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Classiques Garnier

Empreintes L’actualité en bref

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Études digitales
    2016 – 1, n° 1
    . Le texte à venir
  • Auteurs : Alombert (Anne), Giraud (Pierre-Amiel), Lakel (Amar)
  • Pages : 305 à 310
  • Revue : Études digitales
  • Thème CLIL : 3157 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Sciences de l'information et de la communication
  • EAN : 9782406061939
  • ISBN : 978-2-406-06193-9
  • ISSN : 2497-1650
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06193-9.p.0305
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 29/09/2016
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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Empreintes

Lactualité en bref

FrédéricKaplan, Digital Humanities Laboratory.

Le projet de recherche initié et dirigé par Frédéric Kaplan dans le cadre du Laboratoire des Humanités Numériques (DHLAB) au sein de lÉcole Polytechnique de Lausanne, et financé par le Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique pour une durée de trois ans, a pour objectif détudier les effets rétroactifs du « capitalisme linguistique » et des nouvelles médiations algorithmiques sur les langues naturelles. Lanalyse du modèle économique de Google permet de saisir les mécanismes par lesquels lentreprise transforme la langue en ressource commerciale : les mots se voient attribuer des valeurs par un système denchères des publicitaires et de classement par les algorithmes, renforcé par les services dauto-complétion infléchissant les comportements linguistiques des utilisateurs. Ces outils dauto-complétion intègrent peu à peu le vocabulaire, les formulations et les tournures syntaxiques des textes générés automatiquement, de plus en plus présents sur le web. Certaines productions linguistiques propres à ces textes algorithmiques sont donc automatiquement proposées aux utilisateurs, en guise de suggestions ou de corrections. Textes humains et textes algorithmiques se mêlent ainsi pour constituer de nouvelles formes hybrides décriture, ce qui conduit la langue à intégrer les formes linguistiques des machines et les contraintes de léconomie planétaire. Lexploration du fonctionnement interne des logiciels de traduction automatique dévoile quant à elle les biais culturels introduits par la médiation algorithmique : le passage par une langue pivot lors du processus de traduction introduit dans les langues des logiques spécifiques qui détruisent leur idiomaticité. Il sagit donc de développer des concepts et des outils pour étudier cette rétroaction de la technologie et de léconomie sur les langues naturelles, 306qui aboutit à un nouvel impérialisme linguistique et à une entropisation de la langue, à travers lautomatisation des pratiques décriture et de traduction.

Site du DHLAB : http://dhlab.epfl.ch/

Blog de Frédéric Kaplan : https ://fkaplan.wordpress.com/

Anne Alombert

École normale supérieure de Lyon
Université Paris Ouest – Nanterre – La Défense

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Olivier Le Deuff (dir.), Le Temps des humanités digitales, Limoges, FYP éditions, coll. « Société de la connaissance », 2015, 176 p.

En onze chapitres en sus de lintroduction et de la conclusion, Le Temps des humanités digitales donne à voir, dans toute sa diversité, le paysage francophone de cette « communauté » que celles-ci dessinent. Louvrage associe ainsi des textes ancrés dans de multiples disciplines (sciences de linformation et de la communication, histoire, littérature, esthétique), abordant une palette de problématiques particulièrement vaste (épistémologique, organisationnelle, politique), selon des formats tout aussi variés (synthèse, compte rendu de projet, témoignage, proposition). Cette hétérogénéité revendiquée montre bien en quoi ce mouvement scientifique ressemble par bien des aspects à une stimulante « auberge espagnole », selon la formule dOlivier Le Deuff lui-même. Louvrage joue, pour tout dire, de la mise en scène volontaire de ce foisonnement. Ainsi, certains chapitres sont le fait dingénieurs tels que Pouyllau et Machefert, valorisant la place centrale que ce métier occupe dans les dispositifs de recherche liés aux humanités digitales.

Selon ses centres dintérêt, le lecteur peut mettre à profit cet éclectisme pour entrer dans ce livre-réseau en divers points avant de poursuivre son trajet vers dautres chapitres qui ne manqueront pas dinterroger ce quil a déjà lu. Le novice se dirigera successivement du premier au huitième chapitre avant de se pencher sur la conclusion puis lintroduction. Ces trois derniers textes dOlivier Le Deuff lui offriront une vision synthétique de lhistoire des Humanités Digitales qui, des Busa aux THATCamps, percent aujourdhui dans le champ des formations universitaires. Il pourra ainsi mieux comprendre pourquoi « le temps des changements » scientifiques et épistémologiques est venu, temps qui engage une « métamorphose » de la recherche vers « une forme desprit hacker ». Cette transformation radicale justifie les propositions finales de lauteur, quelles portent sur les Humanités Digitales populaires et les humanlabs, ou quelles prédisent lévolution de larticle scientifique vers une forme proche de lAPI.

Une lecture spécifiquement épistémologique est également possible. À ce titre, les chapitres interrogeant les mutations des institutions scientifiques sont particulièrement pertinents : la bibliothèque (Cormerais ; Le Deuff ; Machefert) ; la lecture des sources (Clavert), la lecture des 308images (Thély) ; la littérature scientifique (Pouyllau ; Audet) ; lhypothèse (Kaplan, Fournier & Nuessli ; Plantin) ; lécriture scientifique (Kaplan, Fournier & Nuessli ; Audet).

Enfin, deux témoignages illustrent concrètement le processus quengagent les Humanités Digitales. Quils adoptent un point de vue institutionnel (Machefert) ou personnel (Pouyllau), lun et lautre ouvrent des perspectives, tant en termes demployabilité quen matière de pilotage des institutions.

Le déploiement réticulaire et polyphonique de cet ouvrage en fait la richesse. Cette démarche, si nouvelle pour le chercheur, peut toutefois dérouter en ce quelle saccommode mal de la logique du plan entendu comme un simple emboîtement. Et cest plus dans cette dynamique de mise en correspondance quil faut trouver un fil rouge, que dans une tentative de découpage entre histoire, réalisations et enjeux.

Pierre-Amiel Giraud

Université Bordeaux Montaigne

UMR 5319 – PASSAGES

309

Rémy Rieffel, Révolution numérique, Révolution culturelle ?, Gallimard, coll. « Folio actuel », 2014.

« Les discussions à ce propos sont souvent véhémentes et passionnées et les constats contradictoires. Tentons, autant que faire se peut, de saisir les principaux enjeux en la matière » nous déclare, Rémi Rieffiel, à la page 95 de son nouvel ouvrage, « Révolution numérique, Révolution culturelle ? ». Lauteur est loin dêtre un inconnu des étudiants en journalisme et de tous ceux qui préparent les concours à ces écoles. Auteur de synthèses, il nous a déjà livré sa Sociologie des médias, ouvrage de 2001 sans cesse revu et augmenté aux Éditions Ellipses, et des ouvrages plus historiques sur la caste des journalistes en France. Avec le présent ouvrage, cest encore un esprit de synthèse qui lanime mais cette fois pour aborder ce pan des sciences de linformation et de la communication (infocom) quest la thématique « Internet et Société ». En 166 pages claires et concises (si lon exclus les bibliographies et les notes de bas de page), lauteur aborde littéralement tous les sujets de la discipline. 7 chapitres, 28 thématiques pour définir internet et ses usages, lépistémologie de la technique, lindustrie culturelle sur internet, le marketing digital, la fracture numérique, les réseaux sociaux, le souci de soi, les adolescents, la culture du partage, lopen source, etc. Il paraissait impossible dêtre si exhaustif en si peu de pages et pourtant lauteur relève le défi avec un style et une clarté qui rend louvrage accessible à un très grand public.

Bien sûr un exercice si périlleux a ses limites. Lauteur annonce clairement vouloir juste faire un « premier bilan en la matière ». Ce premier bilan de par sa focale, son échelle scopique, frustrera à coup sûr tel ou tel spécialiste dun ou de plusieurs thématiques abordées. En fait, chaque sous-chapitre est construit comme une note de synthèse directement employable pour les révisions dun concours sur la question de limpact dInternet sur les pratiques sociales. Et Dieu sait si aujourdhui le sujet est à la mode. Du bac au concours des grandes écoles, Internet fait débat et il est difficile dextraire le travail de la recherche des pamphlets prophétiques. Les références bibliographiques et les auteurs sont piochés dans le panthéon de linfocom ou dans les incontournables du sujet. On peut bien sûr souligner de ci de là, les généralités voir les questions encore sujet à débat qui sont parfois tranchées un peu trop abruptement. Mais ça serait ici hors de propos. Il ne sagit ni dun dictionnaire ni dune 310somme de la recherche en la matière. Prenons en main louvrage et on en comprend la portée : une introduction pour le citoyen éclairé ou limpétrant qui souhaite à un moment faire rapidement le tour dhorizon voir le bilan des problématiques que pose le numérique à notre société.

Pour autant, on peut regretter lhorizon de ce tableau général qui est réduit véritablement au cercle restreint du cœur disciplinaire de linfocom. Lauteur rend hommage aux pères et pairs de la discipline et donc en réduit la portée pour les cercles extérieurs. Pour autant, Rémi Rieffel vient de nous livrer une très belle clé dentrée pour un champ disciplinaire qui doit encore et toujours démontrer son utilité dans la recherche en sciences humaines et sociales. Avec un talent pédagogique indéniable et une légèreté dans la plume, il permet doffrir au plus grand nombre une introduction aux recherches des 20 dernières années en infocom sur limpact dinternet dans nos pratiques sociales.

Rémy Rieffel (né en 1954), sociologue des médias, est professeur à luniversité Paris II Panthéon-Assas et à lInstitut français de presse (IFP) et directeur du Carism (depuis 2014). Il est spécialiste de la sociologie des médias en général et des journalistes en particulier avec lesquels il a une très grande proximité.

Amar Lakel

Université Bordeaux Montaigne