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Classiques Garnier

Introduction La maladie et ses lieux

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Éthique, politique, religions
    2021 – 2, n° 19
    . varia
  • Auteurs : Brancher (Dominique), Gontier (Thierry)
  • Résumé : L’attention de Montaigne à la maladie s’étend à des champs épistémiques très différents : médical, psychologique, moral, politique, voire métaphysique. La maladie apparaît non comme un accident venant perturber une « nature » par elle-même « saine », mais comme une composante essentielle de cette nature. Cette introduction a pour but d’opérer une première recension des significations de cette notion ambivalente dans le lien à leurs contextes.
  • Pages : 13 à 21
  • Revue : Éthique, politique, religions
  • Thème CLIL : 3133 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie contemporaine
  • EAN : 9782406126232
  • ISBN : 978-2-406-12623-2
  • ISSN : 2271-7234
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12623-2.p.0013
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 15/12/2021
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : médecine, anthropologie, scepticisme, passions, corruption, crise sociale
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Introduction

La maladie et ses lieux

« [N]ous ne sommes jamais sans maladie » (II, 12, 569A1) écrit Montaigne, idée que partagent nombre de ses contemporains, et parmi eux des praticiens : pour Juan Huarte, lhomme, « depuis le jour de sa naissance, jusquà celuy de sa mort », nest « autre chose quune maladie continuelle » et le monde « une maison de foux [casa de locos]2 », comme Démocrite en avait convaincu Hippocrate ; quant au chirurgien Jacques Duval, il rappelle que pour Galien, il est aussi rare de rencontrer un tempérament équilibré, ad pondus, quun orateur parfait, comme le déplore Quintilien3. Or pour Montaigne, toute aspiration à une perfection tempéramentale ou énonciative savère vaine en labsence de critère pour la cerner, et le déséquilibre humoral dun individu ne le rattache pas à un type desprit, comme chez Huarte, mais le singularise ; plus encore, écrire est aussi bien une manière de se prendre à, que de se déprendre du jeu de ses complexions malades, terme quil utilisera de plus en plus fréquemment au pluriel4. Adoptant des mouvements contradictoires de balancier pour déséquilibrer la médecine et rééquilibrer sa pensée, Montaigne problématise la notion de nature qui est au cœur de la 14tradition médicale, où « le retour à la santé est le retour à la nature elle-même5 ». Par ce travail critique, il assure lhygiène paradoxale dune pensée saine dans un corps malade, et pratique une « exercitation » de soi salutaire en dépit de – ou grâce à – ses pathologies quil fabrique autant quil les subit :

Jayme les pluyes et les crotes [la boue| comme les canes. La mutation dair et de climat ne me touche point ; tout Ciel mest un. Je ne suis battu que des alterations internes que je produicts en moy, et celles là marrivent moins en voyageant. (III, 9, 974B)

Si ailleurs Montaigne souligne le puissant effet de « lair, du climat et du terroir où nous naissons » sur la complexion et même les « facultez de lame » dun individu (II, 12, 575B), il sarrache ici à ce déterminisme climatique dont le traité hippocratique Airs, eaux, lieux avait posé les fondements6. La production autarcique d« alterations internes », calculs rénaux ou autres turbulences physiologiques et mentales dont il pouvait souffrir, déjoue le puissant effet du milieu, sans pour autant chercher à échapper à cette emprise en prenant « nouvelle complexion », en sacclimatant aux lieux traversés (II, 12, 575B)7. Car ce nest pas « la mutation dair et de climat » qui affecte Montaigne, mais le déplacement même de son corps qui, paradoxalement, en apaise les tourments, en lempêchant de se fixer à un lieu, dêtre cloué à une complexion.

Séloigner du pays natal aurait dailleurs été propice à sa gloire littéraire, selon un ajout manuscrit de lexemplaire de Bordeaux :

En mon climat de Gascongne, on tient pour drolerie de me veoir imprimé. Dautant que la connoissance quon prend de moy sesloigne de mon giste, jen vaux dautant mieux. (III, 2, 809C, nous soulignons)

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Certes, le « climat », zone terrestre déterminée par des facteurs géographiques, avait pris le sens plus général de « région » ou « pays » ; mais lusage du terme est suffisamment rare dans les Essais pour y lire une réinterprétation ludique de la tradition hippocratique selon laquelle des facteurs aussi bien naturels que culturels concourent à façonner ceux qui y vivent. Ainsi séclaire sous un jour nouveau ladage bien connu, nul nest prophète « en son païs », et cela « mesmes aux choses de neant » comme son livre, ajoute ironiquement Montaigne.

Lorsquen juin 2019 sest tenue à lUniversité de Bâle une rencontre, qui est à lorigine de ce volume, consacrée à la manière dont Montaigne gyrovague travaille la notion polysémique de maladie8, ce lieu (ou ce climat) pouvait trouver une légitimité toute hippocratique de par le rôle exceptionnel joué par les lettres médicales dans son histoire, et les liens que Montaigne tissa avec certains de ses principaux acteurs. Lors de son périple européen mêlant souci thérapeutique et observation anthropologique, cure de soi et curiosité pour la diversité des us et coutumes comme le souligne Rebekka Martic dans ce volume, il séjourna quelques jours à Bâle, en automne 1580, rencontrant deux médecins enseignant à la Faculté de médecine, Felix Platter et Theodor Zwinger. Paracelse, autre figure illustre de la ville, puisquil y fut engagé comme médecin puis chassé en 1529 pour avoir brûlé en public le canon dAvicenne, se trouve quant à lui convoqué dans les Essais au titre de médecin dissident violemment anti-galéniste. Aux côtés de Fioravanti et Argenterius (II, 37, 772), il sert à illustrer lidée de linstabilité doctrinale de la médecine – raison de ne pas mettre sa vie à lépreuve de ses « nouvelletez ». Parmi toutes les figures dautorité quil foula au pied, Paracelse épargna cependant Hippocrate, commentant ses aphorismes et lestimant salutaire pour lhomme déchu, car le médecin grec vit dans la Nature et est maître de sa lumière : mieux vaut implorer son aide que celle de Juvénal9.

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Les locaux qui accueillirent pour partie lévénement, le Bildungzentrum Hotel (aujourdhui rebaptisé Odelya), ajoutaient à leur manière une brique à cette histoire, puisquils constituèrent à lorigine le quartier général de la Mission évangélique bâloise, où étaient formés les missionnaires et éduqués leurs enfants. Une partie du bâtiment abrite aujourdhui des archives passionnantes sur lhistoire de ces missions, qui ont également donné leur nom à cette rue, Missionsstrasse. Or le jeune Hermann Hess notamment y fut écolier, son père ayant été engagé comme éditeur du magazine de la mission. Bien plus tard, à lautomne 1899, Hesse travailla dans une librairie doccasion à Bâle, avant de se consacrer entièrement à lécriture, couronnée en 1946 par le prix Nobel.

Or il est un petit ouvrage dHermann Hess, Psychologia Balnearia, publié en 1924 à lâge de 47 ans, qui fait lointainement écho aux expériences de Montaigne, qui sexclamait « la vaine chose que cest que la médecine10 » le 11 mai 1581, aux bains della Villa, lors dun voyage consacré pour partie à écumer les stations thermales dEurope (Plombières, Baden, Lucques, et Pise), et à honorer la « sotte costume de conter ce quon pisse11 ». Hesse y raconte, avec drôlerie et désespoir, ses aventures à Baden-Baden, station thermale réputée où les patients nétaient pas conduits par leur embonpoint mais par la maladie (goutte, rhumatisme, calculs). Santé oblige, Montaigne, alors quil baignait dans les mêmes eaux de la quarantaine, séjourna quant à lui à Baden, mais le Baden suisse, pendant quatre jours, en octobre 1580, lieu également fréquenté par Paracelse, dont Leibniz disait « quil était le plus médecin de tous les fous et le plus fou de tous les médecins ».

Dans le sillage de Montaigne, Hermann Hesse conjugue le rôle du patient à celle de lobservateur aiguisé et cruel, faisant sienne la première maxime du Crépuscule des idoles de Nietzsche : « Loisiveté est le commencement de la psychologie ». Car il offre lentomologie minutieuse de la faune dune ville de cure, et surtout se décrit en son sein, entretenant avec les autres malades des rapports qui varient entre la plus grande bienveillance et une incurable antipathie. De son expérience, il fit donc œuvre, comme Montaigne chez qui la cure, au double sens de souci de 17soi et de soin, passe par un régime décriture auquel il a su donner une forme inédite, en cherchant à traduire lépaisseur phénoménologique de sa vie : « Je me taste au plus espais du mal » (II, 37, 762C).

La bibliographie des études sur Montaigne compte de nombreux travaux sur ce que Jean Starobinski a appelé « le moment du corps12 ». Menés selon des perspectives et méthodes différentes, à la croisée de la littérature, de la philosophie et de lhistoire de la médecine, ces travaux ont permis daffiner notre compréhension de lexpérience du corps chez cet auteur, tout en dévoilant les affinités électives entre écriture, pensée sceptique et expérience physiologique. Ce volume souhaite réinterroger et renouveler létude du corps chez Montaigne à travers le prisme de la maladie qui devient à son tour un prisme métaphorique pour appréhender les maladies du corps politique et social de son temps. De par sa polysémie et sa plasticité intrinsèques, la notion dépasse ainsi lexpérience individuelle de lécrivain malade pour se faire représentative de la « condition humaine » face à la pathologie. Nous envisagerons donc la maladie selon plusieurs axes qui ne cesseront de sentrecroiser et de se recouper.

Au sens anthropologique, la maladie définit la condition originelle qui affecte lêtre humain dans sa complexité physique, psychique et affective. Elle affecte tout dabord les corps. Du point de vue médical et physiologique, la maladie se révèle comme expérience douloureuse dépassant le pathologique pour devenir condition dune perception aiguisée de soi comme être vivant, jouissant et écrivant. Montaigne ne parle pas seulement de la maladie : il décrit sa maladie et ses diverses formes symptomatiques, les phases de sa souffrance, lalternance des états de rémission et de récidive. Comme le montre Sylvia Giocanti, la définition de la santé donnée par lOMS en 1946, comme « un état de complet bien-être corporel, mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou dinfirmité », est à lopposé de lexpérience la plus ordinaire, que Montaigne tente danalyser dans les Essais. De fait, nous apprenons par lexpérience : dans le chapitre éponyme III, 13, le fruit de lexpérience, qui donne au vieillard une forme de connaissance supérieure, est précisément celle de la proximité et de la relativité de la maladie et de la santé. John Christian Laursen 18rapproche sur ce point Montaigne des cyniques, tout en précisant que contrairement à Diogène, qui préconise le suicide contre la douleur, Montaigne se rallie à Antisthène, qui refuse de « guarir les maladies par la mort » (III, 9, 358) – il nous faut donc vivre avec la maladie. Inversement, Montaigne critique les médecins qui nous tuent en voulant nous guérir. La maladie fait partie de notre nature de sorte quil ny a pas, ni dans la vie ni dans la mort, dêtre de lhomme au-delà de lhorizon de la maladie. Philosopher, cest en ce sens apprendre à être malade – et cela vaut aussi bien pour la médecine que pour la politique.

Lesprit, ici comme ailleurs, suit le corps : la variabilité et la mutabilité font partie de sa nature la plus intime. Montaigne fait lexpérience de la faiblesse voire du dérèglement de la raison, qui ouvre sur la nécessité dun régime de santé mentale. Les philosophies stoïcienne et épicurienne ne savent guérir la maladie que par la mort du patient – comme le souligne Nicola Panichi à partir de lhistoire de Lycas, qui ne peut guérir de son « humeur peccante » (le refuge dans un monde dillusion) quau prix de la vie. Le fameux « scepticisme » de Montaigne tient avant tout dans cette expérience de la volubilité et dissolution de lesprit, inscrite si profondément dans sa nature que les lois, coutumes, science, préceptes, « peines et recompenses mortelles et immortelles » ne sauraient en venir à bout (II, 12, 559). Cette instabilité se traduit en particulier par une curiosité insatiable, étudiée ici par Rebekka Martic. En un sens, Montaigne rejoint la tradition hellénique de critique de la périérgia et de la polypragmosunè et la tradition patristique, post-augustinienne de critique de cette libido sciendi quest la curiositas, en y voyant lui aussi un dérèglement de lesprit. Mais, loin de chercher un remède, Montaigne voit dans cette curiosité une vertu de lesprit :

Nul esprit genereux ne sarreste en soy : il pretend tousjours et va outre ses forces ; il a des eslans au delà de ses effects ; sil ne savance et ne se presse et ne saccule et ne se choque, il nest vif quà demy ; ses poursuites sont sans terme, et sans forme ; son aliment cest admiration, chasse, ambiguité (III, 13, 1068).

Ce dérèglement est aussi lune des marques de lécriture des Essais. Le texte dAlain Legros montre que l« escrivaillerie », simple bavardage sans ordre, est un symptôme du siècle que Montaigne lui-même assume dans sa propre écriture, ne sachant trop sil doit attendre de cette historia de 19lesprit humain que sont les Essais un simple témoignage de sa plasticité déréglée ou une forme de discipline : laissé à lui-même,

mon esprit [], faisant le cheval eschappé menfante tant de chimeres et monstres fantasques les uns sur les autres, sans ordre, et sans propos, que pour en contempler à mon aise lineptie et lestrangeté, jay commancé de les mettre en rolle, esperant avec le temps luy en faire honte à luy mesmes (I, 8, 33).

Cette instabilité psychologique nisole dailleurs pas lhomme dune nature qui serait, comme chez Platon ou Aristote, un principe de stabilité et de rationalité dans un monde en mouvement. Car le monde lui-même est en quelque façon atteint par la maladie. Au sens épistémologique, la maladie se fait expérience de lincertitude face à un monde ressenti comme « branloire perenne » (III, 2, 804). Le scepticisme nest pas un renoncement à saisir la nature, mais, paradoxalement, la seule méthode dapproche de celle-ci, les systèmes rationalistes et dogmatistes révélant pour leur part leur incapacité à se mesurer à la mutabilité de lêtre.

Cette anthropologie détermine une morale qui tourne le dos au raidissement stoïcien, en prenant pleinement en compte les passions et la dimension du corps. La concupiscence (lépithumia des Grecs), toute irrationnelle quelle puisse paraître à la tradition morale antique, est, nous dit Montaigne, « moins desbauchée que ma raison » (II, 11, 428). La sexualité humaine, étudiée dans les articles de Sylvia Giocanti et de John Christian Laursen, manifeste clairement ce paradoxe dune sexualité qui apparie « les fols et les sages, et nous et les bêtes » (III, 5, 877), tout en revêtant une valeur normative à lencontre des rêves dapatheia et dataraxia des grandes morales rationalistes.

Au sens politique enfin, la maladie est expérimentée dans le chaos du corps social en temps de guerres civiles. Montaigne nest certes pas le premier à penser le corps politique à travers un prisme physiologique et médical. Les métaphores biologiques du « corps » ou de l« organisme » social prennent leurs sources dans la pensée antique (Platon, les stoïciens, le pseudo-Plutarque), médiévale (par exemple chez Jean de Salisbury) et renaissante (Marsile de Padoue, Jean Buridan et Jean de Jandun, par exemple)13. Elles ont dordinaire pour fonction de mettre en valeur la priorité de la totalité par rapport aux parties qui la composent et la 20solidarité de ces parties, qui sont autant dorganes destinés à la santé de lensemble. Pour les métaphores plus spécifiquement médicales du politique, elles remontent elles aussi à lAntiquité. Comme le rappelle Eric Voegelin14, cest Thucydide, dans son étude « de la désintégration morale et de la destruction physique » dAthènes, qui a introduit le terme hippocratique de kinèsis, pris comme un synonyme de nosos, renvoyant à une maladie de lordre politique. De cette maladie, le médecin-historien doit donner une modélisation, sous la forme dun « tableau clinique » – cest ce que Thucydide nomme éidos ou idéa, termes qui renvoient au vocabulaire de la médecine empiriste. Platon, explique Voegelin, entendra fournir lidea de la cité saine, et non seulement de la cité malade. Si cest le cas, alors on peut dire que Montaigne rapporte ces analogies médicales à leur champ sémantique originel : non à la cité en bonne santé (si tant est que cette cité existe hors de nos phantasmes sociaux), mais à la cité corrompue. Il reste que, pour Montaigne, la corruption nest pas vraiment lantonyme dune nature comprise comme intégrité. Même la ville de Philippe, fondée en amassant les « plus meschans hommes et incorrigibles quil [i.e. Philippe de Macédoine] peut trouver » na pas été sans ordre, et Montaigne se plait à imaginer que ces hommes « dressarent des vices mesme une contexture politique entre eux et une commode et juste societé » (III, 9, p. 956). Les guerres civiles sont moins une exception à la règle quun révélateur de la vrai nature de la société, fondée non sur lamitié et le partage didéaux communs, mais sur un ordre de légoïsme et de la vanité. Lexpérience politique de Montaigne rejoint ici son expérience plus intime de la maladie de la pierre : il ny a dordre quau sein dun désordre et dune perturbation.

Lambivalence de cette notion de maladie ne tient cependant pas seulement à son application à différents champs épistémiques. La maladie prend chez Montaigne deux connotation opposées. Elle est valorisée lorsquelle définit une forme dordre que le rationaliste est incapable datteindre. Mais en retour, du point de vue du malade pour ainsi dire « sain » (car les maladies, nous dit Montaigne, ont leur santé), cest lhomme prétendu en bonne santé et exempt de toute pathologie qui est 21le vrai malade, victime de ses illusions et de ses passions de gloire. La maladie prend ici un sens résolument négatif, se rapportant aux figures, innombrables dans les Essais, du dogmatiste sous toutes ses formes (celle du médecin comme celle du philosophe ou du théologien), du fanatique et du sectaire – maladie dont les symptômes ne sont en ce temps que trop visibles : arrogance et esprit partisan, cruautés (contre soi-même, contre les autres), colonisation au sens très large (prédation de la nature, anthropocentrisme, conquista), etc. En ce sens, et en ce sens seulement, la maladie est lantagoniste de tout ordre humain et la maladie « saine » une forme de restauration de cet ordre.

La réflexion commune autour de cette notion polysémique, dont Montaigne travaille léquivocité, ne voudrait pas se limiter à sa seule œuvre. Les différents auteurs ont envisagé les liens quelle tisse avec son contexte et dautres œuvres contemporaines, ainsi que sa postérité, en la faisant dialoguer avec la philosophie moderne ultérieure (Robert Burton dans létude de John Christain Laursen) contemporaine (Stanley Cavell dans létude de Sylvia Giocanti) et en la rattachant, explictement ou implicitement, à des questions dactualité cruciales.

Dominique Brancher

Université de Bâle

Thierry Gontier

Université de Lyon / IRPhiL / LabEx COMOD

1 M. de Montaigne, Essais, éd. Pierre Villey, Paris, PUF, « Quadrige », 1992 (1924, 1965). Les références au livre, essai et page seront désormais indiqués dans le texte.

2 J. Huarte de San Juan, LExamen des esprits pour les sciences ou sont monstrees les differences dEsprits qui se trouvent parmy les hommes, et à quelle sorte de science chacun est propre en particulier, Composé par Jean Huarte, Medecin Espagnol, Nouvellement traduit suivant lancien Original. Augmenté selon la derniere impression dEspagne. Reveu, corrigé et mis en meilleur ordre en cette derniere Edition. Premiere Partie, Paris, René Guignard, 1668, fol. [vv-vir ; fol. gr]. Il sagit dune traduction, par Charles Vion dAlibray, des deux éditions espagnoles : la princeps de 1575 et la reformada de 1594.

3 J. Duval, Traité des hermaphrodits, parties génitales, accouchemens des femmes, etc., Paris, Liseux 1880 [Des hermaphrodits, accouchemens de femmes, et traitement qui est requis pour les relever en santé, Rouen, David Geuffroy, 1612], p. 298.

4 V. Giacomotto-Charra, « De lessai comme régime aux nouveaux essais de régime : retour sur Montaigne et la diététique de son temps », Montaigne Studies, no 32, 2020, p. 29-49.

5 G. Barroux, « Présentation », Corpus no 54, numéro thématique « Médecine et anthropologie », éd. G. Barroux, 2008, p. 5-24, 17.

6 Sur ce regain de lhippocratisme, voir V. Nutton, « Hippocrates in the Renaissance », in éd. G. Baader et R. Winau, Die hippokratische Epidemien. Theorie-Praxis-Tradition (Sudhoffs Archiv., Beihefte 27, Stuttgart : Franz Steiner, 1989), p. 420-439 et I. M. Lonie, « The “Paris Hippocratics” : Teaching and Research in Paris in the Second Half of the Sixteenth Century », dans éd. A. Wear, R. K. French et I. M. Lonie, The Medical Renaissance of the Sixteenth Century (Cambridge : Cambridge University Press, 1985), p. 155-174.

7 Sur ce point, voir la belle analyse de D. Rouiller, Des airs, des lieux et des hommes. Les théories des climats à la Renaissance, Genève, Droz, 2021, chap. xiv, « “Prendre nouvelle complexion” (Michel de Montaigne) », p. 351-380.

8 La rencontre sinscrivait dans le cadre de l« Atelier Montaigne », une structure dynamique de recherche créée en 2013 à Lyon en tant que projet commun pluriannuel du Labex COMOD, qui collabore avec de nombreuses autres institutions (Université de Chicago à Paris, CRRLPM / ENS-Ulm, La Scuola Normale Superiore de Pise).

9 Voir « Hippocrates and the Construction of “Progress” in Sixteenth- and Seventeenth-century Medicine », in D. Cantor (ed.), Reinventing Hippocrates, Oxon/New York, Routledge,, 2016 [Ashgate Publishing, 2001], p. 37-58, 39 ; Theophrast von Hohenheim gen. Paracelsus, Sämtliche Werke, I. Abteilung : Medizinische naturwissenschaftliche und philosophische Schriften, ed. K. Sudhoff, 12 vols, Munich, Berlin, R. Oldenbourg, 1922–31, Vol. VIII (1924), p. 321.

10 Journal du Voyage de Michel de Montaigne en Italie. Par la Suisse & lAllemagne en 1580 & 1581, avec des notes par M. de Querlon. TOME PREMIER, Paris, Edme-Jean Le Jay, 1774, p. 92.

11 Ibid.

12 J. Starobinski, Montaigne en mouvement, Paris, Gallimard, 1982.

13 Sur ces points, voir Thierry Gontier, « Vie contemplative et vie active chez Pietro Pomponazzi : autour de la comparaison organiciste du chapitre 14 du De immortalitate animæ », Ch. Trottmann (dir.), Vie active et vie contemplative au Moyen Âge et au seuil de la Renaissance, Rome, Collection de lÉcole Française de Rome, 2009, p. 443-471.

14 Voir lintroduction de Thierry Gontier dans Eric Voegelin, Ordre et Histoire III : Platon et Aristote, Paris, Éditions du Cerf, 2015, p. 36-37.