nous placer dans lhistoire longue des outils de traitement de linformation.

Le digital est séduisant justement par son côté double, tantôt remède, tantôt poison, ce pharmakon souvent expliqué par Bernard Stiegler pour définir la technique. Un pharmakon également symbolisé par la fameuse digitale, qui illustre le côté potion/poison en étant à la fois un médicament mais également un terrible poison. En ce sens, digital est intéressant, car il oblige à une position mesurée et réfléchie… une position rationnelle et surtout raisonnable alors que numérique apparaît comme étant surtout du côté du ratio, cest-à-dire du calculable… de lidéologie de la société de linformation et que la vérité serait dans les Big Data.

La position digitale apparaît plus poétique, et cela suffit pleinement déjà à me convaincre.

Olivier Le Deuff

Université Bordeaux Montaigne

1 Voir les résultats de lenquête Humanlit sur les littératies et les humanités digitales. URL : http://humanlit.hypotheses.org/206. Le choix dhumanités numériques était majoritaire en 2013.

2 Voir le billet de Claire Clivaz sur ce sujet. http://claireclivaz.hypotheses.org/114.

3 Olivier le Deuff, Du tag au like, FYP éditions, 2012.

4 Olivier Le Deuff : URL : http://www.guidedesegares.info/2014/09/22/la-legende-et-
lindexation-des-individus/