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Classiques Garnier

De « numérique » à « digital »

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Études digitales
    2016 – 1, n° 1
    . Le texte à venir
  • Auteur : Clivaz (Claire)
  • Pages : 255 à 256
  • Revue : Études digitales
  • Thème CLIL : 3157 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Sciences de l'information et de la communication
  • EAN : 9782406061939
  • ISBN : 978-2-406-06193-9
  • ISSN : 2497-1650
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06193-9.p.0255
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 29/09/2016
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
255

De « numérique »
à « digital »

La Suisse Romande connaît depuis 2012 des développements institutionnels qui comportent ladjectif « digital » : laboratoire dhumanités digitales à lEPFL, laboratoire de cultures et humanités digitales et spécialisation de master à lUniversité de Lausanne. La situation francophone académique est donc plurielle, et le débat devrait viser à en expliciter les enjeux plutôt quà gagner à une cause. À noter tout dabord que dans lexpression « humanités digitales », le terme d« humanités » signale également un emprunt à langlais : on ne lutilise plus guère en français, où on a toutefois gardé lexpression désuète « faire ses humanités ». Ce sont donc les « humanités digitales » dans leur ensemble qui signalent un déplacement langagier, qui ne fait que refléter celui qui a eu lieu en anglais entre Humanities Computing (humanités numériques) et Digital Humanities (humanités digitales). Le computing/numérique renvoie aux deux premières générations de la rencontre entre sciences humaines et informatique, et signale un rapport plutôt cérébral, distancé, à la chose informatique : on ne met pas encore les mains dedans. Jacques Perret traduit en 1955 computer par ordinateur, pour des raisons à consonances y compris théologiques1 : on est à distance, une distance qui culminera dans la notion de cloud, la nuée. Comme Darnton le soulignera, larrivée de liphone signale par contre la découverte dun monde nouveau avec ses doigts, si bien décrite en allemand par le sentiment de Fingerspitzengefühl2. Les indicateurs dun tournant épistémologique se sont multipliés depuis 256le début du nouveau siècle3. Le 23 décembre 2014, Current Biology a publié les résultats dune étude sur limpact (positif) sur le cerveau de lusage des doigts et pouces via les smartphones4 : les humanités digitales nous conduisent jusquau seuil de la rencontre – à explorer et à décrypter – entre le corps et la matière digitale, bien au-delà de la distance de sécurité dont le terme « numérique » se croyait le gardien investi.

Claire Clivaz

Institut Suisse de Bio-informatique

1 Voir la lettre de Jacques Perret, professeur à la Sorbonne, au président dIBM en 1955 : URL : http://www.histoire-cigref.org/blog/ainsi-naquit-le-mot-ordinateur/ ; consulté le 27/12/14.

2 Robert Darnton, The Case for Books : Past, Present, Future, New York : PublicAffairs, 1999, p. xiii.

3 Claire Clivaz, « Common Era 2.0. Mapping the Digital Era from Antiquity and Modernity », in Reading Tomorrow. From Ancient Manuscripts to the Digital Era / Lire Demain. Des manuscrits antiques à lère digitale, C. Clivaz – J. Meizoz – F. Vallotton – J. Verheyden (eds.), with Benjamin Bertho, Lausanne : PPUR, 2012, ebook, p. 23-60.

4 A.-D. Gindrat et al., « Use-Dependent Cortical Processing from Fingertips in Touchscreen Phone Users », Current Biology (23.12.2014), DOI : URL : http://dx.doi.org/10.1016/j.cub.2014.11.026.