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Classiques Garnier

Scepticisme et anarchisme De l’usage de la négation

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Éthique, politique, religions
    2014 – 2, n° 5
    . Scepticismes en politique
  • Auteur : Lardic (Jean-Marie)
  • Résumé : L’anarchisme philosophique semble associé au nihilisme. Mais la destruction qu’il opère des fondements théoriques du politique s’accompagne plutôt d’un scepticisme à l’égard de toutes les expressions de ce dernier, à cause d’un usage de la négation méconnu finalement par Marx et surtout Engels. Or cela n’exclut justement pas la réalité ni le sens de l’activité pratique elle-même.
  • Pages : 67 à 82
  • Revue : Éthique, politique, religions
  • Thème CLIL : 3133 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie contemporaine
  • EAN : 9782812433580
  • ISBN : 978-2-8124-3358-0
  • ISSN : 2271-7234
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-3358-0.p.0067
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 29/11/2014
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Stirner, Bakounine, scepticisme, négation, dialectique, action
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Scepticisme et anarchisme

De lusage de la négation

« Cest lhonneur du scepticisme de sêtre donné la conscience du négatif et davoir pensé avec une telle rigueur les formes du négatif1 », déclare Hegel, pour qui « cette négativité de toute détermination constitue la caractéristique du scepticisme2 » qui se définit même comme la « dialectique de tout déterminé ». Mais dans cette conscience que « lessence de toutes choses est de se supprimer3 », cest pour Hegel « toute objectivité », celle de lêtre ou de luniversel qui a « disparu pour la conscience de soi » dont « labîme » a tout englouti. Et seule la certitude de la conscience de soi singulière ressort de cette mise à néant de la vérité dont elle savère coupée. Non la conscience de soi universelle encore, mais la négation de luniversel ou la négation universelle, la singularité qui nie tout contenu, et même sa prétention à la vérité. En effet, sil nadmet pas de vérité universelle ou sil en est plutôt la négation universelle, cest dans sa singularité que le sceptique retrouve la certitude, non comme nouvelle base daffirmation, mais comme relativisation de lêtre au profit de lapparaître, seul dicible, et apparaître à soi.

Or nest-ce pas aussi la leçon dun Stirner, pour qui les vérités ne sont que « matériaux4 » soumis à Moi qui en suis « la vérité » ou leur néant « dans lequel elles sécoulent5 » ? Le Moi qui les dépouille de leur pouvoir ou se les approprie en Unique sans-mesure, résistant même au genre qui en ferait encore un singulier, comme le « solitaire » de Valéry, un Moi seul à être Moi, non un être générique.

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On peut dailleurs donner en bonne logique anarchiste une solution au problème du sceptique qui, affirmant comme vérité quon ne peut en connaître, se contredirait. Loin dinvalider sa propre position par laffirmation dune vérité contraire à ce qui est énoncé, par le fait daffirmer quil ny a pas de vérité, le locuteur ici tranche le nœud gordien et se retire demblée du cercle, du procès objectif de la prédication, de la « tyrannie » propositionnelle comme dit Stirner, pour se retirer en une certitude soustraite à sa loi et à ses pièges. Le sujet nest pas objet dun dire, ce qui le soumettrait à la vérité indépendante de lui dune prédication autonome, et il se réapproprie le discours en se retirant de son objectivité, non pour affirmer, mais pour saffirmer.

Bref, le sceptique et lanarchiste sans rien affirmer saffirment, sans se dire ou exprimer quoi que ce soit sur soi (« Quest-ce que le moi ? »). Mais lUnique alors se soustrait à toute définition, cest lui qui choisit même ses pensées. Telle est sa propriété et non ses propriétés ou qualités. Il nest aucunement prédicable, au lieu du sujet métaphysique, et sur rien il a fondé sa cause. Telle est la via negationis de légoïsme anarchiste. Or si Hegel reconnaît au scepticisme le mérite dune conscience dialectique, il nen dénonce pas moins limpasse quil y a « à en rester seulement au négatif et à la conscience de soi singulière6 ». Dailleurs cest la reprise seule de la négation dans la spéculation, le rapport de la négativité à soi, qui permettent de sortir de ce négatif et délever la certitude au vrai dont le mouvement inclut ce négatif et permet de surmonter lopposition de la subjectivité et du monde. Alors, lanarchisme développé par les plus originaux des « jeunes hégéliens » constituerait-il une « maladie infantile » du hégélianisme, une régression à létape sceptique que Hegel prétendait dépasser par la dialectique et le spéculatif ?

Ou alors la suppression dialectique du scepticisme par la philosophie serait-elle invalidée par leffectuation historique même de ladite dialectique retournant en son fondement négatif, cela témoignant de lincapacité à exprimer dans cette philosophie la réalité même de la négation, i.e. sa productivité dans le monde réel ?

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On le voit, cest de négation quil sagit, et tel est lenjeu de leffectivité qui est ici en cause, celle dune révolte ou dune révolution par rapport à lordre pratique ou à lÉtat, et qui fait le départ entre anarchisme et communisme. Cest là que Bakounine entre en scène qui, disait Engels, devait beaucoup à Stirner, « le prophète de lanarchisme actuel7 », Bakounine dont il dit encore quil a « amalgamé Stirner avec Proudhon » et « baptisé cet amalgame anarchisme8 ». Or à lorigine de cet anarchisme se trouve un usage de la négation dont la portée sera pour Bakounine discriminant de la réaction ou du socialisme, mais débouchera aussi sur une théorie de laction permettant à la fois de répondre aux objections marxistes aux jeunes hégéliens, et de comprendre lanarchisme que Bakounine développera à lencontre de Marx comme de la politique bourgeoise dont celui-ci néviterait pas les pièges. La négativité dont Bakounine se fait le chantre débouche-t-elle sur un nihilisme cette fois ? Ou conserve-t-elle plutôt les leçons dun scepticisme qui, loin de fuir la politique, y serait essentiel ? Après avoir rappelé en une première partie le sens de la singularité sceptique de lUnique stirnerien, nous examinerons donc en une seconde cet usage bakouninien de la négation.

*

Si « pour les Anciens le monde était une vérité » comme le dit Feuerbach, Stirner voit dans les sceptiques ceux qui achèveront la rupture avec le monde, ouvrant à la modernité, ce qui mènera à la liberté aussi vis-à-vis du monde de lesprit et à lUnique. « À leurs yeux, mes rapports avec celui-ci sont « sans valeur ni vérité » : « les sensations et les pensées que nous retirons du monde ne contiennent aucune vérité » dit Timon. « Quest-ce que la vérité ? » sécrie de son côté Pilate. Daprès Pyrrhon, le monde nest ni bon ni mauvais, ni beau ni laid, etc. ce ne sont là que des prédicats que Je lui confère. Et encore Timon : « En soi, aucune chose nest bonne ni mauvaise ; cest lhomme qui la pense comme telle ». La seule attitude possible vis-à-vis du monde, cest lataraxie (limpassibilité) et laphasie (le mutisme –en dautres termes, lisolement

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de lintériorité). Il nest « pas de vérité discernable dans le monde », les choses se contredisent, les idées que lon sen fait sont indifférentes (bon et mauvais sont une seule et même chose, ce que lun nomme bon, lautre le trouve mauvais). Cen est fait, à ce stade, de la connaissance de la « vérité » et seul reste lhomme sans connaissances, lhomme qui ne trouve aucun sujet de connaissance dans le monde : il laisse ce monde vide de vérité tel quil est, sans se soucier de lui9. » Et la question de Pilate devient le leitmotiv de LUnique. Or pour Stirner la réponse est claire : « La vérité, mon cher Pilate, cest le maître10 » que tous cherchent mais qui en fait reçoit tout de Moi, la pensée qui méchapperait, alors quelle est en fait ma propriété, le Dieu du penseur critique même, qui vassalise lhomme fût-ce au nom de lidée dhomme ou de liberté ! Bref, dernier refuge du sacré, la vérité nest quune « créature » et il nen faut pas reconnaître « au-dessus de moi11 ». Doù un nouveau critère qui relativise la vérité et permet de juger les choses : « Est vrai ce qui est mien, faux ce dont je suis la propriété : ainsi lassociation est-elle vraie, lÉtat ou la société, faux12. » Face à ceux qui, comme Feuerbach, se réclament de lêtre sensible face à labstraction hégélienne, Stirner rappelle labstraction que lon peut en faire selon la leçon des anciens sceptiques et que, dans labstraction du Moi lui-même, celui-ci se retrouve à la fois tout et rien, pas seulement une pensée, mais un « monde de pensées », contrairement à la condamnation hégélienne du moi propre comme opinion (Mein-Meinung), la pensée absolue nétant que « ma pensée13 ». En oubliant que lêtre sensible est aussi « mon » être sensible, Feuerbach est tombé dans le même défaut que Hegel et son matérialisme ne fait rien à laffaire. Mais il faut par contre se libérer de lidée même de la pensée libre, qui par rapport à moi simposerait dans sa vérité détachée de moi. La liberté de la pensée cest de se libérer de lidée des vérités quelle véhiculerait. Lartifice des mots qui font croire au Droit ou à lHumanité doit être déjoué, et ces pensées figées doivent, comme pur matériau, être remises en ma propriété. La pensée, pas plus que la sensation, na pas à cesser,

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et lépochè porte sur leur seul pouvoir. Comme les « enfants » ne sachons rien de sacré et ne cherchons que ce que nous désirons14.

Le Moi se dégage ici de la pensée même à laquelle la philosophie lavait lié, aussi bien que des interrogations humaines sur son statut, pour, inassignable, revendiquer le rien de tout déterminé, sans prôner sa détermination nihiliste, encore figée, mais pour revendiquer sa propriété, tout changement didées par exemple témoignant de son pouvoir sur la pensée : « Une pensée ne Mest propre que lorsque Je nhésite pas à mettre à chaque instant son existence en jeu, nayant pas à craindre sa perte comme une perte pour Moi, une perte de mon Moi. La pensée nest proprement mienne que lorsque Je peux la subjuguer, tandis quelle ne le peut jamais, ne peut jamais Me fanatiser, jamais faire de Moi linstrument de sa réalisation. Bref, la liberté de pensée existe, lorsque Je puis avoir toutes les pensées possibles ; mais elles ne deviennent ma propriété que lorsquelles ne peuvent devenir souveraines. Au temps de la liberté de pensée, les pensées (ou idées) dominent, mais si Je parviens à la propriété de la pensée, elles se comportent comme mes créatures15. » Et si la liberté est encore abstraite, le Moi qui la veut est alors total et unique critère.

Dès lors lunicité opératoire du Moi nest pas la singularité générique, et la séparation quelle instaure na rien de la solitude, de lhostilité vis-à-vis de congénères. Le sans-rapport peut seul établir, sur rien et à partir de rien, les bases dune Association si elle mest utile, qui est dabord avec dautres Moi, loin des fadaises concernant la société et des justifications théologico-politiques de lÉtat. Par contre « tout État est despotisme16 » quels que soient sa forme et ses gouvernants ; lobéissance quil demande au Moi le fige dans ses devoirs et lidentifie à lhomme – alors quaucun homme ne correspond à son concept17. On ne voit en Moi que lhomme alors que dans ma réalité Je suis « non-homme ». Je ne demande aucun droit, on na donc pas à sen prévaloir sur Moi. Et le problème est bien quaprès le « citoyen du ciel » de lÉglise, on veut

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faire de nous un zôon politikon18. Or aussi bien le libéralisme bourgeois que le communisme sinscrivent dans cette fantasmagorie générique : « LÉtat na jamais eu quun but : borner, lier, subordonner lindividu, lassujettir à une quelconque généralité. Il ne dure quaussi longtemps que lindividu nest pas tout dans tout, il nest que la marque évidente de létroitesse de mon Moi, ma limitation et ma servitude. Jamais un État na pour but de permettre lactivité libre de chaque individu, mais toujours une activité liée à ses buts19. » Or « Avec lÉtat va le parti20. » Et cest encore le scepticisme qui simpose : « Parti de labsolutisme, il ne peut vouloir que ses membres doutent de lirrévocable vérité de ce principe et ceux-ci ne pourraient que nourrir ce doute, sils étaient assez égoïstes pour vouloir être encore quelque chose en dehors de leur parti, cest-à-dire des impartiaux. Ils ne peuvent lêtre comme hommes de parti, mais seulement comme égoïstes21. » Mais « un égoïste ne pourrait prendre parti, ou adhérer à un parti ? Si, mais se laisser prendre et accaparer lui-même par le parti, non. À tout instant, le parti reste pour lui une partie : il en est, il y prend part22 ».

Stirner exerce la critique la plus acerbe contre le libéralisme bourgeois qui na fait par la Nation que renforcer la monarchie absolue des « roitelets antérieurs », anticipant ainsi la critique bakouninienne radicale du jacobinisme23. Dailleurs, « Que faut-il entendre par la phrase : “Nous jouissons tous de légalité des droits politiques” ? Tout simplement que lÉtat na aucun égard pour Ma personne, que Je ne suis pour lui, comme tous les autres, quun homme, sans aucune autre signification ni importance qui lui en impose24. ». Quant au communisme qui veut me transformer en « gueux parmi les gueux », son principe même porte à

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son terme la généricisation de lindividu. De toute façon « Au “rendez-hommage à Dieu” dautrefois, répond maintenant un “Rendez hommage à lhomme”. Pour ma part, Je pense bien Me réserver cet hommage25. »

Contrairement à Bauer et à ce que croyait Marx, Stirner ne prétend pas se contenter dune critique ou dune subversion théorique de lidéologie bourgeoise ; il met en cause lidéologie du politique classique de lÉtat et de la justice même, qui asservit le Moi et que la transformation communiste porterait à son terme. De sorte que lAssociation apparaît comme linstance négatrice et conservatrice à la fois qui – de façon hypothétique, i. e. si je la veux – peut seule permettre aux Moi de réaliser ensemble leur destin, loin de toute communauté générique. Labstraction revendiquée, la négativité stirnerienne, est bien celle du sceptique qui – contrairement aux rets universalistes du stoïcien ou aux retrouvailles épicuriennes avec le particulier – commence par la singularité dans sa subversion de lordre du monde. Sil retrouve Feuerbach sur sa route, Stirner précise bien : « Le mot de Feuerbach : “le Moi est tout” semble en complète harmonie avec ce que Javance. Seulement, ce nest pas “le Moi est tout” quil faut dire, mais “détruit tout”, et seul le Moi se dissolvant lui-même, le Moi qui nest jamais, le Moi fini, est véritablement Moi. Feuerbach parle du Moi “absolu”, alors que Je parle de Moi, du Moi périssable26. ».

Or justement cest bien à laune de ce moi que surgit la question déterminante de la négation sous laquelle Hegel abordait le scepticisme, et qui fait la différence entre Moi stirnerien et esprit hégélien. Ainsi Hegel, en rappelant lopposition du scepticisme au dogmatisme, passe-t-il par le criticisme qui, ne sachant « rien du tout en soi, rien dabsolu » est le pire dogmatisme « en tant quil décrète que le moi, lunité de la conscience de soi, étant opposé à lêtre, est en soi et pour soi, quil en est de même de len-soi à lextérieur, et quabsolument tous deux ne peuvent se rencontrer27. » Contre tout cela, le scepticisme a la « force négative de montrer » que ce qui est affirmé « en tant quen-soi nest pas en-soi. Car un tel en-soi est du déterminé, et il ne peut pas résister à la négativité, au processus de sa suppression28. » Mais pour Hegel le sceptique qui fait

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tout disparaitre dans labîme de la conscience de soi du penser pur et vise la disparition de tout universel est dune part lui-même cet universel dune conscience de soi singulière et porte comme négation universelle de luniversel sa propre contradiction qui se supprime entre ataraxie et contingence de sa vie empirique29. Dautre part il na pas encore exprimé cette vérité négative comme celle de linfini véritable qui comporte cette négativité du fini et surgit de ce disparaître, pouvant ainsi porter à la fois luniversalité dun sujet qui nest pas seulement négatif mais esprit dans son affirmation et la positivité spéculative de la négation de la négation du tout, ou la reconnaissance de la raison dêtre de cette négation comme dialectique du monde et reconnaissance de sa vérité dans lesprit ; bref, le sceptique doit sélever à la conscience de soi de lesprit, sa certitude à la vérité et le fini se reconnaître comme moment dialectique au lieu de rester « paralysé » dans la fixation ataraxique.

Mais pour Stirner, parler de lEsprit, de Moi infini et de réconciliation spéculative, cest justement retomber dans les pièges de la pensée de nos modernes libéraux qui font encore de la pensée un idéal, bref séparer encore du moi son essence générique, le négatif de la finitude de son mouvement propre, bref arrêter la négation destructrice doù peut seule surgir lappropriation non plus théorique mais pratique, sous la forme dune pratique de soi au lieu du développement de lhistoire dun Esprit. Nallons pas trop vite pour intégrer et réduire le scepticisme ! Cétait la tendance des vieux-hégéliens. Les anarchistes proposent autre chose… avec Bakounine.

*

Cest dans son article sur la « réaction en Allemagne » que Bakounine précise la logique qui va déterminer son engagement. On y trouve sa formule célèbre : « Die Lust der Zerstörung ist zugleich eine schaffende Lust ». Il sagit de médiation, de négation dialectique, mais appliquée à la logique politique, de sorte que le rapport du négatif à soi qui permettait

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chez Hegel le dépassement du scepticisme va ici servir au contraire à condamner les tenants de la positivité réactionnaires, mais surtout les « médiateurs extérieurs » qui voudraient concilier positivité et négativité révolutionnaire au profit dune synthèse bradant lopposition, la contradiction, bref les droits de la négation. Et ceux qui, révolutionnaires, se contenteraient de vouloir exporter et étendre celle-ci sans reconnaître la dialectique interne qui assure la dissolution de la positivité et des conciliateurs sont tout autant coupables.

Pour Bakounine donc, il sagit de dénoncer un usage immédiat de lopposition entre positif et négatif qui, après avoir séparé réactionnaires et révolutionnaires, est utilisé par les libéraux qui incitent les uns à céder du terrain aux autres pour les concilier. Comme si la puissance du négatif ne lemportait pas de façon immanente30 ! Or comme déjà le positif ne se définit en bonne dialectique que par son exclusion de lautre, qui le transforme lui-même en négatif, lopposition qui les caractérise nest pas seulement une diversité mais bien une contradiction immanente qui met le mouvement dans le positif même qui exclut le négatif ; doù une inégalité entre les deux – et les deux partis que les médiateurs veulent concilier : « Lopposition nest pas un équilibre mais une prépondérance du négatif, lequel en est le moment dempiètement ; le négatif, comme vie déterminante du positif lui-même, enclot en lui seul la totalité de lopposition et ainsi, il est aussi ce qui est absolument légitime31 ». Certes le négatif peut sendormir et le négatif actuel doit être tiré de son repos philistin, celui de la critique théorique qui se contente, « esprit qui toujours nie », de proclamer le refus. Mais le négatif qui refuse de se refermer sur soi, se livre « avec amour au positif pour labsorber et pour manifester dans cet acte de négation religieux, plein de foi et vivant, la profondeur de sa nature qui est grosse de lavenir32 ». Doù la nécessité de la « négation, la ruine, labsorption passionnée du positif, même lorsque celui-ci cherche finement à se dissimuler sous la figure du négatif 33 ».

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Le négatif nest dailleurs « légitimé que comme cette négation sans ménagement – mais comme tel, il est absolument légitimé parce que comme tel, il est lacte de lEsprit pratique34 ».

Le réveil du négatif nest pas itération, conquête progressive et indéfinie à la mode de Fichte, mais réveil de la lutte contre le positif même, qui est nié en ce quil a de négatif comme unilatéral par rapport à lactivité créatrice du négatif comme tel. Mais on évite alors le risque de lannuler comme si laffirmation par négation de la négation faisait retour au départ. Au contraire, laffirmation qui en procède est la négation même du positif condamné, bref le mouvement qui affirme comme telle la négation, la lutte, et telle est lactivité pratique. En retrouvant la primauté de la négation redoublée, comme négation dabord inscrite au cœur de (et non extérieure à) la positivité, Bakounine effectue en même temps le passage au pratique, la sortie, que demandera Marx, de lidéologie externe au réel et croyant résoudre en elle-même les conflits que la pratique seule, comme négation immanente, peut assumer. Bref, lopposition nest plus seulement celle du théorique et du pratique, mais celle des conservateurs et de la pratique, que la lecture de la nature négative de lopposition permet de rendre opératoire contre le « jouet théorique » des faux médiateurs. Loin de laffirmation positive, la négation double permet à celle-ci de saffirmer, mais comme négation, au lieu de se perdre dans sa lutte contre le positif ou de sannuler. Mais cest lactivité même, que cette négation, loin de tout nihilisme, création en même temps que destruction. Pas didentification à une époque, mais, par la négativité, la brisure, comme lhistoire en témoigne35. Et face à la monarchie de juillet, Bakounine de rappeler la négation dont le peuple est porteur.

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Cette logique de la négation animera toute lœuvre bakouninienne. Elle alimentera surtout toute pratique à légard du politique ; on se souvient des principes : « En un mot, nous repoussons toute législation, toute autorité et toute influence, privilégiée, patentée, officielle et légale, même sorties du suffrage universel, convaincus quelle ne pourrait jamais tourner quau profit dune minorité dominante et exploitante, contre les intérêts de limmense majorité asservie. Voilà dans quel sens nous sommes réellement des anarchistes36 ». Or on retrouve dans Étatisme et Anarchie le clivage évoqué dans lœuvre de jeunesse, mais cette fois entre anarchistes et « communistes dÉtat », bref Bakounine et Marx. « Tandis que la théorie politico-sociale des socialistes anti-autoritaires ou anarchistes les mène infailliblement vers une rupture complète avec tous les gouvernements, et avec toutes les formes de la politique bourgeoise, et ne leur laisse dautre issue que la révolution sociale, la théorie adverse, la théorie des communistes autoritaires et de lautoritarisme scientifique, attire et englue ses partisans, sous le prétexte de tactique, dans des compromis incessants avec les gouvernements et les différents partis politiques bourgeois, cest-à-dire les pousse directement dans le camp de la réaction37 ». Et Bakounine de dénoncer la contradiction de la dictature du prolétariat qui renforce dabord les pouvoirs dun État populaire devenant despotique38. Doù la fameuse formule : « Il y a là une contradiction évidente. Si leur État est effectivement un État populaire, quelles raisons aurait-on de le supprimer ? Et si, dautre part, sa suppression est nécessaire pour lémancipation réelle du peuple, comment pourrait-on le qualifier dÉtat populaire ? En polémisant avec eux, nous les avons amenés à reconnaître que la liberté ou lanarchie, cest-à-dire lorganisation libre des masses ouvrières de bas en haut, est

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lultime but de lévolution sociale et que tout État, y compris leur État populaire, est un joug, ce qui signifie que, dune part, il engendre le despotisme et, de lautre, lesclavage39 ».

Or Bakounine ne cesse de dénoncer surtout par là la nouvelle dictature du savoir qui sannonce. Par allergie à toute minorité doppresseurs et aussi par scepticisme. « Cest la supériorité prétendue ou réelle de lintelligence, de linstruction, en un mot de la civilisation ouvrière, sur la civilisation des campagnes. Mais savez-vous quavec un tel principe on peut légitimer toutes les conquêtes, consacrer toutes les oppressions40 ? » Il ny a pas pire dictature que celle des savants auto-investis de ce droit à opprimer et qui soumettent la société à leurs exigences mortifères. Honorons les savants pour leurs mérites, sans leur accorder de privilège social ! Lautorité dans sa branche ne confère pas au savant luniversalité infuse. Dailleurs la plus grande intelligence ne suffit pas pour embrasser le tout et il faut un « échange continu dautorité et de subordination mutuelles », pas dautorité fixe, et les hommes de génie ne sont ni à maltraiter ni à « trop engraisser » et surtout sans privilège ou droits exclusifs41.

Figure diabolique de « luniversel dévorant », le gouvernement de la science reconduirait la rupture avec le peuple : « Le gouvernement de ces hommes [les savants] aurait pour première conséquence de rendre la science inaccessible au peuple parce que les institutions actuelles de la science sont essentiellement aristocratiques. Laristocratie savante ! Au point de vue pratique la plus implacable, et au point de vue social la plus vaniteuse et la plus insultante : tel serait le pouvoir constitué au nom de la science. Ce régime serait capable de paralyser la vie et le mouvement dans la société. Les savants, toujours présomptueux, toujours suffisants, et toujours impuissants, voudraient se mêler de

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tout, et toutes les sources de la vie se dessécheraient sous leur souffle dabstractions42 ». La crainte de la paralysie par la science : il y a du Faust chez Bakounine … Dès lors lappel à la pratique, cest la rupture avec la domination dune théorie doffice réactionnaire : « Métaphysiciens et positivistes, ces chevaliers de la science et de la pensée, au nom de quoi ils se croient appelés à dicter les lois de la vie, sont tous sciemment ou non, des réactionnaires43 ». On se trouve devant lantinomie bakouninienne où la pensée anarchiste se mesure à elle-même : « Dun côté, la science est indispensable à lorganisation rationnelle de la société ; dun autre côté, incapable de sintéresser à ce qui est réel et vivant, elle ne doit pas se mêler de lorganisation réelle ou pratique de la société44 ». La contradiction ne peut se résoudre que dune seule façon : « il faut que la science ne reste plus en dehors de la vie de tous, ayant pour représentant un corps de savants brevetés, il faut quelle se fonde et se répande dans les masses. La science, étant appelée désormais à représenter la conscience collective de la société, doit réellement devenir la propriété de tout le monde. Par là, sans rien perdre de son caractère universel, dont elle ne pourra jamais se départir sous peine de cesser dêtre la science, et tout en continuant de soccuper exclusivement des causes générales, des conditions générales et des rapports fixes des individus et des choses, elle se fondra dans la vie immédiate et réelle de tous les individus45 », comme naguère pour la réforme protestante. Seulement, faut-il en attendant être gouvernés par des hommes de science ou par le prolétariat éclairé, par le parti ? Non, cela pérennise la dictature. La révolte seule et non lorganisation scientifique peut être libératrice. Et linstruction égale pour tous doit commencer à dissoudre lorganisation sociale séparée de la science.

Lessentiel est donc de favoriser tout ce qui empêche le centralisme des états, bref détablir le fédéralisme qui, contrairement à la Renaissance, peut, dans nos pays habitués à la communauté politique, permettre la liberté sans les désavantages de la concurrence, et contrairement au jacobinisme qui, après avoir éclipsé les girondins, a restitué la monarchie étatique. De même, dénonçant le contrat social qui asservit, Bakounine

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voit en lhomme un être à la fois social et individuel qui ne peut voir alléguer un aspect de son être comme devoir pour asservir lautre. La dialectique de sa liberté cest de se faire dans lAssociation avec dautres, de même que son productivisme naturel, lié à sa potentialité, na pas à devenir un devoir dÉtat. Bref, toutes les théories idéalistes de lÉglise ou de lÉtat, les alibis des savants et les rêveries dictatoriales communistes empêchent le mouvement qui fait seul servir la pensée aux hommes et augmente la vie de chacun par la vie de tous.

*

Le marxisme, cest connu, naime pas le scepticisme, ni lempiriocriticisme. Marx préférait Démocrite et Épicure, et ne cite les sceptiques quà propos de Stirner. Quant à Engels, dans son livre sur Feuerbach, il vante justement les mérites de la pensée du mouvement et du progrès par négation dun Hegel, à lencontre des « lubies » bourgeoises dun Kant et dun Hume dont le scepticisme sur la connaissance du réel décourage laction qui sy déroulerait.

Lanarchisme par contre a sa part indéniable de scepticisme et Bakounine, en insistant sur la négativité dialectique, honore les exigences sceptiques trop rapidement médiatisées par la droite théologique hégélienne, dans la foulée de son assomption spéculative. Ainsi les « médiateurs politiques » qui voudraient atténuer la rigueur du négatif, aussi bien que les théoriciens qui pensent pouvoir résoudre les problèmes du monde se voient suspendus de leurs fonctions par Bakounine. Et même les théoriciens du socialisme scientifique. Entre Marx et Bakounine cest ce dernier qui fait passer de la philosophie à la pratique révolutionnaire, car il ne fait pas de celle-ci lapanage dune classe éclairée, reconduisant la négation simple dun positif sur un autre et par un autre. La négation redoublée naffirme rien dautre que soi dans son pouvoir de destruction, mais toujours vivant. Pas de nihilisme. La négation redoublée a bien un sens, qui nest pas une positivité mais laffirmation de la négation. Or quest-ce qui peut, comme négation, saffirmer sans se convertir en une réalité ? Lactivité tout simplement, qui toujours nie en saffirmant par sa nouveauté : destruction et création ! Cest le génie de Bakounine davoir vu là le passage du théorique faussement réconciliateur et en fait réactionnaire, à la pratique où le feu du politique salimente à la

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dialectique révolutionnaire. Mais cette pratique générale garde bien sa radicalité. Dans le refus de la certitude scientifique et de tout absolu, lanarchiste agira bien. Et non pas malgré ses doutes théoriques comme le sceptique auquel on reproche cette demi-mesure, et qui agit, nonobstant ses doutes sur le monde et lui-même. Il ne sagit pas non plus dune action substituée au savoir, au nom dune tâche infiniment reconduite comme chez Kant. Mais action avec la conscience que, dans lunité de la pensée et de la vie, une fois surmontée la séparation des classes, sous légide de la pratique qui toujours nie et force la pensée à se remettre en question – car elle nest que notre pensée – cest en même temps de tout quil sagit. Telle est lultime Aufhebung du scepticisme : non son intégration dans la spéculation, mais le cheminement avec lui sur la voie de la révolution permanente.

Jean-Marie Lardic

Université de Nantes,
Centre atlantique de philosophie / EA 2163

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Bibliographie

Bakounine, Michel, De la guerre à la commune, textes de 1870-1871 établis sur les manuscrits originaux et présentés par Fernand Rude, éditions Anthropos, Paris 1972. Dans cette édition notée DGC, nous utilisons deux textes : Dieu et lÉtat et IVe Lettre à un Français sur la crise actuelle.

Bakounine, Michel, Étatisme et anarchie (1873) traduit du russe par Marcel Body, éditions Tops / H. Trinquier, Antony 2003. Dans cette édition notée EA, nous utilisons la traduction de Étatisme et anarchie.

Angaut, Jean-Christophe, Bakounine jeune hégélien, ENS Éditions, Lyon 2007. Nous utilisons la traduction de La Réaction en Allemagne qui se trouve dans ce livre.

Engels, Friedrich, Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande. Traduction revue par Gilbert Badia. Éditions Sociales, Paris 1966.

Hegel, Georg Wilhem Friedrich, Leçons sur lhistoire de la philosophie, trad. Garniron, tome 4, Vrin, Paris 1975.

Stirner, Max, Œuvres complètes, Lunique et sa propriété (trad. P. Gallissaire) et autres écrits (trad. A. Sauge), LÂge dhomme, Lausanne 1972.

1 Hegel, Leçons sur lhistoire de la philosophie, trad. Garniron, tome 4, Vrin, Paris 1975, p. 798-799.

2 Ibid., p. 762.

3 Ibid.

4 M. Stirner, Œuvres complètes, LUnique et sa propriété (trad. P. Gallissaire) et autres écrits (trad. A. Sauge), Lausanne, LÂge dhomme, 1972, p. 386 : « Les vérités sont des matériaux, comme la bonne ou mauvaise herbe, cest à moi de décider ce quelles sont. »

5 Ibid.

6 Hegel, Leçons sur lhistoire de la philosophie, tome 4, Vrin, Paris 1975, p. 760 : « Le scepticisme est de fait une telle paralysie, – une inaptitude à la vérité, qui ne peut arriver quà la certitude elle-même, mais non pas à la certitude de luniversel, et qui en reste seulement au négatif et à la conscience de soi singulière. »

7 F. Engels, Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande. Traduction revue par Gilbert Badia, Paris, Éditions Sociales, 1966, p. 22.

8 Ibid., p. 57.

9 M. Stirner, Œuvres complètes, LUnique et sa propriété (trad. P. Gallissaire) et autres écrits (trad. A. Sauge), LÂge dhomme, Lausanne, 1972, [noté Lunique et sa propriété] p. 98.

10 Ibid., p. 385.

11 Ibid., p. 386.

12 Ibid., p. 387.

13 Ibid., p. 373.

14 Ibid., p. 381 : « “Devenez comme les enfants” dit la parole biblique. Eh bien, les enfants nont pas dintérêt sacré et ne savent rien dune “bonne cause”. Mais ils nen savent que plus exactement vers quoi leurs penchants les portent, et ils mettent toutes leurs forces à trouver les moyens dy atteindre. »

15 Ibid., p. 375-376.

16 Ibid., p. 243.

17 Ibid.

18 Ibid., p. 277.

19 Ibid., p. 271.

20 Ibid., p. 279.

21 Ibid.

22 Ibid., p. 281.

23 Ibid., p. 163 : « Le monarque, en la personne du “roi souverain”, était un bien piètre monarque en comparaison du nouveau, la “nation souveraine”, monarchie mille fois plus tranchante, dure et conséquente. Il ny avait plus aucun droit contre le nouveau monarque, plus aucun privilège : en face de lui, le “roi absolu” de lancien régime apparaît bien limité ! La Révolution a transformé la monarchie limitée en monarchie absolue. Désormais, tout droit qui nest pas conféré par ce monarque est “usurpation”, tout privilège quil accorde, en revanche, “droit”. »

24 Ibid.

25 Ibid., p. 191.

26 Ibid., p. 231.

27 Hegel, Leçons sur lhistoire de la philosophie, op. cit., p. 798.

28 Ibid.

29 Ibid., p. 807 : « Le scepticisme ne dégage aucun résultat, autrement dit il nexprime pas sa négation comme quelque chose de positif. Mais le positif nest rien dautre que le simple ; en dautres termes si le Scepticisme vise la disparition de tout universel, son état, lataraxie, est en fait lui-même cet universel, ce simple, cet égal à soi-même, – mais cest une universalité ou un être qui est luniversalité de la conscience de soi singulière. »

30 M. Bakounine, La Réaction en Allemagne, trad. J.-Ch. Angaut, in Jean-Christophe Angaut, Bakounine jeune hégélien, ENS Éditions, Lyon 2007, p. 130 : « Ils disent aux positifs : “Conservez lancien, mais permettez en même temps aux négatifs de le dissoudre graduellement” ; et aux négatifs : “Dissolvez lancien ; mais pas dun seul coup ni entièrement, ainsi vous aurez toujours quelque chose à faire” ; cest-à-dire : “restez chacun dans votre unilatéralité ; mais nous, les élus, garderons pour nous la jouissance de la totalité” ».

31 Ibid., p. 125.

32 Ibid., p. 126.

33 Ibid.

34 Ibid.

35 Ibid., p. 131 : « La même chose se répète dans lhistoire. Par exemple, le principe de la liberté théorique sanimait déjà dans le monde catholique du passé, dès le début de son existence ; ce principe fut à lorigine de toutes les hérésies dont le catholicisme était si riche ; mais sans ce principe, le catholicisme aurait été dénué de mouvement, et ainsi, il était aussi en même temps le principe de sa vitalité, mais seulement pour autant quil était conservé dans sa totalité à titre de simple moment ; cest ainsi également que le protestantisme a peu à peu surgi ; son début se trouvait dans le début du catholicisme lui-même ; mais à un moment donné, ce caractère graduel a été rompu et le principe de la liberté théorique sest élevé au rang de principe autonome |selbständig], indépendant [unabhändig] ; cest là que lopposition dans sa pureté est devenue manifeste, et vous savez bien, Messieurs, vous qui vous nommez Protestants, ce que Luther répondit aux médiateurs de son temps lorsquils lui proposèrent leurs services. »

36 Dieu et lÉtat, in Michel Bakounine, De la guerre à la commune (DGC), textes de 1870-1871 établis sur les manuscrits originaux et présentés par Fernand Rude, Éditions Anthropos, Paris 1972, p. 312.

37 Étatisme et anarchie in M. Bakounine, Étatisme et anarchie (1873) (EA), traduit du russe par Marcel Body, Éditions Tops/H. Trinquier, Antony 2003, p. 348.

38 « Ces élus seront en revanche des socialistes convaincus et par surcroît savants. Les termes “socialiste scientifique”, “socialisme scientifique”, qui reviennent sans cesse dans les écrits des lassalliens et des marxistes, prouvent par eux-mêmes que le pseudo-État populaire ne sera rien dautre que le gouvernement despotique des masses prolétaires par une nouvelle et très restreinte aristocratie de savants vrais ou de prétendus savants. Le peuple nétant pas savant, il sera entièrement affranchi des soucis gouvernementaux et tout entier intégré dans le troupeau des gouvernés. Bel affranchissement ! » (Ibid., p. 347).

39 Ibid., p. 347.

40 IVe Lettre à un Français sur la crise actuelle in DGC p. 540. Cest aussi pour le dogmatisme de Marx, prenant les congrès de lInternationale pour des « conciles » dont les principes seraient obligatoires que Bakounine le condamne. Faire dun groupe dindividus la pensée de tout le mouvement révolutionnaire est, pour Bakounine, contraire aussi bien à lexpérience historique quau sens commun et cest reconduire une croyance à la vérité absolue digne des « Papes » qui croyaient la « tenir du Saint Esprit ».

41 « Je ne pense pas que la société doive maltraiter les hommes de génie comme elle la fait jusquà présent. Mais je ne pense pas non plus quelle doive trop les engraisser, ni leur accorder des privilèges ou des droits exclusifs quelconques. » (Dieu et lÉtat in DGC p. 310).

42 Ibid., p. 345.

43 Étatisme et anarchie in EA, p. 310.

44 Dieu et lÉtat in DGC, p. 343.

45 Ibid., p. 344.