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Classiques Garnier

Biopouvoir, biopolitique et transhumanisme Mort différée ou mort préservée ?

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Éthique, politique, religions
    2015 – 1, n° 6
    . Le Transhumanisme
  • Auteur : Adorno (Francesco Paolo)
  • Résumé : Les transhumanistes ont aussi étudié la question de la mort. Les modalités et les techniques inventées pour éliminer ce fléau de l’humanité font l’objet des recherches biologiques les plus avancées. Le politique réside parmi les manières de soigner la maladie mortelle qui menace l’humanité. Dès lors on peut se demander si une société d’immortels aurait besoin d’une nouvelle sorte de politique et quelle forme pourrait prendre celle-ci.
  • Pages : 121 à 136
  • Revue : Éthique, politique, religions
  • Thème CLIL : 3133 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie contemporaine
  • EAN : 9782812448409
  • ISBN : 978-2-8124-4840-9
  • ISSN : 2271-7234
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-4840-9.p.0121
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 18/09/2015
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : biopolitique, immortalité, transhumanisme, Foucault (Michel), bioéthique.
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Biopouvoir, biopolitique
et transhumanisme

Mort différée ou mort préservée ?

Les transhumanistes se considèrent eux-mêmes comme les théoriciens dun stade intermédiaire entre lhumanité et la post-humanité, entre ce que nous sommes et ce que seront les hommes du futur. Certes, ils ne saventurent pas dans la description concrète de cette post-humanité, mais ils indiquent assez clairement quelle se formera par modification, ou mieux par amélioration, dun certain nombre déléments de la nature de lhomme telle quelle est maintenant. Comme tout le monde peut le comprendre, au centre même du transhumanisme se trouve un élément paradoxal : la pensée que, pour continuer à se reproduire, notre espèce doit œuvrer à sa propre transformation jusquà arriver, si possible, à sa disparition pure et simple. Mais il sy trouve un autre élément au moins aussi problématique : se présenter comme un entre-deux dans lequel quelque chose se joue et se décide, comme un moment de mutation volontaire entre une forme, présente, et une autre, à venir, signifie aussi penser à un redressement de lévolution, une amélioration de ce que la nature a fait, sans que les buts de ces changements soient clairement identifiés.

On comprend bien que, avec de tels présupposés, la notion denhancement est absolument centrale dans le transhumanisme : tout peut et doit être amélioré, car nous en avons enfin les moyens, et pour certains ce pouvoir de tout changer entraîne lobligation morale daméliorer les caractéristiques de la nature humaine qui, comme on le sait, na aucune consistance ontologique1.

Sans entrer dans une analyse longue et détaillée que demanderait le méliorisme explicite de ces thèses2, on peut reconnaître que

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lenhancement, quil soit physique, cognitif ou émotif, pose des problèmes tant moraux que politiques dune grande portée. Mais les solutions proposées se réduisent le plus souvent à de simples réaménagements théoriques. Ainsi, par exemple, on se demande si lenhancement cognitif représente une forme de tricherie sociale ou remet en question les formes de justice distributive des sociétés libérales, ou encore on sinterroge sur la capacité de lenhancement émotif à contrôler les comportements et à les formater3.

Malgré leur diversité, toutes ces formes denhancement présentent un élément commun : elles suscitent des réflexions qui, pour soccuper de problèmes nouveaux (cest-à-dire posés par les innovations technologiques des toutes dernières années), adoptent toutefois une démarche assez classique qui présente deux problèmes fondamentaux.

Le premier est que la validité dune thèse, surtout si elle est favorable aux changements et à lenhancement, nest presque jamais affirmée de manière positive. On passe en réalité toujours par un raisonnement que

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Pascal définissait comme apagogique, cest-à-dire par la démonstration de la fausseté de la thèse contraire, ce qui est un évident élément de faiblesse théorique.

Le second, encore plus important, est que toute cette littérature se concentre sur un élément à la fois, sans arriver jamais à un moment de synthèse théorique qui puisse rendre compte, grâce à un regard à 360 degrés, de lensemble des changements que ces petites modifications individuelles et spécifiques sont à même dengendrer. On porte souvent un regard trop tourné vers lavenir proche et les détails individuels sans tenir compte des conséquences que telle ou telle autre forme de modification pourrait avoir dans un futur plus lointain et dans un cadre plus élargi. Cela pose un problème dans la mesure où on peut y déceler une finalité qui, pour ne pas être consciente, produit tout de même des effets politiques remarquables. Car, plus que de faiblesses théoriques, ces deux éléments témoignent dun type dargumentation « minimaliste » qui a un but précis. Le transhumanisme représente, dans un monde sans idéologie, la résurgence la plus virulente dune idéologie dont la spécificité est de réfuter toute lecture idéologique de ses théories, donc de se soustraire à une quelconque lecture politique de sa démarche. Encore plus inquiétant : malgré laura révolutionnaire sous laquelle le transhumanisme se cache, il semble bien en phase avec la configuration politique de notre époque quil contribue à renforcer, comme jessaierai de le démontrer.

Ces deux faiblesses, ou mieux ces deux éléments critiques, se retrouvent dans toutes les discussions sur lenhancement, notamment dans le débat sur le prolongement de lexistence humaine, considérée comme le saint Graal de lenhancement4. Il sagit dun domaine particulièrement sensible car ce changement pourrait remettre en cause la structure même de nos sociétés. Il est donc absolument nécessaire dabandonner lidée que le lifespan enhancement ne propose que ladaptation de telle ou telle doctrine ou de tel ou tel concept à une nouvelle forme que lhomme aurait pris. Ce serait la meilleure manière de se fourvoyer et de laisser de côté les vrais problèmes que nous posent les formes dimmortalisme.

1. Lespoir, la volonté ou le souhait que lon puisse éliminer la mort est présent depuis toujours dans lhistoire intellectuelle de lhumanité.

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On se plait à rappeler toutes les stratégies que les hommes ont inventées depuis laube des temps pour maîtriser langoisse qui nous saisit face à la mort. La liste, par ailleurs bien connue, en serait longue, ce qui rend assez superflu de la commenter ou de la reprendre. Il y a toutefois un moment précis où ces stratégies ont pris une autre direction, marquant un vrai tournant dans lhistoire de la médecine, que lon peut situer entre la fin du xixe et le début du xxe siècle. À ce moment-là, grâce aux travaux du généticien August Weissman5, du biologiste Ilya Mečnikov6 et de son collaborateur et collègue Serguei Metalnikov7, le regard que nous portons sur la mort a changé. Alors quon la considérait comme un état naturel, physiologique du corps humain, exposé par sa nature même de corps vivant à un cycle qui va de son apparition à sa disparition, la mort est devenue la conséquence évitable dun état pathologique, une maladie dont on peut guérir, quelque chose qui nest pas naturel. Elle apparaît désormais comme leffet dun état morbide qui a tendance à sintensifier et à saccélérer pendant la vieillesse. Ce qui a eu linévitable conséquence logique détablir une équivalence entre vieillesse et maladie. Lhypothèse sur laquelle on a alors commencé à travailler est que si lon veut éloigner le plus possible la mort, il faut agir sur les causes de la vieillesse, qui devient ainsi elle-même une pathologie8. Il sagit évidemment dun changement épistémologique radical qui est à la base de toutes les recherches contemporaines sur la mort, dont la légitimité est en quelque sorte augmentée par lidée que le vieillissement nest pas un phénomène nécessaire du point de vue évolutif9. Ce changement radical a eu également des retombés sur la conception et les finalités de la médecine, qui semblent désormais inclure, de manière tout à fait nouvelle, la lutte contre les causes biologiques de la mortalité humaine. La question est ouverte, tout comme reste entier le problème de savoir

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si la mort est une maladie ou si elle nest pas plutôt inscrite dans la structure même de la biologie humaine.

Les progrès théoriques et biologiques de la médecine nont pas empêché de questionner la légitimité éthique de cette volonté de lutter contre la mort, avec des arguments inégaux. Si lon sen tient à ce que Christine Overall en dit, un premier camp est constitué de ceux quelle appelle les « apologistes », qui acceptent la mort en tant que limite naturelle de lexistence et pensent que ce nest pas une bonne chose dessayer de la retarder à tout prix. Cette position est motivée en général de quatre manières : il ne faut pas craindre la mort, comme laffirment Lucrèce et Épicure ; la mort fait partie du rythme naturel de la vie ; lexistence humaine est assez longue pour permettre davoir une vie bonne ; les coûts sociaux du prolongement de lexistence seraient trop élevés. Lautre camp est occupé par les chercheurs qui, sopposant terme à terme à ces positions, pensent que la tentative de retarder autant que possible la mort est moralement légitime, à condition que la vie soit bonne10.

2. Cette différence de vue étant posée, le combat contre la mort peut avoir différentes finalités, car la prolongation de lexistence peut prendre deux directions assez différentes : soit le prolongement du stade final de lexistence (au lieu de mourir, par exemple, à 70 ans, on mourrait à 120 dans létat de santé dun individu de cet âge), soit le prolongement de chacune des phases de lexistence, donc une vie faite de stades (enfance, adolescence, maturité, vieillesse) dont la durée serait bien plus importante que celle que nous connaissons11.

Observons que la notion de prolongement de la durée de la vie humaine est tout à fait différent des notions despérance de vie (life expectancy) ou de durée moyenne de la vie humaine (average death)12. Ces deux dernières sont des paramètres statistiques, alors que la première renvoie au fait brut que la vie humaine sera sensiblement plus longue, ceteris paribus.

Pour terminer ces remarques introductives, notons enfin que la recherche de limmortalité et la volonté de prolonger indéfiniment la vie humaine sont deux choses bien distinctes. La première concerne essentiellement

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la recherche de moyens pour abolir complètement les causes de la mort de lindividu, quelles soient accidentelles ou naturelles – ce qui pose des problèmes théoriques redoutables. La seconde ligne de recherche, que lon a baptisée « prolongevity » (cest-à-dire une « significant extension of the lenght of human life, free from the diseases and disabilities now associated with old age »13), est de manière tendancielle dirigée vers un état que lon peut appeler amortalité, pour reprendre la définition de Morin. Dans la recherche de lamortalité, il sagit déliminer les causes biologiques qui conduisent les organismes vivants à mourir.

3. La prolongation de la durée de la vie est recherchée de trois façons : par une diminution des maladies (compression de la morbidité), par une décélération du vieillissement, enfin par un arrêt du processus général de vieillissement14. Ces trois manières ont un impact plus ou moins efficace sur le prolongement de lexistence, la dernière étant censée produire les résultats les plus visibles et les plus importants. Si jamais il se vérifiait que larrêt du vieillissement était réalisable, alors « the reversal of the aging process would result in the absence of senescence and the achievement of a perpetually youthful physiological state »15. Cest dans cette direction que le transhumaniste Aubrey de Gray essaye de progresser. Il a mis en place un programme, Strategies for Engineered Negligible Senescence (SENS), fondé sur un présupposé biologique assez spécifique : le vieillissement est la conséquence directe dune altération du métabolisme. Et puisque le métabolisme est sans cesse modifié, cela veut dire quil y a un seuil au-delà duquel ces altérations deviennent dégénératives et donc produisent le déclin général de lorganisme, visible dans son vieillissement. Autrement dit, « les conséquences directes du métabolisme intermédiaire saccumulent tout au long de la vie, mais ne provoquent pas de déclin fonctionnel et aucune maladie tant que le métabolisme est en mesure de les contourner ». La solution pour éliminer le vieillissement et par conséquent la mort de lorganisme, qui en est leffet direct, consiste à identifier les moyens de réparer les dommages causés par le

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métabolisme et donc à « reporter leurs conséquences fonctionnelles à un âge plus avancé »16 ou, encore mieux, à éliminer totalement limpact des pathologies liées à lâge sur les fonctions organiques. Cela devrait être le premier pas décisif vers la stabilisation de la temporalité humaine dans létat damortalité, qui lui-même précéderait limmortalité17.

Ces positions engendrent de multiples critiques, tant biologiques que théoriques et éthiques.

Indépendamment de la faisabilité de ces idées ou encore de leur efficacité, il faut aussi sinterroger sur le rôle de la mort dans le mécanisme général de lévolution. Pour penser léliminer sans produire deffets catastrophiques, il faut dabord comprendre les raisons de sa présence, en espérant évidemment quelle nen ait aucune, ce qui nest pas du tout sûr. Bien au contraire, malgré lextrême variabilité des espèces vivantes sur ce point, il semble bien que la mort soit un mécanisme bénéfique à léchelle de lespèce et de la vie sur la terre. Il suffit de penser aux innombrables problèmes écologiques quentraînerait une surpopulation pour se rendre compte que la suppression de la mort naurait pas que des effets positifs18. Dun point de vue plus strictement théorique et philosophique, les choses ne sont pas plus simples. Bien quon puisse intuitivement y voir des avantages, des philosophes que lon pourrait qualifier de particulièrement pessimistes ont objecté que cela poserait des problèmes remarquables. Par exemple, on doute du fait que lidentité personnelle puisse résister à la durée dune vie prolongée à linfini19, ou encore on craint dêtre submergés par lennui dune vie sans fin, dans laquelle on répéterait à linfini les mêmes gestes et les mêmes actions20. Dun point de vue politique enfin, les objections les plus pertinentes

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pointent le danger que le prolongement de la vie ferait courir à une juste distribution des ressources, parmi lesquelles il faut compter évidemment celle nécessaire au prolongement de la vie à linfini, dautant plus que les coûts sociaux des soins nécessaires à ce prolongement seraient énormes et donc difficilement supportables pour les sociétés quelles quelles soient21.

4. Quand on se penche sur les questions théoriques directement liées à limmortalisme, les choses deviennent si possible encore plus compliquées, car elles se mélangent avec leurs retombées pratiques et économiques dans un imbroglio qui nest pas facile à démêler. Limmortalisme est une théorie qui trouve son origine dans les travaux des auteurs les plus impliqués dans le transhumanisme (lExtropy Institute et la World Transhumaniste Association). Son but explicite est de rendre lindividu immortel soit en éliminant les défauts du corps humain qui tiennent à sa biologie, soit en le détachant de celui-ci. Rendre les gens immortels veut donc dire éliminer toute possibilité de décès accidentel ou naturel par différents moyens, dont la cryogénie ou le transfert du contenu du cerveau (cest-à-dire, selon une certain théorie de lidentité individuelle, la personne elle-même) sur un disque dur – vieux phantasme de la littérature de science-fiction.

Ces pratiques sont présentées dans des ouvrages comme The prospect of immortality de Robert Ettinger (1962), décédé en 2011 mais mis en état dhibernation avec sa mère et ses deux femmes, ou encore chez des auteurs comme Ray Kurzweil ou Marvin Minsky22. Actuellement les immortalistes sont assez présents tant scientifiquement que socialement : deux compagnies (Alcor et The Cryonic Institute, cofondée par Ettinger) soutiennent et pratiquent la cryoconservation. Parmi les organisations dont le but est de lutter contre la mort, il faut compter lAmerican Academy of Anti-Aging Medicine (A4M), la Metuselah Foundation, cofondée par Aubrey de Grey, qui finance le Mprize pour les recherches sur la longévité, le Buck Institute et enfin lImmortality Institute, fondé en 200223.

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5. Au-delà des aspects biologiques de léloignement de la mort, directement liés à notre ontologie, cest le sens de la mort et son rapport à la technique quil faut interroger, comme cet entrelacement entre biologie, économie et philosophie nous le suggère. Un bref essai, intitulé « La mort comme question »24, de H. G. Gadamer, qui rappelle deux interprétations assez différentes de la figure de Prométhée, celle dEschyle et celle de Protagoras, constitue une introduction assez claire à la question des rapports plutôt contrastés entre technique et mort. Alors que pour le philosophe, Prométhée est lami des hommes parce quil leur a donné le feu et la raison pratique, pour le poète laction qui a valu à Prométhée dêtre considéré comme le bienfaiteur de lhumanité, et par conséquent dêtre puni des autres dieux, est de leur avoir offert le futur en leur cachant le moment de leur disparition. Mais ce cadeau de Prométhée aux hommes a eu leffet néfaste de rendre la pensée de la fin insupportable. Cette double lecture du rôle et de la figure de Prométhée, qui se prêterait à une longue interprétation25, a un sens assez clair : la technique – dont Prométhée est le représentant – cache le sens de la mort, elle fait de la mort une chose, un événement qui na pas de sens, et par là même vide de sens toute lexistence.

On pourrait dire qualors que la technique vide de sens la mort, la philosophie séchine à lui en donner un. Ce que Schopenhauer a exprimé de manière assez paradoxale en affirmant que « il est même peu probable, que, sans la mort, on eût pu philosopher », car au fond « la mort est le véritable génie inspirateur et le musagète de la philosophie, et cest aussi pourquoi Socrate a défini celle-ci thanatou meletè »26. Cette tentative de rendre sensée la négativité absolue et irrémédiable sest pourtant développée sur au moins deux plans, existentiel et politique.

Quant à la valeur existentielle de la mort, cest une question qui a été inévitablement centrale dans la philosophie depuis Socrate, comme Schopenhauer le rappelle, et qui continue de lêtre, selon des perspectives différentes, dans la pensée de Kierkegaard, de Hegel, de Heidegger, de

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Bataille ou de Jankélévitch. Le sens et la fonction de tous ces efforts démesurés sont bien résumés par Émile Cioran qui, dans un texte intitulé – et le titre est déjà un programme – La tentation dexister, écrit ceci : « La vie, loin dêtre, comme pensait Bichat, lensemble des fonctions qui résistent à la mort est plutôt lensemble des fonctions qui nous y entraînent. Notre substance diminue à chaque pas ; cette diminution pourtant, tous nos efforts devraient tendre à en faire un excitant, un principe defficacité. Ceux qui ne savent tirer bénéfice de leurs possibilités de non-être demeurent étrangers à eux-mêmes : des fantoches, des objets pourvus dun moi, endormis dans un temps neutre, ni durée ni éternité. Exister cest mettre à profit notre part dirréalité, cest vibrer au contact du vide qui est en nous. Le fantoche, lui, reste insensible au sien, labandonne, le laisse dépérir »27.

On appréciera pleinement la distance sidérale qui sépare la pensée de la mort des philosophes de limmortalité des transhumanistes si, après ces quelques lignes de Cioran, on lit la description de ce que pourrait être la vie dune personne qui vit bien au-delà des 100 ans :

You have just celebrated your 170th birthday and you feel stronger than ever. Each day is a joy. You have invented entirely new art forms, which exploit the new kinds of cognitive capacities and sensibilities you have developed. You still listen to music – music that is to Mozart what Mozart is to bad Muzak. You are communicating with your contemporaries using a language that has grown out of English over the past century and that has a vocabulary and expressive power that enables you to share and discuss thoughts and feelings that unaugmented humans could not even think or experience. You play a certain new kind of game which combines VR-mediated artistic expression, dance, humor, interpersonal dynamics, and various novel faculties and the emergent phenomena they make possible, and which is more fun than anything you ever did during the first hundred years of your existence. When you are playing this game with your friends, you feel how every fiber of your body and mind is stretched to its limit in the most creative and imaginative way, and you are creating new realms of abstract and concrete beauty that humans could never (concretely) dream of. You are always ready to feel with those who suffer misfortunes, and to work hard to help them get back on their feet. You are also involved in a large voluntary organization that works to reduce suffering of animals in their natural environment in ways that permit ecologies to continue to function in traditional ways ; this involves political efforts combined with advanced science and information processing services. Things are getting better, but already each day is fantastic28.

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Si on ne peut pas nier le côté alléchant de ce programme, il faut tout de même reconnaître quil sagit dune description assez étrange, qui sonne faux, produisant plutôt limpression dune vie de papier-mâché. On peut se demander si cette vie sans limites temporelles suffit pour être heureux ou si, dans une vie de courte durée telle que nous la connaissons, le problème ne vient pas de ce quelle est faite dune succession de malheurs et de douleurs de toute sorte29.

Remarquons que les transhumanistes ne sembarrassent pas des différences entre extension indéfinie de la vie, amortalité ou immortalité. Ce désintérêt nest pas le fruit dune certaine superficialité, bien au contraire, il semble posséder une certaine logique. Prolongation indéfinie de la vie, amortalité et immortalité sont trois objectifs successifs inscrits dans une recherche qui pourrait durer plusieurs dizaines, voire des centaines dannées, et dont on ignore tout des possibilités de réalisation. Faire preuve dun certain minimalisme sur les objectifs que lon se fixe est donc signe dune qualité rare et précieuse, lhumilité scientifique. Mais elle est aussi une forme de prudence politique. On avance masqués, « larvatus prodeo » disait Descartes, pour ne pas trop attirer lattention sur les vraies finalités quon se propose.

6. Il faut néanmoins reconnaître quattribuer aux transhumanistes des finalités cachées nest que pure spéculation. Il nen reste pas moins que les phrases de Bostrom donnent une certaine idée dun monde habité par des immortels et quelles rappellent ce que Kojève écrit sur la fin de lhistoire, sur la vie des êtres humains une fois lhistoire terminée : une vie de jeux et de loisirs dans laquelle rien nest important, car il ny aura plus de conflits30. Mais qui dit fin de lhistoire – et Bostrom comme Kojève au fond nous proposent une mise en scène de la fin de lhistoire –, dit aussi fin de la politique. Il est clair que discuter des conséquences, politiques qui plus est, de limmortalité peut passer pour un exercice inutile : puisque lon ne sait ni si ni quand on pourrait atteindre cet état, on ne voit pas de raison de sen occuper. Malgré cette objection de bon sens, une vraie compréhension des thèses transhumanistes, comme je lai expliqué, doit quand même passer par une sorte de philosophie fictive qui sinterroge sur les effets globaux et à long terme engendrés

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par la création de cette posthumanité qui sera la récompense de tant defforts. Que cette humanité relève du phantasme ou du progrès, quelle soit une production de limagination ou une extrapolation de ce que la science nous prépare importe peu pour comprendre la vraie teneur du transhumanisme.

En ce sens, il faudrait alors commencer par souligner que la mort est un fait social total31, et que, par conséquent, pouvoir et mort sont intimement liés. Toutefois pas pour la raison assez banale, et néanmoins importante, que la recherche de limmortalité implique une interrogation sur les coûts de celle-ci, sur la possibilité que la terre puisse supporter une population croissante dêtres immortels ou avec une vie bien plus longue, ou sur la manière dont ce bien (à condition quil sagisse dun bien) sera distribué. En réalité, se posent deux questions bien plus essentielles et étroitement liées.

La première concerne le rapport entre mort et politique et consiste à se demander si notre politique nest pas ce quelle est précisément parce que nous sommes des êtres mortels – et le cas échéant, les immortels qui auront la chance de naître dans les siècles à venir devront se préparer à des modifications sociales, politiques et économiques bien plus profondes de ce que nous pouvons imaginer et qui, dans le passage de Bostrom que jai cité, ne sont pas même vaguement envisagées.

La seconde concerne la possibilité que notre configuration politique soit déjà porteur déléments qui nous laissent entrevoir ce que pourrait devenir la configuration politique dune société dimmortels.

7. La première question suscite deux sortes de considérations. La première partirait dun passage de Ricœur qui, dans lintroduction à La condition de lhomme moderne de Hannah Arendt, écrit ceci à propos de la politique : « la politique marque leffort suprême de lhomme pour simmortaliser lui-même »32. Cette phrase termine un long paragraphe dans lequel Ricœur remarque que pour Arendt la politique est une œuvre qui, grâce au travail normatif de laction libre, représente une forme, sinon la forme, que les hommes se sont donnés pour remédier à leur fragilité. Ainsi la politique semble à Ricœur quelque chose de plus

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quune simple activité dingénieurs destinée à construire une communauté comme sil sagissait dune maison. Elle est sûrement une activité de médecin, comme Platon lindique dans le Politique et dans la République, un remède aux faiblesses du corps humain qui conduisent les individus à leur disparition : la politique est par conséquent censée atténuer la dévastation produite par la mort. Mais elle est aussi quelque chose de plus car elle représente lespace de la liberté humaine. Or, quand on sait que le lifespan enhancement est une tentative datteindre limmortalité ou lamortalité qui passe très souvent par une réduction des effets de la morbidité humaine (activité médicale sil en est) et que les neurosciences définissent toujours mieux ce quest la liberté et lespace de son exercice, qui se réduit au fur et à mesure que les recherches progressent, on peut se demander ce que deviendront la politique et le politique dans cette configuration.

La seconde considération naît de laffirmation de Castoriadis qui, à propos du rapport entre pouvoir et mort, écrit que « toute vraie politique, en tant quelle vise linstitution de la société, est aussi une politique de la mortalité, elle dit aux humains quil vaut la peine de mourir pour la sauvegarde de la polis, pour la liberté et légalité »33. Pour Castoriadis, la vision du politique, de ses avantages et de ses bienfaits, balance en quelque sorte la douleur de sa propre disparition. Au fond, on peut mourir ou, mieux, on peut se sacrifier, parce que sa propre disparition produit deux biens majeurs, une plus grande liberté et une meilleure égalité – dans la mesure où la liberté et légalité sont des biens et que les autres les chérissent en tant que tels. Et on peut penser que la mort est utile parce quelle est en quelque sorte la rançon de lautonomie de lindividu et de la société. La mort est le prix à payer pour la reproduction de la société civile, dune société qui se veut autonome, dans la mesure où celle-ci est meilleure que létat de nature. Une politique de la mortalité serait alors dans ce sens simplement un calcul des bienfaits pour la société que produit la disparition de lindividu. « Quelle peut être la position qui ménage à lêtre humain à la fois le savoir de sa propre mortalité et le maintien des investissements de soi, des autres et des objets “sociaux” ? », se demande Castoriadis. Ce qui revient à affirmer quà ses yeux lautonomie du sujet passe par une capacité absolue de se

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dire et de se savoir mortel : toute autre solution serait larbre qui cache la forêt, reviendrait à déguiser, dissimuler, recouvrir la vérité de lexistence humaine lovée dans sa mortalité et surtout le fait que lautonomie de lindividu est dans lacceptation de sa dimension dêtre fini34.

Pour Ricœur, la politique est une construction dont la fonction est de rendre les hommes immortels – ce qui est tout aussi intéressant. On pourrait dire quelle fonctionne dans la mesure où elle rend les hommes immortels : la politique est limmortalisation de lhomme, la construction chargée dabolir la disparition de lindividu en le rendant immortel par le récit de ses actes qui doivent être rien moins quhéroïques. Pour Castoriadis, la mort produit lautonomie des individus et rend possible la liberté de la cité. Tant Castoriadis que Ricœur, au fond, mettent laccent sur un aspect spécifique : le rapport entre politique et mort est un élément fondateur des sociétés humaines, dans la mesure où, précisément, la politique doit abolir la mort.

8. Nous arrivons donc à notre second point que nous pouvons désormais aborder à partir de la compréhension de la fonction de la politique. Quadviendra-t-il de la politique une fois que la mort sera supprimée dune manière ou dune autre ? En réalité, il semble bien que nous ayons déjà sous les yeux une ébauche de réponse.

Jusquau début de la modernité, on essayait déradiquer la mort à travers une sorte de sublimation dans un mouvement proche de la dialectique hégélienne. Labolition de la mort empruntait des chemins spécifiques, essentiellement politiques, qui nétaient pas ceux du renforcement de la vie ou de la prolongation de lexistence. Dans la mesure où on ne possédait pas de moyens techniques pour intervenir concrètement sur la durée de la vie, on navait à notre disposition que la sublimation littéraire ou politique de la mort.

Le début de la modernité marque un changement dans ce rapport à la mort, dont le premier élément est lacquisition de connaissances et

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la production de techniques permettant dintervenir directement sur les causes biologiques de la mort. Sans chercher à fixer des rapports de cause à effet ou à formuler des continuités entre des domaines assez hétérogènes comme la science et la politique, on peut observer que ce passage a eu une traduction politique immédiate. Selon Foucault, il a été accompagné par un changement identique dans la pensée politique car cest à cette époque quémerge la biopolitique. Pour reprendre une formule désormais célèbre de Foucault, alors que le pouvoir souverain était un pouvoir de mort (« laisser vivre et faire mourir »), le pouvoir de la modernité est un pouvoir de vie (« laisser mourir et faire vivre »). À partir de ce moment, assez difficile à situer précisément (approximativement fin xvie-début xviiie), le pouvoir sexerce sur la vie biologique des individus quil tend à gérer, gouverner et manipuler35. La thèse de Foucault est que la configuration de la politique contemporaine est représentée par un ancrage direct dans la vie biologique de lindividu (et des populations), laquelle est soumise à toutes sortes de manipulations en vue de son gouvernement exhaustif et illimité.

Ce changement de paradigme gouvernemental saccompagne, toujours selon Foucault, dun autre changement tout aussi important mais assez souvent négligé : la souveraineté classique trouvait dans le droit le savoir qui la limitait et disait la vérité de son action, alors que la gouvernementalité biopolitique sappuie, est soutenue et limitée par léconomie.

Linterprétation foucaldienne de la spécificité de la modernité représente une ébauche de réponse à la question sur lavenir de la politique, une fois la mort techniquement abolie. Elle sera remplacée par léconomie, la gestion, bref par un savoir économique au sens large du terme, dont lhégémonie ne cesse de se renforcer depuis le début de la modernité.

Si tel est le cas, limmortalisme et laméliorisme ne sont-ils pas autant de prolongements ou de développements de cette configuration biopolitique, que les transhumanistes ignorent sans aucun doute mais qui nen est pas moins réelle ? Le transhumanisme serait alors, plus précisément, et toujours sans le savoir, au service des finalités implicites de la configuration politique de la modernité. On pourrait donc légitimement penser quil est en contradiction avec lui-même : alors quil

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se propose comme un instrument destiné à abattre tous les obstacles au plein épanouissement de lindividu, toutes les entraves à la pleine et autonome réalisation de soi-même, il est en réalité la manifestation la plus flagrante dune configuration politique qui œuvre pour réduire lautonomie de lindividu et le gouverner dans les plus petits détails de son existence.

En poussant le raisonnement, on pourrait se dire que les buts de limmortalisme ou de lamortalisme ne sont pas simplement de nous faire mourir le plus tard possible mais de nous gouverner le plus profondément possible. Alors, pour échapper à cette infiltration du pouvoir dans la vie quotidienne des individus, la seule solution est de se réapproprier de sa propre mort – et cela de plusieurs manières, parmi lesquelles il ne faut évidemment pas compter la tentative de la différer, ou de prolonger notre propre existence par tous les moyens et au-delà des limites que le corps nous impose.

Francesco Paolo Adorno

Université de Salerne

1 Cf. John Harris, “Enhancement are moral obligations”, J. Savulescu & N. Bostrom (eds.), Human Enhancement, New York, Oxford UP, 2009, p. 131-154.

2 À ce sujet on peut lire D. Callahan, False Hopes, New Brunswick, Rutgers UP, 1998, qui nest pas à ranger parmi les mélioristes, pour avoir une idée assez précise des apories auxquelles pourrait conduire un améliorisme porté à ses conséquences extrêmes. Je me permets aussi de renvoyer à mon ouvrage Le désir dune vie illimitée. Anthropologie et biopolitique, Paris, Kimé, 2012.

3 La littérature sur l« enhancement » croît et se multiplie sans fin. Pour une première approche : P. Ramsey, Fabricated Man. The Ethics of Genetic Control, New Haven, Yale UP, 1970 ; E. Regis, Great Mambo Chicken and the Transhuman Condition, New York, Basic Books, 1990 ; J. Harris, Wonderwoman and Superman. The Ethics of Human Biotechnology, Oxford, Oxford UP, 1992 ; C.-H. Gray, Cyborg Citizen, New York, Routledge, 2001 ; F. Fukuyama, La fin de lhomme. Les conséquences de la révolution biotechnique, Paris, Gallimard, 2004 ; J. Habermas, Lavenir de la nature humaine. Vers un eugénisme liberal ?, Paris, Gallimard, 2002 ; C. Elliott, Better than Well, New York, Norton & Co, 2003 ; N. Agar, Liberal Eugenics, Oxford, Blackwell, 2004 ; J. Hugues, Citizen Cyborg, Cambridge, Westview Press, 2004 ; R. Naam, More than Human, New York, Broadway Books, 2005 ; G. Stock, Redesigning Humans: Our Inevitable Genetic Future, Boston, Houghton, 2002 ; P. Miller & J. Wisdom (eds.), Better Humans? The Politics of Human Enhancement and Life Extension, Londres, Demos, 2006 ; P. Barcellona, Lepoca del postumano, Rome, Edizioni Città Aperta, 2007 ; M. Sandel, “The case against perfection : whats wrong with designer children, bionic athletes, and genetic engineering”, Atlantic Monthly, n. 3, 2002, p. 50-62 ; J.-N. Missa & L. Perbal (dir.), « Enhancement ». Ethique et philosophie de la médecine damélioration, Paris, Vrin, 2009 ; N. Agar, Humanitys End. Why we should reject Radical Enhancement, Cambridge, The Mit Press, 2010 ; A. Buchanan, Better than Human, New York, Oxford UP, 2011 ; J. Savulescu, R. ter Meulen, G Kahane, Enhancing Human Capabilities, Oxford, Blackwell, 2011 ; G.-E. Pence, How to Build a Better Human. An Ethical Blueprint, Lahnam, Rowman & Littlefield Publishers, 2012 ; E. Hildt & A. Franke, Cognitive Enhancement. An Interdisciplinary Perspective, Dordrecht, Springer, 2013 ; I. Persson & J. Savulescu, Unfit for the Future. The Need for Moral Enhancement, New York, Oxford UP, 2013 ; A. Buchanan, Beyond Humanity ?, New York, Oxford UP, 2012.

4 J. Harris, Enhancing Evolution, Princeton, Princeton UP, 2007.

5 A. Weismann, Essais sur lhérédité et la sélection naturelle, Paris, Reinwald, 1892.

6 I. Mečnikov, Etudes sur la nature humaine. Essais de philosophie optimiste, Paris, Masson, 1903.

7 S. Metalnikov, La lutte contre la mort, Paris, Gallimard, 1937.

8 Léquivalence entre maladie et mort, ou mieux la tentative de pathologiser la mort, ne fait pas que des enthousiastes : par exemple Leonard Hayflick est très sceptique qui propose de nombreux critères pour distinguer la vieillesse des états pathologiques. Voir L. Hayflick, How and Why We Age, New York, Ballantine Books, 1994.

9 G. Barazzetti, « Looking for the Fountain of Youth. Scientific, Ethical, and Social Issues in the Extension of Human Lifespan », in J. Savulescu, R. terMeulen, G. Kahane, Enhancing Human Capabilities, Oxford, Blackwell, 2011, p. 336.

10 Ces thèses son longuement discutées dans C. Overall, Aging, Death, and Human Longevity. A Philosophical Inquiry, Berkeley, University of California Press, 2003, p. 23-63.

11 Ibid., p. 17.

12 Ibid., p. 7.

13 S.-G. Post & R.-H. Binstock (eds), The Fountain of Youth. Cultural, Scientific, and Ethical Perspectives on a Biomedical Goal, Oxford, Oxford UP, 2004, p. 2.

14 Ibid.

15 G. Barazzetti, “Looking for the Fountain of Youth. Scientific, Ethical, and Social Issues in the Extension of Human Lifespan”, J. Savulescu, R. ter Meulen, G. Kahane, Enhancing Human Capabilities, Oxford, Blackwell, 2011, p. 338.

16 A. de Grey, « Strategie per un invecchiamento trascurabile ingegnerizzato », P. Donghi (dir.), Alterando il destino dellumanità, Bari-Roma, Laterza, 2006, p. 53.

17 Mis à part les recherches de de Gray, qui sont au stade expérimental, dun point de vue biologique les méthodes censées produire des résultats sur laugmentation de lespérance de vie sont : restriction calorique, traitements à base de hormone de croissance, d« insulin-like growth factor » (IGF-I), de DHEA, de mélatonine, de testostérone, progestérone et œstrogènes, intervention sur les processus doxydation, sur lactivation des télomères, manipulation génétique et recherche sur les cellules souches.

18 Cf. A. Klarsfeld & F. Revah, Biologie de la mort, Paris, Odile Jacob, 2000.

19 B. Williams, “The Macropulos Case. Reflections on the Tedium of Immortality”, B. Williams, Problems of the Self, Cambridge, Cambridge UP, 1981, et, plus récemment, G. Barazzetti & M. Reichlin, “Life Extension and Personal Identity”, J. Savulescu, R. ter Meulen, G. Kahane, Enhancing Human Capabilities, Oxford, Blackwell, 2011, p. 398-409.

20 H. Jonas, Le droit de mourir, Paris, Rivages, 1986.

21 J. Harris, Enhancing Evolution, Princeton, Princeton UP, 2007, p. 61. Cf. aussi C. Overall, Aging, Death, and Human Longevity. A Philosophical Inquiry, Berkeley, University of Californa Press, 2003, qui discute de manière plus articulée toutes ces objections.

22 Sur les questions liées à lhibernation, il existe un article éclairant de John Hugues, Death: Cryonics and the Telos of Liberal Individualism, que lon trouve sur Internet.

23 Le fondateur de cette dernière institution, Bruce Klein, considère que le monde oublie trop facilement que chaque jour 150 000 personnes meurent, dont 100 000 à cause de maladies liées à la vieillesse. Ce qui pour Klein est une catastrophe, un tsunami, que lon sous-estime.

24 H.-G. Gadamer, « La mort comme question » in G.-B. Madison (dir.), Sens et existence. En hommage à P. Ricœur, Paris, Éd. du Seuil, 1975.

25 Cf. U. Curi, Via di qua. Imparare a morire, Turin, Bollati-Boringhieri, 2011, p. 85-86.

26 A. Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation, Paris PUF, 1966, « Suppléments », §41, p. 1203.

27 E. Cioran La tentation dexister, Paris, Gallimard, 1986, p. 230-232.

28 N. Bostrom, “Why I Want To Be a Posthuman When I Grow Up”, Medical Enhancement and Posthumanity, B. Gordijn & R. Chadwick (eds), Springer, Dordrecht, 2008, p. 107-137.

29 Ainsi dans Hérodote, Histoires, III, 44-48.

30 Cf. G. Agamben, LOuvert. De lhomme et de lanimal, Paris, Payot, 2006.

31 L.-V. Thomas, Anthropologie de la mort, Paris, Payot, 1975, p. 44.

32 P. Ricœur, « Introduction », in H. Arendt, Condition de lhomme moderne, Paris, Calmann-Lévy, 1983, p. 27.

33 C. Castoriadis, Sujet et vérité dans le monde social-historique, Paris, Éd du Seuil, 2002, p. 146. Cf. E. Kantorowicz, Mourir pour la patrie, Paris, PUF, 1984.

34 « Cest pourquoi jai été si souvent amené à dire quune société autonome ne pourra être vraiment réalisée que lorsque les humains seront capables daffronter jusquau bout et sans fétiches institués leur mortalité. Aussi longtemps que cela ne sera possible, il y aura fuite vers un investissement rigide et illusoire de quelque chose qui recouvre la mort, ou, comme aujourdhui, vers des divertissements permettant doublier la mort. Accumulation des gadgets ou oubli de soi devant la télévision : cela permet aux individus de ne pas être actifs dans la société, cela va ensemble ». (C. Castoriadis, op. cit., p. 149).

35 M. Foucault, La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976 ; Id., Naissance de la biopolitique, Seuil-Gallimard, Paris 2004 ; Id., Sécurité, territoire, population, Pairs, Seuil-Gallimard, 2004.