L’imagination au travail Bachelard, philosophe des sociétés préindustrielles
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Éthique, politique, religions
2018 – 2, n° 13. Imaginaire et praxis. Autour de Gaston Bachelard - Auteur : Wunenburger (Jean-Jacques)
- Résumé : Partant des liens qui unissent l’homo faber, l’imagination et le travail chez Gaston Bachelard, cette étude détermine en quel sens les approches bachelardiennes font de ce philosophe un témoin et un interprète des sociétés préindustrielles, mais aussi de manière générale du travail de la main.
- Pages : 169 à 185
- Revue : Éthique, politique, religions
- Thème CLIL : 3133 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie contemporaine
- EAN : 9782406091295
- ISBN : 978-2-406-09129-5
- ISSN : 2271-7234
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09129-5.p.0169
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 23/04/2019
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Anthropologie symbolique, corps, imagination, matière, travail
L’imagination au travail
Bachelard, philosophe des sociétés préindustrielles
L’espace appelle l’action et avant l’action l’imagination travaille1.
Bachelard a contribué dans la seconde partie de son œuvre (à partir de 1937), qui complète l’axe épistémologique de la science, à transformer profondément les thèses récurrentes de la philosophie rationaliste concernant l’imagination. Celle-ci, surtout à partir du xviie siècle (Descartes, Malebranche, Montaigne, Pascal, puis Hume, etc.), était présentée de manière prévalente comme un succédané de la perception, comme une reproduction passive et affadie des sens, exposée à des relations associatives faibles, et susceptible de porter atteinte au contrôle rationnel des représentations, favorisant des idées fausses et déclenchant des effets pathologiques. Autant Bachelard prolonge, en renouvelant son épistémologie, le rationalisme classique, son anticartésianisme restant référé à Descartes, en y introduisant entre autres une dialectique négative ; autant il rompt avec lui pour décrire la nature et les effets de l’imagination. Il réactive plutôt la longue filiation d’une conception de l’imagination active et créatrice, qui s’enracine dans le néoplatonisme d’un Giordano Bruno ou d’un Paracelse2, et va trouver une expression forte chez Kant3 puis connaître son expansion dans la pensée des romantismes allemands4. La poétique bachelardienne, même si elle est souvent assumée comme une occupation intellectuelle 170légère et distrayante, va ouvrir sur une systématicité et une profondeur philosophiques nouvelles et redonner une actualité aux anciennes théories de l’imagination créatrice, symbolique ou visionnaire.
Bachelard va, dans ce contexte, retrouver les conceptions fortes de l’imagination, comme dotée d’une force interne (vis en latin ; Kraft en allemand) qui va permettre de distinguer entre une imagination passive, contemplative, du repos, et une autre libérant toutes les énergies du sujet et accompagnant de manière spontanée les gestes, postures, comportements d’un être agissant dans et sur le monde extérieur. L’imagination va même devenir l’instance centrale pour comprendre le psychisme agissant, travaillant, transformant les matières et formes du milieu extérieur. Cette dualité entre deux expressions et modalités de l’imagination sera soutenue par les catégories jungiennes d’« anima » rêveuse et fusionnelle et d’« animus » aux prises avec une adversité, celle d’un non-moi5. Par-là Bachelard va apporter une contribution originale à l’imagination du travail manuel, domestique ou des métiers, rejoignant les acquis de toute une anthropologie du travail préindustriel de son temps.
L’imagination active au travail
Bachelard a renouvelé fortement les conceptions de l’imagination, comme pouvoir psychique, en l’ancrant dans la volonté, dans l’inconscient, dans le corps, et a ainsi contribué à souligner ses capacités performatives, pragmatiques, praxiques. Certes Bachelard ne minimise pas le risque de dérive pathologique de la puissance des images, mais il s’en défie et s’en détourne, à la fois par goût personnel et parce que la psychanalyse et la psychologie clinique lui ont déjà accordé beaucoup d’attention6. La dynamique positive, voire adaptive, de l’imagination lui apparaît plus conforme à son tempérament et plus urgente du point de vue culturel, en particulier pour la compréhension de la créativité artistique et poétique. L’imagination, dans certaines de ses configurations et conditions 171d’exercice, ne fournit pas seulement des représentations poétiques dans l’intentionnalité rêveuse, passive, contemplative, mais induit aussi des postures, gestes, mouvements, actions, bref innerve le faire de l’homo faber, qu’il soit artiste ou artisan.
Cette nouvelle philosophie de l’imagination poïétique et même praxéologique, s’appuie sur une conception de l’incorporation de l’imaginaire, déjà développée par la phénoménologie contemporaine. L’imagination prend racine dans la sensori-motricité, elle accompagne les contacts haptiques et scopiques avec les matières et les espaces. Bachelard est sensible aux expériences du corps en mouvement, sur soi, dans la gestuelle, mais aussi dans l’espace extérieur, puisqu’il fait déjà l’éloge de la marche inspirante. Cette incorporation des images va de pair avec la description de la dynamique psychique qui résulte de la relation dynamique de l’opposition, de la résistance des matières travaillées.
Corps au travail et imaginaire
Pour Bachelard, le Cogito rêveur, de même qu’il n’est pas coupé du monde, n’est pas isolé dans une sphère idéelle du Moi. La conscience imaginative est activée comme une manière d’être, comme une relation active du corps-sujet avec ce qui l’entoure. Rêver, c’est toujours une visée d’un corps, au repos ou aux prises avec le monde, et l’imagination s’y développe en proportion des cénesthésies, des excitations motrices, des pulsions internes, des vibrations et rythmes profonds7. Et réciproquement, l’imagination ne s’impose pour un sujet comme un « être au monde » qu’en activant dans le corps des forces internes de résistance, d’empathie, de rythmique. Pour Bachelard, imaginer n’est pas seulement un processus mental, représentatif, mais d’abord une convocation de tout l’être qui se relie au monde par la totalité de son être physique.
172Or l’imagination active n’est nulle part aussi incarnée que dans les activités artisanales, qui semblent avoir favorisé et exploré toutes les grandes formes de rêveries. La poétique bachelardienne est d’abord celle de l’Homo faber, cultivée et conservée par la civilisation préindustrielle, par ses mythes, légendes, contes et son folklore. La matière n’est jamais plus onirique que lorsqu’elle est, non contemplée passivement, mais rencontrée physiquement, modelée, malaxée, bref transformée par la main : « Matière et main doivent être unies pour donner le nœud même du dualisme énergétique8 ». Dans le labeur, dans le travail de l’artisan, mais aussi celui de la cuisinière ou du bricoleur, la terre est l’occasion d’une véritable rematérialisation par l’imaginaire. La matière n’est plus substrat d’une représentation mais elle autorise une réelle participation active qui finit par dissoudre les limites du sujet et de l’objet.
L’image matérielle, plus encore que l’image des formes et des couleurs, se refuse à une objectivité totale, car elle appelle de prime abord la participation intime du sujet9.
Rien de plus significatif que l’éloge bachelardien de la main du travail de l’artisan ou de l’artiste. La main, par exemple celle du graveur, est l’instrument dynamique de l’œuvre à venir, plus que le regard.
Ce n’est pas l’œil qui suit les traits de l’image, car à l’image visuelle est associée une image manuelle et c’est cette image manuelle qui vraiment réveille l’être actif en nous. Toute main est conscience d’action10.
Revenant sur le « Traité du burin » de son ami le graveur Flocon, il met en avant qu’il s’agit d’un « véritable recueil d’exercices pour la volonté digitale. Sa lecture donne à la main la plus perdue de paresse une impatience de dessiner, un espoir de graver11. »
Si l’on réunit les diverses analyses éparses de Bachelard, il apparaît que la vie sociale du travail manuel, du travail appliqué, fait alterner deux types de relations concrètes aux réalités du milieu externe :
173–lorsque le sujet laborieux est régi par son « animus », l’imagination laborieuse se déploie sur un mode éristique, en se confrontant au monde extérieur, aux matières, formes et mouvements par une expérience de la résistance des matières, par un vécu d’agression et de violence inhérente à la main qui transforme la matière12 ;
–lorsque le sujet est, à l’opposé, dominé par son « anima », il se place en état de repos et de rêverie quasi fusionnelle avec les matières et le cosmos. Par une dilatation de la subjectivité, la rêverie entraîne une sorte de dissolution des limites et de réversibilité des espaces du dedans et du dehors, passant ainsi dans une logique de l’entrelacs et du chiasme. Dans toute rêverie passive sur le monde, sur les matières, éléments et espaces, le dehors s’intériorise, s’invagine pour se subjectiver comme intimité, et à l’inverse l’intériorité subjective se dilate et devient coextensive avec l’immensité du dehors. Tel est bien le sens de la « cosmicité intime » attachée à une poétique d’un cosmos apaisé, tranquille, où l’on parvient à se sentir chez soi : « Le monde imaginé nous donne un chez soi en expansion, l’envers du chez soi en chambre13 ».
–En alternant, ces deux phases forment une rythmique cyclique qui scande le temps du travailleur. Ainsi les matières dures de la terre engendrent une « lythochronologie », une dialectique d’énergie agressive et de résistance, qui produisent un rythme chaque fois bien singulier. C’est bien cette matière rythmée qui imprègne le psychisme et suscite son imaginaire tonique.
À l’être travaillant, le geste du travail intègre en quelque sorte l’objet résistant, la résistance même de la matière. Une matière-durée est ici une émergence dynamique au-dessus d’un espace-temps. Et encore une fois, dans cette matière durée, l’homme se réalise plutôt comme devenir que comme être. Il connaît une promotion d’être14.
Cette rythmique opère ainsi entre le sujet et le monde par ces échanges dialectiques d’action-réaction mais aussi à l’intérieur même du sujet qui se voit tout à tour poussé vers l’extérieur et vers l’intérieur :
174Une matière bien choisie, en rendant au rythme d’introversion et d’extraversion sa véritable mobilité, procure un moyen de rythmanalyse15.
Ainsi chaque phase est traversée de rythmes internes qui reposent sur des fragmentations de temporalité. Or celle-ci, loin d’être entraînée par une durée continue se révèle toujours comme une discontinuité vibratoire, ouvrant sur des cycles alternatifs séparés par des hiatus instantanés. Le travail devient donc poétique, libérateur et générateur d’images en fonction des rythmes nés aussi bien de l’affrontement avec des matières que du temps poétique lui-même, en chaque phase de volonté ou de repos16.
À l’interface du corps et du monde, l’imagination associée au vouloir vivre primitif, fait donc alterner dans la praxis des temps d’éros et d’éris, déployant tour à tour une érotique du contact et une éristique de l’agression des réalités étendues.
L’imaginaire de la résistance
La force créatrice de l’imagination laborieuse résulte en fait des relations conflictuelles entre le sujet et le monde qui constituent l’essence du travail. Il n’est pas surprenant alors que Bachelard consacre tant d’analyses à cette action-réaction de la main au travail, mettant en jeu surtout l’élément Terre. Bachelard est très attaché à l’imaginaire artisanal – du forgeron, du boulanger, etc. –, pour qui le corps à corps avec les propriétés matérielles engendre une création d’œuvres mais aussi une création de nouvelles images et rêveries. S’il existe bien un imaginaire au repos, l’imaginaire lié à l’action sur les choses semble libérer des images plus fortes et plus nombreuses, qui disposent d’un retentissement existentiel et culturel plus ample. C’est dans l’affrontement, la lutte, la maîtrise d’une résistance que l’imagination trouve son énergie et fait accéder à un bonheur.
175La matière est pour l’ouvrier une condensation des rêves de l’énergie17.
La philosophie du contre doit avoir le pas sur la philosophie du vers, car c’est le contre qui finit par désigner l’homme dans son instance de vie heureuse18.
Il faut à l’imagination un animisme dialectique, vécu en retrouvant dans l’objet des réponses à des violences intentionnelles, en donnant au travailleur l’initiative de la provocation. L’imagination matérielle et dynamique nous fait vivre une adversité provoquée, une psychologie du contre19 ; elle se mélange facilement avec d’autres éléments (dans les pâtes et les cristaux)20.
Toute lutte est dualité – en vertu d’un postulat simplificateur des images dynamiques. Mais réciproquement, pour l’imagination, toute dualité est lutte. Toute substance, pour l’imagination, dès qu’elle cesse d’être élémentaire, est nécessairement divisée21 .
Le malaxage de l’argile ou le pétrissage du pain constitue un prototype de cette expérience de la matérialité, parce qu’il s’agit d’une expérience phénoménologique où mon corps vit l’épreuve de la résistance d’autres corps, où les matières résistent d’autant plus qu’elles sont mélangées, puisque dans le cas de l’argile comme de la pâte, on a affaire à une sorte de mariage entre deux éléments. Ces matières activent donc les rêveries à mesure qu’elles sont non seulement contemplées, mais manipulées, transformées par la main, par un corps agissant et surtout travaillant.
Bachelard détaille son parcours de l’imaginaire actif du travail des matières chtoniennes en distinguant, entre autres, les matières molles et dures, qui sont des matrices de phénoménologie onirique divergentes. La dimension conflictuelle, si présente dans le travail de la terre dure, est bien soulignée par les nombreuses occurrences à l’affrontement avec la matière, à la résistance de l’objet dur, à la pénétration des substances, à la blessure, au corps à corps, au rythme enfin qui intensifie le mouvement d’action-réaction. Ces connotations sont reprises, sur un mode euphémisé, par les thèmes de la dureté, de la violence, même dans l’imaginaire de la terre intimiste22. Dans le prolongement d’un Maine de Biran, pour qui l’effort résulte toujours d’un fait primitif de 176résistance, ou d’un Nietzsche, qui a valorisé l’adversité comme moteur de la volonté de puissance, Bachelard rattache donc la puissance de rupture et de transformation de l’imagination à un coefficient de résistance, interne ou externe. Ainsi l’imagination se renforce chez le sujet à mesure qu’il s’engage corporellement, physiquement dans une rencontre avec les matières du monde.
D’une part, les éléments concrets réels nourrissent des rêveries agressives. L’imagination bachelardienne s’exprime dans les mouvements de « maligne colère23 » contre les matières, dans la capacité à affronter, au prix d’une souffrance, la résistance du poids des choses, dans l’hostilité des forces naturelles. En visant la matière, non du simple regard, mais avec l’énergie de la main, l’agent modifie son propre tonus, est touché par une tonalité d’être, qui réveille en lui un caractère énergique, viril, que Bachelard rattache à l’« animus » masculin, présent aussi chez la femme, et qui déclenche à son tour des pulsions agressives : « Rêver d’images matérielles… c’est aussitôt tonifier la volonté… la matière est notre miroir énergétique24 ».
D’autre part, les dispositions éristiques (d’« eris » qui désigne, déjà chez Empédocle, la colère, l’agressivité), accidentelles ou constitutionnelles (du caractère et du tempérament) d’hostilité et de violence, présentes en l’homme, vont trouver dans les matières, en particulier la terre, un support d’expression, le travail devenant une sorte d’exutoire voire de décharge des tendances violentes du travailleur.
Bachelard déploie ainsi une psychologie des profondeurs dynamique et dialectique du travail physique sur les matières, qui rend possible sa réévaluation anthropologique et sociale.
177Imaginaire et valeurs du travail
Bachelard apporte en effet un éclairage original à une anthropologie du travail manuel préindustriel, technique et artistique, qui prend place dans une convergence d’approches de toutes sortes de disciplines. De ces analyses éparses, on peut en conclure que :
1. Il existe un véritable imaginaire, thématisé, structuré, du travail manuel, artisanal et ouvrier, soit utilitaire soit artistique. Ces activités laborieuses traversées d’images métaphoriques, symboliques et mythiques commencent à même la vie domestique. En appelant en renfort Bosco ou Rilke, Bachelard montre que dans la moindre activité quotidienne de l’habitat, l’imagination est déjà à l’œuvre :
Par les soins du ménage est rendue à la maison non pas tant son originalité que son origine. Ah ! quelle grande vie si, dans la maison, chaque matin, tous les objets pouvaient être refaits de nos mains, “sortir” de nos mains !… faire tout, refaire tout, donner à chaque objet un “geste supplémentaire”, une facette de plus au miroir de la cire, autant de bienfaits que nous donne l’imagination en nous laissant sentir la croissance interne de la maison25.
Il n’est pas jusqu’aux grands inventeurs qui rêvent aussi leurs projets à partir d’images cosmiques. Bernard Palissy est plus d’une fois mis en avant pour sa manière d’inventer des cabinets de jardins sur le modèle de forteresses-coquilles, la coquille incarnant le rêve archétypique de l’« habiter26 ». L’observation s’étend ensuite aux tâches sociales les plus modestes :
J’ai lu dans un roman italien l’histoire d’un balayeur des rues qui balançait son balai avec le geste majestueux du faucheur. En sa rêverie, il fauchait sur l’asphalte un pré-imaginaire, le grand pré de la vraie nature où il retrouvait sa jeunesse, le grand métier du faucheur au soleil levant27.
2. Le travail, du fait de ce jaillissement d’images, n’est pas uniquement aliénant mais peut devenir psychiquement fécond, source de promotion d’être et à vrai dire de bonheur :
178Du forgeron au potier sur le fer et dans la pâte, nous montrerons par la suite la fécondité des rêveries du travail28.
L’imagination est un principe de multiplication des attributs des substances. Elle est aussi volonté de plus être, non point évasive, mais prodigue, non point contradictoire, mais ivre d’opposition29.
Les métiers mettent en œuvre des modes d’existence psychiquement créateurs, dont les mythes sont l’écho (comme le mythe du forgeron). À la limite même le travail restructure psychiquement et se voit même être régénérateur de souffrances et de mal être.
Le travail sur des objets, contre la matière, est une sorte de psychanalyse naturelle. Il offre des chances de guérison rapide parce que la matière ne nous permet pas de nous tromper sur nos propres forces30.
Le travail constitue donc une sorte de stimulus psychique eudémoniste parce qu’il réconcilie l’homme avec le monde au lieu de l’insérer (ou l’aliéner) seulement dans une organisation sociale, seule dimension mise en avant par K. Marx.
Le travail met le travailleur au centre d’un univers et non plus au centre d’une société31.
Enlevez les rêves, vous assommez l’ouvrier. Négligez les puissances oniriques du travail, vous diminuez, vous anéantissez le travailleur. Chaque travail a son onirisme, chaque matière travaillée apporte ses rêveries intimes. On ne fait rien de bon à contrecœur, c’est-à-dire à contre-rêve. L’onirisme du travail est la condition même de l’intégrité mentale du travailleur32.
3. Le travail par la libération d’images de lutte et de verticalité accède même à une valeur éthique et morale. L’imaginaire matériel, surtout tellurique, nous engage dans autre chose qu’une rêverie subjective et placide, qui nous isolerait du monde ou qui nous conduirait vers un relâchement des forces vitales. Se met en place, au cœur de la rêverie laborieuse, un cycle, une dialectique de tension, la matière éveillant l’énergie psychique, l’énergie se voyant à son tour amplifiée par la 179résistance ou la consistance, surtout la dureté, de la matière. On assiste alors à une régulation psychologique, dont Bachelard souligne les vertus de formation d’un caractère « dur ». Ainsi l’éristique de l’imagination participe intimement à la « Bildung », à la formation de soi, à l’éducation, à la culture33. Loin de nous emprisonner dans un divertissement anodin et futile, l’imagination matérielle contribue au développement du sujet, à la force de son caractère. Car l’éducation bachelardienne porte bien sur deux instances, celle de la raison, à laquelle contribue l’instruction scientifique, et celle de l’imagination, qui contribue à fortifier la volonté34.
Ne nous confie-t-il pas, en écho aux analyses des joies douloureuses du travail, que rien n’est plus tonifiant que de porter une charge en escaladant une montagne, situation-limite qui témoigne de cette intime liaison de l’imagination des choses et de la volonté sur soi ? Car un fardeau entraîne du plaisir : « Pour un véritable alpiniste, le sac est un plaisir positif35 ». Il y a bien une jouissance de l’imaginaire dans le fait de se faire souffrir, de porter la charge, tels Atlas ou Sisyphe, qui jouissent, comme le montagnard, de porter un lourd fardeau. Si Bachelard célèbre souvent des formes de bonheur radieux et apaisé, il nous révèle aussi parfois les abîmes d’une sorte de masochisme de la pesanteur, voulue et non subie, comme si l’imaginaire de la contrainte, de la contrariété, à l’égal de la controverse, constituait un ressort primordial de l’imagination.
Le travail nous sensibilise, donc, à une sorte d’hygiène de vie, voire à une éthique du redressement, qui est à l’inverse du repos régressif vers le sein maternel. Le redressement, image positive de la hauteur, est toujours liée à une sublimation : « Il semble qu’un véritable tropisme pousse l’être humain à tenir la tête haute36 ». Car rêver au contact de la terre devient une sorte d’expérience où l’on impose au moi de nouvelles formes et forces de redressement. Car :
La valorisation verticale est si essentielle, si sûre, sa suprématie si indiscutable que l’esprit ne peut s’en détourner quand il l’a une fois reconnue dans son sens immédiat et direct. On ne peut se passer de l’axe vertical pour exprimer 180les valeurs morales. Quand nous aurons mieux compris l’importance d’une physique de la poésie et d’une physique de la morale, nous toucherons à cette conviction : toute valorisation est verticalisation37.
4. Mais au-delà des apports psychiques internes, le travail des matières élargit la sphère de la conscience et la met en sympathie avec le cosmos. Bachelard souligne combien le travail des matières premières active des complexes d’images et des archétypes de l’imaginaire et distend la rêverie intime du travailleur jusqu’aux frontières du cosmos. Elle se prête alors à une cosmologisation (que Bachelard lie au pancalisme, au sens de la beauté) puisqu’elle rend sensible, mieux qu’aucun autre élément, une analogie entre le petit et le grand38. La matière tellurique est donc, en un sens, la seule vraie matière par sa puissance de stimulation d’un onirisme complet.
Bachelard et l’anthropologie symbolique
des techniques
Par toutes ses approches de l’imaginaire laborieux, Bachelard se trouve en consonance avec de nombreuses interprétations philosophiques et anthropologiques du travail artisanal et même artistique. Parmi de nombreuses références on peut relever des proximités significatives avec39 :
–Henri Bergson : Bachelard, malgré son anti-bergsonisme, proclamé dans ses études du temps, partage cependant avec lui bien des orientations, dont celle d’une herméneutique de l’homo faber. Mais là où Bergson lie ensemble intelligence adaptative et fabrication, Bachelard, adjoint à la rationalité technico-scientifique la dynamique créatrice de l’imagination ;
181–André Leroi-Gourhan : le préhistorien avait établi que dès les origines, le statut de beaucoup de biens produits, fonctionnels ou superflus, témoigne de la fréquente surcharge symbolique qui les accompagne. Non seulement la plupart des produits du travail ne se réduisent ni à leur valeur marchande ni même à leur valeur d’usage, mais les formes et les fonctions des objets les plus prosaïques se voient affectées d’une sorte de plus-value esthétique. Les artefacts techniques croisent inévitablement une logique fonctionnelle et une logique symbolique, tout objet technique devenant par-là signe culturel. Ainsi telle cuillère esquimaude doit, certes, sa forme d’ensemble aux propriétés des matériaux utilisés et à sa finalité alimentaire, mais sa grande contenance comme la forme de son manche, représentant un orque, ne s’expliquent que par un symbolisme initiatique, qui lui confère aussi un style esthétique et une valeur rituelle40.
–André Varagnac et J. Huizinga : ces historiens des pratiques sociales convergent vers l’idée que l’évolution du travail dans l’ère industrielle a conduit à une régression du substrat ludique, onirique et symbolique des tâches productives traditionnelles. Les processus modernes d’abstraction du mode de travail, d’atomisation des comportements, de dépossession des biens produits, n’aboutissent pas seulement, comme l’a montré K. Marx, à une aliénation sociale, mais aussi à une déstructuration psychique41. Le travail industriel a donné naissance à une population anonyme, massifiée, de salariés, voués à des tâches standardisées, mais aussi à une humanité anémiée dans son imaginaire. La logique productiviste moderne consacre ainsi la dualité irréconciliable du travail et du jeu : le temps du travail est exclusif de zones d’indétermination ludique, de séquences d’innervation onirique. Les conséquences en sont multiples, en particulier sur les traditions culturelles. Comme l’illustre le folkloriste A. Varagnac :
Le remplacement rapide des moteurs humains par des acteurs mécaniques est l’une des causes directes de la décadence de notre folklore musical, de l’appauvrissement de notre répertoire de chansons, avec toutes les conséquences qu’une telle décadence comporte quant à la culture esthétique du peuple42.
182Rites et fêtes évoluent, dès lors, dans le sens d’un affadissement croissant, d’une marginalisation continue, par rapport au cycle des fêtes de la Cité. Parallèlement, comme l’a souligné J. Huizinga, les activités symboliques quittent progressivement le théâtre social des « travaux et des jours », et se voient enfermées dans des espace-temps improductifs et dévalués. Toute l’idéologie prométhéenne et bourgeoise traque ainsi l’imagination, déclare futile l’esthétique et normalise la socialité conviviale. Le champ social du jeu n’est plus toléré qu’à l’extérieur du monde de la production, dimanche et jours fériés, qui eux-mêmes vont d’ailleurs s’amenuiser lentement, au siècle dernier43.
–Mircea Eliade : étudiant les mythologies religieuses comparées, il établit les charges symboliques et mythiques des métiers traditionnels. L’irradiation du travail artisanal par un capital d’images symboliques se trouve renforcée par l’organisation sociale du travail. Chaque métier traditionnel secrète un corpus de mythes et de rites (dont la mémoire reste vivante dans l’organisation des Compagnons du devoir), qui inscrivent les gestes et les finalités dans une cosmologie sacrée. M. Eliade a ainsi mis en relief l’imaginaire alchimique qui œuvre au sein des métiers traditionnels de la métallurgie :
Il y a ceci de commun entre le fondeur, le forgeron et l’alchimiste, que tous trois revendiquent une expérience magico-religieuse particulière dans leurs rapports avec la substance ; cette expérience est leur monopole et le secret s’en transmet par les rites initiatiques des métiers ; tous trois travaillent sur une Matière qu’ils tiennent à la fois pour vivante et sacrée, et leurs labeurs poursuivent la transformation de la matière, son “perfectionnement”, sa “transmutation”.
Confréries et corporations deviennent ainsi des entités sociales génératrices d’un imaginaire dans lequel technique et symbolisme interagissent. Parallèlement donc à la circulation d’un imaginaire religieux, par le biais d’une classe sacerdotale, s’opère une vivification symbolique de la société par l’intermédiaire de corps de métiers. L’imaginaire de la création technique devient le terreau de fécondation des symboles et le lieu de leurs variations perpétuelles à travers les gestes du labeur. Par le travail, intérêts visibles et invisibles se nouent dans les mêmes représentations ;
183–Ivan Ilitch : virulent critique de la rationalisation mécanique du travail moderne, il montre combien les outils et gestes sont normalisés et ritualisés par la partition symbolique de la sexuation. Déjà, par sa panoplie d’outils, l’artisan traditionnel participe à une vaste polarisation, masculine et féminine, du monde, attestée, par exemple, par l’étymologie ou par le genre grammatical des noms qui les désignent. Illich rattache même toute l’ère pré-industrielle du travail à la structuration de la culture autour du « genre », qui retient des valences symboliques bien plus riches que celles désignées aujourd’hui par notre catégorie réductrice d’appartenance sexuée. L’imprégnation culturelle du « genre » est particulièrement manifeste dans la culture technique :
Dans toutes les sociétés pré-industrielles, à un ensemble de tâches spécifiques à un des genres, correspond un ensemble d’outils pareillement spécifiques. Même les outils appartenant à la communauté ne peuvent être maniés que par la moitié de ses membres. En saisissant un outil et en s’en servant, on se rattache essentiellement au genre qui manie cet outil par excellence. La relation entre les genres est donc, avant tout, sociale. Les outillages distincts déterminent la complémentarité matérielle de la vie44.
Tous ces travaux contemporains de Bachelard, même s’ils ne sont pas souvent ou jamais cités, apportent aux analyses de Bachelard un renfort interprétatif, une crédibilité accrue. Ces travaux plus scientifiques que phénoménologiques vérifient les acquis bachelardiens en soulignant l’importance structurante et instituante de l’imaginaire dans le travail corporel manuel45.
Conclusion : les enjeux
d’une philosophie symbolique du travail
L’imagination se révèle être ainsi une faculté humaine fondamentale qui alimente son dynamisme et sa créativité à des sources antérieures : une 184motricité corporelle qui s’enracine dans nos efforts musculaires (surtout de verticalité) voire nos propensions pulsionnelles (source de l’agressivité), qui s’autodéveloppe elle-même en volonté, cette énergie du sujet, moins intellectualisée que ne le soutenait une tradition cartésienne, capable d’imposer ses désirs propres aux objets. L’imagination n’est donc plus seulement un épiphénomène des désordres du corps, comme l’a pensé une certaine psychologie, mais une mise en images de l’énergétisme d’un être vivant jusque dans ses structurations élémentaires. Par-là, nos imaginaires ne peuvent être réduits à des mondes autarciques et incontrôlés, qui nous privent seulement de raison, mais doivent être évalués à leur enracinement dans le tonus musculaire et la puissance pulsionnelle, qui les dotent de capacité d’exprimer des significations nouvelles et leur donnent un élan vers la liberté. Les différentes postures du corps, ses actions et réactions qui marquent nos comportements, sa mise au repos comme son engagement dans l’effort, amplifié par l’éventuelle résistance des objets rencontrés (les matières qui opposent leur inertie propre à la main qui les travaille), génèrent ainsi différents types d’imaginaires, illustrant la variété de ses œuvres.
Toutes ces conceptions renouvellent la compréhension du travail dans un monde pré-industriel à laquelle Bachelard a apporté une contribution majeure et souvent mésestimée. Sans méconnaître l’inévitable part des tâches serviles, Bachelard soutient que la plupart des formes spécialisées de production – les métiers – dans la civilisation préindustrielle, témoignent de ce que le travail comporte un coefficient de charges symboliques, qui constituent autant de modes d’actualisation et d’amplification de l’imaginaire46. Car l’univers du travail est consubstantiel à celui du rêve et du jeu, si l’on veut bien entendre par là une situation, ou une conduite, où règne une part d’indétermination, où prend naissance une variation des relations objectives, un relâchement des contraintes rationnelles. La gestuelle du travail est inséparable d’un monde d’images participatives, inscrites dans la symbolique des outils, entretenues par la puissance onirique du travailleur confronté aux matières travaillées, objectivées, enfin, dans les formes et fonctions des biens produits.
185Par contraste, l’hypertrophie des valeurs industrielles et du « règne de la quantité » n’a pu qu’appauvrir, dans des proportions encore difficiles à évaluer, l’imagination socialisée du travail artisanal. Le renforcement des normes d’adaptation à la société productive par l’institution scolaire n’a, d’ailleurs, fait que contribuer à évincer, du cœur de la culture, la part d’ombre propre aux rêveries quotidiennes. Refoulé et maintenu ainsi sur les marges du social, l’imaginaire est devenu une sorte de denrée rare, de produit de luxe pour une classe de loisirs, quand il n’est pas culpabilisé comme relevant d’une activité régressive voire infantile47.
Sous cet angle, la civilisation industrielle n’a fait que précipiter un processus général de désymbolisation et de démythification, dont les origines remontent sans doute à des fractures historiques plus anciennes. Qu’on le fasse remonter à la grande vague iconoclaste du xiiie siècle, comme le proposent Johan Huizinga, Henry Corbin ou Gilbert Durand, ou qu’on le confonde avec le développement de la Réforme protestante, comme le fait Max Weber ou Carl Gustav Jung, le désenchantement du monde et surtout de l’espace social, n’a pu que favoriser un recul de la créativité individuelle en général. La surdétermination romantique de l’artiste, au dix-neuvième siècle, n’est peut-être, en ce sens, que la compensation pathétique d’un reflux de l’imaginaire hors du quotidien du travail. La création artistique se revêt corollairement d’une aura démiurgique, à mesure que le travail au jour le jour s’enfonce dans une monotonie dévitalisée.
Jean-Jacques Wunenburger
Université de Lyon – IRPhiL
1 G. Bachelard, La poétique de l’espace, Paris, PUF, Quadrige, 2011, p. 30.
2 Alexandre Koyré, Mystiques, spirituels et alchimistes du xvie siècle allemand, Ed 10-18, 1955, Reed Paracelse, Éditions Allia, 1998.
3 Emmanuel Kant, Critique de la faculté de juger, Vrin, 1993.
4 Georges Gusdorf, Le romantisme, Tomes I et II, Payot, 2002.
5 Gaston Bachelard, La poétique de la rêverie, PUF, Quadrige, 2016, chapitre ii.
6 Voir notre analyse dans Bachelard, poétique des images, Mimesis, 2012.
7 Cette inscription dans la motricité est bien explorée dans La dialectique de la durée sous l’angle des vibrations et rythmes élémentaires. Voir Gilles Hieronimus, et Julien Lamy, Imagination et mouvement ; Autour de G. Bachelard et M. Merleau-Ponty, EME, 2011. Gilles Hieronimus, dans sa thèse, a étudié de manière approfondie les images du mouvement, les sources de l’imaginaire dans la motricité interne et dans la mobilité.
8 G. Bachelard, La terre et les rêveries de la volonté : essai sur l’imagination des forces [1948], Paris, José Corti, coll. « Les Massicotés », 2003, p. 25.
9 Ibid., p. 233.
10 Id., Le droit de rêver, Paris, PUF, Quadrige, 2010, p. 68.
11 Ibid., p. 94.
12 Bachelard a étudié cet imaginaire chez Lautréamont.
13 Id., La poétique de l’espace, op. cit., p. 152. G. Bachelard oppose aussi le rêveur apaisé de monde à « l’agressivité du regard pénétrant ». La poétique de la rêverie, op. cit., p. 159.
14 Id., La terre et les rêveries de la volonté : essai sur l’imagination des forces, op. cit., p. 22.
15 Ibid., p. 33. Ce terme de rythmanalyse, emprunté au brésilien Pinheiro Dos Santos, est une reprise tardive des analyses développées dans La dialectique de la durée, PUF, 2013.
16 Thèse que Bachelard avait développée dans L’intuition de l’instant.
17 Id., La terre et les rêveries de la volonté : essai sur l’imagination des forces, op. cit., p. 61.
18 Ibid., p. 62.
19 Ibid., p. 21.
20 Pour le mélange des éléments : de la terre et de l’eau, ibid., p. 74 ; pour le mélange à 3 éléments (pâte = terre, eau, air) ou 4, ibid. p. 87 ; pour le cristal, ibid., p. 291.
21 Ibid., p. 65.
22 Ibid., p. 62 sq., et p. 228.
23 Ibid., p. 42. G. Bachelard s’attarde ainsi sur cette imagination colérique à travers le mythe de pétrification de Méduse (La terre et les rêveries de la volonté, p. 250 sq.) ou analyse la colère contre la saleté, qui traverse même l’imaginaire de la terre apaisée (La terre et les rêveries du repos, op. cit., p. 65).
24 Id., La terre et les rêveries de la volonté : essai sur l’imagination des forces, op. cit., p. 23.
25 Id., La poétique de l’espace, op. cit., p. 75.
26 Ibid., p. 125-126.
27 Ibid., p. 75.
28 Id., La terre et les rêveries de la volonté : essai sur l’imagination des forces, op. cit., p. 24.
29 Ibid., p. 26.
30 Ibid., p. 30.
31 Ibid., p. 31.
32 Ibid., p. 93.
33 Voir notre étude « La Bildung, ou l’imagination dans l’éducation », in Renée Bouveresse, Éducation et philosophie, écrits en l’honneur d’O. Reboul, Paris, PUF, 1993, p. 59 sq.
34 Voir Michel Favre, Bachelard éducateur, Paris, PUF, 1995.
35 La terre et les rêveries de la volonté : essai sur l’imagination des forces, op. cit., p. 371.
36 Ibid., p 356.
37 Id., L’air et les songes, Livre de poche, 1992, p. 17-18. Voir aussi p. 121.
38 Op. cit. p. 158, p. 209, p. 379.
39 On ne traitera pas de la place de la technique dans l’œuvre de Gilbert Durand, déjà abordée dans « Imaginaires des techniques : liberté et contraintes symboliques à partir de Gilbert Durand » in revue IRIS, du Centre de recherches sur l’imaginaire de l’université de Grenoble.
40 Leroi-Gourhan, Le geste et la parole. Tome II, Mémoire et rythmes, Albin Michel, 1965.
41 Johan Huizinga, Le déclin du Moyen-Age, P.B. Payot, 1967.
42 André Varagnac, Civilisation traditionnelle et genres de vie, Albin Michel, 1948.
43 J. Huizinga, Homo ludens, Gallimard, 1951.
44 Ivan Illitch, Le genre vernaculaire, Seuil, 1983.
45 Celles-ci sont de nos jours réévaluées par Richard Sennet, Ce que sait la main. La culture de l’artisanat, Albin Michel, 2010.
46 Voir les rituels et symboliques du compagnonnage : Fréderick Tristan et Jacques Thomas, Le livre d’or du compagnonnage, J.C. Godefroy, 1990.
47 Bachelard déplore ainsi que la disparition des métaux (plomb, étain, etc.) aient appauvri l’imagination matérielle : « À voir tant de déficits, on peut croire que notre imagination est décalcifiée ». Voir La terre et les rêveries de la volonté : essai sur l’imagination des forces, Op. cit., p. 235.