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Classiques Garnier

From methodological transdisciplinarity to philosophical specificity The example of a qualitative study on end of life care and the Claeys-Leonetti law

  • Publication type: Journal article
  • Journal: Éthique, politique, religions
    2019 – 2, n° 15
    . Le terrain en philosophie, quelles méthodes pour quelle éthique ?
  • Author: Markoff-Legrand (Anastasia)
  • Abstract: This article questions the specificity of applied philosophy on the basis of bioethicist Ghislaine Cleret de Langavant’s complex method and through its use in a study on end-of-life care and the Claeys-Leonetti law. The aim is to show that methodological transdisciplinarity in ethics does not prevent us from respecting actual philosophical requirements such as the formulation of a problem and the systemic understanding of knowledge.
  • Pages: 57 to 74
  • Journal: Ethics, Politics, Religions
  • CLIL theme: 3133 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie contemporaine
  • EAN: 9782406101444
  • ISBN: 978-2-406-10144-4
  • ISSN: 2271-7234
  • DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-10144-4.p.0057
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 03-18-2020
  • Periodicity: Biannual
  • Language: French
  • Keyword: Methodology, applied ethics, bioethics, complex method, end-of-life, Claeys-Leonetti law
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De la transdisciplinarité méthodologique
à la spécificité philosophique

Lexemple dune étude qualitative sur laccompagnement
de la fin de vie et la loi Claeys-Léonetti

Les nouvelles découvertes des sciences biomédicales conduisent un nombre croissant de chercheurs en bioéthique à sinterroger sur larticulation de leur méthode avec les défis posés par les progrès scientifiques et techniques. Depuis les années 1990, la méthode privilégiée pour analyser les enjeux de pratiques médicales est la méthode appliquée américaine fondée sur les quatre principes de respect de lautonomie, de non-malfaisance, de bienfaisance et de justice dégagés par Tom Beauchamp et James Childress dans Les Principes de léthique biomédicale (1979). Si ces deux auteurs ont induit empiriquement ces principes des raisonnements moraux quotidiens des acteurs de la sphère biomédicale, leurs successeurs – notamment nord-américains – ont eu tendance à les poser comme des principes a priori desquels il serait possible de déduire logiquement lensemble des normes éthiques à appliquer universellement aux comportements humains. Cette méthode appliquée réductionniste1 influente à léchelle internationale a certes permis dévaluer et de cadrer les évolutions des sciences et pratiques biomédicales, mais semble témoigner de certaines limites lorsquil sagit pour léthicien de rendre compte de la complexité et de la variété des phénomènes biomédicaux quil étudie. En effet, le respect de la seule logique déductive conduit généralement à réduire voire écarter les parts de hasard, de désordre, de chaos, de paradoxe, de contradiction ou dincertitude pourtant inhérentes aux enjeux de certaines pratiques médicales telles quelles sappliquent sur le terrain.

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Cest dans ce contexte et contre cette manière réductionniste de faire de léthique appliquée qua pu émerger la voie de la philosophie de terrain. Cette dernière se propose de redonner leur importance aux divers enjeux rencontrés en pratique, quand bien même ceux-ci ne se laisseraient pas homogénéiser et rapporter uniquement aux problèmes et concepts classiques déthique, en se fondant sur des outils dobservation et danalyse empruntés à dautres disciplines tels que lobservation participante ou lenquête qualitative traditionnellement utilisées en sciences sociales pour rendre compte de leur complexité et de leur diversité. Si ce partage doutils peut être considéré comme un enrichissement pour la philosophie appliquée, la différence entre ouverture et substitution méthodologique peut cependant être ténue : lidée dune spécificité de la philosophie de terrain est-elle bien défendable dans ce contexte dimportante perméabilité méthodologique et de décloisonnement disciplinaire ?

La méthode complexe élaborée par la bioéthicienne canadienne Ghislaine Cleret de Langavant dans son ouvrage Bioéthique. Méthode et complexité (2001) à partir des principes de la Méthode2 (1977-2004) du philosophe et sociologue français Edgar Morin peut aider à aborder la question de la conciliation de la transdisciplinarité méthodologique avec la spécificité de la philosophie de terrain. Lautrice de cette méthode présente le passage de lapproche appliquée réductionniste à lapproche complexe comme un changement de « paradigme3 » permettant de travailler avec la complexité à lœuvre dans les nouvelles pratiques biomédicales à laune de concepts et principes méthodologiques venant de sciences diverses. Si elle ne prétend pas constituer à proprement parler une méthodologie de terrain, cette approche a pour originalité dexiger de léthicien quil fasse partir sa réflexion du contexte local dapplication de la pratique quil étudie afin den préserver la complexité et les irrégularités, mais ce tout en maintenant certaines exigences proprement philosophiques telles que la problématisation4 et la compréhension systémique de la connaissance dans un réseau de théories ouvert et transdisciplinaire.

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Nous montrerons dans un premier moment que trois des principes transdisciplinaires de la méthode complexe peuvent justifier lélaboration dune philosophie de terrain en bioéthique. Cela nous conduira à aborder la question de la compatibilité entre transdisciplinarité méthodologique et spécificité philosophique dans cette méthode. Enfin, nous nous pencherons sur les difficultés suscitées par la mise en œuvre concrète de cette conciliation à travers lexemple de ladaptation de la méthode complexe à une étude qualitative de philosophie sur laccompagnement de la fin de vie et la loi Claeys-Léonetti.

Les principes transdisciplinaires
de la méthode complexe :
des fondements pour une philosophie de terrain ?

Louvrage Bioéthique. Méthode et complexité de Ghislaine Cleret de Langavant plusieurs points méthodologiques mettant en avant la transdisciplinarité qui pourraient servir dappui à la mise en œuvre dune philosophie de terrain. En effet, les principes de « reliance5 », de contextualisation et de réflexivité quelle met au jour peuvent justifier une ouverture de la philosophie à des théories et méthodes issues dautres disciplines.

Transdisciplinarité et « reliance »

Lun des apports majeurs de la méthode complexe pour la philosophie de terrain est de dissoudre lincompatibilité supposée entre la transdisciplinarité méthodologique et la spécificité de la discipline philosophique dans un renversement de principes épistémologiques. En effet, si Ghislaine Cleret de Langavant présente lapproche complexe comme un changement de paradigme en bioéthique, cest parce quelle consiste dabord en un nouveau rapport aux phénomènes que nous étudions et à 60lorganisation des connaissances scientifiques et philosophiques. Ce changement se caractérise notamment par la mise en œuvre de la « reliance », un principe de compréhension des phénomènes et de lorganisation de la connaissance développé par Edgar Morin6 consistant à appréhender en boucle et de manière transdisciplinaire des phénomènes, concepts et théories ou différentes dimensions dun même phénomène ou dun même concept que nous nous sommes accoutumés à isoler7 les un(e)s des autres pour former un système scientifique divisé en plusieurs disciplines closes sur elles-mêmes :

Quand je parle de complexité, je me réfère au sens latin élémentaire du mot « complexus », « ce qui est tissé ensemble ». Les constituants sont différents, mais il faut voir comme dans une tapisserie la figure densemble. Le vrai problème (de réforme de pensée) cest que nous avons trop bien appris à séparer. Il vaut mieux apprendre à relier. Relier, cest-à-dire pas seulement établir bout à bout une connexion, mais établir une connexion qui se fasse en boucle8.

La pensée complexe requiert un rapprochement entre les différentes disciplines. Cette forme de pensée marque lavènement dune réforme conceptuelle basée sur la communication entre des disciplines traditionnellement séparées, comme la science et la philosophie. Par ailleurs, la pensée complexe invite à une réintégration de lentreprise scientifique, actuellement dispersée dans une multitude de disciplines spécialisées9.

Lémergence de la philosophie de terrain pourrait donc être justifiée par cette logique de changement de rapport au réel et à lorganisation de la connaissance compte tenu de lapproche transdisciplinaire quelle tâche de mettre en œuvre pour rendre compte de lintrication des différentes dimensions des phénomènes et concepts quelle cherche à étudier ensemble dans un système complexe donné (un système de santé ou un système politique par exemple).

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Transdisciplinarité et contextualisation

Lapproche complexe qui consiste à relier ce que nous concevons traditionnellement comme séparé et à souvrir à des outils et théories transdisciplinaires invite la philosophie à intégrer différents apports théoriques et méthodologiques des sciences complexes telles que la physique, la biologie, léconomie, la cybernétique, linformatique et la sociologie. Ces disciplines se sont progressivement éloignées de lapproche scientifique réductionniste pour intégrer dans leurs théories les irrégularités des phénomènes jusqualors non expliquées ou estimées contradictoires avec la compréhension de lordre de lunivers et donc écartées de lélaboration de la connaissance :

La problématique de la complexité, telle que développée par les sciences de la complexité dans plusieurs disciplines dont léconomie, linformatique et la biologie, propose une nouvelle représentation de la réalité. Le désordre, lorganisation, la contradiction et le hasard participent désormais à la mise en œuvre de toute connaissance10.

Or, cette ouverture aux sciences de la complexité et à lexamen des parts de désordre, de contradiction et de hasard comme dimensions inhérentes à lorganisation de la réalité peut constituer un deuxième principe qui justifierait létude de terrain en philosophie, le terrain constituant le milieu naturel de ces irrégularités. Si Ghislaine Cleret de Langavant ne mentionne pas dans son ouvrage méthodologique lexpression de « philosophie de terrain », elle revendique cependant détudier les enjeux éthiques dune pratique donnée en contexte, cest-à-dire selon des paramètres historiques, politiques, économiques, sociaux et culturels spécifiques :

Le contexte social et historique influence lindividu dans son raisonnement éthique, puisque les principes apparaissent dans un espace socioculturel spécifique et à une époque donnée. Or, les relations conceptuelles déterminées et générales ne permettent pas de rendre compte de la spécificité socioculturelle et historique des dilemmes éthiques (MacIntyre, 1984 ; Elliot, 1992). [] Par conséquent, on doit élargir les horizons de la bioéthique, en accueillant un plus grand nombre de voix dans les discussions et en considérant des enjeux dordre sociologique, théologique, économique et politique11.

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Lattention portée aux singularités contextuelles et au pluralisme éthique est justement prégnante dans la philosophie de terrain qui donne voix aux divers acteurs impliqués dans une pratique biomédicale donnée en tenant compte du système dans lequel sinscrivent leurs raisonnements moraux. Le présupposé dune telle conception de léthique est donc fort : tout raisonnement éthique est sensible12 aux conditions initiales dans lequel il sinscrit. Quen est-il dès lors du raisonnement du philosophe de terrain lui-même : échappe-t-il à cette sensibilité au contexte initial depuis lequel il est formulé ? Et si tel nest pas le cas, quelle validité faut-il reconnaître à son raisonnement ?

Transdisciplinarité et réflexivité

Ghislaine Cleret de Langavant étend le principe de sensibilité contextuelle au raisonnement et à lobservation du chercheur lui-même : lobservateur est nécessairement soumis aux conditions initiales de lenvironnement dans lequel il effectue ses recherches. De cette idée héritée dEdgar Morin dérive la formulation du principe méthodologique dintégration de lobservateur dans sa propre observation :

Pour Edgar Morin, le sujet doit avoir conscience dêtre impliqué dans le processus de connaissance, doù lidée centrale que lobservateur doit être intégré dans son observation. Toute connaissance est le résultat dune interprétation de la réalité par un esprit dans une culture et dans une époque données (Morin, 1996)13.

Or, ce principe fondateur de la méthode complexe pourrait bien savérer également essentiel à la rigueur méthodologique des études de philosophie de terrain dans la mesure où celles-ci requièrent du philosophe quil sincorpore au sens propre dans le phénomène quil étudie au moyen dobservation participante14 ou de conduite dentretiens par exemple. Cependant, cette idée de dépendance des raisonnements et 63observations à des conditions initiales ne doit pas conduire à un relativisme radical consistant à nier leur validité. Au contraire, la subjectivité se transforme en outil pour atteindre une certaine forme dobjectivité dès lors que lobservateur fait preuve de réflexivité sur sa propre posture, sur le contexte dans lequel il sinscrit et sur lhistoire et la tradition langagière qui conditionnent son rapport au monde et sa réflexion :

La reconnaissance du sujet fait partie intégrante du processus dobservation puisque lautoanalyse et lautocritique sont essentielles dans toute quête dobjectivité15.

La transdisciplinarité méthodologique dont fait preuve la philosophie de terrain peut donc également se justifier du point de vue du respect de ce principe de réflexivité. En effet, lautoanalyse et lautocritique ont largement été intégrées et développées dans les méthodes des sciences humaines et sociales : les travaux méthodologiques dArthur Kleinman en ethnographie et un grand nombre douvrages de méthodologie qualitative16 en fournissent plusieurs formes de mise en œuvre concrète17.

La méthode complexe fournit donc trois voies interdépendantes de justification de la transdisciplinarité en bioéthique et en philosophie de terrain : la mise en adéquation de lorganisation de la connaissance à lorganisation (complexe) du réel par le principe de « reliance » ; le besoin de recourir à des théories pluridisciplinaires éclairant le contexte dans lequel sinscrivent les raisonnements éthiques et pratiques biomédicales du fait de leur sensibilité à des paramètres multiples ; et la nécessité demprunter aux sciences humaines et sociales des méthodes mettant en œuvre le principe de réflexivité pour ne pas compromettre la validité des raisonnements et observations dès lors que lon reconnaît que lobservateur sintègre à son observation. Mais si les sciences humaines et sociales étudient déjà des phénomènes complexes en contexte avec des méthodes éprouvées, que resterait-il de spécifique à une philosophie de terrain appuyée sur la méthode complexe et ses principes transdisciplinaires ?

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La spécificité philosophique pensée à laune
de la méthode
complexe 

La méthode complexe transdisciplinaire développée par Ghislaine Cleret de Langavant nest pas incompatible avec le maintien dune certaine spécificité philosophique. En effet, plusieurs des principes méthodologiques quelle défend sont hérités de lhistoire de la philosophie : les exigence de problématisation et dapproche systémique de la connaissance produisant des méta-points de vue en témoignent. Lenjeu est de saisir en quoi celles-ci pourraient se concilier avec lapproche transdisciplinaire de la philosophie de terrain.

La problématisation : une tradition philosophique
revisitée par l
approche contextuelle de la méthode complexe

La problématisation renvoie communément à lart de poser des problèmes et se distingue du fait de poser des questions. En philosophie, ne fait problème quune question préalablement justifiée, dont les tensions inhérentes ont été explicitées à partir dune articulation ou dune mise en friction de concepts définis. En ce sens, toute question de recherche ne pose pas nécessairement problème pour la philosophie, quand bien même elle serait motivée par de réelles difficultés scientifiques et pratiques. Les notions darticulation et de définition conceptuelles sont donc essentielles à la distinction entre problème philosophique et question. Or, dans la pensée complexe qui a pour objectif de relier des concepts contraires (par exemple, « ordre » et « chaos ») pour éclairer différemment des théories et pratiques établies, la problématisation philosophique est fondamentale :

Des contradictions, associées et intégrées dans leur contexte, peuvent naître des méta points de vue utiles pour apporter de nouvelles solutions aux problèmes qui surgissent. [] Par ailleurs, lassociation des contradictions nous incite à « problématiser » les solutions acquises18.

Cependant, sil y a bien problématisation philosophique dans cette méthode, celle-ci se distingue de la problématisation classique en éthique 65du fait quelle sintègre à lexigence de contextualisation. Dans la pensée complexe, le problème et le sens des concepts qui larticulent varient nécessairement selon le contexte depuis lequel ils sont formulés, là où les problèmes formulés en éthique appliquée réductionniste se présentent comme universels et se posent donc hors contexte. Or, la contextualisation de la problématique peut trouver sa justification dans linadéquation de ces problèmes à des sociétés qui sont étrangères aux concepts qui les composent. Par exemple, la manière classique de poser le problème de leuthanasie en mettant en tension « autonomie » et « solidarité » ne fait pas sens dans la société chinoise où lon ne dissocie pas les choix individuels des choix familiaux19. Cette manière complexe de problématiser les enjeux éthiques de pratiques biomédicales qui consiste à associer contextualisation et problématisation peut fournir à la philosophie de terrain une voie de conciliation entre transdisciplinarité et spécificité philosophique : une philosophie de terrain qui sappuierait sur la méthode complexe articulerait des concepts en vue de construire un problème comme lexige la tradition de sa discipline, mais relierait ce problème à un contexte dont elle étudie les singularités à travers les prismes dautres disciplines telles que lhistoire, lanthropologie ou la sociologie. Une telle transdisciplinarité dans la manière de problématiser un sujet suppose cependant de concevoir la philosophie comme la discipline se donnant pour tâche de développer une compréhension systémique de la connaissance, cest-à-dire de mettre en relation différentes disciplines et théories dans un système.

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Lapproche systémique de la connaissance
et la production de méta-points de vue 

Lapproche systémique de la connaissance telle quelle se déploie dans lapproche complexe avec les principes de « reliance20 » ou « darticulation entre des sciences disjointes21 » dans un système ouvert et dynamique peut être conçue comme une deuxième caractéristique en lien avec la tradition philosophique. En effet, cette manière denvisager la connaissance nest pas sans rappeler le Système hégélien tel quil sannonce dans la préface de la Phénoménologie de lesprit (1807) puis est mis au jour dans LEncyclopédie des sciences philosophiques (1830), à savoir comme un tout organique, et non un ensemble fixe dont les parties seraient déliées, où chaque discipline scientifique est articulée à la philosophie de manière vivante dans des cercles passant les uns dans les autres à linfini22. Lexigence de reproduire dans le discours philosophique le maillage continu reliant des théories issues de disciplines habituellement séparées est commune aux approches complexe et hégélienne. En ce sens, il est possible de concevoir, en dépit de létrangeté de cette formulation, que la philosophie soit une discipline spécifiquement transdisciplinaire, ce qui dissout lapparente incompatibilité entre louverture à une pluralité de disciplines et le maintien de la spécificité philosophique. Une philosophie de terrain qui reprendrait à lapproche complexe ce principe darticulation de sciences disjointes dans un système organique maintiendrait donc une certaine forme de spécificité disciplinaire et serait à même de fournir des méta-points de vue sur les phénomènes quelle étudie.

Si la transdisciplinarité nest donc pas nécessairement incompatible avec la spécificité philosophique telle quelle est conçue dans la méthode complexe du fait quelle préserve lexigence de problématisation, voire constitue au contraire la spécificité de la discipline philosophique en tant que système organique ouvert articulant des sciences disjointes et produisant des méta-points de vue, le respect de lensemble des exigences précédemment mentionnées peut quant à lui poser problème dans la mise en œuvre effective de lapproche complexe en philosophie de terrain.

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Ladaptation concrète de la méthode complexe 
à la philosophie de terrain et ses difficultés

Lexemple dune étude qualitative sur laccompagnement
de la fin de vie et la loi Claeys-Léonetti

Ladaptation des principes méthodologiques de la méthode complexe à la philosophie de terrain ne va pas sans poser difficulté. À travers lexemple dune étude qualitative de philosophie sur laccompagnement de la fin de vie et la loi Claeys-Léonetti, nous examinerons les problèmes suscités par la construction dune méthode qui ne soit non pas programmatique mais stratégique (cest-à-dire adaptée spécifiquement au sujet détude), le respect de lexigence de réflexivité et la rédaction dune analyse systémique productrice de méta-points de vue.

Il ne sagira pas de développer ici les résultats de létude mais de revenir sur des points de la méthode complexe qui ont pu poser difficulté dans son élaboration. Lenquête portait sur les rapports entre la mise en vigueur de la loi Claeys-Léonetti de 2016 en France et les représentations et pratiques soignantes daccompagnement des personnes âgées en fin de vie. Lhypothèse de départ qui sous-tendait la recherche était que la variabilité des représentations et interprétations soignantes de la fin de vie pouvait favoriser une certaine hétérogénéité des pratiques daccompagnement et dapplication de la loi. Linvestigation sur le terrain était censée permettre déviter toute forme de réductionnisme dans lanalyse des enjeux éthiques des lois de fin de vie en intégrant une approche contextuelle à même de complexifier les problématiques classiques déthique appliquée sur ce sujet et dapporter de nouveaux éléments de réflexion aux débats publics sur les droits des patients. Lenquête sest concentrée en région Auvergne-Rhône-Alpes et a été conduite en 2018 sur cinq mois. Elle consistait en la réalisation de treize entretiens semi-directifs avec six infirmières diplômées dÉtat, trois psychologues et quatre médecins travaillant en EHPAD ou en CHU (en service de soins palliatifs ou en service de court-séjour gériatrique).

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Lélaboration dune méthode stratégique
transdisciplinaire et le problème de l
expérience

Lun des risques de la réadaptation de la méthode complexe à la philosophie de terrain est daboutir à une autre forme de réductionnisme méthodologique consistant à appliquer lapproche complexe telle un calque à nimporte quel sujet détude. Pour pallier cette éventuelle dérive qui irait à lencontre des principes antiréductionnistes quelle défend, Ghislaine Cleret de Langavant insiste dans son ouvrage sur le fait que sa méthode ne doit pas être reprise de manière programmatique mais stratégique : elle doit être construite progressivement, en fonction des spécificités de lobjet détude et des aléas de la recherche :

La recherche dune méthode adéquate pour penser le problème de la complexité na pas la prétention de trouver la méthode à employer en bioéthique ; cela reviendrait à une nouvelle forme de réductionnisme. Dans le champ de la bioéthique, une méthode guidée par une pensée complexe doit se manifester graduellement, au cours de la recherche, et selon les situations23.

La prise en compte de théories pluridisciplinaires dans une philosophie de terrain appuyée sur les principes généraux de la méthode complexe implique donc la reconnaissance de lutilisation de plusieurs méthodologies différentes, non choisies davance mais sélectionnées selon leur pertinence par rapport aux spécificités du sujet détude et au déroulement de linvestigation. Or, la recherche et la comparaison de méthodologies issues dune grande variété de disciplines ainsi que le changement de méthode en cours de recherche peuvent requérir du temps : le respect de ces principes peut donc être incompatible avec les exigences contemporaines de productivité et defficience auxquelles la philosophie de terrain néchappe pas.

Cependant, dans létude en question, le problème de la chronophagie sest peu posé car peu de méthodologies permettaient dinvestiguer la thématique de recherche de manière pertinente : lenquête de compréhension qualitative déclinée sous la forme dentretiens semi-directifs sest comme imposée à lexploration des représentations et pratiques soignantes concernant les lois et laccompagnement de fin de vie. En effet, cette méthode traditionnelle de type inductif ou itératif24, inspirée de la 69sociologie et de lethnologie, a pour avantage de respecter les principes de contextualisation et dadaptation méthodologique selon les situations et les spécificités du sujet puisquelle requiert du chercheur davoir des hypothèses de départ souples portant sur un groupe, un espace et un thème particuliers (en loccurrence les soignants travaillant en milieu hospitalier ou médico-social accompagnant les personnes âgées en fin de vie). Ce modèle précis permet « danalyser en profondeur les pratiques, stratégies, valeurs de groupes dindividus25 » telles quils les verbalisent26 et « dobtenir des opinions et des représentations27 » tout en laissant une certaine souplesse dexpression aux interlocuteurs afin de mettre en évidence les « systèmes de valeurs et repères normatifs28 » qui les aident à sorienter et à déterminer leurs pratiques. Toutefois, la pertinence de ce choix de méthodologie a été questionnée à plusieurs reprises au cours de lenquête en vue de maintenir une ouverture possible sur dautres manières dinvestiguer le sujet détude (observation participante, réunions de groupe ou entretiens compréhensifs par exemple).

Si le temps na pas posé véritablement problème dans la sélection stratégique de la base méthodologique de létude, le manque de formation et dexpérience dans le domaine des études qualitatives a quant à lui fait difficulté. Les ouvrages de méthodologie mentionnés ci-dessus permettent certes de pointer les principaux biais de recherche qui peuvent simmiscer en raison de linexpérience de lenquêteur (intrusions trop fréquentes dans les entretiens, choix dune hypothèse déjà trop orientée et inflexible ou mauvaises formulations de questions et relances par exemple) mais ne constituent en aucun cas un programme protocolaire remplaçant lexpérience tirée de la mise en œuvre répétée détudes qualitatives et de leur analyse rétrospective. Ce nest quau cours de lenquête et en fonction dun certain degré de réflexivité que loccurrence de ces erreurs a pu être diminuée, mais pas éliminée. Ladaptation stratégique de la méthode complexe au sujet 70de recherche par le philosophe de terrain peut donc être compromise par le manque dexpérience dans la mise en œuvre de méthodologies issues dautres disciplines et exige donc dautant plus du chercheur quil fasse preuve dautoanalyse et dautocritique sur la manière de mener son enquête.

La question de la réflexivité

Le principe de réflexivité de la méthode complexe trouve sa continuité dans les ouvrages méthodologiques détudes de terrain en sciences sociales29. En effet, ces derniers soulignent la nécessité pour lenquêteur danalyser sa propre posture physique et socio-culturelle, ses opinions, le ton quil prend dans le dialogue avec linterviewé et tout autre facteur pouvant influer sur les résultats, afin de véritablement faire de la subjectivité un outil pour atteindre une certaine forme dobjectivité. La mise en œuvre de ce principe peut passer par la tenue dun journal de bord dans lequel lenquêteur note, après chaque prise de contact et entretien, ses impressions, pensées, difficultés rencontrées et observations ainsi que la description détaillée des modalités de prise de contact et de réalisation de létude. Dans le cas où lenquêteur retient cette option, il est largement recommandé de se référer au journal lors de la retranscription et de lanalyse des entretiens. Toutefois, si elle constitue une véritable aide à la réflexivité, la tenue dun journal de bord ne garantit pas à elle seule la pertinence de lautoanalyse et de lautocritique de lenquêteur, et donc la saisie de ce qui a impacté ou non les résultats.

Dans lenquête sur laccompagnement de la fin de vie et la loi Claeys-Léonetti, la tenue du journal de bord sest avérée aidante, notamment pour comprendre ce qui a pu faciliter ou bloquer la communication avec linterviewé. La relecture du journal a permis de mettre au jour limpact de la présentation de lintervieweuse et de son enquête sur lattitude de linterviewé et les réponses quil apportait aux questions. En outre, si lenquêtrice mettait en valeur la question de la loi dans sa présentation de létude, linterviewé qui connaissait mal le dispositif légal semblait peu à laise et prenait moins la liberté de parler de problématiques plus 71larges daccompagnement de fin de vie. À linverse, quand linterviewé avait une bonne connaissance de la loi, celui-ci avait davantage tendance à prendre une posture dexpertise sur le sujet de la fin de vie et à sapproprier la direction de lentretien. Au fil des pages du journal, il apparaissait également que lintervieweuse changeait de manière de percevoir les propos des interviewés : si, au début de lenquête, le journal mentionnait un certain étonnement quant à labsence de mention du problème de double effet de la sédation profonde et continue30 sur le pronostic vital des patients dans les propos des interlocuteurs, cet étonnement a progressivement disparu par la suite, ce qui a conduit lenquêtrice à ne plus relancer les interviewés sur cette thématique et à lécarter également de lanalyse, là où lhypothèse de départ lui accordait une place importante.

Cependant, des incertitudes demeurent malgré la tenue du journal quant à leffet réel des silences de lintervieweuse sur la prise de parole de linterviewé (le silence a-t-il généré de la gêne et finalement empêché la prise de parole de linterviewé ou la-t-il au contraire libérée ?), limpact de la variété des prises de contact (par mail, téléphone, avec ou sans intermédiaire) avec les personnes interrogées sur leur attitude à légard de lenquêtrice et la formulation de leurs réponses, ou encore linfluence du statut de lintervieweuse (étudiante en philosophie étrangère au milieu du soin) sur la nature des informations échangées (le fait que les interviewés mentionnent parfois plus de « problèmes humains » que de difficultés techniques de mise en œuvre de certaines pratiques daccompagnement de fin de vie31 était-il lié aux attentes quils attribuaient à une étudiante en philosophie ou à la manière authentique dont ils abordaient les questions de fin de vie ?). Le principe de réflexivité sest donc avéré assez difficile à mettre en œuvre sur ces points.

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Analyse systémique et production
de méta-points de vue : une ouverture
vers un travail collectif en philosophie de terrain ?

Lapplication des principes de « reliance » transdisciplinaire et de compréhension systémique dans la rédaction de lanalyse a constitué une troisième difficulté dans la conduite de létude et a ouvert la question de la possibilité de développer un travail collectif en philosophie de terrain pour produire de véritables méta-points de vue. Lanalyse et la rédaction ont soulevé de nombreuses interrogations quant à la manière de mettre en relation, dune part, les entretiens entre eux et, dautre part, de les faire dialoguer avec la littérature existante sur la fin de vie et les évolutions des droits des patients sans perdre la complexité et la singularité de leur contenu. Traditionnellement, la méthode qualitative préconise de recouper le contenu des entretiens dans un tableau danalyse thématique. Or, le risque de cette procédure est daboutir à un certain réductionnisme allant à lencontre de lexploration en profondeur des représentations et pratiques singulières des interviewés, le tableau ayant pour fonction den faire la synthèse. Pour pallier ce risque, ladaptation de la méthode complexe à la méthodologie qualitative a abouti à un tableau thématique dune exhaustivité telle quil ne permettait plus davoir une vue densemble : chaque colonne thématique avait pour double objectif de relier les propos des interviewés entre eux quand leur mise en relation semblait pertinente, mais aussi de souligner les nuances singulières qui résistaient à cette mise en relation. Cependant, si le résultat de ce travail nétait pas exploitable en tant que tel, il a permis de mémoriser le contenu détaillé des entretiens et a facilité la sélection des passages à citer et analyser dans le mémoire de recherche.

La mise en relation des entretiens avec la littérature pluridisciplinaire existant sur la fin de vie ne devait pas non plus conduire à réduire le terrain à une fonction dexemplification de discours philosophiques et scientifiques. Lenquêtrice a donc choisi de fonctionner par échos pour faire dialoguer discours singuliers et théories : sil y avait lieu de faire des rapprochements avec la littérature existante et certaines problématiques éthiques, ceux-ci avaient pour objectif de nuancer la formulation de certains dilemmes classiques déthique ou dapprofondir les propos des interviewés. Ce maillage a permis de 73produire plusieurs méta-points de vue sur laccompagnement et les lois de fin de vie, en reliant notamment des théories éthiques, médicales, ethnographiques, historiques, juridiques et politiques ; mais il était loin dépuiser les possibilités de combinaison entre lensemble des disciplines pouvant éclairer ou complexifier les problématiques abordées, faute de temps et de connaissance de lenquêtrice dans dautres domaines. En ce sens, il serait sans doute bénéfique de combiner à une philosophie de terrain appuyée sur la méthode complexe une approche collective du travail de recherche : si le philosophe ne peut prétendre avoir une connaissance suffisante de toutes les sciences et ne peut recourir à leurs théories avec rigueur, peut-être que la collaboration avec des chercheurs spécialisés dans dautres disciplines pourrait densifier les méta-points de vue.

Toutefois, limpossibilité de mobiliser lintégralité des théories pluridisciplinaires pouvant éclairer le sujet de recherche ne doit pas être interprétée comme une faille majeure de lapplication de la méthode complexe à la philosophie de terrain. En effet, Ghislaine Cleret de Langavant rappelle que lapproche complexe conçue par Edgar Morin ne nécessite pas daboutir à un système de connaissance parfaitement unitaire et épuisant la mobilisation des divers prismes permettant daborder le sujet détude, mais de relier autant que possible les disciplines scientifiques et philosophique afin de réfléchir à la manière dont elles communiquent entre elles :

Limportant est de rendre compte des articulations organisationnelles complexes entre des sphères disjointes, comme les sciences pures et les sciences humaines, et non de donner toute linformation sur les phénomènes étudiés. Morin ne sattache pas à trouver un principe unitaire pour toutes les connaissances, parce quil lui apparaît plus essentiel de sintéresser à la communication entre les diverses connaissances, par la mise en œuvre dune pensée complexe32.

En définitive, si les principes méthodologiques de contextualisation et de prise en compte des aspérités du terrain étudié qui sont prônés par la méthode complexe peuvent nous faire douter que la philosophie de terrain ait une perspective spécifique par rapport aux disciplines auxquelles elle emprunte un certain nombre de méthodes et de théories, lexigence proprement philosophique de problématiser un sujet et de 74comprendre lorganisation de la connaissance au sein dun système articulant des champs scientifiques disjoints peuvent finalement constituer des critères de spécificité pour une philosophie de terrain. Cependant, le respect de ces exigences requiert du philosophe quil élargisse sans cesse ses domaines de connaissance et ses références méthodologiques, ce qui nécessite beaucoup de temps et de rigueur, rend les analyses assez exhaustives et pose la question de la possibilité dun travail collectif entre spécialistes de disciplines distinctes.

Anastasia Markoff-Legrand

Université de Lyon 3 – IRPhiL

1 Par réductionnisme, nous entendons ici le fait de réduire des pratiques humaines à lapplication dun petit nombre de principes éthiques considérés universels.

2 La Méthode comporte six tomes publiés séparément de 1977 à 2004 et regroupés dans lédition de 2008. Ghislaine Cleret de Langavant sest donc appuyée sur les cinq premiers tomes (le cinquième ayant été publié en 2001) pour élaborer sa méthode.

3 Ghislaine Cleret de Langavant, Bioéthique. Méthode et complexité, Presses de lUniversité du Québec, 2001, p. 88.

4 Nous développerons dans la partie intitulée La problématisation : une tradition philosophique revisitée par lapproche contextuelle de la méthode complexe la question de la distinction entre la problématisation philosophique et la formulation dune question de recherche en sciences sociales.

5 Edgar Morin, « La stratégie de reliance pour lintelligence de la complexité », Revue Internationale de Systémique, vol. 9, no 2, 1995.

6 Edgar Morin, ibid.

7 Morin ne soppose pas à létude isolée des phénomènes et à la division de la science en plusieurs disciplines distinctes car il concède que ce découpage des phénomènes et des disciplines est nécessaire au progrès des connaissances, mais à lidée selon laquelle il faudrait sen tenir à cette seule manière cloisonnée dappréhender les phénomènes et la connaissance en tant quelle limite notre compréhension du réel. Pour Morin, létape de « reliance » doit succéder à létape de séparation car la compréhension systémique des phénomènes et des théories scientifiques est non moins nécessaire que la première au progrès des sciences.

8 Edgar Morin, ibid.

9 Ghislaine Cleret de Langavant, op. cit., p. 88.

10 Ibid., p. 20.

11 Ibid., p. 139.

12 Cest-à-dire influencé, et non intégralement déterminé.

13 Ibid., p. 107-108.

14 Morin et Cleret de Langavant nétablissent pas de lien direct entre lapproche complexe et lobservation participante dans leurs ouvrages. Cependant, limmersion concrète du chercheur dans la vie du monde biomédical (par exemple, dans le quotidien dun service de soins) peut aider à saisir finement les caractéristiques spécifiques de lenvironnement où travaillent les acteurs dont on cherche à comprendre les pratiques et raisonnements moraux et, par suite, de mieux resituer les enjeux étudiés dans leur contexte propre afin den préserver la complexité.

15 Ghislaine Cleret de Langavant, op. cit., p. 108.

16 Voir p. ex. Jean-Claude Kaufmann, LEntretien compréhensif, Paris, Armand Colin, 2014.

17 Voir Arthur Kleimann, « Moral experience and Ethical Reflection : Can Ethnography Reconcile Them ? A Quandary for “The New Bio-ethics” », Daedalus, vol. 128, no 4, 1999, p. 69-97 ; Sophie Alami, Dominique Desjeux et Isabelle Garabniau-Moussaoui, Les Méthodes qualitatives, Paris, PUF, 2013 ; Alain Blanchet et Anne Gotman, LEntretien, Paris, Armand Colin, 2010 ; Jean-Claude Kaufmann, LEntretien compréhensif, Op. cit.

18 Ghislaine Cleret de Langavant, op. cit., p. 136.

19 Ibid., p. 219-220. « Une étude de cas décrivant la rencontre entre une équipe médicale américaine et la famille dune femme chinoise, souffrant dune maladie mortelle, illustre clairement les dilemmes éthiques soulevés par lexistence de valeurs, dattentes et de pratiques différentes (Muller, 1991) ». Lanalyse de cette étude de cas est développée par Cleret de Langavant dans la note de bas de page no 25 : « Léquipe médicale, par respect pour lautonomie de la femme, souhaitait partager avec elle toute linformation concernant sa condition médicale, mais, celle-ci ne parlant pas langlais, son fils devait servir dinterprète. Or, selon une pratique culturelle relativement fréquente dans la communauté chinoise, une personne malade a le droit dêtre traitée comme un enfant et mérite dêtre protégée, même des mauvaises nouvelles qui pourraient rendre cette personne anxieuse (Brotzman et Butler, 1991 ; Tong, 1990). De plus, le rôle de la famille en ce qui a trait aux décisions médicales est perçu différemment dans la culture chinoise, où les relations familiales sont très importantes. Ainsi, les décisions médicales sont des décisions familiales et non individuelles (Louie, 1985). Enfin, pour être un fils digne, le garçon croyait devoir protéger doublement sa mère, qui mourrait jeune, puisquen Chine il est habituel de définir une “belle mort” comme une mort paisible survenant tardivement dans la vie (Lee, 1991 ; Shi Da Pu, 1991) ».

20 Edgar Morin, « La stratégie de reliance … », art. cité, 1995. Voir notre partie intitulée Transdisciplinarité et « reliance »

21 Ghislaine Cleret de Langavant, op. cit., p. 113

22 Cette dernière idée de cercles infinis du système hégélien peut elle-même être rapprochée des « boucles récursives » du principe de reliance dEdgar Morin, « La stratégie de reliance … », art. cité.

23 Ghislaine Cleret de Lanvagant., Op. cit., p. 134.

24 Dans une démarche itérative, lhypothèse se construit par allers-retours entre lempirique et le théorique : il y a bien une hypothèse de départ, mais celle-ci va changer graduellement, en fonction de ce qui se tramera sur le terrain.

25 Sophie Alami, Dominique Desjeux & Isabelle Garabuau-Moussaoui, Les Méthodes qualitatives, Paris, PUF, 2013, p. 42.

26 Les entretiens semi-directifs semblaient sur ce point plus appropriés que lobservation directe des pratiques ou que les réunions de groupe dans la mesure où ils permettent de saisir la manière dont chaque interviewé conceptualise singulièrement ses propres pratiques et, ce faisant, fait preuve de réflexivité.

27 Sophie Alami et al., op. cit., p. 57.

28 Alain Blanchet et Anne Gotman, LEntretien, Paris, Armand Colin, 2010, p. 24.

29 Voir Stéphane Beaud et Florence Weber, Guide de lenquête de terrain, Paris, La Découverte, 1998, ainsi que Robert Emerson, Rachel Freitz & Linda Shaw, Writing Ethnographic Fieldnotes, University of Chicago Press, 2011 ou Gérard Noiriel et Florence Weber, « Journal de terrain, journal de recherche et auto-analyse », Genèses, vol. 2, 1990, p. 138-147.

30 Pratique qui consiste à utiliser des sédatifs pour couper le plus profondément possible un patient en fin de vie de ses perceptions jusquau décès.

31 Je fais ici principalement référence aux limitations et arrêts de traitement maintenant artificiellement la vie et à la sédation profonde et continue jusquau décès.

32 Ghislaine Cleret de Lannvagant, Op. cit., p. 97.