Aller au contenu

Classiques Garnier

Proposition méthodologique pour une philosophie de terrain avec les émotions à la lumière de la pensée de Martha Nussbaum

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Éthique, politique, religions
    2019 – 2, n° 15
    . Le terrain en philosophie, quelles méthodes pour quelle éthique ?
  • Auteur : Bogaert (Brenda)
  • Résumé : Cet article propose une méthode pour mener une enquête de terrain en philosophie en s’inspirant des contributions de Martha Nussbaum. Il s’appuie sur une recherche en cours pour montrer comment conceptualiser un sujet de recherche avec les émotions. Cette méthode s’inspire aussi des outils méthodologiques utilisés dans les travaux des sciences humaines et sociales. Enfin, l’article présente un questionnement sur les raisons de faire du terrain en philosophie.
  • Pages : 75 à 92
  • Revue : Éthique, politique, religions
  • Thème CLIL : 3133 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie contemporaine
  • EAN : 9782406101444
  • ISBN : 978-2-406-10144-4
  • ISSN : 2271-7234
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10144-4.p.0075
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 18/03/2020
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Émotions, Nussbaum, néo-stoïcisme, ethnographie, terrain
75

Proposition méthodologique
pour une philosophie de terrain
avec les émotions à la lumière
de la pensée de Martha Nussbaum

Lobjectif de la recherche présentée dans cet article était de conceptualiser lidée du « patient acteur » du point de vue du patient. Il était question non seulement de comprendre comment on peut rendre compte de la vie des patients selon le concept du patient acteur, donc de comprendre leurs actes, mais aussi les possibilités qui soffrent à eux. Pour ce faire, il était nécessaire de trouver une méthode qui puisse rendre ces personnes plus « sujet » de leur traitement, pour ne pas parler à leur place, mais aussi de travailler avec des patients dans une relation de partage et de co-création. La méthode mise en place consistait en « une méthode avec les émotions » en sinspirant des travaux de Martha Nussbaum. Dans un deuxième temps, lobjectif de la recherche nétait pas simplement philosophique, mais aussi dessayer dapporter une contribution à la discussion politique autour du soin, en particulier auprès des institutions de santé. Donc « aller sur le terrain », travailler avec les acteurs du soin, a été une étape incontournable dans la démarche.

De nos jours, limplication du patient dans son parcours de soin est un sujet brûlant. Le « patient acteur » est un enjeu non seulement pour nos institutions de santé, qui essaient de mettre en place des structures plus centrées sur les patients, mais également pour les associations de patients, qui plaident pour accorder un plus grand rôle aux patients dans leur soin. Cest un sujet dimportance politique, à la fois pour les réductions de coût des soins, mais aussi dans la perspective dune démocratie sanitaire. Cest un sujet volontiers discuté et débattu pour des raisons éthiques, mais aussi économiques. Cest donc un sujet de recherche en provenance du terrain mais aussi qui a pour destination le terrain.

76

Découverte dune méthode à partir du terrain

Jai choisi détudier une pathologie que ni moi-même ni les membres de ma famille navaient vécue, les épilepsies1. Lentrée sur le terrain sest faite avec un groupe de parole de patients. Le groupe incluait des patients et des familles « épileptiques » qui se réunissaient deux fois par mois pour discuter ensemble de la maladie. Ils venaient souvent au sein du groupe de parole pour « lâcher prise » et pour parler avec dautres malades afin de mieux comprendre leur maladie et leurs traitements. Sils cherchaient plus dinformation auprès des autres patients et des familles, cétait parce que souvent, ils avaient une épilepsie sévère, qui ne pouvait pas être stabilisée avec les médicaments. Cette non-stabilisation impliquait des difficultés à travailler et à étudier à cause des problèmes de mémoire et de concentration liés à leur maladie – mais aussi au traitement. De plus, la participation des patients souffrant de problèmes psychologiques liés à leur maladie complique le déroulement de ces réunions et les rend parfois très lourdes. Les discussions dans ce groupe sont également très personnelles, voire intimes, avec des échanges sur leurs problèmes au travail, avec leurs familles, avec leurs amis ou partenaires, et avec leurs médecins.

Si dans un premier temps, lanimateur de ce groupe de parole était ouvert à ma participation comme observatrice, lacceptation par les autres participants nétait pas facile. Comme je suis venue surtout pour écouter, pour comprendre, je me suis présentée en expliquant pourquoi je suis venue et après je suis restée silencieuse. Comme il était entendu que chacun prenne la parole, javais du mal à trouver ma place parce je nétais pas a priori directement concernée par la maladie ; cependant malgré ces difficultés, les participants ont « osé » donné des détails très personnels sur leur vie. Dans cette situation, je nai pas pu prendre de notes, car cela aurait été encore plus gênant pour les participants. Dans cet espace limité, il était nécessaire de penser à une méthode qui ne « dérangerait » pas trop les participants.

77

Pour tenir compte de ces contraintes, jai décidé de mobiliser une méthode habituelle en anthropologie, lusage de mots-clés. Cette méthode implique de faire attention à certains mots récurrents dans une discussion2. Lavantage de celle-ci est de permettre de faire attention à certains mots sans pour autant avoir besoin de transcrire mot à mot ce que disent les participants. Identifier des mots-clés est un processus intuitif permettant de retenir des mots qui nous intéressent dans des discussions ; cependant il permet également des « surprises » en faisant porter notre attention sur des thèmes auparavant insoupçonnés. Si ce premier terrain a présenté certaines contraintes concernant la méthode, il a aussi permis de construire une piste de réflexion, puisquen écoutant des patients et des familles, jai rapidement trouvé un mot clé, qui est devenu une piste prometteuse pour la suite de la recherche : le mot peur.

Cette porte dentrée dans le domaine des épilepsies, par le groupe de parole et par la saisie des mots clés, a montré une méthode possible en philosophie, avec les émotions. Il nétait pas question de mesurer la peur, de demander aux patients quand ils avaient peur et pourquoi ils avaient peur (de travailler sur lémotion comme dans les études sociologiques sur lémotion). Il était plutôt intéressant dessayer de faire attention au moment où les patients utilisaient le mot et pourquoi, et de voir ce que cette émotion pouvait dire de leur eudaimonia, en sinspirant des travaux de Martha Nussbaum.

La valeur des émotions :
la contribution de Martha Nussbaum

Le regain dintérêt manifesté à légard des émotions ouvre de nouveaux champs de recherche en sciences humaines et sociales depuis plusieurs décennies. Les travaux des sciences cognitives ont provoqué une reconfiguration de la conception des émotions, celle-ci impliquant désormais la pensée, le jugement, ou lévaluation. Aujourdhui la plupart des philosophes acceptent que les émotions aient une relation avec 78des pensées, en particulier avec nos jugements3. De plus, nous pensons aujourdhui que les émotions peuvent être enseignées. Malgré des désaccords sur la manière dont les émotions devraient être enseignées, et plus encore sur le fait quelles puissent lêtre enseignées, beaucoup de philosophes pensent que les émotions peuvent faire lobjet dune contribution à la vie morale4.

Un champ de recherche qui a pu sinspirer de ces travaux est celui des théories de léthique de la vertu. Selon ces théories5, la vertu comprend les caractéristiques humaines qui peuvent amener à leudaimonia (au sens dAristote), cest-à-dire au bien vivre6. Comme les vertus du caractère se manifestent dans les habitudes des actions et dans les émotions, ces théories impliquent que la vertu ne peut être comprise sans les émotions. Martha Nussbaum7 a contribué au développement de léthique de la vertu en sinspirant à la fois des stoïciens et de ce quelle appelle « les explications non réductionnistes des émotions » dans les sciences cognitives8. Son idée est que les émotions sont des jugements de valeur9. Ce nest pas que les émotions aient une partie cognitive de plus que dautres éléments, mais elles sont elles-mêmes des cognitions et ces cognitions sont nécessaires et suffisantes10.

Cette assertion amène Nussbaum à dire que les émotions ne sont pas sans un objet. Cet objet est un objet dintention : cest-à-dire quil est vu ou interprété par la personne concernée11. En général ces objets sont des personnes, des choses, des évènements, qui représentent une importance pour le bien-être de la personne. Elle écrit : « Emotions are 79not like mindless jolts of energy : they focus outward on the world and appraise objects and events in the world » (Les émotions ne sont pas des soubresauts dénergie insensée : elles se focalisent sur le monde et permettent dapprécier des objets et des événements dans le monde)12.

Les émotions représentent une manière incarnée de voir le monde13. Elles sont en lien avec la valeur, puisque lobjet de lémotion a une véritable importance14. La valeur perçue dans lobjet fait référence à notre propre épanouissement humain15, puisque lobjet est considéré comme important en vertu du rôle quil joue dans la vie de la personne. De plus, les émotions incarnent des croyances relatives à leur objet16. En suivant les stoïciens, elle dit que les jugements identifiés avec les émotions montrent notre vulnérabilité animale, notre dépendance et notre attachement aux choses qui sont hors notre contrôle17.

Dans cette théorie, ce nest pas seulement lémotion en elle-même qui est importante, mais ce quelle nous montre sur nous-mêmes, sur nos valeurs, sur notre vulnérabilité. Cette conception des émotions nous aide à évaluer des objets, des personnes et des évènements dans le monde en relation avec nous-mêmes, avec nos valeurs, et ce dont nous avons besoin pour « bien vivre ». Diverses méthodes pour un travail de terrain en philosophie peuvent émaner de cette vision de lémotion. Cet article développe des méthodes inspirées par cette idée. Pour revenir au mot identifié dans le groupe de parole (le mot « peur »), Nussbaum développe des réflexions spécifiques sur cette émotion particulièrement tumultueuse : « What distinguishes fear from hope, fear from grief, love from hate – is not so much the identity of the object, which might not change, but the way in which that object is seen (Ce qui distingue la peur de lespoir, la peur du deuil, de lamour de la haine, nest pas lidentité de lobjet, qui pourrait ne pas changer, mais cest la façon selon laquelle lobjet est vu)18 ». La peur est une émotion destructrice, dun caractère fort ; cependant, elle nest pas forcément négative. Avec laide de LeDoux, 80Nussbaum montre que la peur est primordiale, mise en route par des mécanismes évolutifs et nous aide à échapper aux dangers. La peur se trouve chez tous les mammifères et elle nest pas liée à une cognition avancée. Pour avoir « peur », il faut simplement être orienté vers sa survie et son bien-être19. La peur est donc nécessaire, puisquelle nous aide à rester en vie.

Mais la peur peut aussi devenir destructrice et nous empêche de vivre. Si les peurs peuvent être un facteur de vigilance et utiles pour nous protéger, elles ont aussi la potentialité de provoquer des conséquences malheureuses. Martha Nussbaum nous montre des dangers de la peur20. Elle dit que la peur est un type de connaissance augmentée, mais elle est aussi une vision étroite de notre corps et des choses connectées à ce corps21.

Comment donc penser cette peur ? Quest-ce quelle montre sur laccès au bien-être pour les patients et les familles ? Nous avons peur de perdre ce qui compte pour nous, de voir disparaitre toutes ces choses susceptibles dêtre détruites ou de nous être retirées comme la liberté, lautonomie, la santé, notre statut social et même notre vie. La peur est donc à prendre au sérieux puisquelle entretient une relation importante avec ce dont nous avons besoin pour bien vivre avec et malgré la maladie.

Alors, pour revenir au terrain, pourquoi est-ce que dans le groupe de parole le mot « peur » est prononcé autant de fois, dans divers contextes et sujets ? Pourquoi est-ce que les personnes et familles touchées par lépilepsie parlent autant de cette émotion, non seulement dans le soin, mais aussi dans leurs relations en société, au travail, à lécole, avec leurs amis et leur famille et en parlant deux-mêmes ? Si les émotions nous montrent, dans le sens nusbaumien, ce qui est important pour nous, la peur relève aussi dune question de valeur pour la personne concernée. Dans ce cas, cette émotion montre que pour le patient, les relations avec leur médecin, mais aussi à lécole, avec leurs amis, avec leur famille sont importantes pour leur eudaimonia.

81

La peur, dautre part, est une émotion en mouvement. Ainsi, Nussbaum fait appel à LeDoux pour nous rappeler que les expériences primaires de la peur conduisent à des formes « enseignées » de la peur. Ces peurs « enseignées » deviennent avec le temps des représentations complexes, de plus en plus difficiles à dénouer dont lexpérience primaire de la peur22. Une première expérience de la peur devant un médecin, par exemple, peut mener à une peur dans la prochaine rencontre avec lui, ou même à une évaluation erronée de la peur en dehors de cette relation. Ceci peut conduire sur une pente glissante. Par exemple, le besoin de « cacher » sa maladie à lécole à cause de la peur dêtre discriminé peut amener à une peur dans la relation médicale, empêchant le patient de révéler des détails importants de sa maladie. Nous pouvons donc dire que vivre bien en société et vivre bien la relation avec son médecin sont indissociables et que la peur a des influences qui sétendent au-delà de la relation médicale.

Cette voie de réflexion avec lémotion (en étant attentive aux patients quand ils discutent de ce sujet et pourquoi) ma aidé à concevoir lidée du patient acteur sous un prisme nouveau. Comme la peur empêche la vie bonne, cela implique pour le patient quune bonne relation avec son médecin nest pas une condition suffisante pour bien vivre sa maladie. Il faut aussi pourvoir bien vivre en société avec sa maladie. Dans ce cas, lidée du patient acteur (qui est souvent située dans la relation médicale) devrait être étendue à une idée du « patient acteur de sa vie ». Sur le terrain, cela implique que le patient acteur se situe dans le monde, avec les autres, et ne soit pas seulement placé sous la responsabilité du médecin ou du patient.

Dans un deuxième temps, ces évaluations du monde avec des émotions fortes comme la peur sont aussi un appel urgent à agir, tant pour le chercheur que pour le patient, puisque ces émotions peuvent devenir destructrice et interférer avec la capacité de la personne à vivre bien. Puisque le patient acteur est « acteur de sa vie », ceci implique quil y a un plus grand cadre à analyser et à comprendre : le patient en société. Cette découverte a conduit la recherche dans une nouvelle direction, celle dun acte de co-création avec les patients.

82

Le patient créateur :
une deuxième méthode avec les émotions
à travers le théâtre

Jusquà présent, une méthode exploratoire à partir des émotions permettait aux participants didentifier des émotions qui leur étaient importantes pour bien vivre, dans le soin et en dehors du soin, et de les transmettre à la chercheuse. Pourtant, cette transmission ne se fait que dans un sens, des participants vers la chercheuse. Une transmission de la chercheuse vers les participants, ou entre les participants eux-mêmes, nétait pas possible avec cette méthode. De plus, le malaise et limpuissance que javais ressentie lorsque jétais présente dans le groupe de parole sans donner quelque chose en retour aux participants a renforcé le besoin de ne pas seulement étudier, mais aussi de créer avec ces personnes.

Pour répondre à ce besoin déchange, lapproche para-ethnographique23 offre des projets ethnographiques expérimentaux pour amener les participants à la recherche et les chercheurs vers des « partenariats épistémiques ». Ces partenariats représentent une incertitude dans la production de connaissance, en engageant à la fois le chercheur et les participants dans un processus dynamique de rencontres collaboratives. Au lieu de signaler une rupture méthodologique des formes conventionnelles de lethnographie, la para-ethnographie cherche à explorer de nouvelles langues conceptuelles pour décrire lengagement avec les participants dans la recherche.

En mappuyant sur les méthodes déjà développées en para-ethnographie, jai développé une deuxième méthode pour travailler avec les émotions : le théâtre. Certains participants du groupe de parole et moi avons créé une pièce de théâtre, basée sur leurs expériences de vie en société. La pièce parlait des émotions, des circonstances et des situations auxquelles ils étaient confrontés dans la vie quotidienne, des facteurs qui les empêchaient de bien vivre en société. Cette méthode était donc 83un moyen de travailler avec les émotions du chercheur et des participants, puisque le spectacle était une co-création, mais aussi de créer un moyen qui permettait un partenariat épistémique dans la production de la connaissance. Puisque cette pièce de théâtre provenait directement des participants, cest-à-dire que ce sont eux qui avaient décidé quels seraient les thèmes et comment jouer ces thèmes, les participants de la recherche sont devenus les créateurs. Ils sont aussi apparus comme ceux qui agissaient sur cette connaissance. Ils ont été des acteurs dans les deux sens du terme, en tant quauteur et comédien.

Cependant, cette méthode à travers le théâtre (et les émotions dans le théâtre) nétait pas seulement une piste pour favoriser une production de connaissance. Elle fût également loccasion pour moi denvisager le sujet sous un angle nouveau, mais aussi de le vivre différemment. Une deuxième piste de réflexion portait sur le spectacle en lui-même, puisquen jouant un rôle, il était possible dentrer en jeu, de « prendre place » parmi les personnages et donc dune certaine façon, de vivre la maladie avec eux. Quand jai pris la place de la personne épileptique dans une scène dans laquelle le patient est négligé voire ignoré, et où les autres acteurs parlaient à sa place (une situation qui se passe souvent dans la vraie vie pour ces patients), jai pu lintérioriser avec et à travers mon propre corps, puisque jai vécu cette souffrance, ces émotions fortes que vivent le personnage. Cest à ce moment-là que je me suis sentie concernée et que je me suis appropriée mon sujet puisque dans lespace du théâtre et dans une certaine temporalité, je suis devenue la personne malade. Les émotions nétaient plus des émotions rapportées par les participants du groupe de parole, mais mes émotions vécues. Ce travail avec les émotions a changé la nature de ma recherche, mais aussi la nature de mon engagement avec les participants. Ils nétaient plus seulement des participants au sein dun programme de recherche, et donc des sujets à interviewer, à étudier, mais qui accédaient au statut de partenaires à part entière de la réflexion.

Ces deux méthodes de travail avec les émotions sur le terrain ont montré une piste pour conceptualiser le sujet du patient acteur avec les participants de la recherche en philosophie. Cependant il est nécessaire de se tourner aussi vers la sociologie pour élaborer pleinement la méthode avec les émotions.

84

Les émotions et la réflexivité du chercheur :
la contribution de la sociologie

Lun des problèmes potentiel engendré par le fait de se focaliser sur une émotion aussi forte que la peur est sa prédominance, son caractère « fort ». En choisissant une méthode de « mots-clés » jai favorisé un mot qui avait un impact émotionnel « fort », « choquant » et « conflictuel » sur moi-même et sur les participants de la recherche. Les études sociologiques montrent à la fois lavantage, mais aussi le danger de mobiliser les émotions dans la recherche. Les écrits à propos des biais qui peuvent venir du chercheur lorsquil traite des sujets de recherche qui ont un fort impact émotionnel comme la maladie sont très répandus en sociologie24. Dans ces conceptions, les émotions sont problématiques au sens où elles conduisent à faire perdre toute objectivité. Ainsi, les émotions sont perçues comme « un risque » qui peut affecter la capacité du chercheur à prendre du recul25.

Cependant, de plus en plus de chercheurs en sciences humaines et sociales conçoivent aussi ce biais comme une opportunité26. Brenton Prosser par exemple nous rappelle que la plupart des recherches en sciences humaines et sociales sont orientées sur lémotion (on emotion) et il nous propose de travailler au contraire avec lémotion (with émotion). Travailler avec les émotions et non pas sur les émotions a été lobjectif premier de ma recherche. Prosser aide à clarifier cette différence. Il fait la distinction entre dun part la recherche sur lémotion qui voit lémotion comme objet détude, en essayant de mesurer ou de décrire des aspects de lémotion de la même façon que les autres méthodologies plus établies en sociologie ; et dautre part une méthode avec lémotion qui cherche un autre type de connaissance. Selon lui, la recherche sur lémotion met 85le participant de la recherche dans une position passive, en face dun chercheur qui crée ou qui découvre de nouvelles connaissances à partir de données recueillies. En revanche, la recherche avec lémotion permet de comprendre le processus de production comme une co-production avec les participants à la recherche. Pour la sociologie, le travail avec lémotion permet donc dexplorer les relations de pouvoir dans leurs contextes sociaux et historiques y compris dans le contexte de celui qui met en relation le chercheur et le participant27, en effet la connaissance créée nest pas une vérité absolue, ni une source de connaissance venant seulement des participants, mais le résultat dune co-construction. Travailler avec lémotion et non sur lémotion en sociologie permet de construire un espace de réflexion entre chercheur et participant. Cela autorise désormais la reconnaissance de la co-création des données de la recherche entre le chercheur et les participants et dutiliser une méthode pour prendre du recul sur les données venant du terrain.

Un regard sociologique selon la méthode avec les émotions a ouvert plusieurs champs de réflexion. Premièrement, en prenant en compte des biais potentiels qui sont mis en lumière par des études de sociologie sur les émotions, il fallait se demander si les mots exprimés par les patients étaient leurs « vrais mots » ! Par exemple, dans le groupe de parole, lorsque les patients parlent des médecins, on les entend souvent dire : « ils ne disent pas quils ne savent pas, parce quils ont peur. » En revanche, les soignants interviewés pendant la recherche étaient souvent très surpris, voire angoissés par le mot « peur » exprimé par les patients. Ils disaient que le sentiment quils ressentaient était lappréhension et non pas de la peur. Les soignants déclaraient appréhender les réactions émotionnelles des patients, par exemple face à lannonce dun mauvais pronostic. A contrario, les patients affirmaient que les soignants néprouvaient pas seulement de lappréhension mais quils avaient vraiment « peur ». Comment comprendre cette vision forgée par le patient à propos du soignant ?

Il est probable que cette situation soit due à un problème de traduction des émotions du soignant par le patient. Ceci indiquerait quil y a une communication potentiellement conflictuelle ou problématique entre les deux parties. Si nous prenons appui sur Nussbaum, le mot « peur » en lui-même indique que quelque chose dimportant est menacé dans cette 86relation, à la fois pour le soignant et pour le patient. Ceci signifie que lobjet de cette émotion est important pour les personnes concernées. Ce qui nous intéresse nest donc pas le mot en lui-même mais lévaluation faite par les patients sur les soignants. Ceci évoque un manque de relation entre les deux parties leur permettant de travailler ensemble, en partie à cause de cette (mauvaise) traduction de lémotion de lautre.

Par ailleurs, en travaillant avec lémotion de la peur, il était également nécessaire que je me situe moi-même précisément par rapport aux processus de recherche. Pour moi, le mot « peur » fait « peur » : il peut ainsi bloquer les autres émotions tout aussi importantes par son caractère « fort », « dominant », « polémique ». Aussi jai utilisé des méthodes dentretiens plus classiques en sciences humaines et sociales, qui mont permis de transcrire et de réécouter les propos des patients. Cette méthode a permis un recul nécessaire pour ouvrir lespace aux nouvelles conceptualisations du sujet de recherche, mais aussi de me rendre compte de mon propre rôle dans la production des connaissances.

Reste que les sociologues utilisant des méthodes avec lémotion nous montrent donc des pistes pour engager et pour encourager la réflexivité du chercheur mais aussi pour porter un regard critique sur les données qui viennent du terrain. Il est maintenant nécessaire pour notre étude de faire comprendre, parmi les disciplines qui portent sur le terrain, la spécificité de la philosophie.

La souplesse méthodologique
d
un philosophe du terrain ?

Si le terrain du chercheur en sociologie ou en anthropologie est parfois délimité, puisque le chercheur a un terrain spécifique dans lequel il fait sa recherche, lespace et le temps dune recherche sur le terrain pour un philosophe est plus complexe. Est-il nécessaire de délimiter, de décrire cet espace et ce temps, ou bien est-ce que la réflexion philosophique peut se passer de ces contraintes ?

Il semble, dans lappréhension du terrain, avoir une souplesse en philosophie qui nexiste pas forcément dans des autres disciplines. Par 87exemple, les méthodes de Nussbaum se situent à la fois sur plusieurs sites et dans plusieurs disciplines : ses investigations anthropologiques en Inde et en Finlande ont abouti à sa liste des capacités28, pendant quelle préconise lutilisation des autres disciplines telles que la littérature29 et la psychanalyse30 pour développer ses concepts philosophiques. Elle se permet une promenade diversifiée et imprévisible qui la conduit à la considération du terrain tel quon le considère en anthropologie, mais aussi lexploration des autres disciplines. Le projet dont nous discutons dans cet article est également situé dans plusieurs sites et plusieurs disciplines, puisque la recherche sest déroulée dans de multiples espaces/temps (une réunion dun groupe de parole, une répétition de théâtre…) mais aussi avec des méthodes venant des autres disciplines (notamment la sociologie). Cependant nommer le nombre et les espaces de la recherche conduite avec les acteurs de terrain et selon différentes disciplines nest pas possible, puisque cette recherche – comme celle de Nussbaum – a comme point de départ la philosophie et ses réflexions propres. La différence de la philosophie de terrain ne serait-elle pas cette liberté de mobiliser des ressources venant des autres disciplines, quand elles sont fécondes pour un projet de recherche en philosophie ? Il est aussi possible de ne pas utiliser les traditions méthodologiques établies dans dautres disciplines.

Si nous accordons une liberté particulière au philosophe du terrain, cette liberté pose un problème potentiel pour la philosophie : si les espaces, les temps, les méthodes ne sont pas nécessairement formalisés, quel impact auraient-ils sur la réception des recherches par des acteurs du terrain, mais aussi par dautres chercheurs dans les sciences humaines et sociales ? En tant que philosophes, sommes-nous obligés dappliquer des méthodes de terrain « connues » et « vérifiées » pour être pris au sérieux dans nos discussions ? Ou bien devons-nous rejeter ces méthodes, nous rebeller contre elles, lorsquelles ne se révèlent daucune aide pour la réflexion ?

Si (en tant que philosophes) nous mettons en œuvre des méthodes traditionnelles propres aux sciences humaines et sociales, ce sera quand elles pourront apporter des outils spécifiques à la compréhension du 88sujet et – comme elles ont précédemment été mises en pratique avec la sociologie des émotions – à la réflexivité. Cependant même si elles peuvent nous aider, elles ne sont pas les seules inspirations. Donc quelles places leur donner ? Le projet de publier une recherche philosophique en lien avec le terrain dans des journaux multidisciplinaires impose une justification épistémologique. Rien nempêche les philosophes de proposer une méthode pour une philosophie de terrain, et aussi daider les autres sciences humaines et sociales à revisiter leurs conceptions du terrain. Sil nexiste pas de journaux dédiés à la philosophie de terrain, ne serait-il pas temps de proposer aux journaux dédiés aux sciences humaines et sociales les contributions de la philosophie de terrain et les nouvelles méthodes qui se développent dans ce cadre ?

Aujourdhui, nous sommes témoins dune prolifération décrits en sciences humaines et sociales – que ce soit en anthropologie, en sociologie, ou en psychologie – qui expérimentent de nouvelles pistes, par exemple lutilisation des concepts philosophiques dans un but de clarification ou pour pouvoir avancer de nouveaux concepts. Si la sociologie examine la réalité pour observer comment et pourquoi les personnes vivent de telle ou telle façon, ce qui intéresse un philosophe cest aussi le fait de pouvoir examiner les possibilités dêtre et de devenir des personnes. Une philosophie du terrain aura donc besoin de nouveaux outils pour avancer, et, en les développant, nous (en tant que philosophes) pourrons faire avancer la philosophie et peut-être aussi les autres disciplines. Cela dit, il est probable que nous devons continuer à faire appel à des techniques plus traditionnelles des sciences humaines et sociales pour plusieurs raisons. La première raison, comme évoqué précédemment, tient à la nécessité de se faire entendre au-delà des cercles philosophiques. La deuxième raison est peut-être la plus modeste mais également la plus pertinente : reconnaître la contribution quapportent des autres disciplines à notre exploration.

89

La finalité du terrain en philosophie

Avant de terminer cette investigation, il est essentiel de clarifier les raisons pour lesquelles on travaille en philosophie sur le terrain. Si en sociologie, partir du terrain a pour but de comprendre les processus sociaux et de pouvoir généraliser, un objectif secondaire est aussi dexercer une influence politique. Cependant, la raison pour laquelle nous étudions le terrain en philosophie est moins claire. Sagit-il seulement de faire avancer – voire défendre – des concepts philosophiques ? Ou bien le philosophe cherche-t-il à apporter aussi une contribution politique ? Sil nest pas évident, en philosophie, de relier les deux objectifs entre eux, il convient de se demander pourquoi lidée du terrain est autant discutée aujourdhui. Est-ce pour trouver une inspiration philosophique nouvelle à partir du terrain, ou au contraire, est-ce parce que les philosophes cherchent à trouver une place pertinente dans nos sociétés ? Est-ce que le souci du terrain en philosophie est né dune incertitude à légard de la place de la philosophie dans la société aujourdhui où beaucoup dactivités sont lobjet dune évaluation seulement comptable ?

À une époque où les sciences humaines et sociales se battent pour leur existence, le travail de Nussbaum reste ambitieux. Elle ose nous guider pour bien vivre grâce aux apports multiples de ces disciplines. En retour, elle nhésite pas à utiliser toute source dinformation disponible pour convaincre les philosophes – mais aussi dautres spécialistes – de la pertinence de ses idées. Elle sengage même dans les discussions sur les réformes sociales telles quen éducation et en politique en utilisant des concepts philosophiques originaux (comme lapproche par les capacités). Elle utilise toutes les sources dinformation disponibles pour sa tâche : les romans, les lois, les discours des politiciens… en somme, toutes les ressources nécessaires pour parler aux hommes et pour les convaincre de la véracité de ses idées. Si elle est souvent méprisée en philosophie pour ses écrits répétitifs, voire contradictoires31, pour ses aller-retours entre la philosophie et dautres disciplines, ce quelle vise fondamentalement, 90cest dutiliser la philosophie pour enrichir la vie des humains. Nussbaum a apporté une contribution tant à lavancement de la philosophie, quà la société pour les aider à bien vivre. Telle est la raison pour laquelle, pour Harpham, Nussbaum ne devrait pas être considérée comme une philosophe avec des préoccupations sociales, mais plutôt comme une réformatrice sociale utilisant des méthodes philosophiques.

John Dewey nous interpelle également : si un concept philosophique fait avancer la philosophie, ne devrait-il pas aussi enrichir la vie en société ? Il présente même un test pour la philosophie qui est le suivant :

Does it end in conclusions which, when they are referred back to ordinary life experiences and their predicaments, render them more significant, more luminous to us, and make our dealings with them more fruitful ? Or does it terminate in rendering the things of ordinary experience more opaque than they were before, and in depriving them of having in reality even the significance they had previously seemed to have32 ?

En écho à Merleau-Ponty, Dewey demande aux philosophes de philosopher avec et dans le monde et non pas dune manière détachée.

Selon ces conceptions, le premier objectif du philosophe de terrain nest pas de défendre des traditions philosophiques, mais de servir de guide pour bien vivre. Notre objectif sera donc déclairer des concepts qui contribuent à saisir le sens de nos expériences de vie en société.

Cette possibilité renouvelée pour le philosophe amène cependant à des défis nouveaux, puisque le public auquel il sadresse nest plus celui des philosophes professionnelles mais de tous les acteurs de terrain. Par exemple un des moyens pour Nussbaum de solliciter un public plus large apparaît dans son travail sur les émotions, développé en philosophie, mais appliqué aux problèmes actuels de nos sociétés. Si parfois elle est obligée de simplifier ses écrits pour un plus grand public, nous ne pouvons pas laccuser de trahir en retour ses pensées les plus fondamentales. Ainsi dans son livre le plus récent qui sintitule, The Monarchy 91of Fear : A Philosophers Look at Our Political Crisis (2018), elle essaie dutiliser sa théorie philosophique des émotions pour comprendre la crise politique aux États-Unis. Le livre nest pas destiné aux philosophes, mais aux citoyens des États-Unis qui se trouvent dans une situation politique inédite. Elle utilise les émotions comme la peur et le dégoût pour montrer à ses concitoyens pourquoi les différents partis politiques narrivent pas à se faire entendre et lespoir pour donner des pistes en vue de sortir de cette impasse. Elle met donc sa théorie des émotions au service de la société.

Nussbaum montre donc un moyen possible pour unir la réflexion philosophique et la volonté de servir la société. Cependant, pour elle, dans cette formulation, la philosophie devient une méthode comme une autre pour guider nos sociétés. Quand la philosophie ne lui suffit pas, elle nhésite pas à utiliser dautres sources, en particulier la littérature, la législation, ou des discours politiques. La philosophie a donc sa place, parmi dautres disciplines, mais nous ne pouvons pas forcément attendre quelle devienne la priorité dans les débats sociaux, sauf si elle apporte un moyen décisif pour résoudre un sujet de société. Ceci dit, il ny aucune raison de penser que la philosophie naura pas sa place. Ainsi la contribution de Nussbaum et son travail sur les émotions appliqués à la crise politique ont servi de référence au travail décrit dans cet article portant sur lidée du patient acteur.

Conclusions

Dans cet article, trois méthodes exploratoires (les mots clés, les entretiens, le théâtre) ont été proposées pour travailler avec les émotions en sinspirant des travaux de Martha Nussbaum. Des éléments de réflexion venant de la sociologie et de lanthropologie ont permis de rendre compte du statut du chercheur, et ont donné des pistes pour favoriser un partenariat épistémique avec les participants à la recherche. Au cœur du travail présenté dans cet article apparaît cette question : pourquoi sintéresser au terrain ? Est-ce quil offre une possibilité dapporter une contribution qui aille au-delà des concepts tels que les utilisent habituellement les 92philosophes, en lengageant dans le monde, avec les acteurs de ce monde, même si cela implique une vulgarisation des concepts ? Si cet article propose une manière de travailler avec les émotions en philosophie et aussi de travailler avec les participants à nos recherches, le débat ne fait que commencer et les outils sont à perfectionner. Reste que, nous lespérons, il a pu ouvrir une piste possible pour inaugurer un travail de terrain en philosophie, avec les méthodes propres à la philosophie, mais aussi avec dautres outils venant dautres disciplines telles que la sociologie. Il suggère aussi que les philosophes peuvent apporter une contribution tant auprès de la société que des sciences humaines et sociales.

Brenda Bogaert

Université de Lyon – IRPhiL

1 Les épilepsies sont souvent nommées au pluriel pour se rendre compte des diverses manifestations des crises.

2 Voir Steven J. Taylor et Robert Bogdan, Introduction to qualitative research methods : a guidebook and resource, 3rd ed, New York, Wiley, 1998.

3 Voir Diana Fritz Cates, « Conceiving Emotions : Martha Nussbaums Upheavals of Thought », Journal of Religious Ethics, vol. 31, no 2, juin 2003, p. 325-341.

4 Ibid.

5 Compte tenu de la quantité considérable de travaux découlant de cette idée, il est peut-être plus approprié de parler des théories au pluriel.

6 Voir Kristján Kristjánsson, « Virtue Ethics and Emotional Conflict », American Philosophical Quarterly, vol. 37, no 3, 2000, p. 193-207.

7 Martha Craven Nussbaum, Upheavals of Thought : the Intelligence of Emotions, Cambridge ; New York, Cambridge University Press, 2001.

8 Voir en particulier Antonio R. Damasio, Descartes error : emotion, reason, and the human brain, New York, Putnam, 1994 et Joseph E. LeDoux, The Emotional Brain : the Mysterious Underpinnings of Emotional Life, 1st. Touchstone ed, New York, NY, Simon & Schuster, coll. « A Touchstone book », 1998.

9 M. Nussbaum, Upheavals of Thought …, Op. cit., p. 22.

10 Ibid., p. 34.

11 Ibid., p. 27.

12 Martha Craven Nussbaum, The Monarchy of Fear : a Philosopher Looks at our Political Crisis, First Simon & Schuster hardcover edition, New York, Simon & Schuster, 2018, p. 23-24.

13 M. Nussbaum, Upheavals of Thought …, Op. cit., p. 27.

14 Ibid., p. 30.

15 Ibid.

16 Ibid., p. 28.

17 Ibid., p. 42.

18 Ibid., p. 28.

19 Martha Craven Nussbaum, Political emotions : why love matters for justice, First Harvard University Press paperback edition, Cambridge, Massachusetts London, The Belknap Press of Harvard University Press, 2013, p. 321.

20 Ibid.

21 Ibid., p. 322.

22 The Monarchy of Fear …, Op. cit., p. 28.

23 Voir Douglas R. Holmes et George E. Marcus, « Collaboration Today and the Re-Imagination of the Classic Scene of Fieldwork Encounter », Collaborative Anthropologies, vol. 1, no 1, 2008, p. 81–101.

24 Voir Petya Fitzpatrick et Rebecca, E. Olson, « A Rough Road Map to Reflexivity in Qualitative Research into Emotions », Emotion Review, vol. 7, no 1, janvier 2015, p. 49-54.

25 Hubbard et al., 2001

26 Voir Gill Hubbard, Kathryn Backett-Milburn et Debbie Kemmer, « Working with emotion : Issues for the researcher in fieldwork and teamwork », International Journal of Social Research Methodology, vol. 4, no 2, janvier 2001, p. 119-137 ; Petya Fitzpatrick et Rebecca E. Olson, « A Rough Road Map to Reflexivity in Qualitative Research into Emotions », art. cité ; Brenton Prosser, « Knowledge of the Heart : Ethical Implications of Sociological Research With Emotion », Emotion Review, vol. 7, no 2, avril 2015, p. 175-180.

27 B. Prosser, art. cité.

28 Voir Martha Craven Nussbaum, Women and human development : the capabilities approach, 13. print, Cambridge, Cambridge Univ. Press, coll. « The John Robert Seeley lectures », no 3, 2008.

29 Voir Martha Craven Nussbaum, Loves knowledge : essays on philosophy and literature, New York, NY, Oxford Univ. Press, 1992.

30 Voir M. Nussbaum, Upheavals of Thought …, Op. cit.

31 Voir Laurence Goldstein, « Foreword : Martha Nussbaum and her Critics », dans The Ethics and Politics of Compassion and Capabilities ; lectures by Martha Nussbaum, Hong Kong, Faculty of Law, The University of Hong Kong, 2007, p. vii-xix, ainsi que Geoffrey Galt Harpham, « The Hunger of Martha Nussbaum », Representations, vol. 77, no 1, février 2002, p. 52-81.

32 « Doit-on en conclure que les (résultats du travail philosophique), lorsquils sont renvoyés à des expériences de vie ordinaire et à leurs difficultés, les rendent plus significatives, plus lumineuses pour nous, et rendent nos relations avec eux plus fructueuses ? Ou bien cela finit-il par rendre les choses de lexpérience ordinaire plus opaques quauparavant, et par les priver même davoir dans la “réalité”, limportance quelles avaient semblé avoir précédemment ? » (John Dewey, Experience and Nature, Chicago & La Salle (Ill.), Open Court, 1994).