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Classiques Garnier

H. T. Engelhardt, Jr. et la question du relativisme

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Éthique, politique, religions
    2014 – 2, n° 5
    . Scepticismes en politique
  • Auteur : Goffi (Jean-Yves)
  • Résumé : Contre la confusion courante entre relativisme et scepticisme, nous voulons montrer que les deux termes se distinguent par leur traitement de la justification éthique. L’argument de H. T. Engelhardt Jr. illustre cette distinction ; sa position n’est pas sceptique, dans la mesure où il en appelle à une norme éthique unique en vue d’une société laïque et pacifique ; elle n’est pas plus relativiste, dans la mesure où il se réfère à une norme unique.
  • Pages : 139 à 155
  • Revue : Éthique, politique, religions
  • Thème CLIL : 3133 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie contemporaine
  • EAN : 9782812433580
  • ISBN : 978-2-8124-3358-0
  • ISSN : 2271-7234
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-3358-0.p.0139
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 29/11/2014
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : H. T. Engelhardt Jr., relativisme, scepticisme, éthique minimale, personne
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H. T. Engelhardt, Jr.
et la question du relativisme

Cest une double mise en garde, suivie dune paire dexcuses qui va introduire mon propos. Les mises en garde, dabord : il sera question, dans ce qui va suivre, beaucoup plus de relativisme que de scepticisme ; ensuite, il sera question déthique bien plus que de politique. Cest là, semble-t-il, une transgression par rapport au thème du recueil et du colloque qui lui a donné naissance, consacrés lun et lautre au scepticisme en politique. Cependant, il est possible de faire valoir des excuses. Tout dabord, relativisme et scepticisme sont souvent confondus. Il ne sera peut-être donc pas inutile de sinterroger sur les formes et sur le sens de cette confusion, les deux concepts (ou les deux notions) pouvant acquérir un surcroît de clarté de ce rapprochement. Par ailleurs, je souhaite également rendre intelligibles les analyses dun auteur qui pense quil est impossible de comprendre les codes éthiques effectifs si on les sépare des communautés où ils prévalent. Pour qui raisonne en ces termes, la dimension politique de léthique nest jamais très éloignée.

Mon propos nest donc pas si étranger à lobjet du recueil ; simplement, il en traite de façon oblique.

Je procéderai dabord à un toilettage conceptuel, visant à expliquer ce quest le relativisme éthique. Je partirai dune littérature, pas forcément philosophique1, plutôt hostile au relativisme et qui présente celui-ci de façon caricaturale en lassimilant à labsence de courage dans les convictions ou à une forme de nihilisme. Je suggérerai que cette assimilation nest pas leffet dun manque dattention ou de vigilance : elle vise en réalité une thèse bien précise, qui na rien à voir avec le relativisme, mais qui semble redoutable aux conservateurs. Jindiquerai ensuite ce qui me semble être au cœur du relativisme philosophique. Jexposerai enfin linterprétation du relativisme avancée par le bioéthicien contemporain

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américain Hugo Tristram Engelhardt, Jr. et ferai apparaître, en conclusion, ses dimensions conservatrices et, indissociablement, progressistes, ce qui revient à dire que jen montrerai la complexité.

Relativisme polémique

Je laisserai de côté les approximations relatives au relativisme relevant de la simple incompétence2 pour mintéresser à celles qui manifestent au moins une intention ou un projet. Le relativisme a été condamné en ces termes par lancien ministre français de lIntérieur, Claude Guéant, au cours dun colloque, « Vaincre pour la France », organisé par lUNI, à Paris le 4 février 2012 :

Contrairement à ce que dit lidéologie relativiste de gauche, pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas3.

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De son côté, Benoît XVI, évêque émérite de Rome nest pas moins critique. Dans un discours prononcé à loccasion de louverture du Congrès ecclésial diocésain dans la Basilique Saint Jean de Latran (6 juin 2005), on trouve la formule :

Aujourdhui, un obstacle extrêmement menaçant pour lœuvre déducation est constitué par la présence massive, dans notre société et notre culture, de ce relativisme qui, en ne reconnaissant rien comme définitif, ne laisse comme ultime mesure que son propre moi avec ses désirs, et sous lapparence de la liberté devient une prison pour chacun, séparant lun de lautre et réduisant chacun à se retrouver enfermé dans son propre « Moi4 ».

Ce qui est intéressant dans ces deux citations, cest quelles nemploient pas le terme « relativisme » (ou sa forme adjective) pour parler de la même chose.

Pour Claude Guéant, qui manifeste ici des prétentions plutôt inattendues en matière de civilisation comparée, le relativisme est une thèse politique, selon laquelle aucune civilisation ne pourrait prétendre être supérieure à une autre. Or, selon lui, il y a des civilisations objectivement supérieures à dautres ; il sagit dune supériorité axiologique et non, par exemple, dune supériorité économique ou technique. Il aurait précisé son propos en expliquant que les civilisations qui défendent lhumanité, la liberté, légalité et la fraternité sont plus avancées que celles où se rencontrent la tyrannie, la minorité des femmes et la haine sociale ou ethnique. Le relativisme apparaît alors comme une sorte de cécité axiologique, rendant celui qui en est victime incapable de discerner les civilisations en fonction de leur valeur et de leurs avancées.

Pour lancien Pontife, le relativisme est laffirmation par lindividu dune souveraineté totale, ne reconnaissant que lautorité dun moi pétri de désirs et justifiant cette prétention dun définitif : « rien nest définitif ». Leffet de ce relativisme-là est une insularité radicale de lego, incapable de comprendre le sens même dun engagement collectif. Ce nest sans doute pas sans intention que létudiant en philosophie à luniversité de Munich qua été Josef Alois Ratzinger fait du relativisme la doctrine selon laquelle cest le moi qui devient la mesure ultime. En effet, il sagit pratiquement dune citation de Stirner : « … on affirmera

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maintenant que ce nest pas lhomme mais le Moi qui est la mesure de toute chose » écrit le jeune hégélien pour présenter de façon concise les conséquences pratiques attachées au renversement de la manière de voir habituelle5.

Ces deux exemples révèlent que le terme « relativisme » est polysémique, cest-à-dire susceptible de multiples usages. Pour certains, il est synonyme déclectisme frileux : le relativisme voit dans les pratiques et les institutions les plus inacceptables le simple indice de la diversité des civilisations. Pour dautres, il est synonyme de nihilisme : livré au chaos de ses propres pulsions, le relativiste ne va jamais au-delà de larbitraire et du caprice, il est incapable de prendre quoi que ce soit au sérieux, à commencer par son propre corps sur lequel il se livre à toutes sortes dexpériences que lauthentique morale réprouve. Bref, le relativisme éthico-politique serait une forme extrême de scepticisme, cest-à-dire ici dindifférence à la vérité axiologique ou dimpuissance à la rechercher. Mais il semble que ceux qui avancent ce genre de critiques confondent deux thèses bien différentes, dont lune seulement présente quelque analogie avec une interprétation du relativisme philosophiquement intéressante.

Il y a dune part la thèse libérale classique selon laquelle lindividu doit pouvoir agir selon ses propres conceptions du bien et de la vie bonne, quand bien même les choix quil opérerait sur cette base lui seraient dommageables. Il y a dautre part la thèse selon laquelle toutes les perspectives et tous les choix sont équivalents. Il est très vraisemblable quen donnant une forme dramatique et spectaculaire à la thèse selon laquelle rien nest vrai et tout se vaut, généreusement attribuée à des adversaires plus ou moins fictifs, nos autorités visent en réalité la première. Mais la thèse libérale classique nest en aucune façon une thèse relativiste au sens où elle poserait que tous les choix sont équivalents. Il suffit pour cela de la reconduire à celui qui la formulée avec le plus de netteté, à savoir John Stuart Mill. Dans On Liberty (1859), Mill se propose de traiter de la liberté civile ou sociale, par quoi il entend les limites au pouvoir qui peut être légitimement exercé par la société sur lindividu. Il écrit :

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La seule fin en vue de laquelle les hommes sont légitimés, individuellement ou collectivement, à interférer avec la liberté daction de lun des leurs est lautoprotection6.

Il suit de ce principe que seules sont légitimes les restrictions à la liberté daction portant sur des actes qui constituent une menace pour autrui. Bien entendu, ce principe a besoin dêtre précisé et nuancé, mais Mill est clair : seul le dommage à autrui (harm to others) justifie quon limite par la contrainte la liberté daction dun individu (supposé jouir de la plénitude de ses facultés). On ne peut pas sautoriser pour cela de considérations liées au bien de cet individu ; on ne peut pas non plus faire valoir que ses actes constitueraient une offense pour les autres. Le principal argument avancé par Mill pour défendre ce principe est que « lhumanité gagne plus à supporter que chacun vive comme il lui semble bon quà contraindre chacun à vivre comme il semble bon aux autres7 ». Cest, bien sûr, un argument conséquentialiste ; mais il na rien de relativiste, pas plus que le principe lui-même quil justifie. J. S. Mill a souligné, en effet, quelques lignes auparavant, un point de méthode décisif :

Il convient de dire que je renonce à tout avantage que je pourrai tirer pour mon argumentation de lidée dun droit abstrait, indépendant de lutilité. Je considère lutilité comme lultime recours pour les questions éthiques8.

Bien loin de dire que tous les principes se valent, quil est impossible de départager entre les prétentions des uns et des autres et de conclure par un « Tout est égal » désabusé, Mill affirme au contraire quil existe un recours ultime en matière déthique et quil sagit du principe dutilité. On peut, bien entendu, contester la pertinence de ce principe, ce que les adversaires de lutilitarisme nont pas manqué de faire ; mais on a du mal à comprendre pourquoi et comment une telle position serait exposée, à tout moment, au relativisme. Il semble bien, par conséquent, que les autorités politiques et religieuses auxquelles il vient dêtre fait allusion soient surtout offusquées par un volet du programme libéral

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qui les choque tout particulièrement. Mill écrit aussi, en effet : « Sur lui-même, sur son corps et sur son esprit, lindividu est souverain9 ». Cette souveraineté de lindividu réputé capable de se déterminer indépendamment des conseils ou des injonctions dautrui est difficile à supporter pour ceux qui sestiment dépositaires dune autorité supérieure ; cest donc sans surprise quon les voit interpréter lénoncé : « Lhumanité gagne plus à supporter que chacun vive comme il lui semble bon quà contraindre chacun à vivre comme il semble bon aux autres » comme sil signifiait : « Les multiples façons dont les individus mènent leur vie sont équivalentes entre elles et il est impossible de prétendre à la vérité en cette affaire10 ». Si le relativisme nest pas la thèse selon laquelle lindividu doit être tenu pour souverain dans ses choix, dès lors quils ne causent pas de dommages à autrui, quest-il alors ?

Relativisme philosophique

Nous sommes ici devant un paradoxe. Dune part, très peu de philosophes se réclament explicitement du relativisme, surtout du relativisme éthique11. En même temps, on pourrait dire, selon la formule consacrée,

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que le relativisme est légion, tant il semble en exister de variantes et de moutures. Je mexplique : si quelquun dit que la saveur des aliments nest pas un absolu mais quelle est relative à la stimulation des récepteurs de la langue, il distingue deux choses12, lobjet et le contexte de la relativisation. Déterminer ce quest lobjet de la relativisation, cest répondre à la question : « Quest-ce qui est relativisé ? » ; ici, il sagit de la saveur des aliments. Déterminer ce quest le contexte de la relativisation, cest répondre à la question : « À quoi ce qui est relativisé est-il relatif ? » ; ici, cest à la stimulation des récepteurs de la langue. S. Haack a proposé un tableau des relativisations à partir des objets et du contexte de leur relativisation13 :

(1) La signification est relative au (a) langage.

(2) La référence est relative aux (b) schèmes conceptuels.

(3) La vérité est relative à la (c) théorie.

(4) Lengagement métaphysique est relatif au (d) paradigme scientifique.

(5) Lontologie est relative à la (e) version ou à la description ou à la représentation.

(6) La réalité est relative à la (f) culture.

(7) Les valeurs épistémiques sont relatives à la (g) communauté.

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(8) Les valeurs morales sont relatives à l(h) individu.

(9) Les valeurs esthétiques sont relatives aux (i) périodes historiques.

Ainsi, la question de savoir ce qui fait partie dune action et ce qui fait partie de ses conséquences (question ontologique) est relative à la description que lon en donne ou à la représentation que lon sen fait14. On a reproché à ce tableau dêtre trop complexe, dans sa volonté dexhaustivité, tout en étant inadéquat par son incapacité à saisir la complexité des usages15. Ainsi, la distinction entre langage, théorie et schème conceptuel peut sembler artificielle et certains philosophes, comme Quine, la récuseraient. Symétriquement, les valeurs esthétiques peuvent être considérées comme relatives non seulement aux individus, mais encore aux cultures, aux langages, aux communautés et aux époques historiques. Cest pourquoi N. Baghramian propose de retenir seulement trois familles de relativisme selon quil est question des normes cognitives, morales ou esthétiques16. Nous nous intéresserons ici seulement au relativisme éthique. Il trouve probablement son origine dans lexpérience parfois sidérante de la rencontre avec des croyances et des pratiques morales radicalement différentes de celles que lon tient pour allant de soi. Dans son Enquête (III, 38), Hérodote met en scène des Grecs et des Indiens, les Callaties, à la cour de Darius, lEmpereur de Perse. Par une construction en miroir de lanecdote, les uns se retrouvent être les Barbares des autres à propos des rituels funéraires pratiqués dans leur pays (les Grecs brûlent les cadavres de leurs parents, les Callaties les mangent : tous sont horrifiés dapprendre les us et coutumes des autres). Hérodote ne distingue pas clairement entre relativisme éthique et relativisme culturel. Mais la morale quil semble tirer de cette anecdote est assez claire : chacun tient plus que tout à ses coutumes. Une autre conséquence en est souvent tirée : nul ne doit juger et, spécialement, déprécier des pratiques morales qui ne sont pas les siennes.

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La justification du relativisme en ce sens consiste à alléguer, dune part la diversité et lincommensurabilité des codes ou des systèmes moraux ; dautre part limpossibilité de départager en termes autres quarbitraires les prétentions des uns et des autres à valoir universellement. Mais il existe un autre niveau du relativisme éthique, qui porte cette fois ci sur la sémantique des jugements moraux et sur leur aptitude à la vérité. Ici, un énoncé comme :

(1) Il est moralement condamnable de brûler des cadavres humains

est considéré comme radicalement incomplet et inintelligible. En revanche, si (1) est modifié de la façon suivante :

(2) Pour des Callaties du vie siècle avant J. C., il est moralement condamnable de brûler des cadavres humains,

il devient un énoncé parfaitement respectable : complet, intelligible et vrai de surcroît (à supposer que les Callaties mis en scène par Hérodote soient représentatifs des Callaties de cette époque, ou du moins de la majorité dentre eux). Un relativiste estime que les jugements moraux complètement décontextualisés, comme lest (1), ne sont tout simplement pas susceptibles dêtre vrais ou faux, leur sens étant indéfini. Mais si on se donne la peine de les mettre en contexte, comme en (2), la situation change du tout au tout.

Ces analyses mettent en évidence une différence cruciale entre le relativiste et le scepticisme moraux. Dans son étude « Moral Skepticism and Justification17 », W. Sinnott-Armstrong distingue diverses sortes de scepticisme. Très classiquement, il estime que le scepticisme moral est une mise en cause des prétentions de la raison en éthique. Le scepticisme pratique met en cause le fait quil existe toujours de bonnes raisons dagir moralement (la question : « Pourquoi être moral ? » nest donc pas toujours susceptible de recevoir une réponse rationnelle). Une version du scepticisme épistémique met en cause la justification en matière de croyance morale ; une autre version du scepticisme épistémique met en

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cause la vérité des croyances morales (On ne peut pas répondre rationnellement aux questions : « Est-on capable de justifier une croyance morale ? » et « Une croyance morale est-elle susceptible dêtre vraie ? »). Le scepticisme linguistique, autrement nommé : « non-cognitivisme », met en cause la capacité des énoncés moraux à être vrais ou faux, au motif quils expriment les états mentaux de celui qui les affirme18. Enfin, le scepticisme ontologique dénie lexistence de faits moraux ou de propriétés morales19. Dans la mesure où un relativiste soutient que les jugements moraux sont susceptibles, sous certaines conditions de spécification du contexte, dêtre vrais ou faux, le relativisme éthique se distingue donc très nettement du scepticisme éthique. Dans ces conditions, on ne peut pas tenir le relativisme pour la forme radicale du scepticisme : ce sont deux modes différents du rapport à la vérité20.

Relativisme en politique :
lobjection dEngelhardt

Une position typiquement sceptique consiste donc en laffirmation selon laquelle on nest jamais capable de parvenir à justifier une croyance morale substantielle, quelle quelle soit ; une position typiquement relativiste consiste en laffirmation selon laquelle il existe une pluralité de croyances morales substantielles justifiables, mais dont la justification, nest ni absolue, ni universelle, ni objective. Le relativisme est donc

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directement confronté à un problème politique : comment parvenir à faire « coexister » des croyances et des pratiques morales tout aussi (peu) justifiées les unes que les autres ?

Si lon admet, ce qui semble raisonnable, que les croyances et les pratiques ne flottent pas au-dessus des sociétés mais deviennent effectives dans les communautés qui les mettent en œuvre, on a exactement affaire au problème auquel fait face le philosophe et bioéthicien américain contemporain H. T. Engelhardt, Jr. Né en 1941, cest un philosophe (Ph. D. de philosophie, 1969) et un docteur en médecine (M. D., 1972). Il est institutionnellement rattaché à la Rice University (Houston, Texas). Son livre majeur : The Foundations of Bioethics, date de 1986. En 1991, Engelhardt sest converti au christianisme orthodoxe (il était initialement catholique). Pour autant, The Foundations of Biethics de 1986 ne reflète pas du tout, on va le voir, la doctrine officielle de Rome21.

La question posée par Engelhardt est la suivante : dans des sociétés laïques, cest-à-dire sécularisées et pluralistes, peut-il exister une autorité en morale à laquelle on se référerait pour élaborer les institutions et les pratiques dune bioéthique générale ? Pour la comprendre, il est important de relever que les sociétés en question sont des sociétés daprès les Lumières, ou mieux, daprès léchec des Lumières. Cest A. McIntyre22 qui semble avoir guidé Engelhardt dans cette affaire. McIntyre estime que léchec des Lumières en éthique est dabord léchec de la tentative pour justifier de façon rationnelle la morale (morality) comprise comme une sphère où des règles de conduite qui ne sont ni théologiques, ni juridiques, ni esthétiques, se voient reconnaître un espace culturel propre23 . En quoi léchec de cette tentative consiste-t-il exactement ? Selon MacIntyre, les philosophes de lAntiquité et du Moyen-Âge ont une conception de la nature humaine telle quil est possible de distinguer

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nettement entre lêtre humain comme il est en fait et lêtre humain comme il pourrait être sil développait son télos. Dans ces conditions, léthique est « la science qui met les hommes en état de comprendre comment ils opèrent la transition du premier état au second24 ». Mais la sécularisation de la théologie et le rejet de laristotélisme ont conduit à labandon de la notion de lhomme tel quil pourrait être sil réalisait son télos. Restent donc aux penseurs des Lumières un ensemble dinjonctions et de préceptes dune part, et la notion de lhomme tel quil est dautre part. Cela revient à dire que la relation est perdue entre les préceptes de la morale et le fait de la nature humaine : en réalité, la situation des penseurs des Lumières est inextricable parce quils nont jamais été capables de reconstituer, sur des bases simplement rationnelles, la dimension normative du concept de nature humaine. Transposée en termes sociaux et politiques, cette situation malheureuse sénonce ainsi : est-il possible dans les sociétés laïques et pluralistes de déterminer une perspective morale qui soit correcte et que des individus ou des institutions puissent légitimement mettre en œuvre ? Une autre façon de poser cette question consiste à demander ce qui peut légitimer lautorité morale dune instance susceptible, parmi ses multiples attributions, de mettre en œuvre une politique de Santé. La difficulté majeure consiste en ceci quil sagit de sociétés où lon va rencontrer de multiples conceptions de la vie bonne quil est, prima facie, impossible de départager. Il en est ainsi parce que les systèmes éthiques renvoient à des visions du monde qui restent incommensurables, en labsence dune conception unique de la nature humaine permettant darbitrer entre les prétentions diverses en provenance de ces conceptions du monde.

Voici comment notre auteur va tenter de résoudre la difficulté25 : sans mettre en cause lidée que léthique relève, en un sens, du for intérieur, il lenvisage également comme une entreprise permettant de résoudre les différents ou les controverses26. Après avoir examiné et rejeté différentes possibilités (résolution par la force, conversion au point de vue de lautre, administration de la preuve par une démonstration concluante), il conclut

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que le seul mode de résolution des conflits éthiques recevable dans une société laïque et pluraliste dont les membres veulent coexister de façon pacifique est ladoption de procédures admises par toutes les parties, à la suite de négociations excluant le recours à la violence. Quelles sont les conditions de possibilité dune telle résolution ? La principale est le respect de la liberté de ceux qui sont parties prenantes dans une telle entreprise. Loriginalité de sa thèse consiste en ceci que « le respect de la liberté des individus est une contrainte pesant sur la politique publique à titre de condition de possibilité de lautorité morale (mais pas nécessairement une valeur que lon recherche, en ce sens que les individus peuvent, sans incohérence, décider librement de ne pas donner beaucoup de valeur à la liberté)27 ». Il y a, évidemment, quelque chose de kantien à poser la question transcendantale : « Quelles sont les conditions de possibilité de la résolution pacifique des conflits en éthique ? ». Mais Engelhardt cesse dêtre kantien lorsquil parle de lautonomie : dans une perspective kantienne, lagent nest pas libre de choisir dagir de telle façon quil naffirme pas, en même temps, lautonomie comme une valeur et, en réalité, comme la valeur qui lui est inhérente et constitue sa dignité. Chez Engelhardt on peut penser lautonomie sans lui donner de contenu déterminé ; comme lautonomie nest pas une valeur qui doit être constamment réaffirmée mais une simple contrainte pesant sur les individus et sur les institutions, sitôt que ceux-ci empiètent sur la liberté des autres contre leur consentement ou même seulement en labsence de leur consentement, ils perdent toute légitimité morale, quelle que soit par ailleurs la nature des motifs (altruistes, charitables, chevaleresques) qui les poussent à agir de la sorte. Ce nest, bien entendu, pas du relativisme : il existe, en effet, un point de vue à partir duquel il est possible dévaluer le caractère immoral dun acte, dune pratique ou dune institution. Il est vrai quil sagit dun principe ultra-minimal, en deçà duquel on ne peut même plus parler déthique. Mais dès lors quon a affaire à lusage de la violence contre un innocent qui ny a pas consenti, cet usage doit être absolument, objectivement et universellement tenu pour digne dêtre condamné.

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Conclusion

Pour Engelhardt, si lon admet que les controverses éthiques peuvent se régler pacifiquement, on doit admettre le principe dautonomie28 selon lequel la liberté des personnes doit être respectée. Cest lui qui assure la cohérence minimale de la morale comme pratique ; il est toujours possible de sen affranchir. Mais qui sen affranchit ninstitue pas une nouvelle pratique, aussi recevable et estimable que nimporte quelle autre, comme serait forcé dadmettre un relativiste : il se place en dehors de la sphère de la moralité et, concrètement, sexpose à des représailles légitimes de la part de ceux qui sinscrivent dans cette sphère. En revanche, tout ce qui va au-delà de ce principe dépend dune conception particulière de la vie bonne et ne peut prévaloir que dans une communauté qui a adopté cette conception : cest ce quexprime le principe de « bienfaisance » (principle of beneficence) qui nest plus un principe pour des étrangers moraux, mais pour des proches et vise à donner un contenu concret à la vie morale. Contrairement à ce que des lecteurs superficiels dEngelhardt comprennent parfois, les deux principes sont complémentaires plutôt quincompatibles, même si cette complémentarité est difficile et, potentiellement, conflictuelle. Engelhardt indique de façon particulièrement nette en quoi sa position nest pas relativiste :

Mettre les personnes au centre de la vie morale nest pas la même chose quy mettre une personne, ou un groupe déterminé de personnes. Cest ceci et non cela qui constitue un authentique relativisme moral29.

Léthique dEngelhardt est une éthique des personnes, définies comme les agents moraux susceptibles des performances minimales suivantes : accès à la conscience de soi, mise en œuvre de la raison, capacité dattacher de limportance à léloge et au blâme. On ne peut parler de personne au sens strict que là où ces capacités sont effectivement mobilisées, Engelhardt défend donc une conception personniste plutôt que personnaliste30. Il

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attribue aux personnes, dans la plus pure tradition libérale, le maximum de liberté compatible avec le respect de la liberté des autres personnes, cest-à-dire, en réalité, la souveraineté dont parlait Mill. Mais il se trouve à la peine pour élaborer une éthique envers les êtres, humains ou autres, qui ne sont pas, ou plus, ou pas encore, des personnes.

Laissons maintenant de côté Engelhardt. Il semble que, comme toujours et nonobstant la popularité dont jouissent les thèses lévinassiennes qui semblent affirmer le contraire, les questions éthiques ne soient pas premières. Elles sont, à tout le moins, précédées par des questions conceptuelles. Jai relevé, en introduisant cette réflexion, certaines confusions, les unes grossières (entre conséquentialisme et relativisme) les autres plus subtiles (entre éclectisme ou nihilisme et relativisme). Elles semblent découler du fait que lon raisonne en termes de tout ou rien : ou bien les valeurs et les normes simposent delles-mêmes, absolument ou universellement, où bien elles sont laissées au caprice et à larbitraire. Mais il semble quune telle opposition soit bien pataude et peu apte à saisir la complexité des situations effectives. En amont, est donc requise une entreprise de clarification conceptuelle.

Jean-Yves Goffi

Université Grenoble Alpes, Philosophie, langages & cognition / EA 3699

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Wong, D. B., Moral Relativity, Berkeley-Los Angeles-Londres, University of California Press, 1984.

1 Allocutions politiques, discours pontificaux, journalisme dopinion, etc.

2 Dans Choisir sa mort. Les débats sur leuthanasie, Paris, PUF, « Partage du savoir », 2012, p. 118, E. Fourneret semble considérer que le relativisme est une conséquence structurelle du conséquentialisme. Mais cest une affirmation qui semble très difficile à justifier et même à comprendre. Il est vrai que certains partisans du conséquentialisme ont récemment proposé une version relative à lagent de cette théorie normative. Mais une théorie est neutre quant à lagent lorsquelle attribue le même but (ou le même ensemble de buts) à tout agent moral ; elle est relative à lagent dans le cas contraire. Cest, évidemment, tout à fait autre chose que du relativisme ! Lorsque Kant, qui nest pas franchement connu pour ses sympathies relativistes, formule limpératif : « Tu dois tenir tes promesses », il opte pour une théorie relative à lagent. Puisque les promesses de lun ne sont pas les promesses de lautre, chaque agent moral a des buts différents. En revanche, le commandement : « Maximise le solde net du plaisir sur les peines » est bien neutre quant à lagent, puisquil ne contient pas de termes indexiques, renvoyant à quelquun en particulier. Bien entendu, les moyens par lesquels ce but sera réalisé sont une fonction de la position et des capacités de chaque agent ; mais si cest du relativisme, cest en un sens tout à fait inoffensif. Cest la platitude selon laquelle le caractère correct ou incorrect dune action donnée dépend de faits relatifs aux circonstances dans lesquelles se trouve placé lagent (il est mal pour un champion de natation qui assiste par hasard à une noyade de ne pas intervenir ; mais ce nest pas condamnable pour un infirme en fauteuil roulant). Sur la tentative de donner un tour relatif à lagent au conséquentialisme, traditionnellement neutre quant à lagent, larticle le plus connu est celui de D. Portmore, « Can an Act-Consequentialist Theory be Agent-Relative ? », in American Philosophical Quaterly, 2001, 38 (4) : 363-377.

3 http://www.lanouvelletribune.info/index.php/actualite/etranger/10027--toutes-les-civilisations-ne-se-valent-pas--cest-gueant-qui-le-dit. Consulté le 04 septembre 2013.

4 http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/speeches/2005/june/documents/hf_ben-xvi_spe_20050606_convegno-famiglia_fr.html. Consulté le 04 septembre 2013.

5 M. Stirner, Œuvres complètes. Lunique et sa propriété et autres écrits, trad. fr P. Gallissaire et A. Sauge, Lausanne, LÂge dhomme, 1972, p. 384. Le renversement dont il est question consiste en ceci quest censée être adoptée une pensée absolument sans présupposition.

6 J. S. Mill, On Liberty (edited by David Spitz), New York / Londres, W. W. Norton & Company, 1975, p. 10. Je traduis.

7 Ibid., p. 14.

8 Ibid., p. 12.

9 Ibid., p. 11.

10 Il va de soi quil sagit ici du libéralisme politique, la question du libéralisme économique relevant de considérations différentes. Les réserves de lÉglise Catholique Romaine envers le libéralisme économique sont exprimées, comme chacun sait, dans les Encycliques Rerum Novarum (15 mai 1891) et Quadragesimo Anno (15 mai 1931). Mais elles sinscrivent dans une longue tradition de contestation de la modernité libérale, inaugurée par lEncyclique Mirari Vos (15 août 1832) de Grégoire XVI. On pense, notamment aux Encycliques Qui Pluribus (9 septemebre 1846) et Nostis et Nobiscum (8 décembre 1849) de Pie IX. À un degré moins élevé de la hiérarchie catholique, les textes pullulent ; on pense notamment à lopuscule de Don Felix Sardá y Salvany, El liberalismo es pecado, écrit en 1884 et encore couramment réédité. Ce prêtre catalan fait du libéralisme une nouvelle hérésie dont les principes sont : la souveraineté absolue entièrement indépendante de Dieu et de son autorité (la absoluta soberananía con entera independencia de Dios y de su autoridad), El Liberalismo es Pecado, Barcelona, Libreria y Tipografia Catolica, 1887, p. 14) de lindividu, des sociétés et des peuples ainsi que la liberté sans aucun frein, ni en politique, ni en morale, ni en religion. Don Felix Sardá y Salvany a parfaitement identifié ce qui fait la différence entre ses amis et ses ennemis : la localisation de la souveraineté.

11 On mentionnera deux exceptions notables : G. Harman, The Nature of Morality, New York, Oxford University Press, 1977, « Moral relativism », in Gilbert Harman & Judith Jarvis Thomson, Moral Relativism and Moral Objectivity, Cambridge (MA.) – Oxford (UK), Blackwell, 1996, p. 3-64 et D. B. Wong, Moral Relativity, Berkeley-Los Angeles-Londres, University of California Press, 1984. Ces deux auteurs défendent une forme sophistiquée de relativisme. G. Harman estime que le relativisme est le mieux à même dexpliquer la nature et la portée de la diversité des morales (« Moral relativism », op. cit., p. 8) ; D. B. Wong estime quune certaine forme de relativisme est le mieux à même de réconcilier les éléments de lexpérience suggérant lobjectivité de la morale et ceux qui suggèrent sa subjectivité (Moral Relativity, p. 5). Il est intéressant de noter que D. Wong qui, comme son nom lindique, est dorigine chinoise, organise la diversité des morales autour de deux pôles : celui des éthiques centrées sur les droits, essentiellement modernes et occidentales, et celui des éthiques centrées sur les vertus, essentiellement anciennes ou orientales, confucéenne en particulier.

12 Dans ce qui suit, je minspire des analyses de M. Baghramian dans Relativism, Londres-New York, Routledge, 2004, p. 5 sq. Il sagit dune superbe introduction à la question du relativisme ; on doit aussi mentionner d A. Coliva, lexcellent I modi del relativismo, Rome-Bari, Laterza, 2009.

13 S. Haack, « Reflections on Relativism : From Momentous Tautology to Seductive Contradiction » in J. E. Tomberlin (ed.), Philosophical Perspectives, 10, Metaphysics, 1996, p. 297-315. En réalité, S. Haack laisse (9) sans corrélat du côté de son contexte de relativisation : cest M. Baghramian qui a créé une rubrique (i), « périodes historiques ». Mais cette création est plausible. À ma connaissance, elle na jamais été démentie par lintéressée.

14 Cette question dontologie a dimportantes retombées éthiques, comme on voit avec le débat sur le principe (ou la règle) des actions à double effet : plus on intègre de conséquences prévisibles de laction dans la description de celle-ci, moins le principe (ou la règle) est plausible.

15 M. Baghramian, op. cit., p. 6.

16 En fait, elle subdivise le relativisme cognitif selon quil porte sur les normes du vrai, de la rationalité, du raisonnement, de la justification, de lontologie, des concepts, des théories, etc.

17 « Moral Skepticism and Justification » in Moral Knowledge. New Readings in Moral Epistemology, W. Sinnott-Armstrong & M. Timmons (eds), New York-Oxford, Oxford University Press, 1996, p. 3-48.

18 Pour une interprétation différente de lexpressivisme, voir Mark Schroeder, Noncognitivism in Ethics, Londres & New York, Routledge, 2010, en particulier le chap. iv.

19 Si lon adopte une telle position, il sensuit que tous les énoncés qui prétendent « dire » ces propriétés morales (en les décrivant, par exemple) sont faux. Cest la fameuse théorie de lerreur de J. L. Mackie, Ethics. Inventing Right and Wrong, Harmonsdworth, Penguin Books, 1977. Le scepticisme linguistique et le scepticisme ontologique débouchent, normalement, sur une forme de scepticisme épistémique.

20 En revanche, on peut remarquer que, classiquement, le mode du relatif est un moment de la démarche sceptique, comme dans les Esquisses pyrhonniennes ; J. L. Mackie, dont il vient dêtre question, écrit, par exemple : « Les considérations qui vont dans le sens du scepticisme moral sont : premièrement, la relativité (relativity) ou la variabilité de certains points de départ essentiels de la pensée morale et ce qui apparaît comme leur dépendance par rapport aux façons de vivre effectives » (Ethics. Inventing Right and Wrong, op. cit., p. 49, je traduis).

21 The Foundations of Bioethics, New York-Oxford, OUP, 1986. La seconde édition de The Foundations of Biethics se fait lécho du changement que je viens dévoquer ; cependant, sa perspective est encore celle dune bioéthique laïque. En revanche, The Foundations of Christian Bioethics, Lisse, Swets & Zeitlinger, 2000, sattache à mettre en évidence les fondements dune bioéthique chrétienne et à en préciser les frontières dans une culture postchrétienne.

22 Dont louvrage After Virtue est cité à deux reprises avec éloge dans The Fondations of Bioethics, op. cit., p. 3-4 et surtout p. 63.

23 After Virtue. A Study in Moral Philosophy, Londres, Duckworth, 1981(2 nd ed.), p. 39. Engelhardt cite MacIntyre daprès le texte de la première édition ; il ne reprend dailleurs pas ce passage.

24 After Virtue, op. cit., p. 52. Je traduis.

25 Dont il dit tout de même quelle conduit au bord du nihilisme.

26 À peu près à lépoque où il a publié The Foundations of Bioethics, il a co-dirigé et préfacé Scientific Controversies. Case Studies in the Resolution and Closures of Disputes in Science and Technology, H. T. Engelhardt, Jr. & Arthur L. Caplan (eds), New York-Cambridge, CUP, 1987.

27 The Foundations of Bioethics, op. cit., p. 45.

28 Rebaptisé « principe de permission » dans la seconde édition de The Foundations of Bioethics.

29 Foundations of Bioethics, op. cit., p. 386.

30 À propos de la différence entre les deux interprétations de la personne, je me permets de renvoyer à mon étude, « Personne, personnalisme, personnisme » in R. Mache (dir.) La personne dans les sociétés techniques, Paris, LHarmattan, 2007, p. 13-41.