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Classiques Garnier

Imagination et sincérité La subjectivation du sujet par l’image chez Bachelard

  • Publication type: Journal article
  • Journal: Éthique, politique, religions
    2018 – 2, n° 13
    . Imaginaire et praxis. Autour de Gaston Bachelard
  • Author: Calin (Rodolphe)
  • Abstract: This article focuses on the relation between the subject and poetic image. It aims at showing that the image, in which all the self is projected, is not just his reflect, but, thanks to a movement of variation that takes the form of a sublimation, what allows him to constitute himsef as a subject.
  • Pages: 19 to 36
  • Journal: Ethics, Politics, Religions
  • CLIL theme: 3133 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie contemporaine
  • EAN: 9782406091295
  • ISBN: 978-2-406-09129-5
  • ISSN: 2271-7234
  • DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-09129-5.p.0019
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 04-23-2019
  • Periodicity: Biannual
  • Language: French
  • Keyword: Sincerity, imagination, objective and subjective spirit, subjectivation, philosophy of culture, Georg Simmel
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Imagination et sincérité

La subjectivation du sujet par limage chez Bachelard

La sincérité, dun point de vue logique, ne semble sappliquer quau rapport de la pensée à son expression. Mais elle a pourtant un autre sens, plus profond, qui na pas besoin de cette relation dualiste : la nature de lâme – son unité sereine – qui sexprime nécessairement, sans pouvoir faire autrement, dans cette adéquation de la pensée et de la parole.

Georg Simmel, Journal Posthume.

Par la feinte, le sujet sinstalle dans un état desprit intellectuel, prêt à la critique, à la polémique. Il nen sera pas de même si le sujet imagine vraiment dans lunité de son âme, sil imagine sincèrement – ce qui est un pléonasme, car que serait une imagination sans sincérité ? Limagination se désigne comme une activité directe, immédiate, unitaire. Cest la faculté où lêtre psychique a le plus dunité et surtout où il tient vraiment le principe de son unité1.

Ce passage de Lair et les songes, qui oppose, dun côté, la feinte, qui pour Bachelard définit lintellectualité même de lesprit scientifique2, et, de lautre, la sincérité de lactivité imaginante, présente une formulation du dualisme bachelardien qui loriente clairement vers un dualisme des manières de se produire de la subjectivité. Lopposition de la science et de la poésie, des concepts et des images, de lintellectualité critique et rectificatrice de la connaissance scientifique et de limagination créatrice, ressort ici clairement comme une opposition dans la manière 20dont se constitue, à chacun de ces deux pôles, la subjectivité. Dans le premier cas, le sujet, dans lincessante rectification de ses concepts que lui impose la conquête dune objectivité qui na rien dimmédiat mais prend lallure d« approximations de plus en plus fines3 », doit sans cesse se défier de sa propre pensée, tenir en réserve, derrière sa visée première, des visées cachées. Il doit feindre, cacher sa pensée, être autre et plus que ce quil dit être. Il doit sans cesse se diviser en vue daccéder à une existence supérieure, cest-à-dire de substituer au psychisme contingent un psychisme normatif, constitué par les normalités de la science. Ici, le sujet se donne lêtre en refusant lêtre, il se constitue en renonçant à soi-même4. Or, à cette subjectivation par renoncement à soi-même soppose la constitution imaginante du soi, lunification de lêtre du soi par lactivité imaginante. Maintenant, au contraire, le sujet veut être soi, se produire tout entier, sans reste.

Cest à la subjectivation par limage que nous nous intéresserons5. Mais il nous faut au préalable, afin den comprendre la teneur, préciser pourquoi le dualisme chez Bachelard en vient à prendre le sens dun dualisme des modes de subjectivation. Vouloir être soi, ne pas vouloir lêtre : une telle antinomie du rapport à soi-même qui, au cours de lhistoire moderne de la pensée, a pu connaître dautres formulations et déductions, trouve ici sa justification dans le fait que le sujet ne se produit pas sans relation à une certaine extériorité. Malgré ce qui les oppose, lexistence scientifique et lexistence poétique ont en commun pour Bachelard de ne pouvoir se produire sans un rapport à autre chose quelles-mêmes, lobjet scientifique pour la première, limage poétique pour la seconde : de même que « jai besoin de penser quelque chose pour me penser quelquun ; jai besoin dun critérium de vérité objective 21pour établir un critérium de la croyance intime6 », de même, jai besoin dimaginer limage pour me constituer comme sujet :

Lêtre du rêveur, écrit Bachelard, se constitue par les images quil suscite. Limage nous réveille de notre torpeur et notre réveil sannonce en un cogito7.

Nous ne sommes jamais demblée donnés à nous-mêmes, notre intériorité ne se constitue quen sextériorisant. Cest dailleurs pourquoi il est ici légitime duser de lexpression de « subjectivation du sujet » pour qualifier lapproche bachelardienne de ce dernier, cette expression signifiant que le sujet ne peut se trouver ni se définir demblée mais seulement au terme dun processus. Mais cette subjectivation est double et antinomique, dans la mesure où le sujet bachelardien est confronté à lextériorité de deux formes de la culture (la science et la poésie), les formes de celles-ci ayant pour caractéristique de se présenter sous forme de conflits. Il sagit des deux seules formes auxquelles semble sintéresser la « Kulturphilosophie » bachelardienne, qui, de ce point de vue, peut sembler étriquée, mais elles constituent en réalité pour Bachelard les formes les plus hautes de la culture et sont, à ce titre, celles à partir desquelles les autres peuvent être déduites, celles, par conséquent, à partir desquelles on peut appréhender le « tout » de la culture. Ces formes ne sont toutefois pas envisagées ici dans leur éternité ou leur anhistoricité, dans leur « éternel » conflit, à titre de principes dorganisation du monde obéissant à des légalités et à des fins distinctes difficiles à accorder entre elles, mais plutôt dans lextrême conflit qui est le leur dans la culture contemporaine. La philosophie bachelardienne de la culture semble porter sur la science à lépoque contemporaine un jugement proche de celui de Simmel, qui voit en celle-ci lexpression la plus vive de la prépondérance de la culture objective (les produits de la culture comme productions de lâme ou esprit subjectif qui, une fois devenus des contenus de lesprit objectif, sopposent à lâme comme des normes dotées dune validité en soi en lesquelles lâme ne se reconnaît plus) sur la culture subjective (la culture comme perfectionnement de lindividu), qui marque selon lui la culture de son époque8. Les valeurs de pensée propres 22à la science contemporaine nont rien à envier, en termes dapodicticité, à lapodicticité des principes logiques, et, comme eux, sopposent, de toute leur normativité et leur idéalité, au psychisme contingent de lindividu9. Cest pourquoi la science signifie, pour la subjectivité, le moment dune rupture anxieuse avec soi-même :

Lanxiété qui saisit tout esprit devant la nécessité de corriger sa propre pensée et de sortir de soi pour trouver la vérité objective10.

Or, si la science et la poésie sopposent chez Bachelard au point que, comme le notait Dagognet, lune devient comme lenvers isomorphe de lautre, cest au sens où au primat de lesprit objectif sur lesprit subjectif dans la science répond le primat de lâme sur lesprit objectif dans la poésie, voire la dissolution de lesprit objectif dans la vie de lâme. En effet, lesprit objectif désigne ici limage poétique, limage-phrase à laquelle Bachelard réduit délibérément le poème, cest-à-dire un produit fugace de la conscience, qui ne dure pas plus quelle, et ne risque pas ainsi de lui opposer son immuabilité, limage réalisant lunion « dune subjectivité pure mais éphémère et dune réalité qui ne va pas jusquà sa complète constitution11 ». Un produit dont la production nest pas à proprement parler une Entfremdung, et qui, à ce titre, se situe à peine du côté de la culture objective. Science et poésie ne sopposent donc pas chez Bachelard comme deux formes de lesprit objectif, mais plutôt comme deux manières antinomiques et aussi unilatérales et excessives lune que lautre denvisager le rapport entre lâme et lesprit objectif. Il en résulte alors, pour lindividu, dans sa relation à la science et à la poésie, une antinomie du souci de soi. Car si Bachelard ne renonce pas à penser le devenir soi du moi à partir de la science, si, en un sens – et tel est le sens de son psychologisme de la dépsychologisation –, il brise lautonomie de la science par rapport à lindividu lorsquil affirme 23quil ny a pas de conscience « de la normalité du savoir sans référence à un désordre réduit12 », que la norme est inséparable de lhistoire par laquelle lindividu rectifie ses erreurs, de sorte quici la culture objective renvoie à la culture subjective, le processus de son objectivation venant à rencontrer celui de la subjectivation du sujet, cette dernière ne peut prendre dautre forme que celle, paradoxale, dun renoncement à soi-même. Au contraire, du côté de limage poétique au niveau de laquelle « la dualité du sujet et de lobjet est irisée, miroitante, sans cesse active dans ses inversions13 », où lesprit objectif nest jamais pris en défaut dâme dans la mesure où celle-ci et celui-là ne sont jamais franchement distingués, la subjectivation du sujet prend la forme dun rapport plein et unitaire de soi à soi.

Cest ce rapport plein et unitaire, que Bachelard décrit comme « sincérité », que nous allons expliciter. Alors que la pensée engagée dans la construction de lobjet scientifique doit toujours se tenir prête à réviser sa visée, et tenir en réserve des pensées cachées14, la pensée de limage est sans « cachotteries », sans arrière-pensées, car son produit nexcède jamais sa visée. Cest la raison pour laquelle le moi est, au sens fort du terme, le subjectum de sa pensée. Car si le sujet de la science est second par rapport à la « puissance objectivement créatrice de la culture scientifique15 », par rapport aux « normalités de la pensée scientifique16 » qui sont le produit, non dune opération subjective de constitution, mais dune « activité interconceptuelle17 » – le concept scientifique ne recevant pas son apodicticité de sa relation à un sujet pur mais, à titre de « concept dinterconnexions18 », de sa relation à dautres concepts dans des « corrélations algébriques19 » –, sil doit régler son « ontogénie20 » 24sur une pensée dont il nest ni la cause ni lagent, au contraire, le sujet imaginant, quand même limage ne serait que son œuvre de lecteur et non de créateur, et quand même ce dernier ne serait que le langage comme réservoir anonyme de métaphores usées, est bien le sujet de sa pensée :

De ces poncifs, je fais alors une image sincère, une image qui est mienne, aussi mienne que si je linventais moi-même, suivant ma douce manie de croire être toujours le sujet de ce que je pense21.

Cette « douce manie » quest devenue, depuis sa dénonciation nietzschéenne, notre « habitude grammaticale » de poser un auteur pour un faire, un pensant sous une pensée, trouve ici sa justification dans le fait que limage a pour contenu la vie subjective elle-même. Limage nest pas en effet le reflet du monde extérieur22, mais le sujet transporté dans les choses, la projection de nos impressions, voire de notre être tout entier, sur le monde extérieur23. Le caractère subjectif de limage en marque le dynamisme intérieur, qui donne du mouvement à ce qui, sans lui, resterait inerte, ou dans lequel il convient de replonger tout mouvement externe auquel emprunterait limage mais qui, à lui seul, ne peut suffire à lui donner clarté, unité et cohérence : ainsi, le rêve de vol est mal concrétisé par limage des ailes battantes, image sans réelle consistance dont le mouvement satisferait sans doute une imagination visuelle, mais quaucun rêveur ne saurait vivre, parce quelle schématise mal linstinct de légèreté qui lanime ; il faut leur préférer les ailes minuscules qui sattachent aux talons de Mercure :

Nous nhésiterions guère à faire de ces petites ailes [] le signe de la sincérité du rêveur. Quand un poète, dans ses images, sait suggérer ces ailes minuscules, on peut avoir quelque garantie que son poème est en liaison avec une image dynamique vécue. Alors il nest pas rare que lon reconnaisse à ces images poétiques une consistance particulière qui nappartient pas à des images assemblées par la fantaisie24.

La sincérité sentend alors comme lexigence de replacer limage dans le dynamisme de la vie subjective, écartant ainsi limagination de 25larbitraire des jeux de la fantaisie qui assemble, de lextérieur, des éléments disparates, toujours déjà, en un sens, sur le point de se séparer. La fantaisie ne donne pas la mesure de limagination créatrice, parce quelle manque dun principe spirituel interne, de sorte que ses montages, si extravagants soient-ils, ne nous affranchissent pas du monde objectif, du monde éparpillé « en choses disparates, en solides immobiles et inertes, en objets étrangers à nous-mêmes25 ». La sincérité impose ainsi au poète ou au lecteur de poèmes de projeter son être dans limage, cest-à-dire de ne pas sen remettre aux habitudes rhétoriques, non seulement parce que lhabitude est pour Bachelard une marque dinertie psychique26, mais encore parce quil sagit de ne pas se contenter dimages toutes faites, comme limage des ailes, qui ne sont pas seulement vaines, mais également obscures tant quelles sont détachées de tout mouvement vécu.

Cette description bachelardienne de limagination comme expression du dynamisme intérieur de lêtre psychique renvoie à une lecture schopenhauerienne du rapport entre psychisme et image :

Les poèmes seuls peuvent produire au jour les forces cachées de la vie spirituelle. Ils sont, au sens schopenhauerien du terme, le phénomène de ces forces psychiques27.

Ainsi, de même que Schopenhauer pouvait écrire que le surgissement dun acte de volonté dans la conscience opérait « un passage immédiat de la chose en soi et non temporelle dans le phénomène28 », de même, Bachelard souligne, à propos de lacte de parole – limage étant pour lui avant tout non limage vue, mais limage parlée – que, « nulle part, dans tout le règne de la volonté, le trajet nest plus court qui va de la 26volonté à son phénomène29 ». Cette référence à Schopenhauer explique quil faille pour Bachelard unir limagination et la volonté :

La volonté, si on la saisit dans lacte de la parole, apparaît dans son être inconditionné. Cest là quil faut chercher le sens de lontogénèse poétique, le trait dunion des deux puissances radicales que sont la volonté et limagination30.

Or, cest à partir de cette union que se manifeste, dans toute sa radicalité, le caractère subjectif de limage poétique. En effet, appréhender le sujet seulement comme imagination dynamique conduirait certes à exalter le psychisme, mais pour le tourner aussitôt vers les images qui en sont le produit et dont le contenu ne renvoie pas immédiatement à cette productivité psychique. En revanche, appréhender limagination comme volonté impose de considérer les images comme lexpression de la force psychique subjective, et de leur donner cette force pour contenu.

Pourtant, il ny va pas seulement dune subjectivation de limage, de la référence de toute image à une image dynamique vécue, mais encore dune subjectivation du sujet par limage – sil est vrai que le sujet imaginant est constitué par les images quil suscite. Sil faut donc référer limage au sujet, il faut en retour référer le sujet à limage, non certes comme à un objet qui lui ferait face dans son altérité, mais comme à un lieu qui laccueille et lui permet de se constituer. En toute rigueur, le sujet ne se tient pas sous limage, mais plutôt en elle. Toute rêverie est spatialisante, et une poétique de la rêverie est toujours à ce titre en même temps une poétique de lespace. Or lespace quouvre la rêverie est lespace du chez soi, cest-à-dire :

Un milieu sans obstacles où aucun être ne dit non. [] Lhomme de la rêverie est toujours dans lespace dun volume. Habitant vraiment tout le volume de son espace, lhomme de la rêverie est de toute part dans son monde, dans un dedans qui na pas de dehors. [] Le monde ne lui fait plus vis-à-vis. Le moi ne soppose plus au monde. Dans la rêverie, il ny a plus de non-moi. Dans la rêverie, le non na plus de fonction : tout est accueil31.

Lespace dun volume, lespace quoccupe le corps, cest aussi lespace de lenroulement sur soi-même du corps – volumen signifie « chose 27enroulée » –, et habiter tout le volume de son espace, cest y accomplir une involution en soi-même, entrer en contact avec soi. Cest bien en ces termes que Bachelard décrit le repos, autre nom de lintimité, un repos qui, chez lhomme, nest pas inertie mais « qui a une intensité32 » :

Pris dans ses aspects humains, le repos est dominé nécessairement par un psychisme involutif. Le repliement sur soi ne peut pas toujours rester abstrait. Il prend les allures de lenroulement sur soi-même, dun corps qui devient objet pour soi-même, qui se touche soi-même33.

Ainsi la rêverie ouvre-t-elle au moi lespace où il peut accomplir un mouvement vers soi, lespace dune auto-affection, cet espace du dedans que réclame laffectivité pour donner naissance au sujet. Cet espace est celui de la maison. Toute image est cosmique :

Même dans des images isolées, on sent en action ces fonctions cosmiques de la littérature. Une image littéraire suffit parfois à nous transporter dun univers dans un autre34.

Or son cosmos est dabord celui de la maison : « …la maison est notre coin du monde. [] Elle est un vrai cosmos. Un cosmos dans toute lacception du terme35 ». Il y a certes, précise Bachelard, des images qui ouvrent des espaces dhostilité, mais, ajoute-t-il, « dans le règne des images36 », lintimité lemporte sur lextériorité. Ainsi, si « tout espace vraiment habité porte lessence de la notion de maison37 », et si limage ouvre au rêveur un espace dont il occupe tout le volume, alors toute image porte lessence de la notion de maison. Toute image est, en ce sens, une maison. Dès lors, cest parce que toute image est une maison quelle est ce qui permet au sujet daccomplir sa subjectivation : elle lui permet dêtre soi en étant chez soi, dans lespace même de lidentification à soi-même quest la maison. Il faut dailleurs noter ici que cette subjectivation qui sopère par limage permet de souligner le propre de lintentionnalité imageante. Remettre en conscience première la création 28des belles images, comme y invite la phénoménologie bachelardienne de limage, cest habiter le monde de limage, cest y être chez soi. En ce sens, lintentionnalité imageante se distingue de toute intentionnalité constituante, dans la mesure où elle se produit non pas comme représentation ou constitution, mais comme habitation. Ici, comme laffirmait Levinas à propos de lintentionnalité de la jouissance dans Totalité et Infini, le constitué conditionne et constitue le constituant : lobjet que je vise, limage, me constitue comme sujet capable de la viser : elle me donne un soi en moffrant son chez soi.

Cest dans limage ainsi comprise que le moi a le plus dunité et tient le principe de son unité. Pourtant, cette unité est conquise à la faveur dun mouvement de repli sur soi-même, dun mouvement dintroversion. Or, la subjectivation du sujet par limage sentend aussi au sens de la transformation et de lélévation du moi, notions que nous pouvons rassembler sous celle de « sublimation », qui les contient en effet et qui est, par ailleurs, fréquemment mobilisée par Bachelard :

La fonction principale de la poésie, cest de nous transformer. Elle est lœuvre humaine qui nous transforme le plus vite : un poème y suffit38.

Est-il permis dapercevoir une transformation, le passage dune manière dêtre à une autre dans cette « rondeur du moi » – « car vécu du dedans, sans extériorité, lêtre ne saurait être que rond39 » –, dans ce repli sur soi rendu possible par le non-moi accueillant de limage ? La subjectivation du sujet par limage consiste moins, semble-t-il, à nous transformer quà « nous donner à nous-mêmes une première constitution, à affirmer notre être intimement, par le dedans40 » ; elle prend davantage le sens dune substantification du moi que dune transsubstantiation substantielle – sil est permis ici de faire entendre la signification alchimique de la sublimation. Et comment, par ailleurs, saisir une quelconque orientation progrédiente, typique de la sublimation, dans cet enroulement sur soi-même du moi, dans le « psychisme involutif » du repos ? On dira que transformation et élévation se sont déjà produites, dans la mesure où cest bien par limagination, et non depuis le monde plat de la perception que le moi saffirme par le dedans, quil habite 29son « premier monde41 », celui de lêtre chez soi, si bien que ce premier monde ou cette première constitution du moi nont paradoxalement rien dimmédiat et confèrent au moi « un être nouveau42 » relativement à celui qui est le sien dans le monde de la perception et du souvenir – la maison imaginée nétant précisément pas la maison natale, la maison du souvenir, mais la maison onirique, située « au-delà du passé vrai43 », « hors de lêtre de notre propre vécu44 ». Pourtant, lêtre transformé par limagination est également un être qui doit se transformer sans cesse, sil est vrai que limagination est moins la « faculté de former des images » que la « faculté de nous libérer des images premières, de changer les images45 ». Mais comment envisager ici la sublimation ? On ne saurait lenvisager à la manière de celle qui se produit sur le versant de la connaissance objective, où prévaut une « sublimation dialectique46 » procédant dun « refoulement conscient », dune « volonté constante de redressement47 » en quoi consiste la rectification des erreurs objectives, par opposition à la sublimation en son sens strictement psychanalytique que Bachelard qualifie de « sublimation continue », dans la mesure où elle « garde le contact avec la vie des passions48 », et qui est au fond illusoire et régressive, puisque, comme le travail du rêve (car cest bien du rapport montrer-cacher typique du travail du rêve que Bachelard semble rapprocher la sublimation telle que, selon lui, la décrit la psychanalyse classique), elle nest quune « illusion qui couvre et qui compense un instinct désavoué49 ». Cela reviendrait en effet à concevoir la subjectivation du sujet par limage sur le modèle de sa subjectivation par la connaissance scientifique, qui est normalisante, car elle consiste en la substitution au psychisme contingent dun psychisme qui se compose « dans les belles formes de la pensée rationnelle50 ». Il est vrai que Bachelard fait de cette volonté de redressement un trait général du psychisme, quil sagisse du psychisme des concepts ou du psychisme des 30images. Par ailleurs, il voit dans la méthode du rêve éveillé de Robert Desoille la possibilité dune cure psychanalytique dont la finalité serait la sublimation (ce qui nest pas le cas de la cure selon la psychanalyse classique), « une sublimation autonome qui soit une véritable éducation de limagination51 ». La psychologie de lesprit scientifique comme celle de lâme poétique relèveraient ainsi toutes deux dune « psychologie normative52 ». On chercherait pourtant en vain dans lobjet poétique, cest-à-dire dans limage isolée, qui tire sa force des forces du psychisme, un caractère normatif, et dans le rapport que le moi entretient avec elle, une quelconque exigence de normalisation, si par là on entend une obligation et une coercition. Autrement dit, à lopposition de la feinte et de la sincérité doit correspondre une opposition entre la sublimation intellectuelle et la sublimation poétique.

On sait que pour Freud la sublimation, comprise comme un processus par lequel la libido dobjet se dirige vers un but desexualisé, se produit à la faveur de la transformation de la libido dobjet sexuelle en libido narcissique, cest-à-dire lorsque le Moi adopte les traits de lobjet et soffre alors au Ça comme objet damour :

La transposition de la libido dobjet en libido narcissique, qui se produit ici, comporte manifestement un abandon des buts sexuels, une désexualisation, donc une espèce de sublimation53.

Un passage de Leau et les rêves consacré au mythe de Narcisse, que lon nous permettra de citer un peu longuement, nous semble pouvoir être lu à la lumière de ces considérations. Bachelard y établit à son tour un lien entre narcissisme et sublimation, en passant par lidée didéalisation (que Freud, cependant, dans Pour introduire le narcissisme, distinguait expressément de la sublimation), à la faveur de la relation que Narcisse entretient avec ses propres images, qui sont ses doubles idéalisés. Or, si limage est le moi projeté dans les choses, et si, par ailleurs, limage, qui vient inquiéter le réel par son irréalité, en opère lidéalisation même54, rien ninterdit alors de la considérer comme le double idéalisé du moi, 31et de lire par conséquent ces pages consacrées au mythe de Narcisse comme la description paradigmatique de la relation qui existe entre le moi et limage. Cest sans doute ce que vise Bachelard en soulignant limportance dun tel narcissisme pour une psychologie de limagination – psychologie qui, par là même, ne saurait à proprement parler être dite « normative », comme le montre précisément lidée dune sublimation pour un idéal opposée à la sublimation contre les instincts :

Narcisse va donc à la fontaine secrète, au fond des bois. Là seulement, il sent quil est naturellement doublé. [] Près de la fontaine prend ainsi naissance un narcissisme idéalisant dont nous voudrions montrer limportance pour une psychologie de limagination. Cela nous semble dautant plus nécessaire que la psychanalyse classique paraît sous-estimer le rôle de cette idéalisation. En effet, le narcissisme nest pas toujours névrosant. Il joue aussi un rôle positif dans lœuvre esthétique, et par des transpositions rapides, dans lœuvre littéraire. La sublimation nest pas toujours la négation dun désir ; elle ne se présente pas toujours comme une sublimation contre des instincts. Elle peut être une sublimation pour un idéal. Alors Narcisse ne dit plus : « Je maime tel que je suis », il dit : « Je suis tel que je maime. » Je suis avec effervescence parce que je maime avec ferveur. Je veux paraître, donc je dois augmenter ma parure. Ainsi la vie sillustre, la vie se couvre dimages. La vie pousse ; elle transforme lêtre ; la vie prend des blancheurs ; la vie fleurit ; limagination souvre aux plus lointaines métaphores ; elle participe à la vie de toutes les fleurs. Avec cette dynamique florale la vie réelle prend un nouvel essor. La vie réelle se porte mieux si on lui donne ses justes vacances dirréalité55.

Il ny a rien de surprenant à voir surgir le narcissisme dans une conception de lintentionnalité pour laquelle objet et sujet ne cessent déchanger leurs rôles, où les images dans lesquelles se projette le moi sont, à ce titre, toujours en même temps des images de soi. Un tel narcissisme est non névrosant au sens où lentendait Freud dans la mesure où, dans cette dualité sujet-objet « irisée, miroitante56 », la libido ne perd pas sa mobilité en refluant vers le moi57, celui-ci ne cessant de se projeter dans des images qui le doublent et laugmentent. Car ce qui est ici significatif est en effet ce besoin de paraître, daugmenter sa parure, qui permet de parler dun narcissisme idéalisant, mais qui, par-dessus tout, constitue 32pour Bachelard le propre de limagination littéraire : « …la vie littéraire est parure, ostentation, exubérance58 ». Cest à partir de cette monstration exubérante, qui marque lextrême mobilité de lintentionnalité imaginante, multipliant sans fin les « investissements dobjets », et non plus à partir de ce refoulement conscient à lœuvre dans la rectification des erreurs objectives, que lon peut faire droit à lidée dune « sublimation dialectique », libre à légard de la relation montrer-cacher qui caractérise encore selon Bachelard la sublimation telle que lentend la psychanalyse classique. Cette critique adressée à la psychanalyse est dailleurs loin daller de soi, si lon veut bien distinguer la sublimation du symptôme et si, à la limite, comme le souligne Jean Laplanche, le processus de la sublimation se marque par loubli de son point de départ :

Si on va au fond des formulations et des exemples freudiens, on arrive à un paradoxe beaucoup plus gênant : il ne sagit pas simplement de substituer un but à un autre dans un mouvement pulsionnel qui resterait dans lensemble le même ; il ne reste dans le sublimé ni le but, ni lobjet, ni même la source de la pulsion, si bien que nous sommes supposés retrouver finalement la seule « énergie sexuelle » ; mais une énergie sexuelle… elle-même « désexualisée », déqualifiée, mise au service dactivités non-sexuelles59.

Une note isolée des Fragments dune poétique du feu souligne à cet égard avec beaucoup de profondeur ce paradoxe constitutif du processus de la sublimation : « Pour bien monter il faut partir de très bas. Pour bien monter il faut oublier le très bas60 ». Un tel paradoxe permet denvisager – et là se situe à nos yeux loriginalité de la reprise bachelardienne du concept de sublimation – lidée dune monstration qui ne cache rien, dune relation à lobjet sublimé qui ne masque plus les pulsions et nen est plus, par conséquent, la négation ni le masque, une « sublimation pure, [] qui ne sublime rien61 ». Il y aurait là dailleurs, pour une 33philosophie de limagination créatrice, de quoi élaborer à nouveaux frais la « différence radicale62 » qui, selon Bachelard, existe entre le rêve nocturne et la rêverie poétique, en soulignant que le premier, dont le travail est analogue à celui de la formation de symptôme, consiste en une figuration substitutive par laquelle, en simageant visuellement, et donc en se dissimulant, les pensées du rêve permettent au désir quelles expriment de saccomplir, figuration qui na rien de créateur dans la mesure où elle est lœuvre dune fantaisie qui se contente dassembler des matériaux disparates préexistants, tandis que la seconde ne cesse de déréaliser le matériel fourni par la perception et affirme par là son caractère producteur.

Limage, phénomène immédiat de la volonté, ne masque pas la vie profonde du sujet ; elle donne au contraire au sujet une vie de surface, une vie à la surface, sans souci de la profondeur – une vie dexhibition, de parure. Surface où lêtre peut sans doute avoir la tentation de se cacher, où la possibilité de se cacher demeure, mais où il veut dabord se montrer, paraître. Il y a dans limage davantage de monstration que de dissimulation :

Limage [] a sans doute un sens dans la vie inconsciente, elle désigne sans doute des instincts profonds. Mais, en plus, elle vit dun besoin positif dimaginer. Elle peut servir dialectiquement à cacher et à montrer. Mais il faut montrer beaucoup pour cacher un peu et cest du côté de cette montre prodigieuse que nous avons à étudier limagination63.

La critique bachelardienne de lapproche psychanalytique de limage a donc pour effet de rendre inopérante, pour décrire la vie poétique du sujet, la phénoménologie du masque que Bachelard, dans sa préface à louvrage de R. Kuhn qui porte le même nom, avait explicitée en la ramenant à la dialectique de la feinte et de la sincérité. La « phénoménologie de lêtre qui dissimule64 » convient davantage à la phénoménologie de lesprit scientifique quà celle de lesprit poétique. Cette critique nous impose par conséquent de penser la transformation du moi non pas comme étant solidaire dinhibitions, fussent-elles « solides et claires65 », comme lexige le refoulement conscient des erreurs objectives, mais comme 34résidant tout entière dans une monstration. Le moi qui se projette dans limage se transforme en augmentant et en faisant varier les images. On suivra ainsi par exemple les variations que connaît la dialectique de la maison et de lunivers dans le chapitre ii de La poétique de lespace, depuis lattaque de lhiver qui renforce les valeurs dintimité et ne donne lieu encore à aucune lutte, jusquà laffrontement de la tempête où la maison « se serre contre son habitant, [] devient la cellule dun corps avec ses murs proches66 ». On a ici un bel exemple de « redressement », puisque le moi, littéralement, se redresse, les images du moi rassemblé sur soi dans la maison devenant des images de la hauteur, du corps debout dans la tempête, mais lessentiel est peut-être moins ici lidée de hauteur, certes importante chez Bachelard, que lidée de variation à la faveur de laquelle il devient possible de concevoir comment le moi se transforme, cest-à-dire comment le même, rassemblé sur soi, sans dehors, cherche lautre ; ou encore, comment le moi substantif, ce moi subjectum de limage, loin de sappesantir sur lui-même, multiplie ses qualités et, par là même, se désubstantialise. À propos de limagination de la qualité, et limagination dans son exubérance nest jamais autre chose quune imagination de la qualité, Bachelard écrit en effet :

On fait preuve dimagination en raffinant sur la sensation, en débloquant la grossièreté sensible (couleurs ou parfums) pour vanter les nuances, les bouquets. On cherche lautre au sein du même. [] En effet, à quoi pourrait bien servir, dans le règne de limagination, le nom pourvu dun adjectif unique ? Ladjectif ne serait-il pas alors immédiatement absorbé dans le nom ; comment ladjectif résisterait-il à cette absorption67 ?.

De lui-même, le moi imaginant pourrait dire, à la manière de Nietzsche : « Pauvre de moi, je suis une nuance ».

Telle est la subjectivation qui saccomplit à partir de limage. Si le moi se projette dans limage, ce nest pas dire que limage nen serait que la reproduction, puisque dans cette projection même, le moi se transforme. Limage, qui est le double du moi, nen est pas le reflet. Sujet de limage, le moi ne lest pas au sens où il serait déjà constitué avant même de se projeter en elle, au sens dun donné quil sagirait de refléter. Il ne se constitue que de manière progressive, et jamais définitive, en 35faisant varier les images. Comme nous lindiquions en commençant, il en va bien du sujet dans son rapport à limage comme du sujet dans son rapport à lobjectivité scientifique, qui ne se précise quà mesure que se précise le processus dobjectivation, et ce bien que la subjectivation par limage poétique et la subjectivation par lobjet scientifique sorientent à rebours lune de lautre. Par là, Bachelard saccorde avec Cassirer, qui ne considérait les formes de la culture « ni comme une simple expression de lintérieur ni comme la reproduction des figures dune réalité extérieure68 », mais comme une manière chaque fois nouvelle détablir leur domaine, de définir le moi et le non-moi. Il reste que, à la différence de Cassirer, il na pas posé – et a même récusé – la question de savoir :

Comment ces formes différentes de conception du moi et du monde peuvent être unifiées – non pas de savoir si elles reproduisent une seule et même « chose » existant en soi, mais si elles se complètent pour former une totalité et un système unique des activités de lesprit69.

La raison en est, pensons-nous, que si lon envisage réellement les formes de la culture comme différents modes de subjectivation du sujet, comme des moyens par lesquels le sujet accomplit son mouvement vers soi – et cest bien cette approche de la culture à partir de la subjectivation ou de laccomplissement de soi qui fait ressortir toute la richesse de son concept70 –, et non dabord comme des formes de lesprit objectif, comme cest le cas chez Cassirer malgré son insistance sur le fait que le sujet trouve une manière dêtre nouvelle dans chaque forme nouvelle, la question de leur unité ne se pose pas. En effet, dans la mesure où le point de vue qui domine est celui du sujet, de sa venue à soi à partir des formes de lesprit objectif, on ne saurait se mettre en quête dun moment immanent à chacune de ces formes susceptible den assurer lunité (comme lest la notion de symbole chez Cassirer), car ce serait laisser se déployer de manière autonome la logique intrinsèque à 36lesprit objectif ; et on ne saurait davantage, dès lors que le sujet apparaît irréductiblement pluralisé par ces formes par la médiation desquelles il saccomplit, faire appel à un Geist anonyme et neutre depuis lequel il serait possible de « les embrasser toutes dun seul regard71 », à titre de produits renvoyant à un unique procès créateur qui nest jamais chez Cassirer que le reflet de cette unité objective. Bachelard nous semble ainsi, par son souci dintégrer les formes de la culture dans le processus de subjectivation du sujet, beaucoup plus proche de Simmel que de Cassirer. Plus encore, en mettant le sujet, dune part, à lépreuve des structures normatives de la connaissance scientifique et, dautre part, au contact du poème dont la forme, ramenée à limage isolée, coïncide immédiatement avec la vie subjective, il nous semble confirmer, à sa manière, le diagnostic de Simmel sur la culture de son époque, époque où le rapport entre lindividu et les formes de lesprit objectif ne va plus de soi, où « la vie ressent la forme en tant que telle comme quelque chose qui lui est imposé, et veut briser la forme en général et pas seulement telle ou telle forme, et la résorber dans son immédiateté72 ». Le conflit entre la vie subjective et les formes de lesprit objectif se manifeste alors à partir du conflit entre deux formes de subjectivation, lune dans laquelle lobjet se donne comme le phénomène immédiat du sujet, lautre dans laquelle le sujet vient en soi en rompant avec soi au profit de lobjet incommensurable au psychisme subjectif.

Rodolphe Calin

Université Paul Valéry
– Montpellier 3

1 Gaston Bachelard, Lair et les songes. Essai sur limagination du mouvement, Paris, J. Corti, 1943, p. 134.

2 Sur la feinte, voir le chapitre iv de Bachelard, Le rationalisme appliqué, Paris, PUF, 1966, p. 65 sq.

3 Id., Lactivité rationaliste de la physique contemporaine, Paris, PUF, 1965, p. 13.

4 « Leffort métaphysique pour saisir lêtre en nous-mêmes est donc une perspective de renoncements. Où trouver alors le sujet pur ? Comment puis-je me définir au terme dune méditation où je nai cessé de déformer ma pensée ? Ce ne peut être quen poursuivant jusquà la limite cette déformation : je suis la limite de mes illusions perdues » (Id., Études, Paris, Vrin, 1970, p. 97).

5 Concernant la subjectivation du sujet par la connaissance scientifique chez Bachelard, voir nos articles « Feinte, intentionnalité et subjectivité selon Bachelard », in Gaston Bachelard, Science et poétique, une nouvelle éthique ?, J.J. Wunenburger (éd.), Paris, Hermann, 2013, p. 57-74, et « La subjectivation du sujet par la connaissance scientifique selon Bachelard », in La subjectivation du sujet. Études sur les modalités du rapport à soi-même, R. Calin et O. Tinland (éd.), Paris, Hermann, 2017, p. 97-119.

6 G. Bachelard, Études, Op. cit., p. 87-88.

7 Id., La poétique de la rêverie, Paris, PUF, Quadrige, 1960, p. 130.

8 « Parmi tous les domaines particuliers de la culture, il ny en a pas un qui soit aussi indépendant à légard de la vie, aussi autonome, aucun qui repose dans un tel éloignement par rapport aux émotions et aux nécessités de la vie, aux individuations et aux destins de la vie, que la connaissance » (Georg Simmel, Philosophie de la modernité, tr. J.L. Vieillard-Baron, Paris, Payot, 2004, p. 395).

9 « Les valeurs de connaissance attachées à une logique essentiellement normative ne sont pas dune espèce différente des valeurs apodictique des mathématiques. Pas différentes non plus des valeurs apodictiques de lorganisation du phénomène scientifique, phénomène non seulement informé mais vraiment constitué par les démonstrations des sciences physiques » (G. Bachelard, Le rationalisme appliqué, Op. cit., p. 120).

10 G. Bachelard, La formation de lesprit scientifique, Contribution à une psychanalyse de la connaissance objective, Paris, Vrin, 1983, p. 209.

11 Id., La poétique de lespace, Paris, PUF, 1957, p. 4.

12 Id., Études, Op. cit., p. 95.

13 Id., La poétique de lespace, Op. cit., p. 4.

14 « Lengagement objectif se fortifie dans une échelle de précision, dans la succession dapproximations de plus en plus fines, approximations qui sont attachées à un même objet et qui cependant se désignent les unes après les autres comme des niveaux différents de la connaissance objective. En suivant une telle perspective des niveaux objectifs ordonnés, lesprit est exercé dans une discipline de rectification » (Id., Lactivité rationaliste de la physique contemporaine, Op. cit., p. 13.

15 Ibid., p. 3, ns.

16 Ibid.

17 Id., Le rationalisme appliqué, Op. cit., p. 145.

18 Ibid.

19 Ibid., p. 146.

20 Id., Lactivité rationaliste de la physique contemporaine, Op. cit., p. 3.

21 Id., La poétique de lespace, Op. cit., p. 43.

22 Id., Lair et les songes. Essai sur limagination du mouvement., Op. cit., p. 52.

23 Cf., ibid., p. 13.

24 Ibid., p. 39.

25 Id., Leau et les rêves. Essai sur limagination de la matière, Paris, J. Corti, 1942, p. 17.

26 Cf., Id., Lair et les songes. Essai sur limagination du mouvement, Op. cit., p. 19.

27 Ibid. p. 52. Cette lecture schopenhauerienne de limage est en même temps une critique de Schopenhauer, dans la mesure où chez ce dernier lexpérience esthétique correspond au moment de la négation de la volonté. Bachelard reproche ainsi, à plusieurs reprises, à Schopenhauer, davoir dissocié la contemplation de la volonté : « La philosophie de Schopenhauer a montré que la contemplation esthétique apaise un instant le malheur des hommes en les détachant du drame de la volonté. Cette séparation de la contemplation et de la volonté efface un caractère que nous voudrions souligner : la volonté de contempler. La contemplation elle aussi détermine la volonté. Lhomme veut voir. Voir est un besoin direct. La curiosité dynamise lesprit humain », Id., Leau et les rêves. Essai sur limagination de la matière, Op. cit., p. 41.

28 Arthur Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation, trad. fr. Burdeau, Paris, PUF, 1966, p. 893.

29 G. Bachelard, Lair et les songes. Essai sur limagination du mouvement, Op. cit., p. 276.

30 Ibid.

31 Id., La poétique de la rêverie, Op. cit., p. 144.

32 Id., La terre et les rêveries du repos. Essai sur les images de lintimité, Paris, J. Corti, 1948., p. 5.

33 Ibid.

34 Id., Lair et les songes. Essai sur limagination du mouvement, Op. cit., p. 284.

35 Id., La poétique de lespace, Op. cit., p. 24.

36 Ibid., p. 17.

37 Ibid., p. 24.

38 Id., Lautréamont, Paris, J. Corti, 1939, p. 105.

39 Id., La poétique de lespace, Op. cit., p. 213.

40 Ibid., 210, ns.

41 Ibid., p. 26.

42 Ibid., p. 12.

43 Ibid., p. 33.

44 Id., Fragments dune poétique du feu, Paris, PUF, 1988, p. 39-40.

45 Id., Lair et les songes. Essai sur limagination du mouvement, Op. cit., p. 7.

46 Id., La psychanalyse du feu, Op. cit., p. 164.

47 Ibid., p. 165.

48 Ibid., p. 163-164.

49 Id., Lair et les songes. Essai sur limagination du mouvement, Op. cit., p. 142.

50 Id., Le rationalisme appliqué, Op. cit., p. 15.

51 Id., La terre et les rêveries de la volonté. Essai sur limagination de la matière, Paris, J. Corti, 1947, p. 135.

52 Ibid., p. 106.

53 Sigmund Freud, Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1981, p. 242.

54 Cf., G. Bachelard, Lair et les songes. Essai sur limagination du mouvement, Op. cit., p. 173 : « Lidéal, cest de faire lêtre aussi grand, aussi vif que ses images ».

55 Id., Leau et les rêves. Essai sur limagination de la matière, Op. cit., p. 35.

56 Id., La poétique de lespace, Op. cit. p. 4.

57 Selon Freud, « cest cette diminution de la mobilité de la libido qui devient pathogène », Introduction à la psychanalyse, tr. S. Jankélévitch, Paris, Petite bibliothèque Payot, 1964, p. 398.

58 G. Bachelard, La terre et les rêveries de la volonté. Essai sur limagination de la matière, Op. cit., p. 76. Cf. aussi, Bachelard, Fragments dune poétique du Feu, Op. cit., p. 51-52 : « “Tu montres trop, donc tu caches.” Tel est le jugement que le psychanalyste prononce contre son patient. [] Quand lexpression multiplie les nuances, quand elle nuance des nuances, le psychanalyste voit là un écran bariolé, un écran installé par un refoulement subtil. [] Mais poser le problème sous le signe dune pensée habile à préserver des secrets ne tient pas compte de lexubérance des paroles qui imaginent. ».

59 Jean Laplanche, Problématiques III. La sublimation, Paris, PUF, 1983, p. 122.

60 G. Bachelard, Fragments dune poétique du feu, Op. cit., p. 53.

61 Id., La poétique de lespace, op. cit., p. 12.

62 Id., La poétique de la rêverie, Op. cit., p. 129.

63 Id., La terre et les rêveries de la volonté. Essai sur limagination de la matière, Op. cit., p. 76.

64 Id., Le droit de rêver, Paris, PUF, Quadrige, 2001, p. 204.

65 Id., La psychanalyse du feu, Op. cit., p. 164.

66 Id., La poétique de lespace, Op. cit., p. 57.

67 Id., La terre et les rêveries du repos. Essai sur les images de lintimité, Op. cit., p. 83.

68 Ernst Cassirer, La philosophie des formes symboliques. 1. Le langage, tr. J. Lacoste, Paris, Minuit, 1972, p. 35.

69 Ibid., p. 33-34.

70 Comme lécrit Simmel à propos du concept de culture : « Toute la richesse réalisée dans ce concept consiste en ceci : que des productions objectives, sans rien perdre de leur objectivité, se trouvent intégrées dans le processus daccomplissement des sujets, lui servant de voie ou de moyen », Georg Simmel, La tragédie de la culture et autres essais, tr. S. Comille et P. Ivernel, Paris, Rivages, 1988, p. 213.

71 E. Cassirer, La philosophie des formes symboliques, 1. Le langage, Op. cit., p. 23.

72 G. Simmel Philosophie de la modernité, Op. cit., p. 385.