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Classiques Garnier

Droit international et pacifisme La Grande Guerre comme révélateur d’une relation ambigüe

  • Publication type: Journal article
  • Journal: Éthique, politique, religions Les transformations du concept de guerre (1910-1930)
    2016 – 2, n° 9
    . I. Limites et extension
  • Author: Lafosse (Juliette)
  • Abstract: The connections between international law and the pacifist movement are complex and ambiguous. The aim of this article is to consider this relationship from the standpoint of the Great War’s historical relevance. Insofar as the Belgian internationalist legal theorists from the 1914-1918 period are particularly representative of this ambiguous relationship, they will be used to illustrate how the practice of international law does or does not imply its original pacific ambitions.
  • Pages: 53 to 73
  • Journal: Ethics, Politics, Religions
  • CLIL theme: 3133 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie contemporaine
  • EAN: 9782406067634
  • ISBN: 978-2-406-06763-4
  • ISSN: 2271-7234
  • DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-06763-4.p.0053
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 01-13-2017
  • Periodicity: Biannual
  • Language: French
  • Keyword: Pacifism, international law, belgian legal theorist, Henri Lafontaine, Albéric Rolin, Carl Schmitt
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Droit international et pacifisme

La Grande Guerre comme révélateur
dune relation ambigüe

Si la Première Guerre mondiale fut un moment historique déterminant dans la façon dont a été appréhendé le concept de guerre, sil y a un avant et un après la Grande Guerre dans la qualification de ce dernier, il semble quil doit en être de même pour son fidèle revers : le concept de paix. Ainsi, le conflit est entouré de part en part de revendications pacifistes : à son approche, lorsque de nombreuses voix sélèvent pour repousser lusage du recours à la force ; en son cœur, où la paix reste lhorizon dattente des combattants et des civils ; et à sa fin, lorsque les voix du monde réclament le « plus jamais ça ».

Si on a longtemps perçu le xxe siècle européen comme étant celui des extrêmes ou des ténèbres1, noyé sous les récits apocalyptiques de conflits toujours plus barbares, il semble quen réalité celui-ci fut tout autant celui dun « combat pour la paix », aussi paradoxal que cela puisse paraitre. En effet, les périodes daprès-guerres peuvent aussi bien être perçues, dans la lignée de John Horne, comme les véritables tournants du siècle, emblématiques dune soif de justice et de paix durable2. Aussi, je souhaiterais proposer une lecture de cette recherche dinstauration de la paix à travers langle de lévolution du droit international sous linfluence du premier conflit mondial. À partir de lévènement bouleversant quest la Grande Guerre aussi bien pour la paix que pour le droit, je voudrais réfléchir aux liens quentretiennent le droit international et le pacifisme et à la façon dont ceux-ci sincarnent dans la figure de juristes belges contemporains à cette période. En effet, la Belgique occupe une place 54particulière au sein du conflit, en étant le seul pays à être à la fois une zone de front, darrière-front et un territoire occupé. Par ailleurs, celle-ci est ciblée par Carl Schmitt comme étant le lieu dun véritable tournant en droit international à lissue du premier conflit mondial. De plus, la discipline internationaliste y est prospère, comme en témoigne, entre autres, lattribution du prix Nobel de la paix à Henri Lafontaine en 1913. Il sagit donc dun terreau privilégié pour cette étude.

Juristes belges et pacifisme autour de 14-18

Dans son Nomos de la terre, publié en 1950, Carl Schmitt accuse les juristes belges de 14-18 de réintroduire la question de la guerre juste dans les relations internationales :

La Première Guerre mondiale commença en août 1914 comme une guerre étatique européenne dancien style. Les puissances belligérantes se considéraient mutuellement comme des États souverains égaux, qui se reconnaissaient en cette qualité et qui étaient des justi hostes au sens du Jus publicum Europaeum. [] La déclaration de guerre nétait donc pas un acte dagression au sens dun motif à charge ou de discrimination, cétait au contraire un acte correct, lexpression de la guerre en forme []. Mais bientôt déjà on vit samorcer un changement de sens. Cest ainsi que des voix belges firent valoir la distinction entre guerre juste et guerre injuste, en invoquant la violation de la neutralité de la Belgique et dans le but de refuser à loccupant allemand, qui contrôla militairement pendant quatre ans la plus grande partie du sol belge, la qualité doccupant aux yeux du droit des gens. Mais cest surtout dans les traités de paix qui mirent fin à cette Première Guerre mondiale que se trouvent une série de particularités qui manifestaient déjà des prémices décisives dun changement de sens3.

Dans ce passage du Nomos, lévocation des voix belges nest pas innocente. En effet, Carl Schmitt y accuse la Belgique dêtre le chef de file dun mouvement universaliste qui signerait dun même geste le retour de la guerre juste. Cette accusation est le fait de linsistance, tout au long de louvrage, du sort réservé à lAllemagne à la sortie des deux guerres mondiales. Lidée, qui est le fil rouge de louvrage de Carl Schmitt, est 55que le sort de lAllemagne nest en aucun cas conforme au droit public européen et que la sortie de la Grande Guerre ainsi que les traités de paix qui sy attachent, signent la fin de ce règne du droit, au profit de la morale. Dans cette optique, le livre de Carl Schmitt fait léloge dun ordre juridique européen concret, spatial, cohérent, limitant la guerre sans céder à la tentation de lillusion de son abolition. Ainsi, la faillite de ce droit est le fruit des tentatives dun nouvel ordre international universaliste dabolir la guerre en la discriminant. En sacrifiant les assises spatiales du droit européen dans une tentative duniversalisation du droit, celui-ci renonce à lidée dennemi juste, de justus hostis, au profit du concept discriminatoire de guerre juste, cédant la place aux guerres danéantissement. Selon Carl Schmitt, en voulant humaniser la guerre, les juristes de ce nouveau droit international ne cessent de lexacerber. Si, dans son ouvrage, le juriste allemand évoque les juristes belges (sans pour autant les citer), cest que ceux-ci ont en effet été dardents défenseurs du droit international avant, pendant et après le conflit4. Dans la rhétorique guerrière qui entoure la Grande Guerre, la poor little Belgium est en effet lemblème dune « guerre du droit contre la force » pour les pays de lEntente. Lenjeu de la violation de sa neutralité devient lenjeu moral par excellence de la guerre, qui alimente les rhétoriques guerrières5. Cela explique sans doute pourquoi Carl Schmitt vise les juristes belges pour alimenter son propos.

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Quelques cas concrets :
Henri Lafontaine et Albéric Rolin

Voyons comment les voix belges – la partie belge, pour insister dautant plus sur lopposition de Schmitt autour de cette question, qui est sans aucun doute défenseur de la partie adverse – articulent cette ambition pacifiste universelle avec leur participation active à la construction du droit international.

Nous aurons loccasion de remarquer, à lissue de ce texte, combien les liens entre droit international et pacifisme sont étroitement mêlés tout en étant extrêmement ambigus. Pour illustrer ceux-ci, je constate quil existe (au moins) deux mouvements distincts et opposés parmi les juristes belges de 14-18 qui explicitent précisément la difficulté dune alliance entre pacifisme et droit international. Pour représenter ces deux perceptions, nous pouvons nous rattacher à deux figures principales du droit international belge à lépoque de la Grande Guerre : Henri Lafontaine et Albéric Rolin.

Selon le premier, lavènement de la paix se fera par le droit, dans un élan émancipateur, progressiste et civilisateur. À linverse, pour le second, droit international et pacifisme sont absolument incompatibles, puisque le pacifisme prend racine sur un terreau dangereux : celui du cimetière du droit international.

Henri Lafontaine (1854-1943), qui est lun des grands représentants belges du mouvement de « paix par le droit », est un juriste et homme politique convaincu quil est possible dassurer la paix en établissant « un régime de collaboration universelle basé sur le respect du droit international6 ». Celui-ci a consacré sa vie, et sa carrière, à la promotion du développement du droit international, à larbitrage et à la paix entre les nations. Grand défenseur et représentant dune foi infaillible en les capacités émancipatrices, progressistes et civilisatrices du droit international, il entend assurer la paix à travers le règne de la justice et du respect du droit, dont la fonction principale est dassurer la sécurité des faibles contre les forts. Il y a donc, chez Lafontaine, une intime 57conviction quil existe une puissance morale du droit, incarnation dune conscience du bien universel7.

Lidée dHenri Lafontaine est que le seul moyen dassurer la paix entre les nations est un mouvement pacifico-juridique qui réclame un travail acharné des juristes pour combler les lacunes du droit permettant de diminuer les causes et restreindre certaines formes de conflits : il sengagera pour la limitation des armements, le droit contre la guerre, le développement de la médiation et des bons offices, etc.

Détenteur du prix Nobel de la paix en 1913, il approfondit cette vision juridico-pacifiste en écrivant, alors quil est en exil aux États-Unis durant la Grande Guerre, The Great Solution, Magnissima Charta ; Essay on Evolutionary and Constructive Pacifism8. Il y défend la possibilité darriver à une organisation mondiale basée sur une charte universelle, garante de la paix. De plus, à lissue du premier conflit mondial, Lafontaine opte pour une criminalisation de la guerre, inscrite dans le droit. En 1924, il déclare au Sénat : « La guerre nest pas seulement une horreur ; cest un crime. [] Celui qui va en guerre est un criminel, et celui qui la propose en est un également9. ». Il reproche ainsi au Pacte Briand-Kellogg de ne pas inscrire en toutes lettres que la guerre est un crime : non pas un crime au sens moral, qui condamnerait le geste ou lintention, mais un crime au sens juridique, qui conduirait à une condamnation pénale. Que les nations saccordent pour condamner la guerre comme un mal, la rendant hors-la-loi, ne suffit pas : il faut selon Lafontaine quelles affirment le caractère criminel de celle-ci, au sens juridique du terme. Si, ainsi, Lafontaine semble sur ce point correspondre aux critiques de Carl Schmitt sur une criminalisation de la guerre, il est intéressant de 58signaler quil nest pourtant jamais évoqué par ce dernier au cours de son ouvrage. De plus, lévocation dans ce recueil par Carlos-Miguel Herrera de revendications semblables chez les pacifistes autrichiens, dont tout particulièrement Hans Wehberg, relativise la nationalité de dénonciation de adressée par Carl Schmitt : il semble que les belges de 14-18 naient pas le monopole de cette criminalisation10.

Par ailleurs, ces différentes considérations nempêchent pas Lafontaine de dénoncer les excès de codification juridique dun droit de la guerre. En effet, les juristes de droit international participent, au tournant des xixe et xxe siècles, à une codification juridique qui souhaite préciser les moyens et les formes de combats admis par le droit. Face à celle-ci, Lafontaine sindigne : en élaborant et en formalisant les conditions de la guerre, le droit non seulement la règlemente, mais surtout la légitimise. Cest ce constat qui pousse le juriste belge à rebaptiser les Conférences de la paix de 1899 « conférences de la guerre », tant il déplorait le fait que la codification dun droit de la guerre précise les conditions de légitimité des modes dinterventions armées. Or, cette précision ayant pour objectif dencadrer et de limiter la puissance finit au contraire par la légitimer et par servir, dans le cas par exemple du droit de loccupation, loccupant allemand. Visionnaire, Lafontaine pressent que le droit pourrait alors être instrumentalisé lors des conflits. Cela le pousse ainsi, au fur et à mesure de sa carrière, à insister sur le fait que le droit international est indispensable pour le progrès et linstauration de la paix, mais ne constitue pas une solution suffisante. Homme politique pragmatique, il prône un engagement politique éclairé qui doit pouvoir interpréter le droit et lui rendre, ironiquement, justice : « seul un engagement politique lucide et constant permet à un idéaliste de poursuivre efficacement son combat, et la règle de droit ne constitue dans ce contexte quun outil parmi dautres. Un outil à bien des égards incontournable, de par la légitimité quil incarne, mais aussi insuffisant, puisquil ne sagit en définitive que dun discours qui ne prendra sens et effet quen fonction de lévolution des rapports de forces sur le terrain11 ». Il semble 59ainsi que la codification du droit de la guerre doit être non seulement limitée, mais toujours interprétée sous lhôtel de la raison.

Cest justement sur le point dune codification du droit de la guerre que sopposent les deux interprétations belges de la mise en application dambitions pacifistes dans la construction du droit international. Selon Albéric Rolin (1843-1937), cest en réalité le tort principal des pacifistes : ceux-ci sont de véritables « fossoyeurs du droit de la guerre12 ». Selon eux, il ny a plus de droit de la guerre, tout simplement parce que la guerre est la négation du droit, et il sera toujours possible aux auteurs de crimes de guerre de répondre à leurs accusateurs : « Mais à quoi vous attendiez-vous ? Cest la guerre ! ». Par ailleurs, si les pacifistes, grands défenseurs de la paix perpétuelle, veulent abroger la guerre, il est dans leur intérêt denterrer le droit de guerre : sans contrainte juridique pour le limiter, « le monstre nen paraitra que plus abominable et, en augmentant lhorreur quil inspire, ces pacifistes espèrent évidemment voir leur rêve, la suppression de la guerre, se réaliser plus promptement13 ». Mais pour Albéric Rolin, labolition proprement dite de la guerre, cest-à-dire la réalisation pleine et entière du pacifisme, est une illusion. À Me de Louter, un éminent juriste consulte hollandais qui parle de « lillusion dun droit de la guerre qui [] sen est allée en fumée14 », Albéric Rolin répond que « lauteur semble se faire de singulières illusions lui-même en simaginant quil suffira de stigmatiser la guerre, de la condamner comme une négation du droit, soit dans tous les ouvrages de droit international quon écrira désormais, soit même dans les plus solennelles conventions internationales, pour la supprimer15 ». Ainsi, si la paix perpétuelle est un rêve enchanteur, le droit de guerre reste une nécessité, car tant que les hommes seront hommes, et quil y en aura parmi eux qui se conduisent comme des « bêtes sauvages », la guerre restera possible. « Or, si cest un mal inévitable, nest-il pas sage dessayer datténuer les maux et les injustices qui en découlent encore actuellement, les barbaries qui la souillent16 ? ».

Puisque la guerre est, pour Rolin, un fait récurrent et indépassable, résultat désolant de la nature humaine, le mouvement pacifiste est à la 60fois utopique et incompatible avec le droit international. En se fondant sur labolition du droit de la guerre, refusant de codifier celle-ci, le pacifisme ne peut travailler main dans la main avec le droit, comme le souhaitait Lafontaine. Aux penseurs pacifistes qui choisiraient le cas de la Grande Guerre pour illustrer léchec du droit international à canaliser la guerre, Albéric Rolin répond en nuançant cette accusation : si les puissances de la Première Guerre mondiale nont cessé denfreindre ce droit, elles nont jamais arrêté dessayer de se justifier par des artifices plus ou moins ingénieux en mobilisant ce même droit. Par ailleurs, ces multiples infractions trouvent, pour Rolin, une explication : « la cause principale en est, à notre sens, dans les proportions démesurées que la présente guerre a prises dès le début17 ». Selon lui, cest labsence de tiers dans cette guerre à caractère total qui explique limpunité avec laquelle le droit a été trahi à de nombreuses reprises : sans puissance neutre, personne ne peut se porter garant du droit. Les neutres représentent pour Rolin « la conscience publique du monde civilisé18 ». Dans une guerre future au sein de laquelle, classiquement, seuls quelques belligérants se confronteraient les uns aux autres, on peut supposer que les règles de la guerre seraient observées plus minutieusement.

Une autre explication de cette impunité tient dans les lacunes et imperfections dun droit naissant : la Grande Guerre est la première mise à lépreuve du droit international issu dune codification tardive. Les puissances en guerre ne manquent pas de plonger dans les lacunes de cette codification pour soutenir que tout ce qui ne leur est pas explicitement interdit est permis19. La Grande Guerre aura eu pour vertu de mettre en lumière ces lacunes et dencourager les juristes, artisans du droit en devenir, à modifier, compléter, enrichir, préciser, réformer un droit de la guerre dont la nécessité nest plus à démontrer :

Puisque la guerre restera toujours possible, quoi que lon fasse, puisque le beau projet dune Ligue des nations en prévoit la possibilité, puisquil prévoit même la nécessité de réprimer par la force des armes, cest-à-dire par la guerre, les attentats perturbateurs de la paix internationale, ne procédons pas aux funérailles du droit de la guerre20 ».

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Ainsi, alors que le pacifiste autrichien Hans Welberg21 encourageait une codification du droit international au nom du pacifisme, pour Albéric Rolin, cest précisément limpossibilité du pacifisme qui justifie une plus grande formalisation et codification de la guerre. À lopposé, pour Henri Lafontaine, cette codification excessive est justement le mal à éviter, car elle ne fera que renforcer la guerre, au détriment de la paix.

Droit international et pacifisme

Ces deux incarnations des difficultés du droit à mettre à exécution ses ambitions dinterdiction ou de limitation des violences guerrières posent selon moi la question du rapport du droit international avec le pacifisme, sur le plan conceptuel.

Le rapport entre le droit international et le pacifisme est à première vue évident. En effet, le pacifisme se définit, depuis le sixième congrès universel pour la Paix tenu à Munich en 1907, comme « le groupement dhommes et de femmes de toutes nationalités qui recherchent les moyens de supprimer la guerre, détablir lère sans violence et de résoudre par le droit les différends internationaux22 ». Cette définition, aussi politique quhistorique, illustre combien les deux notions sont intimement liées. En effet, lors de son institutionnalisation autour des années 187023, le droit international prend la forme dun ensemble de normes manifestant le désir des États et de leurs gouvernants de garantir la paix. Lun renvoie donc inévitablement à lautre, en en étant soit linstrument, soit 62lambition fondatrice – lobjectif du droit international étant de bannir la guerre comme mode de règlement des conflits en privilégiant la diplomatie, la négociation, les sanctions économiques, etc. En substituant aux horreurs de la guerre des modes juridiques de règlementation des conflits, le droit international a pour visée de garantir la paix entre les États. Seulement, puisquil arrive parfois que le conflit armé soit inévitable, il sattèle aussi, dans ces cas précis, à humaniser la guerre et à la règlementer. Lidée conductrice étant de minimiser dans la mesure du possible les souffrances de lallié comme de lennemi en contraignant les belligérants à limiter leurs actions.

Rapidement, on comprend que le lien entre le droit international et le pacifisme, est plus compliqué quil ny parait. En effet, le droit international, au-delà de ses ambitions et justifications originelles de bannissement et dhumanisation de la guerre, acquiert progressivement une troisième fonction que dénonçait déjà Henri Lafontaine : celle de légitimation du conflit. En effet, la Grande Guerre est un moment historique extrêmement révélateur de cette ambigüité intrinsèque de la discipline, puisquil sagit en quelque sorte de la première mise à lépreuve de ce droit alors en construction. Très vite, on constate que lexistence récente de normes écrites encourage le recours au droit pour justifier laction guerrière. De fait, les États belligérants ne cessent de recourir au droit pour légitimer leurs pratiques : largumentaire juridique devient lalibi idéal du recours à la force. Dans les deux camps, la guerre est présentée comme étant une « guerre du droit », et les stratégies militaires sont légitimées à coup darguments juridiques tels que létat de nécessité, la légitime défense ou encore le concept de représailles24. En aout 1914, lors de leur entrée en guerre, sans doute les États croyaient-ils encore au pouvoir pacificateur du droit international, mais très vite, la force et la violence prennent le dessus. Dès lors, on invoque le droit avant tout pour dénoncer et barbariser ladversaire qui le rompt. Lennemi devient le barbare qui ne respecte pas le droit et devra en rendre compte après guerre. Cest, par exemple, le cas dans la rhétorique guerrière française qui oppose, à 63limage dune « guerre du droit contre la force », le « monde civilisé » à « la barbarie ». Dans un discours tenu à lInstitut de France en 1914, Louis Renault invoque ainsi le respect du droit pour légitimer lattitude de la France et accuser insidieusement les belligérants qui ne respectent pas le droit de barbarie25. En insistant sur lambition fondatrice du droit dempêcher la barbarie, il insinue quenfreindre le droit, cest agir en barbare26. De plus, très rapidement, les récits des violations du droit international commises par lAllemagne lors de ses invasions en font lennemi barbare qui trahit le droit par la force. Cest par exemple le cas du mythe des « mains coupées », qui finit de convaincre les peuples de la barbarie de lennemi27.

Le droit devient ainsi le juge de paix, lautel sur lequel seront jugés les coupables après la guerre. Cette justice daprès-guerre sera un réel enjeu du premier conflit mondial dont les États combattants sortiront en saccordant sur la nécessité de linstauration dune paix durable. Lobjectif sera dès lors dinstaller la paix sur le long terme, à laide du droit et de la création dinstitutions internationales telle que la Société des Nations.

On constate combien le droit international est intimement lié à ses ambitions pacifistes. Pourtant, dans les faits, il sagit tout autant dun droit contre la guerre, jus contra bellum, que dun droit à la guerre, jus ad bellum. Le droit international légifère en définitive les raisons légitimes davoir recours à la force ou encore les manières légitimes dy avoir recours : incapable de bannir la guerre, il la règlemente, et finit par autoriser autant de conduites guerrières quil nen interdit. Par ailleurs, comme nous avons pu le découvrir dans le présent recueil avec Carlos-Miguel Herrera, il arrive aussi que le lien entre droit international et pacifisme soit dilué derrière le lien encore plus fort que le droit entretient étonnamment avec la guerre elle-même. Ainsi, chez Erich Kaufmann, nous avons pu découvrir que non seulement le pacifisme est une illusion mais que la guerre peut être mise au centre de la théorie 64internationaliste : lauto-détermination dun peuple ainsi que son droit à lauto-affirmation justifie que, traités ou non, il puisse recourir à la guerre pour faire valoir ses droits. Chez Hans Kelsen, cette ambiguïté du rapport entre guerre et droit se résout, malgré ses tendances pacifistes, dans une inclusion de la guerre dans le domaine juridique. La guerre ne peut être comprise comme phénomène juridique, comme un acte juridique en soi. Elle est le privilège du droit international qui peut, dans une perspective de justice, y avoir recours pour faire respecter le droit ; elle devient linstrument de sanction des actes illicites dans un ordre juridique international dont il faut assurer le respect.

De plus, et très paradoxalement, le droit alimente la créativité guerrière : fixant les limites du recours à la force ou de ses modes dapplications, il encourage linnovation technique qui permettrait de le contourner. Dans cet élan de normativisation juridique des ambitions pacifiques du droit, ce dernier a donc deux effets indésirables qui cautionnent, à ses dépens, la guerre quil voulait empêcher : la légalisation et linnovation. En inscrivant dans les textes juridiques des limitations ou des conditions dactions guerrières, le droit les justifie dun même geste28. De plus, en établissant de façon définitive ce qui est interdit par la loi, et donc punissable, le droit international permet aux stratèges de savoir exactement ce quils doivent inventer pour éviter lillégalité. Le droit devient alors la source dun élan dinnovation technologique : que pouvons-nous inventer comme arme ou stratégie danéantissement qui, de par son innovation, ne puisse être punissable ? Cest le problème de cet indépassable retard du droit sur son temps, de son caractère spécifiquement « réactionnaire », de son impossibilité danticipation. Grâce à ces innovations techniques permises par les lacunes du droit, la guerre prend un nouvel essor dans un mouvement de barbarisation continuel : cest lhypothèse dune barbarisation par la technique et la technologie dont la conséquence principale est détendre à lensemble de la société civile les effets barbares de lévolution de la guerre.

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Aussi, alors que son ambition première était dempêcher le recours à la force, le droit finit malgré lui non seulement par légitimer la guerre, mais lui sert aussi de stimulant. Droit international et pacifisme ne font dès lors pas nécessairement bon ménage. En effet, il arrive que le terme « pacifique » prenne une connotation péjorative, justement lorsquil soppose à lidée de justice dans sa réalisation. Selon les adversaires juridiques du pacifisme – particulièrement véhéments ! –, celui-ci serait un courant de pensée pour les lâches, qui refusent la guerre à nimporte quel prix, y compris celui de la liberté ou de la justice. Une paix honteuse vaudrait alors mieux quune guerre juste. Selon cette vision péjorative du pacifisme, le désir de paix est un désir aveugle, prêt à accepter une situation lâche et/ou injuste dans lunique but dempêcher la guerre, quelles quen soient les conséquences, même si celles-ci empêchent le règne de la justice et de lexercice du droit. Selon les détracteurs du pacifisme, ce nest pas la paix qui prime, mais bien la justice, en ce quelle est le vecteur de la dignité et de la liberté : mieux vaut une guerre juste quune paix injuste. Les « horreurs de la paix » sont parfois bien pires que les « horreurs de la guerre ». Bien sûr, il y a un nombre gargantuesque de mauvaises raisons davoir recours à la force. Mais, il en est aussi de « justes », ou dinévitables, face auxquelles linaction du pacifiste devient le refuge dune « passivité éhontée » : « aussi le pacifisme se phénoménalise-t-il souvent sous les espèces de négociations molles qui reculent toujours plus les critères de linacceptable et de lurgence quil nous désigne29 ». De plus, les opposants au mouvement pacifique accusent celui-ci dune forme de déresponsabilisation : loin de voir la réalité en face, celui-ci se « conforme au contraire à la seule stratégie qui lui convienne : ne rien faire, saplatir toujours plus et respirer toujours moins fort30 ». En ayant une vision naïve des rapports humains, selon laquelle la bonté appelle la bonté, le respect le respect, et quà linverse seules la haine et la violence engendrent la haine, le pacifiste encourage une attitude qui servira dexemple et contaminera, tel un fléau vertueux, jusquaux ennemis les plus farouches. Ce faisant, celui-ci nie sa différence avec autrui, et refuse même de la penser : « Les rapports intersubjectifs se rabattent dans cette perspective sur celui quon entretient à sa propre image au miroir. Tout pris quil est dans 66ce rapport didentification imaginaire à lautre, le forçat de la paix en oublie de composer avec lAutre31 ».

Selon la psychanalyste Anaëlle Lebovits, cette pensée du mimétisme vertueux saccompagne donc dun sentiment de dé-responsabilité – « ça ne peut pas être de ma faute puisque je nai rien fait ! », et dinaction, qui rassure le pacifiste de nature inquiète. Cette perspective passive le rassure, car elle clôt lincertitude de laction : il ny a quune façon prévisible dagir, cest justement de ne pas le faire. À linverse, langoisse réside dans le champ des possibles : celui qui se prépare à faire la guerre sexpose à une étendue de possibilités indéfinies, dont on ne sait ni où et ni quand elles commencent, ni même si le conflit aura effectivement lieu. Le problème majeur du mouvement pacifiste est ainsi dempêcher lexercice de la pensée, de la réflexion des possibles, dans lesquels réside la nature même du politique. Lacte guerrier, comme tout acte, se prépare, se réfléchit, se calcule : et cest dans lanticipation de lerreur, dans la réflexion des possibles, que sommeille précisément le politique. Sachant les possibles infinis, le calcul de leur réalisation potentielle est incessant, un acte à poser et à reposer sans cesse, tourné vers un Autre qui pourrait tout aussi bien ne pas être moi, avoir son agir propre.

De plus, le pacifisme a quelque chose de naïf dans sa conception même de la paix : ny a-t-il pas des formes de violence symbolique ou sociale qui persistent en temps de paix quoiquil arrive ? Promouvoir labolition de la guerre, cest encore partir du principe que celle-ci est identifiable, quelle a un début et une fin, et que ces formes et modalités sont identifiables par chacun. Si cela a été vrai, dans une certaine mesure, sous le couvert du droit des gens moderne, il semble que cela soit plus compliqué aujourdhui.

Selon Jean-Marie Muller, philosophe français et militant, « le pacifisme relève en réalité dune morale de conviction et il se trouve incapable de fonder une morale de la responsabilité face aux défis de lhistoire32 ». Cest, à la manière de lécrivain uruguayen Eduardo Galéano33, un 67horizon utopique qui nous pousse à avancer sur la voie du progrès, mais qui ne se suffit pas à lui-même.

De ce fait, pour pallier les insuffisances dun mouvement accusé dêtre utopiste, les relations internationales connaissent plusieurs vagues de judiciarisation : le droit devient linstrument de réalisation de la paix.

À titre dexemple, dans un article de 2003, lhistorien et militant français Bernard Ravenel plaidait « Pour un pacifisme politique et juridique34 », seule alternative possible de la paix. Regrettant le tragique retard délaboration théorique et politique du mouvement pacifiste, lauteur sait combien le mot même de pacifisme disqualifie celui auquel il se rattache. Pour surmonter la crise du pacifisme, celui-ci doit nécessairement partir dune stratégie politique et juridique explicite et claire. Il sagirait dinstaurer par le droit un système international multipolaire (pour que séquilibre lasymétrie des forces) et quune maitrise commune de lusage de la force, soumise à des procédures établies et à des règles générales, empêche quelque sujet du système de se dispenser du respect de la loi générale35.

Cette conception du pacifisme juridique ne prend cela dit pas en compte une autre considération qui insisterait, à lopposé, sur lidée quil est peut-être temps de renoncer à lespoir naïf selon lequel le droit, qui se substituerait à la conscience morale des combattants, nous sauverait de la guerre, cest-à-dire dans une certaine mesure de lexception. Cet espoir est vain, car il omet de prendre en compte que lexception produit elle-même du droit, et que celui-ci ne la précède pas, et ne peut la contraindre. Si le droit est lexpression de la puissance souveraine, lexception est quant à elle une expression de la puissance souveraine qui crée elle-même du droit36.

Cela étant, cette revendication dun pacifisme juridique est particulièrement intéressante en ce quelle pose selon moi la question centrale de cette problématique. Il semble que la clé dune (re)valorisation du pacifisme, ou au contraire de sa dénégation dépende du champ disciplinaire 68au sein duquel on le définit. À quel champ le pacifisme appartient-il ? Est-ce un mouvement politique ? Éthique ? Moral ? Juridique ? Sachant que ces champs ne sont pas pour autant exclusifs, il semble que linsistance des auteurs pour lun de ces aspects contribue à connoter le terme dans un sens comme dans lautre. Dans un article intitulé « Les pacifistes et la guerre sans la guerre37 », Ariane Lantz établit une distinction entre les penseurs dits réalistes ou pacifistes basée sur un rapport spécifique au temps (passé, présent ou à venir). Selon lauteur, le propre du politique serait de jongler sur tous les temps. De ce fait, le réalisme serait un mouvement théorique de lordre de léthique, en ce quil réfléchirait le conflit dans labsolu du temps présent, avec en grille de lecture les catégories du temps passé (« plus jamais ça ») pour agir dans linstantané de laction, indépendamment des conséquences futures. Selon cette conception, les réalistes font la guerre sans la penser, dans une urgence éthique de riposte au mal par le mal, faisant de la guerre un moment dexception nécessaire, sur le chemin de la paix. À lopposé, le pacifisme aurait le monopole de la pensée de la guerre, justement en ce quil prendrait le temps de la dévoiler et de lanalyser. Lhypothèse est intéressante : le vocabulaire guerrier serait lapanage des pacifistes, qui, pour combattre la guerre, dévoilent la guerre là où les partisans du conflit la camouflent sous des termes politiquement corrects de recours à la violence légitime, dexpéditions humanitaires, etc. Ce vocabulaire diplomate a par ailleurs lavantage de permettre de mépriser lopposant au conflit : il sagit dun 

sans cœur qui méprise les droits de lhomme [], taxé à la fois didéaliste nuageux et de cynique égoïste. [] Lémotion pour les victimes à sauver, la juste défense des droits de lhomme permettent doublier quon fait la guerre et quon entre dans une logique de guerre, tout en stigmatisant ceux qui sinterrogent sur cette logique de guerre. Taxés de pacifistes, alors même quils ont conscience dêtre pris dans la guerre, les adversaires de telle guerre, ou de telle modalité de cette guerre, sont toujours les perdants. Ainsi, cest le pacifiste qui va parler de guerre, et la violence des accusations dont il est lobjet montre quil dérange en mettant au clair ce que le discours humanitaire de la bonne conscience enrobe de justifications38.

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Ainsi, il nous faut, quitte à être taxés de pacifisme, prendre le temps dévaluer la situation politique sur un temps long, dont lappréhension est nécessaire à la construction de la négociation diplomatique et à la discussion : « prévoir les conséquences, ici et ailleurs, dune intervention militaire incontrôlée, cest faire de la politique et prendre la guerre au sérieux. Or sans pensée de la guerre, pas de véritable paix possible39 ».

À la lumière de cet exemple, on constate combien la valorisation du terme dépend de sa qualification : tantôt valorisé parce quil est lapplication de la morale aux relations des peuples ; tantôt dénigré en ce quil empêcherait de penser le politique en faisant de la paix la seule réalité et clôturant ainsi tous les possibles ; le pacifisme se conjugue à tous les champs, à lexclusion de celui de la bataille.

Conclusion

Ce que les cas belges tendent à démontrer, cest quau-delà de la complexité de la relation entre droit international et pacifisme, la Grande Guerre est un véritable défi du droit pour les juristes de droit international. Celle-ci encourage la réitération de leur désir de paix, elle engage la prise de position des juristes dans un cadre extrajuridique (la guerre, cest le domaine du non-droit, cest le régime de lexception) qui, pourtant, ne cesse de faire appel au droit. Ce qui me semble essentiel dans ce contexte, cest de constater combien la paix est ce qui insiste, ce qui fonde le droit en devenant dun même geste une revendication en elle-même juridique. Il y a un concept de paix qui ne se réaliserait pleinement que dans le droit, par le droit, en ce quil en serait lessence même, en ce quil serait ce qui, dans la réalisation du droit, lui donne sens et loriente. La relation entre la paix et le droit serait en cela à limage de ce que Kant défendait déjà en son temps : « Il ny a de paix véritable que par une constitution juridique40 ». La paix est lhorizon du droit, qui pourtant semble lui être opposé, puisquil ne surgit que lorsquil y 70a conflit, confrontation. Elle est lexigence du droit, qui tend vers elle, cherche à la réaliser, tout en y étant absolument contraire puisquil se fonde en réalité sur une exigence de pacification justifiée par un combat, une opposition, une situation conflictuelle quil lui faut permettre de dépasser et de pacifier. Cest encore ce que répondait Kant aux penseurs qui sopposaient à sa paix perpétuelle au nom des guerres que lhomme navait pu empêcher :

La nature a donc utilisé une fois de plus lincompatibilité des hommes et même lincompatibilité entre grandes sociétés et corps politiques auxquels se prête cette sorte de créatures, comme un moyen pour forger au sein de leur inévitable antagonisme un état de calme et de sécurité. Ainsi, par le moyen des guerres, des préparatifs incessants en vue des guerres et de la misère qui sensuit intérieurement pour chaque État, même en temps de paix, la nature, dans des tentatives dabord imparfaites, puis finalement, après bien des ruines, bien des naufrages, après même un épuisement intérieur radical de leurs forces, pousse les États à faire ce que la raison aurait aussi bien pu leur apprendre sans quil leur en coûtât daussi tristes épreuves, cest-à-dire à sortir de létat anarchique de sauvagerie pour entrer dans une société des nations41.

De fait, les guerres de lHistoire ne sont pas la preuve de limpossibilité du projet de paix perpétuelle, mais bien le moteur de son avènement, poussant les hommes au consensus juridique garant de la paix. Cest ainsi, précisément, « luniversalité des guerres qui sert non pas de précédent montrant limpossibilité de leur suppression mais de fil conducteur montrant la marche vers cette suppression42 ». Le droit, et la paix qui en est le fondement, naissent au cœur dun arrière-fond guerrier porteur de progrès.

En ce sens, la Grande Guerre joue le rôle historique de révélateur, de dévoilement de la nature du droit. En questionnant les rapports du droit international à son ambition pacificatrice, le conflit nous permet de mettre en lumière la dualité de son rapport à la paix : la guerre est ce qui nous permet de réfléchir la dimension pacifiste du droit, de voir à la fois comment celle-ci le fonde et lui est tout à fait contraire. En effet, le droit trouve sa raison dêtre, son absolue nécessité, dans un contexte où la conflictualité semble justement indépassable, tout en étant ce qui 71devrait permettre déviter le recours à la force (dont lexpression pourtant le fonde), datteindre une pacification, une résolution. Mais cet objectif de paix, cet horizon pacifiste pleinement réalisé, pourra-t-il alors se passer du droit ? La réalisation dun pacifisme juridique ne signerait-elle pas, dun même geste, lobsolescence du droit ?

Juliette Lafosse

Université Libre de Bruxelles

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1 Cf. Hobsbawn, Eric, LÂge des extrêmes – Histoire du court xxe siècle, Bruxelles, éd. Complexe, 2005.

2 Cest en loccurrence la thèse du célèbre historien du xxe siècle européen, John Horne, in Horne, John, « Guerres et réconciliations européennes au xxe siècle », Vingtième Siècle. Revue dhistoire, no 104, 2009/4, p. 3-15.

3 Schmitt, Carl, Le Nomos de la terre, Paris, PUF, 2001, p. 256-257.

4 Dans lélaboration du droit international, la Belgique joue un rôle essentiel. De par sa situation géographique dabord, au carrefour de lEurope et des grandes nations du début du xxe siècle. Elle joue ainsi le rôle dÉtat « tampon » pour canaliser les rivalités franco-germaniques après la guerre de 1870 (Voir Marie-Thérèse Bitsch, La Belgique entre la France et lAllemagne : 1905-1914, Paris, Publications de la Sorbonne, 1994). Ensuite, de par la création en son sein de véritables laboratoires didées du droit international : linitiative américaine dune Association du droit international fondé à Bruxelles et lInstitut de Droit international fondé à Gand dès 1873. De par son statut de « mère patrie » de toute une série de juristes aussi. Par exemple, la dynastie Rolin qui occupe une place importante au sein de la vie juridique belge : laîné, Gustave Rolin-Jaequemyns (1835-1902) fonde en 1869 la célèbre Revue de droit international et de législation comparée et le cadet, Albéric Rolin (1843-1937), occupe la fonction de secrétaire général de lAcadémie de Droit international. La Belgique est aussi présente sur la scène internationale par lintermédiaire de limplication des Belges dans les travaux de conférences internationales de la paix. En effet, dès 1899, ces conférences tentent de mettre au point une règlementation de la guerre en encourageant le désarmement et la prévention de cette dernière. Auguste Beernaert, juriste belge représentant de la Belgique lors de la première Conférence de la Paix de La Haye, reçoit dailleurs le prix Nobel de la paix en 1909 pour sa contribution au droit international.

5 Voir à ce sujet lexcellent article de De Schaepdrijver, Sophie, « Deux patries : La Belgique, entre exaltation et rejet, 1914-1918 », Cahiers dHistoire du temps présent, no 7, 2000, p. 17-49.

6 Bernard, Nadine, « Henri Lafontaine ou la paix par le droit », Revue belge de droit international, 1995/1, Bruylant, Bruxelles, p. 343.

7 Cette revendication dune teneur morale dans linterdiction du recours à la guerre semble aussi se retrouver, si on en croit Carlos-Miguel Herrera, chez les juristes pacifistes autrichiens de la même période. Ainsi, lextrait des écrits de Walther Schucking proposé par ce dernier en témoigne : « Nous ne doutons pas quune nouvelle conviction juridique est “en devenir”, une conviction juridique qui ne se contente pas de faire avec le Pacte de la SDN une différence entre la guerre permise et la guerre défendue, mais qui voit dans la guerre uniquement le crime le plus monstrueux qui soit possible dans lhumanité », in Schuking, Walther, Le développement du Pacte de la Société des Nations, cité dans le présent ouvrage par Herrera, Carlos-Miguel, « Guerre et paix dans lémergence dune théorie du droit international après 1918. Kelsen et le courant pacifiste », Éthique, Politique, Religion, 2016/2, no 9, p. 29-53. Le règne du Bien contre le Mal est donc en marche.

8 Lafontaine, Henri, The Greats Solution, Magnissima Charta ; Essay on Evolutionary and Constructive Pacifism, Boston, World peace fondation, 1916.

9 Lafontaine, Henri, Annales parlementaires, Sénat, 3 juillet 1924, p. 1130-1131.

10 Voir larticle dans le présent ouvrage de Herrera Carlos-Miguel, « Guerre et paix dans lémergence dune théorie du droit international après 1918. Kelsen et le courant pacifiste », Op. cit.

11 Corten, Olivier, « Linfluence dHenri Lafontaine dans le domaine du droit international », présentation de la journée détude Henri Lafontaine, prix Nobel de la paix (1913) : quels enseignements pour le droit de la guerre ?, Université Libre de Bruxelles, 21 octobre 2013.

12 Rolin, Albéric, « Les fossoyeurs du droit de la guerre », Revue de droit international et de législation comparée, no 29, 1919, p. 129-141.

13 Ibid., p. 129.

14 Ibid., p. 132.

15 Ibidem.

16 Ibid., p. 133.

17 Ibid., p. 137.

18 Ibidem.

19 Ibid., p. 138.

20 Ibid., p. 140.

21 Voir larticle dans le présent ouvrage de Herrera, Carlos-Miguel, « Guerre et paix dans lémergence dune théorie du droit international après 1918. Kelsen et le courant pacifiste », Op. cit..

22 Voir le Bulletin officiel du XVIe Congrès universel de la paix, tenu à Munich du 9 au 14 septembre 1907, <en ligne>, https://archive.org/details/bulletinofficie00unkngoog, consulté le 29 janvier 2016.

23 En témoignent, entre autres, la Convention de Genève de 1864 généralement reconnue comme posant les bases de lessor du droit international contemporain ; la création de la Revue de droit international et de législation comparée en 1869 ; linitiative américaine dune International law association fondée à Bruxelles en 1873 ; la création de lInstitut de Droit international fondé à Gand dès 1873 ; et surtout la mise en place des différentes Conférences internationales de la paix à partir de 1899. Cest ainsi autour des années 1870 que prend forme un nouveau droit international, inspiré du droit des gens moderne.

24 Il ne sagit plus dorénavant de représailles au sens moral de vengeance, mais du sens juridique selon lequel les représailles sont un acte de contrainte, en lui-même dérogatoire aux règles ordinaires du droit international, mais légitimé dans la mesure où, employé par un État en vue de faire cesser laction illicite commise envers lui par un autre État ou par un de ses ressortissants, il tend à imposer le respect du droit et la réparation du dommage cause.

25 Renault, Louis, « La guerre et le droit des gens au xxie siècle », La séance historique de lInstitut de France. Lundi 26 octobre 1914, Paris, Berger-Levrault, 1914, p. 45-57.

26 « Des restrictions sont apportées à lemploi de la force en tant que cet emploi constituerait une barbarie ou une perfidie », in Renault, Louis, « La guerre et le droit des gens au xxie siècle », Op. cit.

27 Voir à ce sujet louvrage de Horne, John et Kramer, Alan, German Atrocities, 1914. A History of Denial, New Haven et Londres, Yale University Press, 2001.

28 Par exemple, en rédigeant un droit de loccupation, en codifiant cette pratique guerrière, on tend à la légaliser. En inscrivant dans le droit, même si cest a priori pour le limiter, un droit de loccupation, on affirme dun même geste quil existe des façons légitimes doccuper un territoire donné et on encourage la pratique de la conquête. Voir article 42 de la Convention de la Haye de 1907 : « Un territoire est considéré comme occupé lorsquil se trouve place de fait sous lautorité de larmée ennemie. Loccupation ne sétend quaux territoires où cette autorité est établie et est en mesure de sexercer ».

29 Lebovits, Anaëlle, « Les penchants criminels du pacifisme », Cités, no 4, 2008, p. 78.

30 Ibid., p. 79.

31 Ibidem.

32 Muller, Jean-Marie, « À propos du pacifisme », Revue critique décologie politique, <en ligne> http://ecorev.org/spip.php?article136, avril 2003, consulté le 29 janvier 2016.

33 « Lutopie est à lhorizon. Je fais deux pas en avant, elle séloigne de deux pas. Je fais dix pas de plus, elle séloigne de dix pas. Aussi loin que je puisse marcher, je ne lattendrai jamais. À quoi sert lutopie ? À cela : elle sert à avancer », in Galéano, Eduardo, Paroles vagabondes, Paris, Lux Éditeur, 2010.

34 Ravenel, Bernard, « Pour un pacifisme politique et juridique », Damoclès, no 94, 3/2002, p. 15-19.

35 Ibid.

36 Voir à ce sujet la postface de Berns, Thomas, « Les impensés de la relation ordre/exception : Réflexions sur les préalables du pacifisme », in Delcourt, Barbara (dir.), La Guerre dIrak : Prélude dun nouvel ordre international ?, Bruxelles, Bern, Berlin, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2004, p. 251-259.

37 Lantz, Ariane, « Les pacifistes et la guerre sans la guerre », LHomme et la société, no 135, 2000, p. 119-137.

38 Ibid., p. 121.

39 Ibid., p. 137.

40 Hassner, Pierre, « Les concepts de guerre et de paix chez Kant », Revue française de science politique, 11e année, no 3, 1961, p. 646.

41 Kant, Emmanuel, Idée dune histoire universelle, in Hassner, Pierre, « Les concepts de guerre et de paix chez Kant », Op. cit., p. 665.

42 Hassner, Pierre, « Les concepts de guerre et de paix chez Kant », Op. cit., p. 666.