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Classiques Garnier

Critiques du solipsisme et critique de l’État-nation chez Habermas

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Éthique, politique, religions
    2020 – 1, n° 16
    . Mythes de l'intériorité, du métaphysique au politique ?
  • Auteur : Nouët (Clotilde)
  • Résumé : Partant de la relation intersubjective dans le langage, Habermas oppose un paradigme dit « de l’entente » au mentalisme des philosophies de la conscience. Rejettant le modèle solipsiste sur le plan épistémologique, ce paradigme peut aussi se substituer au modèle hobbesien du « contrat ». Habermas critique les limites de l’État-nation moderne : celui-ci, tel qu’il est conçu par analogie avec l’individu hobbesien de l’état de nature, peut faire l’objet d’une critique politique du solipsisme.
  • Pages : 91 à 107
  • Revue : Éthique, politique, religions
  • Thème CLIL : 3133 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie contemporaine
  • EAN : 9782406105732
  • ISBN : 978-2-406-10573-2
  • ISSN : 2271-7234
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10573-2.p.0091
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 08/06/2020
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Solipsisme, entente, État-nation, espace public, communication
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Critiques du solipsisme et critique
de lÉtat-nation chez Habermas

On ne peut quêtre frappé par linsistance qui fut celle dHabermas, dans la Théorie de lagir communicationnel, comme dans le Discours philosophique de la modernité, à thématiser la nécessité dun « changement de paradigme1 », sous la forme dune « sortie » hors de la tradition philosophique, désignée comme étant logocentrique et monologique, lenjeu étant den finir avec la philosophie du sujet ou de la conscience qui selon lui constitue à tort le point de départ de la pensée moderne. Par ailleurs, sa philosophie politique sest affrontée de façon récurrente à la question des limites historiques de lÉtat-nation : en alliant analyse philosophique2 et évaluation critique des institutions européennes3, Habermas a cherché à libérer la citoyenneté du carcan nationaliste. Aussi semble-t-il exister dans sa pensée une passerelle entre sa critique métaphysique et sa critique politique du solipsisme (bien que, dans ce dernier cas, le terme ne soit pas explicitement employé par lui), ce qui pourrait apporter une contribution intéressante à lhypothèse que ce présent numéro dÉthique, Politique, Religions entend mettre à lépreuve, et qui recoupe, telle que je lentends, une double question : comment penser la communauté politique sur des bases autres que celles déployées par les « mythes » du contrat social national4 ? Dans cette quête, la philosophie du langage, qui sest attaquée au mythe de lintériorité 92sémantique, peut-elle être mise au service dune critique du mythe de lintériorité politique ?

Pour ce qui concerne Habermas, on sattachera ici à voir si cette critique du « solipsisme » politique permet déclairer son refus à ce que lespace politique où sexerce la délibération soit identifié sans reste à lespace structuré par lÉtat-nation moderne. En interrogeant les limites socio-historiques de notre conception de lÉtat, Habermas montre en effet que la citoyenneté, irréductible à lexercice dune vertu civique nécessairement nationale, recouvre une pratique délibérative capable de seffectuer dans des espaces publics transnationaux. Ce dernier concept, sil doit beaucoup à une thématisation historique et normative de la délibération, dispose toutefois dun ancrage dans la philosophie du langage habermassienne, et plus spécifiquement dans le concept « dentente », que Habermas cherche à forger, dune part, contre le solipsisme métaphysique, dautre part, contre une anthropologie hobbesienne nuisible au contractualisme. Il prétend alors lui substituer une toute autre conception et de la rationalité (communicationnelle, et non pas exclusivement instrumentale), et des rapports intersubjectifs, initiant ainsi une refonte anthropologique où se trouve le lieu dun passage de la philosophie du langage à la politique.

Comme on va voir, cette perspective se déploie sur la base dune critique structurante : la critique des philosophies de la conscience, prisonnières dun « mythe de lintériorité » subjectif, auquel Habermas oppose une conception de lentente comme reconnaissance quil forge à partir dune certaine lecture de Hegel (I). À cette critique métaphysique, il est possible semble-t-il darticuler une critique des effets politiques du solipsisme lorsquil est mis au service dune anthropologie de type hobbesien, celle-ci se révélant délétère si elle est appliquée aux rapports entre États (II). Lalternative habermassienne à ce modèle doit alors être envisagée à partir dune réflexion sur les limites démocratiques de lÉtat-nation (III).

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Une critique métaphysique du solipsisme

La théorie sociale et politique développée par Jürgen Habermas, du début des années 1960 aux années 2000, a ceci de caractéristique quelle se constitue, très rapidement, sur la base dun « tournant linguistique » : partant du primat de la relation intersubjective dans le langage, Habermas na cessé de se confronter à ce quil appelle le point de vue des « philosophies de la conscience », pour en dénoncer létroitesse. Plutôt que de « solipsisme », il est davantage question chez Habermas de « mentalisme », comme latteste larticle « Manières de détranscendantaliser. De Kant à Hegel et retour5 », qui offre létat le plus abouti de cette critique depuis les années 1970. Si par « solipsisme », on désigne toutefois la démarche philosophique consistant à reconstruire les opérations de la connaissance du monde à partir du fondement que serait la conscience de soi, originairement close sur elle-même, alors la critique habermassienne du mentalisme propre aux philosophies de la conscience recouvre bien une critique du solipsisme, en ce sens épistémologique.

De Descartes à Sartre, en passant par Kant, Fichte et Husserl, la tradition mentaliste a en effet ceci de caractéristique, selon la lecture quen fait Habermas, quelle identifie le sujet de la connaissance à la conscience de soi, cest-à-dire à la réflexion sur soi dont une instance – le Soi – est capable, et qui lui assure des représentations dobjets. Lopération de la réflexion est conçue comme donnant accès à une sphère intérieure, la subjectivité, qui se définit dabord sur la base dun tel acte fondateur dautoréférence, et la fiabilité de son savoir est évaluée à la lumière de ce critère. Une telle conception mentaliste du sujet de connaissance repose sur trois thèses : (i) lintrospection subjective assure un accès privilégié aux représentations ; (ii) il est possible dexpliquer le savoir à partir de sa genèse dans les expériences subjectives où il trouve son origine ; (iii) enfin, la validité des énoncés épistémologiques est fonction de leur vérité, entendue comme certitude, cest-à-dire évidence subjective. Chacune de ces thèses présuppose le caractère opératoire dun dualisme entre lesprit et le corps, la sphère mentale et la sphère physique, lintériorité et lextériorité :

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Le mental se définit par une frontière qui, du point de vue de la première personne, passe entre le Moi et le Non-Moi, et donc entre ce qui se situe à lintérieur et à lextérieur de ma conscience. Lintérieur et lextérieur recouvrent deux autres délimitations : celle qui sépare la sphère privée de la sphère publique, et celle qui sépare ce qui est immédiatement certain de ce qui lest moins ou qui lest médiatement6.

Or, cest ce paradigme solipsiste quil sagit de déconstruire, en adoptant un tout autre point de départ que celui dune entreprise fondationnaliste : « Depuis toujours, le sujet est engagé dans des processus de rencontre et déchange et découvre quil est situé dans des contextes. [] Il opère dans le monde comme un élément intégré à lensemble du monde7 ». Habermas vise en effet principalement, en recourant à Hegel, « la représentation mentaliste dune subjectivité qui se suffit à elle-même et se délimite de ce qui lui est extérieur []. Hegel écarte ces oppositions et libère les opérations du sujet de la connaissance, que Kant avait déjà compris comme un sujet essentiellement pratique, de lisolement dans lequel se trouve un moi narcissiquement enfermé8 ». Alors que le problème de lintersubjectivité, dans une filiation cartésienne, semble se poser dabord dans les termes de savoir comment déduire lexistence de lautre conscience à partir de critères extérieurs, la voie ouverte par Hegel permet denvisager le langage, non comme le signe de lexistence dun autre séparé de moi et auquel je devrais me rapporter comme à un autre espace mental clos sur lui-même, mais comme le lieu où se constitue ma subjectivité : « Hegel conteste que le sujet connaissant, parlant et agissant se trouve réellement confronté à la tâche de combler un gouffre ouvert entre lui-même et un Autre séparé de lui9 ». Plutôt donc que de partir du mouvement autoréférentiel dune conscience se déterminant comme sujet, il sagirait pour réviser le mentalisme, de partir de lentre-deux, de la médiation, où se joue un rapport de distinction voire de séparation entre deux sujets. Ce paradigme de la reconnaissance est envisagé comme une manière de dépasser ce que Habermas appelle un « égocentrisme10 » : en tant que sujets, nous sommes toujours-déjà auprès dAutrui, comme nous sommes toujours-déjà engagés dans un 95monde qui nous précède, et que nous découvrons plutôt que nous ne le constituons. Le langage nest pas un signe de lexistence dun autre, auquel je devrais me rapporter comme à un autre espace mental clos sur lui-même ; il est au contraire le milieu dans lequel se forme ma subjectivité, sur la base dune interaction, dun mouvement de reconnaissance réciproque.

Plutôt que de partir de lespace clos de la subjectivité pour en déduire le monde des objets et les autres consciences, la Phénoménologie de lesprit place les médiations du langage et du travail au centre de lanalyse. Dans la parole, dans laction qui seffectue, dans « lopération en acte » de la « bouche qui parle » ou de la « main qui travaille11 », la frontière entre lintérieur et lextérieur se dissout. Habermas poursuit cette intuition séminale en accordant à lintersubjectivité un statut presque constitutif, ce qui le conduit à une ontologie holiste et anti-atomiste. Dans la mesure où « les communautés existent essentiellement sous la forme de relations de reconnaissance réciproque entre leurs membres12 », ces derniers ne sindividuent pas en vertu du principe quest la corporéité, mais en fonction dun processus de socialisation qui permet à chaque sujet, à travers linteraction, dacquérir une individualité au terme dune dialectique entre lintégration à un universel et la conscience de former une singularité absolue dans sa différence avec autrui13.

Cest ce mouvement de la reconnaissance quHabermas désigne comme un processus « dentente » (Verständigung14), et quil analyse, entre autres, à partir de lacte de langage. Sentendre avec quelquun implique de le comprendre. Or comprendre, ce nest pas uniquement accéder à une référence sémantique commune ; cest aussi accepter les prétentions à la validité que notre interlocuteur élève au cours de lacte de langage15. Une expression nous est rendue intelligible dès lors que nous en comprenons le sens, lunité vivante quelle constitue en tant 96quelle enveloppe une prétention à la vérité, à la justesse normative, et/ou à la sincérité. Sentendre avec quelquun, cest donc assentir à ce que son acte de langage fait sens, et cette acceptation nest possible quà partir du moment où lon sengage dans une relation, un dialogue, voire même une coopération avec lautre16.

Est donc en jeu, dune part, le dépassement épistémologique de ce que Kant a pu appeler, dans lAnthropologie du point de vue pragmatique, un « égoïsme logique », caractérisé par le fait que lon ne « tient pas pour nécessaire de vérifier son jugement daprès lentendement dautrui17 » : le paradigme de la reconnaissance, qui fonde la connaissance sur une entente première, chercherait au contraire à asseoir une forme de perspectivisme gnoséologique, qui sans renoncer à lidée dobjectivité, refuse toutefois de lindexer sur le critère de la certitude subjective. Il ouvre sur lidée dintersubjectivité comme une activité fondamentalement coopérative et dynamique, et trouve un point dorgue dans la critique du monologisme. Dautre part, cest également un dépassement pratique de légocentrisme comme affirmation de soi qui est ici engagé, puisque le perspectivisme des points de vue engage la raison pratique dans une démarche radicalement opposée à lautoposition du sujet. Dans les processus dentente à travers lesquels les sujets entrent en dialogue, se joue une attitude spécifique, celle de ladoption mutuelle des rôles, que Habermas relie à lune des trois maximes énoncées par Kant dans la Critique de la faculté de juger : « penser en se mettant à la place de tout autre être humain », et quil interprète comme une attitude de décentrement de lego permettant la communication mais aussi et surtout la réflexion morale18.

Or, ce terme dégocentrisme nest pas fortuit et Habermas ne fait pas que contester légoïsme logique à la manière de Kant. Il met en question le corrélat anthropologique ou existentiel dun tel solipsisme : un égoïsme qui sexprime à travers une subjectivité définie par linstinct de conservation. La critique du mentalisme semble sarticuler à une critique de la réduction de la raison à une rationalité instrumentale, celle mise en œuvre par un sujet maître de lui-même, et dont le maintien dans 97lexistence implique nécessairement lappropriation dun objet – celle donc dun sujet souverain qui se pose en sopposant aux autres – selon une lutte qui vise leur annihilation. Dans ce qui peut être compris comme une figure hobbesienne de la reconnaissance, se jouerait ainsi un solipsisme dont les conséquences politiques – notamment lorsquon rend opératoire lanalogie de lindividu et de lÉtat – sont quelque peu périlleuses. Ce parallèle entre un solipsisme métaphysique et un solipsisme « existentiel », puis politique, est intéressant à relever. Assurément, du solipsisme cartésien au « solipsisme politique » des États-nations modernes, la conséquence nest pas bonne, mais Habermas semble mettre le doigt sur une figure de pensée analogique qui, quant à elle, a de quoi interroger.

Dun solipsisme à lautre ?
Au-delà de l
anthropologie hobbesienne

Habermas sest attaché, très tôt, à se distinguer des conceptions classiques du « contrat social » : « la communauté juridique ne se constitue pas au moyen dun contrat social, mais en vertu dun accord établi au moyen de la discussion19 ». Derrière lidée de contrat social, cest une conception hobbesienne qui est visée20. La lecture de Hobbes par Habermas, celle quon trouve évoquée dans des textes comme Raison et légitimité (1973) ou plus tard Droit et démocratie (1992), met toujours en question chez Hobbes comme relevant dun même geste son anthropologie politique, en tant quelle repose sur une conception instrumentale – calculatrice – de la raison, et sa conception du contrat fondateur du corps politique.

Le sujet hobbesien est un individu isolé, livré à lui-même dans « lacte muet et solitaire21 » à travers lequel il domine la nature. La raison, du 98fait de cette ontologie atomiste, est une faculté instrumentale, au service exclusif de la conservation de soi : le sujet humain savère un être fondamentalement égoïste, dont lintérêt propre est nécessairement le moteur de ses actions et de ses raisonnements. De ce fait, la communauté politique résulte dun calcul dintérêt, et sa génération seffectue à travers linstrument du « droit privé22 » : cest en tant que le contrat a pour fin la paix civile, quil est donc le seul moyen susceptible dassurer la survie, et que lobligation contractuelle est subordonnée à la peur de la sanction, que chaque individu sengage à le respecter. Laccord est empirique, parce quil est inspiré par la crainte du pouvoir, et instrumental, parce quil a pour objectif la conservation « égocentrique » de soi.

Le refus dune telle prémisse anthropologique est central dans la théorie habermassienne de lintersubjectivité. Une communauté ne peut résulter uniquement dun accord instrumental, subordonné à la finalité de la survie individuelle ; elle est nécessairement lobjet même de laccord, qui est à lui-même sa propre fin. Kant a raison sur ce point, lui qui, tout en utilisant la terminologie du contrat social, élabore un concept du contrat renvoyant, « dans le principe de son institution23 », à une finalité qui nest autre que celle-là même de lunion – une finalité en soi24. Mais par ailleurs, sil est pertinent de considérer que « lentente » est irréductible au « contrat » passé entre deux subjectivités monadiques, cest parce que les exigences de lentente impliquent ladoption, de la part des participants, dune attitude incompatible avec laffirmation de soi effrénée propre à lindividu dans létat de nature. Or, cest une telle attitude qui, selon Habermas, aurait triomphé à lère moderne, ce que révèlent les « ambivalences périlleuses25 » de lidée nationale, dont linfluence a été forte sur la « perception de la souveraineté externe », comme il lexplicite dans le texte sur lÉtat-nation européen que nous citions plus haut :

Lidée de la nation entre en corrélation avec cette volonté machiavélique daffirmation de soi qui avait guidé, dès ses débuts, lÉtat souverain dans larène des « puissances ». Laffirmation de soi stratégique de lÉtat moderne vis-à-vis de ses ennemis extérieurs se change en affirmation de soi existentielle de la nation26.

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Lanalogie, structurante chez Hobbes, de lindividu et de lÉtat, semble corroborer cette thèse habermassienne, comme on peut le voir dès lintroduction du Léviathan, qui souvre sur une analogie entre louvrage de la nature quest « lhomme », et cet ouvrage de lart humain quest lÉtat, dont Hobbes dit quil « nest quun homme artificiel, quoique dune stature et dune force plus grandes que celles de lhomme naturel27 » – raisonnement que le chapitre xxi pousse à son terme :

De même que parmi des hommes sans maître, règne une guerre perpétuelle de chacun contre son voisin, [] de même, parmi des États ou Républiques indépendants lun de lautre, chaque République (et non plus chaque individu) possède la liberté absolue de faire ce quelle juge le plus favorable à son intérêt : mais aussi, elles vivent dans un état de guerre perpétuelle, dans une continuelle veillée darmes, leurs frontières fortifiées, leurs canons braqués sur tous les pays qui les entourent28.

Si cest en vertu du même droit naturel de faire ce quelle juge le plus « favorable à son intérêt », cest-à-dire à sa conservation, que linstance quest lindividu ou lÉtat pose la règle de sa conduite, la raison savère bien une faculté de calcul mise exclusivement au service de la détermination des moyens adaptés aux finalités de conservation. La conception « instrumentale » de la rationalité, chez Hobbes, qui repose sur une anthropologie « égoïste » de lhomme à létat de nature, implique donc bien, semble-t-il, que laffirmation de soi en passe nécessairement par la possible annihilation de lautre, en tant quil menace ou entrave la réalisation du désir propre. Mais il reste à comprendre dans quelle figure de pensée sancre une telle analogie entre lindividu et lÉtat, et comment cette « affirmation de soi stratégique de lÉtat moderne » trouve racine dans une certaine conception, atomiste et « solipsiste », du sujet humain. Ici, linterprétation que Reinhart Koselleck fait de Hobbes dans un ouvrage, Le Règne de la critique, lu et recensé par Habermas29, est éclairante.

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Dans Le Règne de la critique, Koselleck identifie la genèse de lÉtat moderne au moment historique des guerres de religion, où il voit lapparition dun nouveau paradigme théorique et politique : assimilée à un for intérieur dont il est nécessaire de le distinguer radicalement de la sphère politique, la conscience individuelle devient lenjeu dun contrôle par lÉtat absolutiste. En réponse aux guerres civiles fondées, en grande partie, sur des conflits de convictions religieuses, ce dernier se construit en effet sur la base dune opposition entre un espace intérieur (celui de la conscience subjective, au sein de laquelle doivent demeurer cachées les convictions religieuses) et un espace extérieur, rendant possible la coexistence des individus dans la mesure où précisément, en sont exclues les « opinions » individuelles ; entre une sphère privée et une sphère publique. Une telle délimitation savère la condition de possibilité de lÉtat, dont la légitimité se fonde sur son pouvoir de neutraliser le caractère politique des convictions privées, en érigeant une frontière imperméable entre lordre des opinions et lordre des actions. Mais par ailleurs, lexistence dun « for intérieur » propre au sujet de lÉtat est répliquée au niveau de lÉtat lui-même :

En vertu de la souveraineté absolue, lintérieur dun État fut clairement exclu de lintérieur des autres États. La conscience du souverain était absolument libre, mais elle était compétente pour le grand for intérieur de lÉtat quil représentait. [] Cest seulement cette délimitation dun for intérieur étatique indépendant des autres États et dont lintégrité morale, comme la montré Hobbes, se fondait sur sa seule étaticité, qui lui a permis dacquérir à lextérieur un caractère obligatoire international et collectif30.

Daprès cette analyse de Koselleck, il y aurait donc bien une relation danalogie, sur laquelle repose selon lui la conception hobbesienne de la souveraineté étatique, et quil identifie à son fondement moderne, entre ce quil appelle le « for intérieur » de lindividu en tant que personne physique, et le « for intérieur » de lÉtat en tant que personne morale. LÉtat dispose dune conscience, caractérisée à la fois par une conviction – celle-là même qui est imposée comme règle aux sujets – et une volonté, et dont le caractère autarcique explique que le rapport entre États ne puisse seffectuer que sur le mode de la confrontation violente. Et la guerre extérieure entre États savère léquivalent, dans létat de nature 101international, de ce quest la guerre de tous contre tous dans létat de nature antérieur à linstitution de lautorité politique souveraine. Dans Le droit des gens, Vattel évoquait par exemple le fait que les États souverains sont, comme les hommes à létat de nature, soumis « uniquement à leur propre conscience31 ». Le jus publicum europaeum forme un ordre de coexistence entre entités politiques qui, en vertu de leur « for intérieur », cette conscience inviolable, seule apte à légiférer leur conduite, ne sauraient se subordonner à une autorité institutionnelle supérieure.

Cest à cet endroit quil devient alors possible de faire intervenir la critique du « solipsisme » métaphysique évoquée plus haut : les doctrines politiques qui recourent, implicitement, à une analogie de teneur hobbesienne, se fondent sur des prémisses métaphysiques dont on a montré quelles impliquent une série de distinctions conceptuelles non interrogées (lintérieur et lextérieur, le privé et le public, etc.) ainsi quune thèse anthropologique. Le modèle habermassien qui prétend, à travers une conception de la reconnaissance intersubjective comme « entente », faire droit à une anthropologie et une ontologie alternatives, constitue donc bien une réponse à ce modèle solipsiste.

Les limites démocratiques
du « contrat social national »

Habermas est connu pour sa critique de lÉtat-nation et sa promotion dun droit international cosmopolitique dinspiration kantienne. Le diagnostic historique et normatif auquel il se livre invite toutefois à proposer un bilan nuancé. Il convient en effet de distinguer la formation de lÉtat, dune part, et larticulation contingente de lÉtat et de la nation sous laquelle la figure de lÉtat-nation est apparue historiquement.

LÉtat moderne est la forme politique qui sest imposée après la cité et contre lempire32, sous laquelle sest effectuée la modernisation capitaliste des sociétés et sest réalisée lintégration réciproque de lÉtat 102et du droit qui caractérise nos ordres positifs33. Ce nest en revanche quavec les révolutions de la fin du xviiie siècle quapparaît la forme spécifique de lÉtat-nation, qui catalyse deux concepts : dune part celui, romain, et non politique, de la « natio », qui désigne une communauté « de provenance », dhabitat ou de voisinage, fondée sur le partage dune langue, de mœurs et de traditions communes, permettant de délimiter létranger et le national ; dautre part celui, politique, de la « nation-noblesse » (formant un état corporatif), qui se transforme, au cours du xviiie siècle, et à travers lidentification du tiers-état à la nation, en lidée dune « nation-peuple ». Lappartenance à une nation désigne alors lappartenance à un corps (le peuple), mais emprunte, à la distinction de létranger et du national contenue dans la conception romaine de la « natio » (qui soppose à la civitas), son mécanisme « de rejet de tout étranger, de dévaluation des autres nations et dexclusion des minorités nationales, ethniques ou religieuses34 ». Assurément, les « ambivalences périlleuses35 » de lidée de nation ne sauraient éclipser le rôle incontestablement positif que joue cette figure de lÉtat dans lintégration politique des populations aux débuts de la modernité, qui permet datteindre un niveau inédit de solidarité entre les citoyens dune même nation, et forme une source fondamentale et laïcisée de légitimation du pouvoir politique.

Pourtant, cest bien lhorizon dun « dépassement » de la nation comme contingence historique que cherche à penser le philosophe. Il est alors mu par le sentiment dune urgence à répondre à leffroyable mais irréversible décalage entre les moyens daction de lÉtat et léchelle supranationale ou transnationale à laquelle se jouent les défis contemporains. LÉtat-nation ne dispose plus des moyens de faire face à la nouvelle donne dune économie mondialisée (et notamment à la mobilité des capitaux), des risques écologiques (qui dépassent les frontières des États) ni des mouvements migratoires36.

Or, cet écart entre les problèmes à résoudre et les moyens politiques à disposition pour le faire est dangereux à double titre : dun point de vue 103immédiatement pratique, il met en péril lidée même daction politique, puisque celle-ci semble navoir aucune prise sur la réalité, et la perspective dune transformation ou du moins dune maîtrise de celle-ci est menacée. Mais surtout, et cest certainement la perspective sur laquelle se concentre Habermas, dun point de vue normatif, il hypothèque les fondements de la légitimité du pouvoir politique. Telle quil a cherché à en rendre compte, lidée moderne de la légitimité trouve ses racines dans la conceptualisation amorcée par Rousseau, reprise par Kant, selon laquelle les normes qui nous obligent politiquement ne sont considérées comme valables, et donc comme méritant dêtre respectées, quà partir du moment où elles sont garanties par un pouvoir empirique (administratif et exécutif) capable de se subordonner au contrôle effectif de ceux qui élaborent, ou participent de lélaboration de ces mêmes normes. À mesure que saccroît le fossé entre le lieu de la délibération (nationale) et celui où sexerce le pouvoir, cest lidée même de la légitimité de lÉtat qui est rendue plus fragile : doù la nécessité de repenser lespace de la délibération, en faisant leffort de séparer ce qui historiquement sest présenté de façon solidaire, à savoir lexercice de la citoyenneté et lappartenance à une nation.

Or, ce nest pas dans la construction juridique de lÉtat constitutionnel lui-même que cette déliaison est susceptible dêtre pensée. Bien que la perspective juridique et procédurale implique quune communauté est une association de sujets de droit libres et égaux, et non pas une communauté de destin, il est impossible « dexpliquer en termes purement normatifs comment doit se composer la totalité fondamentale des personnes qui se rassemblent pour régler leur vie en commun37 » par les moyens du droit positif. Lidée dune pratique constituante garde le caractère dune « fiction du droit rationnel38 », et les frontières sociales dune telle association, généralement décidées au terme de guerres ou de conflits violents, sont toujours historiquement contingentes. La solution est à trouver dans une certaine conception de la démocratie. Cest la pratique citoyenne elle-même qui devient dès lors lun des moteurs de lintégration sociale, et cette pratique seffectue à lintérieur despaces publics qui, historiquement, sont certes nationaux, mais peuvent se « transnationaliser ».

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Par « espace public », Habermas renvoie dabord à lidée, typiquement moderne, que la société civile, en engendrant et en maintenant actif un espace de communication des idées et des opinions qui lui est propre, est susceptible dexercer un contre-pouvoir face à lÉtat : on doit à ce qui savère à la fois un « idéal » et une « idéologie » de la modernité39 notre conception de la délibération politique. Or, cet espace est, dans la pensée de Habermas, par essence réfractaire à toute clôture sur lui-même, notamment nationale, parce quil nest pas le résultat dune délimitation politique première, dun contrat tributaire des frontières actuelles propres à une communauté donnée. Lespace public est en effet un « espace des raisons40 » quil faut comprendre à partir de la théorie habermassienne de lagir communicationnel et de son concept de lentente. Lautolégislation dont la modernité se réclame comme de la pierre angulaire de la légitimité de lÉtat est, à cet égard, une figure de « lentente », puisquelle implique des processus de délibération eux-mêmes ancrés dans les pratiques communicationnelles41. Or, la délibération politique ne peut être pensée à partir du seul espace clos de la nation. Si elle seffectue dans le cadre dÉtats nationaux, cest, on la dit, pour des raisons historiques. Dun point de vue conceptuel, la citoyenneté « nest pas fondée par un ensemble de traits communs, ethniques et culturels, mais par la pratique des citoyens qui exercent activement leurs droits démocratiques de participation et de communication42 ». Dans le contexte contemporain dun « pluralisme ethnique croissant43 » corrélatif dun demi-siècle dimmigration de travail et dune porosité des réseaux de communication permise par lInternet, cest à travers cette pratique concrète de lentente que se forment des espaces politiques indépendants des cadres nationaux. Ceci appelle une remarque quant au rapport entre lidée despace public et la question cosmopolitique.

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Tout espace politique a nécessairement une vocation cosmopolitique, dans la mesure où il est appelé à souvrir et à inclure des participants au-delà des frontières nationales contingentes : tout espace public a une vocation universaliste du seul fait quil en appelle à un usage de la raison capable de transcender les particularismes (notamment locaux). On rappellera ici la lecture que Habermas propose du Projet de paix perpétuelle, où il souligne ce que lidée despace public (Öffentlichkeit), cest-à-dire lidée dun espace régi par les seules lois de lusage public de la raison, doit à lidée de « publicité » (Publizität). Celle-ci, pensée par Kant comme « la notion du droit44 », ou la forme même du droit, constitue une norme transcendantale à laquelle les hommes ne sauraient échapper tant dans leurs rapports privés que publics. Lusage public de la raison, outre en effet quil implique lexercice dune rationalité spécifique (dont une théorie de lagir communicationnel sest attachée à expliciter les structures formelles), ne saurait se comprendre indépendamment dun sens commun du droit et de la justice sur lequel Habermas insiste. Kant avait cette intuition quun espace public cosmopolitique a pour condition de plausibilité la conscience commune, universelle, des droits et de leur violation, et ce, indépendamment des systèmes de justice positifs : car « les liaisons [] qui se sont établies entre les peuples de la terre entière ayant été portées au point quune violation des droits commise en un lieu est ressentie partout ; lidée dun droit cosmopolitique ne pourra plus passer pour une exagération fantastique du droit45 ».

Si, dun point de vue juridique toutefois, un espace public est susceptible de transcender les frontières nationales, cest parce quil est rendu possible par un dispositif constitutionnel46 en vertu duquel les droits à la participation politique, originairement articulés aux droits à lautonomie privée dans la structure de lÉtat de droit, appellent à être garantis par des normes supra-étatiques. Tout citoyen, en tant quil participe à une association juridique particulière qui lui confère ces droits publics et privés, est dès lors concerné. LUnion 106européenne constitue à cet égard lexemple historique probant dun tel processus de constitutionnalisation des droits au-delà de lÉtat national, qui fait signe vers une conception cosmopolitique du droit47. Lexpérience actuelle que nous faisons dune crise européenne, due au renforcement dun « fédéralisme exécutif » anti-démocratique qui savère le vecteur de politiques néolibérales et des « impératifs des marchés48 », ne saurait oblitérer le fait que la garantie des droits individuels (notamment par la Cour européenne des droits de lhomme) est lun des signes dune souveraineté des citoyens, indépendante de celle des peuples.

Conclusion

Linterprétation par Reinhart Koselleck de la genèse moderne de lÉtat a mis en lumière le caractère opératoire, notamment au sein de la conception hobbesienne de la souveraineté étatique, de lanalogie entre lÉtat et lindividu de létat de nature. Or, ce dernier est figuré, daprès lanalyse de Koselleck, sur le modèle dune conscience solipsiste, un « for intérieur » clairement délimité des autres consciences et du monde, et seul juge des moyens nécessaires à sa conservation. Cest ce paradigme que Habermas a passé au crible dune critique métaphysique et épistémique dont on a cherché à montrer quelle lui offre le point de départ dune autre conception du sujet : constitué par des relations de reconnaissance se jouant notamment dans le langage, le sujet ne saurait être pensé comme « souverain » au sens que semble lui donner Hobbes dans son anthropologie. Comme on le voit, cest donc une figure de pensée analogique qui est repérée par Habermas : du solipsisme métaphysique dun Descartes au solipsisme existentiel dun Hobbes, la conséquence nest pas automatiquement bonne ; en revanche, il est évident quun tel solipsisme existentiel, lorsquil sert de modèle pour 107penser la puissance de lÉtat, a des effets ravageurs. Cest contre un tel modèle que Habermas a proposé de relativiser la construction historique de lÉtat-nation pour penser la communauté démocratique comme une communauté de communication.

Clotilde Nouët

Université de Lyon
Institut de recherches philosophiques de Lyon (IRPhiL)

1 J. Habermas, Théorie de lagir communicationnel II, trad. J.M. Ferry et J.L. Schlegel, Paris, Fayard, 1987, p. 7 ; Discours philosophique de la modernité, trad. C. Bouchindhomme et R. Rochlitz, Paris, Gallimard, 1998, p. 348 sq.

2 Voir sa lecture du Projet de paix perpétuelle dans LIntégration républicaine, Essais de théorie politique, trad. R. Rochlitz, Paris, Fayard, 1998.

3 Par exemple dans La Constitution de lEurope, trad. C. Bouchindhomme, Paris, Gallimard, 2012.

4 Isabelle Delpla, « Du pays vide. Traduction radicale et cosmopolitisme », M. Pécharman et Ph. de Rouilhan (dir.), Le Philosophe et le langage : études offertes à Jean-Claude Pariente, Paris, Vrin, 2017, p. 319-346.

5 Habermas, « Manières de détranscendantaliser. De Kant à Hegel et retour », Vérité et justification, trad. R. Rochlitz, Paris, Gallimard, 2001, p. 125 sq.

6 Ibid., p. 128.

7 Ibid., p. 132.

8 Ibid.

9 Ibid.

10 Ibid., p. 145.

11 Ibid., p. 135.

12 Ibid., p. 137.

13 Habermas doit à G.H. Mead cette interprétation dune « individuation par la socialisation ». Voir « Lindividuation par la socialisation. La théorie de la subjectivité de George Herbert Mead », Parcours 1, (1971-1989), trad. C. Bouchindhomme, Paris, Gallimard, p. 377-437.

14 Le terme dentente est, dans certains textes dHabermas, traduit en français par « intercompréhension ».

15 Habermas, « Signification de la pragmatique universelle » (1976), Logique des sciences sociales et autres essais, trad. R. Rochlitz, Paris, PUF, 1987, p. 331.

16 Voir notamment Habermas, « De Kant à Hegel. La pragmatique linguistique de Robert Brandom », Vérité et justification, op. cit., p. 113-117.

17 Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique, trad. M. Foucault, Paris, Vrin, 2002, p. 25.

18 J. Habermas, LÉthique de la discussion et la question de la vérité, trad. P. Savidan, Paris, Grasset, 2003, p. 19.

19 J. Habermas, Connaissance et intérêt, trad. G. Clémençon, Paris, Gallimard, p. 479.

20 Voir J. Habermas, « La doctrine classique de la politique dans ses rapports avec la philosophie sociale » (1961), dans Théorie et pratique, trad. G. Raulet, Paris, Payot & Rivages, 2006 ; Raison et légitimité. Problèmes de légitimation dans le capitalisme avancé, trad. J. Lacoste, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 2012, p. 162 sq. ; Droit et démocratie. Entre faits et normes, trad. C. Bouchindhomme et R. Rochlitz, Paris, Gallimard, 1997, p. 105-108.

21 J. Habermas, « La doctrine classique de la politique », op. cit., p. 103.

22 Habermas, Droit et démocratie, op. cit., p. 106.

23 Kant, Théorie et pratique, trad. L. Guillermit, Paris, Vrin, 2013, p. 33.

24 Habermas, Droit et démocratie, op. cit., p. 108 et suiv.

25 Habermas, « LÉtat-nation européen. Passé et avenir de la souveraineté et de la citoyenneté », dans LIntégration républicaine, op. cit., p. 104.

26 Ibid.

27 Hobbes, Léviathan. Traité de la matière, de la forme et du pouvoir de la république ecclésiastique et civile, trad. F. Tricaud, Paris, Dalloz, 1999, p. 5.

28 Ibid., chapitre 21, p. 227.

29 Reinhart Koselleck, Le Règne de la critique, trad. H. Hildebrand, Paris, Éditions de Minuit, 1979. Cet ouvrage a été lu et recensé par Habermas, voir « Zur Kritik an der Geschichtsphilosophie » (1960) dans Kultur und Kritik. Verstreute Aufsätze, Francfort-sur-le-Main, Surhkamp, 1973.

30 Koselleck, Le Règne de la critique, op. cit., p. 35.

31 Ibid., p. 37.

32 J. Habermas « Citoyenneté et identité nationale », LIntégration républicaine, op. cit., p. 69.

33 J. Habermas, « LÉtat-nation européen. Passé et avenir de la souveraineté et de la citoyenneté », Lintégration républicaine, op. cit. p. 97 et suiv.

34 Ibid., p. 101.

35 Ibid., p. 104.

36 J. Habermas, Après lÉtat-nation. Une nouvelle constellation politique, trad. R. Rochlitz, Paris, Fayard, 1999.

37 J. Habermas, « LÉtat-nation européen », op. cit., p. 106.

38 Ibid.

39 J. Habermas, LEspace public, trad. M. B. de Launay, Paris, Payot, 1978.

40 J. Habermas, « De Kant à Hegel. La pragmatique linguistique de Robert Brandom », Vérité et justification, op. cit., p. 82.

41 J. Habermas, « La souveraineté du peuple comme procédure » [1989], Parcours 1, op. cit.

42 J. Habermas, « LÉtat-nation a-t-il un avenir ? », LIntégration républicaine, op. cit., p. 71.

43 J. Habermas, « LEurope paralysée deffroi. La crise de lUnion européenne à la lumière dune constitutionnalisation du droit international public », trad. D. Trierweiler, Cités, 2012/2 no 49, p. 131-146, ici p. 144.

44 E. Kant, Projet de paix perpétuelle, trad. J. Gibelin, Paris, Vrin, 2002, p. 107.

45 Ibid., p. 61, cité par Habermas dans « La paix perpétuelle », LIntégration républicaine, op. cit., p. 174.

46 Sur le concept de constitution chez Habermas, voir Pierre Auriel, « La démocratie au-delà de lÉtat. La nécessité dune constitution internationale européenne et internationale dans lœuvre de Jürgen Habermas », Jus Politicum, no 19, p. 41-58.

47 Voir à cet égard J. Habermas, « La crise de lUnion européenne à la lumière dune constitutionnalisation du droit international », La Constitution de lEurope, trad. C. Bouchindhomme, Paris, Gallimard, 2012.

48 J. Habermas, « LEurope paralysée deffroi », op. cit., p. 146.