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Classiques Garnier

Actualité de Leo Strauss

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Éthique, politique, religions
    2012, n° 1
    . Le prisme du totalitarisme
  • Auteur : Oulahbib (Lucien)
  • Résumé : Leo Strauss avait une conscience si aiguë des limites du libéralisme moderne (par exemple son scientisme) qu’il avait souhaité le ressourcer dialectiquement au libéralisme antique ; ce qui l’a amené à constater que la notion de politique ne se limite pas à la polis, mais peut être étendue à la notion de politeia dans le sens de partage d’un destin commun ; mais jusqu’à quel point ? Ainsi la notion de régime politique n’est pas uniquement saisi dans le sens juridique, mais aussi comme mode de vie qui ne se veut cependant pas total. L’objet final de la philosophie étant pour Strauss de saisir la vérité de la présence humaine sur Terre et non pas de l’imposer.
  • Pages : 75 à 86
  • Revue : Éthique, politique, religions
  • Thème CLIL : 3133 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie contemporaine
  • EAN : 9782812408823
  • ISBN : 978-2-8124-0882-3
  • ISSN : 2271-7234
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-0882-3.p.0075
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 21/02/2013
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : fascisme, politeia, scientisme, générosité, vérité
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Actualité de Leo Strauss

Un spectre hante les études straussiennes depuis quelques années : ce penseur serait tout à la fois conservateur, néo-conservateur, élitiste1, voire fasciste2. Parce qu’il n’a pas, d’une part, remis en cause mais constaté – tout comme Durkheim – la division sociale du travail au cœur de la stratification subdivisant peuple et élite, et que, d’autre part, il a prétendu réfuter, dès les années 30, la supériorité des Modernes sur les Anciens ; pis encore sur ce point, il considérait l’approche rationnelle de ces derniers bien plus conséquente que les premiers, puisqu’elle ne réduit pas celle-ci à la logique, même dialectisée par Hegel : ainsi l’être, au delà de la différence de ses apparitions, déjà perçue par Aristote, ne peut pas faire l’économie de la vérité de sa présence sur terre ; voilà la tâche de la philosophie digne de ce nom ; une « révélation » que sa possibilité de créer du réel en plus (l’Histoire) ne satisfait pas.

Comme il sera montré dans cet article, Strauss a préféré souligner cette césure dans la vérité entre logique et signification, en tentant de penser son aggravation par la dépolitisation ; au sens où la politique n’incarnerait plus la vérité de l’être (même historique), mais se manifesterait de façon interchangeable, de plus en plus produite tel un spectacle (entertainement), mettant dans ce cas à mal la notion de citoyenneté au sens pleinement républicain et donc ancien du terme : ce dernier, semble-t-il, et ce déjà chez Platon, pose en effet la question des « meilleurs », donc de l’élite, mais en tant que celle-ci l’affirme sur le terrain, elle le prouve en acte, et non pas par l’hérédité des positions acquises (il n’y a pas de sang bleu) ; ce qui légitime la distinction peuple/élite, cette « division en deux » qui hantait Marx (par exemple dans la 3e Thèse sur Feuerbach).

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Selon Leo Strauss, Carl Schmitt critiquait le « manque de sérieux » (without seriousness)3 du monde réduit à celui de la logique ; ce que Strauss nomme le positivisme, qu’il convient plutôt de traduire en français par scientisme, car le positivisme d’un Comte ne s’y réduit pas. Remarquons ensuite que lorsque Strauss prend en considération ce point schmittien, ce n’est pas parce qu’il serait sympathisant d’une quelconque pensée fasciste. Catherine Zuckert a répondu4 sur ce point, en soulignant qu’il ne faut pas confondre la pensée fasciste avec l’idée straussienne de pensée droite au sens de juste (rightful), que Strauss ressource en tentant de ressusciter le lien avec les Anciens, parce qu’il considère leur modèle rationnel d’explication supérieur aux Modernes. Dans cette lettre à Löwith, rappelée par Klaus Stichweh, Strauss récuse seulement le fait que la « nouvelle droite » germanique puisse appuyer son antisémitisme sur les « principes » impériaux : si ceux-ci étaient à ce point supérieurs, elle n’aurait pas besoin de s’abaisser à une telle haine contre les juifs. Il ne lui est pas plus possible de s’appuyer sur le libéralisme dit « moderne », non pas celui de Hobbes, Locke, et Rousseau, mais ce libéralisme scientiste, historiciste, en un mot wilsonien, qui peut être méprisé au vu de ses résultats médiocres, comme en témoigne la feu Société des Nations5. Autrement dit, Strauss conteste au nazisme allemand – auquel il n’a jamais appartenu (« ever », écrit Catherine Zuckert) – de légitimer son antisémitisme par le principe de grandeur impériale, une grandeur qui se mérite.

Par contre, il est vrai que Strauss a été sensible, comme tous les penseurs de sa génération, aux limites du libéralisme dit moderne, réduisant la question de la vérité à la volonté de puissance (cette forme fétiche de

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l’intérêt). C’est en ce sens qu’il veut, dialectiquement, le ressourcer par le libéralisme antique ; c’est en ce sens qu’il fait observer que la notion de politique ne se résume pas à celle de polis, mais inclut celle de politeia, au sens d’appartenance à une même communauté de destin : ou la notion de régime, au sens constitutif (et non pas seulement juridique) de l’Ancien Régime, comme le précise Claude Lefort6.

Mais si Strauss n’était pas fasciste, encore moins nazi, était-il tout de même « conservateur », au sens d’être enclin sur un plan plus politique à accepter comme un fait l’inégalité naturelle (Platon7) s’opposant à l’égalité posée comme condition même de l’état politique moderne et donc du droit afférent ? Par ailleurs, Strauss était-il « conservateur », au sens « néo » cette fois, en ce qu’il aurait affirmé agressivement cette inégalité et ce au niveau mondial, ou pris la défense de la domination de l’Empire (US) ? Il sera ici répondu par la négative aux deux questions, à la suite de bien d’autres il est vrai8 : si Strauss a bien en vue l’avènement d’une aristocratie, cela concerne seulement l’esprit ; et celle-ci est pensée chez lui non au sens d’une hérédité oligarque (comme l’écrit Thierry Ménissier, supra, note 1)9, mais au sens socratique du devoir être politique, qui élève la liberté des meilleurs10, et ce malgré leur milieu d’origine11. Voilà le droit naturel, ou la méritocratie, que la loi (ou la raison) doit protéger contre toutes les oligarchies. Cette distinction – qui n’est pas une séparation – entre droit et loi, ou nature et culture, dont la tension s’avère cependant n’être portée que par quelques-uns, est au centre de la pensée de Leo Strauss.

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Le geste straussien vise en effet à (s’)élever en cette distinction même, droit et loi ; et ce en symbiose avec les grands penseurs12, eux qui ont suivi le réel (real) chemin de la philosophie, à savoir chercher universellement le « bon par nature », et non par convention : non une nature originelle (essentialiste) qu’il s’agirait ensuite de représenter ou de cultiver, mais une nature, s’apparentant à une intelligence telle le noûs d’Anaxagore, qui élève l’humain selon la mise en valeur de ce qui s’avère objectivement ou morphologiquement « bon13 ». C’est ce qu’énonce Leo Strauss contre Carl Schmitt14 en s’appuyant sur Husserl15. Autrement dit, il s’agit de trouver en vérité, quel est le « bon » code16 permettant une telle mise en valeur, quelle est l’explication de ce qui est et doit être qui serait susceptible d’être « vraie17 » (et non seulement « exacte ») au-delà de son émergence historique18. Tel est pour Strauss le chemin de la philo

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sophie19, qu’il s’agit de conserver au sens de sa nécessité en vérité. Et ce chemin de la philosophie ne mène pas nulle part : sans quoi, comment repérer l’universalisation transhistorique de ce qui « est » bon, par delà la diversité des codes culturels ?

Il s’agit ainsi de partir du droit naturel, ou ce qui permet au meilleur de surgir au-delà des différences, pour aller vers la loi naturelle ou le devoir, c’est-à-dire la vertu20. Une telle démarche est pour Strauss la définition même de l’éducation libérale, au sens ancien de générosité (liberality21) puisqu’il s’agit de la partager ; une telle élévation s’oppose en effet pour Strauss à la massification de la culture qui tend à séparer (au lieu de seulement les différencier) élite et peuple22. Cette élévation s’appuie sur des valeurs « bonnes », distinctes en vérité de normes ou codes édifiés

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seulement par convention. Pourquoi ? Strauss considère, suivant ici le chemin husserlien, qu’il s’agit de dégager des valeurs universelles au-delà des codes culturels, afin de saisir le sens de la présence humaine en vérité. Et selon Strauss, la finalité de la philosophie comme « science rigoureuse » distincte de la psychologie (et partant également de la sociologie), pour reprendre ce concept husserlien qu’utilise précisément Leo Strauss dans son dernier livre et en son tout premier chapitre23, permet précisément de fonder le fait qu’il existe des bonnes valeurs au sens non seulement moral lié à la révélation (Jérusalem) mais aussi au sens universel du nécessaire (telle par exemple la fonction de la respiration pour Aristote) ; ce qui n’est pas éloigné de l’approche nietzschéenne, par exemple lorsque Nietzsche dit que « “Par-delà le bien et le mal” … ce qui du moins ne veut pas dire “Par-delà le bon et le mauvais”24 » ; Strauss discute d’ailleurs sur ce point précis avec Nietzsche dans son dernier livre25.

Cette distinction entre valeurs universelles et normes ou codes s’inscrit chez Strauss dans le conflit dialectique permanent (polémos) entre Jérusalem et Athènes (et non Jérusalem ou Athènes, Strauss l’indique aussi dans son dernier livre déjà cité26). Il s’agit de ce balancement structurellement permanent, qui doit être conservé comme un acquis, entre, d’une part, « la » révélation (Jérusalem), qui répond au besoin d’eschatologie incarnée de l’Être (qui n’est en rien oublié, comme le croit Heidegger), et, d’autre part, ce qui délimite téléologiquement en l’humanité même ce qui est « bon par nature » : c’est cette distinction que visait en premier lieu Husserl : à savoir, comme le précise également Pierre Manent27, ce soi différencié du je et du moi28. Et, pour Strauss, sa présence sur « l’arche

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Terre29 » fonde morphologiquement, c’est-à-dire universellement, le rapport aux valeurs (qu’il convient de distinguer des normes) en rendant nécessaire tant la liberté (natural right) que le devoir être (natural law).

Cette orientation explique alors pourquoi Strauss a estimé qu’il fallait plutôt poursuivre la voie tracée par Husserl que par Heidegger30. Pour Strauss, il n’y a pas, à la différence d’Heidegger, d’oubli « du sens de l’être31 » puisque la recherche du « bon » sens doit être mise perpétuellement sous tension entre ces deux finalités coextensives : Jérusalem et Athènes (chapitre 7 de son livre testamentaire, Studies in Platonic Political Philosophy). Strauss opère ainsi un double mouvement : il n’oublie pas ses propres racines eschatologiques singulières (Jérusalem) qui, précisément, permettent l’accès, différencié plutôt que fini, à l’universel téléologique et entéléchique trouvé par la philosophie (Athènes). En ce sens, ces racines ,

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ne l’y réduisent pas, pas plus, qu’elles ne se substituent à l’universel ; d’où le double dialogue que Strauss opère, systématiquement, dès Philosophy and Law (1935) avec Maimonide et ses prédécesseurs musulmans32, mais aussi avec Husserl, puisqu’il s’agit sans cesse de préciser ce que signifie le « bon » chez l’humain, ou le rapport même entre nature et culture qui ne satisfait pas d’être désigné seulement comme « construit » (ainsi par exemple, le langage est à la fois construit et en même temps nécessaire).

Ce double mouvement entre Jérusalem et Athènes s’effectue jusqu’à la fin de la vie de Strauss, puisqu’il l’inscrit dans son livre testamentaire. Et c’est là ce qu’il considère comme le vrai rationalisme, le rationalisme moderne étant dominé par l’historicisme (et le positivisme scientiste), c’est-à-dire en réalité le retour au sophisme33. Chez Strauss le rationalisme significatif est celui du dialogue entre Jérusalem et Athènes34 qui distingue sans les opposer systématiquement les divers objets intentionnels de signification ; cette position conservatoire se distingue du conservatisme d’un Burke dont l’anti-universalisme prépare, selon Strauss, l’avènement de l’historicisme, qui est le réel oubli du sens de l’être35.

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La philosophie comme science rigoureuse, ainsi que la tension permanente entre « Jérusalem et Athènes », nécessitent donc la « conservation » d’une éducation ouverte et généreuse des esprits (liberality) qui s’éloigne de toute pensée close. Aussi, l’une des indications les plus sûres pour caractériser le travail de Leo Strauss consistera à se reporter à son dernier ouvrage, qui eut son agrément de publication, écrit un an avant sa mort36. Joseph Cropsey, qui fut le plus proche collaborateur de Leo Strauss (il vient de mourir en juin 2012) relatait dans son avant-propos que Strauss avait demandé que les chapitres de ce livre, reprenant divers écrits déjà publiés et amendés, soient répertoriés selon un ordre précis, tout en prenant soin de garder à chaque fois le titre de chapitre qu’il avait choisi37. Que peuvent indiquer ces titres de chapitre et leur ordre38 ? Au moins ceci : lorsque Strauss commence son livre testamentaire par une discussion avec Husserl39, il veut, semble-t-il, à la fois inscrire sa démarche d’ensemble dans la dimension ontologique husserlienne délimitant la

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« vérité en soi40 » des significations et saisir celles-ci de façon juste au sens platonicien (rappelons le titre de ce livre testamentaire : Studies in Platonic Political Philosophy), à savoir au sens de stabilité, proportion et harmonie : « La justice doit inclure une connaissance d’un ordre supérieur » écrivait déjà Strauss dans La Cité et l’homme41 ; ainsi, malgré la singularité, la saisie s’effectue aussi au niveau humain ; et c’est précisément cette saisie spécifique, , qui est proprement philosophique pour un Husserl42 dont les analyses, aujourd’hui, ont repris un nouveau départ, par exemple chez le neurophysiologiste Alain Berthoz qui se réclame explicitement de lui43. Le fait que la saisie du flux ininterrompu des data ait une base subjective, ou dépendante d’un contexte historico-culturel donné, n’altère pas en soi son objectivation44 – Strauss dialoguera avec Eric Voegelin sur ce point45 – dès lors que la perception et son organisation se dotent de significations analysables sous divers modes de transitivité, qu’il s’agit de distinguer mais non de séparer. C’est ce que reprend à son compte Strauss en se situant entre Jérusalem et Athènes.

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Au final, la philosophie est rigoureuse pour Strauss en tant qu’elle s’occupe des problèmes permanents46 posés à l’humanité. Néanmoins, seule une minorité sera en mesure de les saisir dans toute l’ampleur requise ; non pas par choix politique inégalitaire, mais du fait que peu de personnes s’y intéressent en tant que préférence de vie dit Strauss dans Liberalism ancient and modern47. C’est un point qu’il s’agit ici d’éclaircir encore pour lever définitivement l’hypothèque du conservatisme au sens négatif, comme justification de l’inégalité sociale, qui constitue à notre sens une position aux antipodes de celle de Strauss.

Strauss énonce ainsi, dans le même ouvrage, qu’à l’époque des Anciens, être libéral signifiait être maître de soi (free man)48, et donc de son temps ; Strauss suggère qu’une telle liberté ne pouvait échoir, à l’origine, qu’à un gentilhomme de la terre, car celui-ci pouvait bénéficier de la division sociale du travail et donc déléguer – à la différence du marchand et de l’industriel aux outils récents – à des intendants sûrs ; à la différence cependant qu’il lui faut vivre en ville afin de gouverner avec ses pairs49. Strauss souligne aussi que l’activité des gentilshommes est éminemment sérieuse au sens où ils s’occupent des choses les plus importantes à savoir le bon régime de l’âme et de la cité50. Pour ce faire l’éducation consiste principalement dans la formation du goût et du caractère51. Les poètes sont les sources où l’on puise cette éducation52. Par ailleurs le gentilhomme devait acquérir selon Strauss certaines habilités pratiques, telle, en plus de la lecture et de l’écriture, celle de lancer le

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javelot53. Strauss souligne ensuite l’essentiel : un « gouvernement juste est un gouvernement qui gouverne dans l’intérêt de la société toute entière et non dans le seul intérêt d’une partie54 », ce qui implique que les gentilshommes, « sont par conséquent dans l’obligation de se montrer à eux-mêmes et de montrer aux autres que leur gouvernement est le meilleur pour tout le monde dans la cité ou pour la cité tout entière55 ». Et, comme si cette précision ne suffisait pas, Strauss ajoute : « la justice exige que des hommes égaux soient traités également, et il n’y a pas de raison autorisant à penser que les gentilshommes sont naturellement supérieurs au vulgaire56. » On peut donc lire aussi ce texte comme suit : pour Strauss il s’agit de promouvoir une éducation qui sache articuler un affinement de l’âme et de l’esprit. Ce qui implique pour Strauss d’avancer sur deux jambes : celle de la science philosophique à la recherche d’un « bon » saisi rigoureusement, et celle de l’herméneutique des œuvres, en particulier platoniciennes, tout en s’articulant à la révélation juive. Il s’agit ainsi de comprendre comment cette double dimension laisse parler en elle ce qui est juste au sens de ce que décèle, du point de vue cosmologique, la vérité à la fois révélée et harmonique de la présence humaine sur « l’arche-originaire Terre ».

Lucien Samir Oulahbib

Lyon 3, CLESID

1 Thierry Ménissier, « Leo Strauss, filiation néoconservatrice ou conservatisme philosophique ? », Revue française de science politique, 2009/5 (Vol. 59). Pages 873-893. Voir précisément le paragraphe 33.

2 Klaus Stichweh « Présentation », Cités 4/2001 (no 8), p. 173-227.

3 Heinrich Meier : Carl Schmitt and Leo Strauss, the Hidden Dialogue, USA, University of Chicago Press, 1995 (2006), p. 111.

4 Polish journal : Krakowskie Tudia Miedzynarodowe, no. 2 (VI), Krakow 2009, ed. Andrze Bryk, in honor of Harvey Mansfield, entitled : Leo Strauss : Fascist, Authoritarian, Imperialist ?

5 « The line in the letter that has provoked the most outrage is Strauss’s admonition to Loewith, following his recognition that they will all necessarily become exiles : “The fact that the new right-wing Germany does not tolerate us says nothing against the principles of the right. On the contrary : only from the principles of the right, that is, from fascist, authoritarian and imperial principles, is it possible with seemliness, that is, without resort to the ludicrous and despicable appeal to the droits imprescriptibles de l’homme to protest against the shabby abomination.” » (Ibid.).

6 Essais sur le politique, Paris, Le Seuil, 1986, p. 9.

7 République, III, 415a-416a, trad. R. Baccou, Paris, GF-Flammarion, 1966, p. 167.

8 Catherine et Michael Zuckert, Introduction, p. 8-20, dans The Truth about Leo Strauss, Chicago, The University of Chicago Press, 2006. Michael Zuckert, Straussians, p. 263 sq. in The Cambridge Compagnion to Leo Strauss ed. by Steven B. Smith, Cambridge University Press 2009. Thomas L. Pangle, Leo Strauss, An introduction to his Thought and Intellectual Legacy, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 2006, p. 131, no 2. Francis Fukuyama, D’où viennent les néo-conservateurs ? Paris, éditions Grasset, 2006, p. 21 sq. Pierre Manent, Le Regard politique, Paris, éditions Flammarion, 2010, p. 56-64.

9 Leo Strauss, Liberalism ancient & modern Chicago, The University of Chicago Press edition, 1995 (1ère éd. 1968), p. 21 : « The existing aristocraties proved to be oligarchies, rather than aristocraties. In other words, it became increasingly easy to argue from the premise that natural inequality has very little to do with social inequality ».

10 République III, 412a-413a.

11 Ibid., 415a-416a.

12 « A hundred pages – no, ten pages – of Herodotus introduce us immeasurably better into the mysterious unity of oneness and variety in human things than many volumes written in the spirit predominant in our age. […] we cannot forget the obvious fact that giving freedom to all, democracy also gives freedom to those who care for human excellence » (Leo Strauss, Liberalism ancient & modern, p. 23 et p. 24).

13 « […] The primeval identification of the good with the ancestral is replaced by the fundamental distinctions between the good and the ancestral ; the quest for the right way or for the first things is the quest for the good as distinguished from the ancestral [note 7 : Plato Republic 538 d 3-4 and e 5-6 ; Statesman 296 e 8-9 ; Laws 702 c 5-8 ; Xenophon Cyropaedia ii.2.26 ; Aristotle Politics 1269 a 3-8, 1271 b 23-24). It will prove to be the quest for what is good by nature as distinguished from what is good merely by convention. » in Natural right and history, p. 86 (p. 88, pour la version française, Droit naturel et histoire, Paris, éditions Champs-Flammarion, 1986).

14 « […] culture is always the culture of nature. This expression means, primarily, that culture develops the natural predispositions ; it is the careful nurture of nature – whether of the soil or of the human spirit makes no difference ; it thus obeys the orders that nature itself gives. […] Whether culture is understood as the nurture of nature or as a fight with nature depends on how nature is understood : as exemplary order or as disorder to be eliminated. But however culture is understood, “culture” is certainly the culture of nature. […] One can therefore say : the foundation of culture is the status naturalis » (Leo Strauss, Notes on the concept of the political (1932) in Heinrich Meier : Car Schmitt and Leo Strauss, the Hidden Dialogue, Chicago, The University of Chicago Press, 2006, p. 97-98).

15 Studies in Platonic Political Philosophy, ch. 1 : « Philosophy as Rigorous Science and Political Philosophy », p. 29.

16 « Thus the question arises as to which code is the right code and which account of the first things is the true account. » (Natural right and history, p. 86 ; ibid. pour la version française).

17 Ibid., p. 87 ; ibid. pour la version française.

18 « In brief, then, it can be said that the discovery of nature is identical with the actualization of a human possibility which, at least according to its own interpretation, is trans-historical, trans-social, trans-moral, and trans-religious » ibid., p. 89. Et p. 90 pour la version française.

19 « Philosophy as distinguished from myth came into being when nature was discovered, or the first philosopher was the first man who discovered nature. […]. The purport of the discovery of nature cannot be grasped if one understands by nature “the totality of phenomena”. For the discovery of nature consists precisely in the splitting-up of that totality into phenomena which are natural and phenomena which are not natural : “nature” is a term of distinction. » Leo Strauss, Natural right and history, III, « Origin of the idea of natural right », p. 82.

20 Leo Strauss, Liberalism ancient & modern, in Liberal Education and Responsability, p. 20-21 : « But what was to be done to moral education ? The identification of the end of the nongentlemen meant that the understanding of virtue as choiceworthy for its own sake gave way to an instrumental understanding of virtue : honety is nothing but the best policy, the policy most conducive to commodious living or comfortable self-preservation. Virtue took on a narrow meaning, with the final result that the word “virtue” fell into desuetude […]. With the increasing abundance it became increasingly possible to see and to admit the element of hypocrisy which had entered into the traditional notion of aristocraty ; the existing aristocraties proved to be oligarchies, rather than aristocracies […] ».

21 « […] the term “liberal” is still used in its premodern sense, especially in the expression “liberal education”. Liberal education is not the opposite of conservative education, but of illiberal education. To be liberal in the original senses means to practice the virtue of liberality. If it is true that all virtues in their perfection are inseparable from one another, the genuinely liberal man is identical with the genuinely virtuous man […] ». Leo Strauss, Liberalism ancient & modern, « Liberality : “the Trait of being Generous in Behavior and Temperament” » (Thesaurus).

22 « Liberal education is the counterpoison to mass culture, to the corroding effects of mass culture, to its inherent tendency to produce nothing but “specialists without spirit or vision and voluptuaries without heart. Liberal education is the ladder by which we try to ascend from mass democracy to democracy as originally meant. Liberal education is the necessary endeavor to found an aristocraty within democratic mass society. Liberal education reminds those members of a mass democracy who have ears to hear, of human greatness.” », Ibid., ch. 1, « What Is Liberal Education ? », p. 5.

23 Philosophy as Rigorous Science and Political Philosophy in Studies in Platonic Political Philosophy, op. cit.

24 Contribution à la généalogie de la morale, (1887), Première dissertation (XVII), Paris, éditions 10/18 (trad. Angèle Kremer Marietti), 1974, p. 161

25 « Note on the Plan of Nietzsche’s Beyond Good and Evil », in Studies in Platonic Political Philosophy, 8, p. 174-191.

26 Jerusalem and Athens, Some Preliminary Reflections, Ibid., p. 147.

27 « La connaissance de soi en effet n’est pas la connaissance du moi, ou du je, la connaissance de sa particularité individuelle, incommunicable ou incomparable. La connaissance de soi consiste à discerner comment, dans notre propre âme, se disposent les motifs humains, les motifs communs à tous les êtres humains. […] » in Le Regard politique (seconde partie, « Raymond Aron et Leo Strauss », Paris, Flammarion, 2010, p. 80.

28 « L’Humanité en général, c’est par essence l’être-homme dans des humanités liées par la génération et la socialité, et si l’homme est un être raisonnable (animal rationale) il ne l’est que dans la mesure où toute son humanité est une humanité raisonnable –qu’elle soit dirigée de façon latente vers la raison, ou dirigée publiquement vers son Entéléchie parvenue à soi-même, devenue manifeste pour soi-même et dirigeant désormais de façon consciente et par une nécessité essentielle le devenir des hommes. Philosophie, science, seraient d’après cela le mouvement historique de manifestation de la “raison” universelle, “innée” dans l’humanité comme telle. […] » in La Crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale (1935-1936), Paris, Gallimard, 1976, p. 21.

29 Edmund Husserl, L’arche-originaire Terre ne se meut pas (1934), revue Philosophie, No1, 1984.

30 « The traditional philosophies were at the same time Welttanschauungsphilosophien and scientific philosophies since the objectives of wisdom on the one hand and of rigorous science on the other had not yet been clearly separated from one another. But fort the modern consciousness the separation of the ideas of wisdom and of rigorous science has become a fact and they remain henceforth separated for all eternity. The idea of Weltanschauung differs from epoch to epoch while the idea of science is supra-temporal. One might think that the realizations of the two ideas would approach each other asymptotically in the infinite. Yet “we cannot wait” ; we need “exaltation and consolation” now ; we need some kind of system to live by ; only Weltanschauung or Weltanschauungsphilosophie can satisfy these justified demands [note 9 : Sects. 13, 67, 75-79, 81, 82, 90, 91 in Husserl, Phenomenology and the Crisis of Philosophy, translation by Lauer, Harper Torch Books, p. 71-147]. Surely philosophy as rigorous science cannot satisfy them : it has barely begun, it will need centuries, if not millennia, until it “renders possible in regard to ethics and religion a life regulated by pure rational norms,” if it is not at all times essentially incomplete and in need of radical revisions. Hence the temptation to forsake it in favor of Weltanschauunggsphilosophie is very great. From Husserl’s point of view one would have to say that Heidegger proved unable to resist that temptation. The reflection on the relation of the two kinds of philosophy obviously belongs to the sphere of philosophy as rigorous science […] » (L. Strauss, Philosophy as Rigorous Science and Political Philosophy in Studies in Platonic Political Philosophy, p. 36 ; nous soulignons).

31 Heidegger, Être et Temps, (1927), Paris, traduction Emmanuel Martineau, éditions Authentica, 1985, Introduction, L’exposition de la question du sens de l’ Être, [5] § 2 « La structure formelle de la question de l’être », p. 28.

32 Philosophy and Law, New York, State University of New York Press, 1995.

33 « In a phrase of Hermann Cohen, Maimonide is the “classic of rationalism” in Judaism. This phrase appears to us to be correct in a striter sense than Cohen may have intended : Maimonides’ rationalism is the true natural model, the strandard to be carefully protected from any distorsion, and thus the stumbling-block on which modern rationalism falls » (Ibid., Introduction, p. 21).

34 « Crudely but not misleading one may restate Cohen’s view as follows. The truh is the synthesis of the teaching of Plato and that of the prophets. What we owe to Plat ois the insight that the truh is the first place the truh of science but that science must be supplemented, overarched by the idea of the good which to Cohen means, not God, but rational, scientific ethics. The ethical truth must not only be compatible with the scientific truth ; the ethical truth even needs the scientific truth. […] Catastrophes and horrors of a magnitude hitherto unknown, which we have seen and through which we have lived, were better provided for, or made intelligible, by both Plato and the prophets than by the modern belief in progress. […] In other words, the quarrel between the ancients and the moderns seems to us to be more fundamental than either the quarrel between Plato and Aristotle or that between Kant and Hegel. » (Jerusalem and Athens (7) Studies in Platonic Political Philosophy, II « On Socrates and the Prophets », p. 167-168).

35 « Not Rousseau but Kant drew the decisive conclusion from Rousseau’s epochmaking innovations : the Ought cannot be derived from the Is, from human nature ; the moral law is not a natural law or derivative from a natural law ; the criterion of the moral law is its form alone, the form of rationality, i.e. of universality ; just as according to Rousseau the particular will becomes the unblameable positive law being generalized, according to Kant the maxims of action prove to be moral if they pass the test of being universalized, i.e. of being possible principles of universal legislation. – At about the same time that Kant, sympathizing with the French Revolution, radicalized the most radical form of modern natural rigt and thus transformed natural rigt and natural law into a law and a right which is rational but no longer natural, Burke, opposing the French Revolution an dits theoretical basis, which is a certain version of modern natural right, retourned to pre-modern natural law. in doing so, he made thematic the conservatism which was implicit to some extent in pre-modern natural law. Therewith he profoundly modified the pre-modern teaching and prepared decisively the transition from the natural “rights of man” to the prescriptive “rights of Englishmen” from natural law to “historical school” » (Leo Strauss, Studies in Platonic Political Philosophy, p. 145-146).

36 Ibid.

37 Ibid., p. vii : « A year or so before his death, Professor Leo Strauss requested that the writings contained in this book be gathered together and published in their present order and under the title that nows appears at their head. »

38 Joseph Cropsey relate par exemple que Strauss voulait écrire un Gorgias (disponible cependant en cours enregistrés, mais non mis en forme encore) placé à la suite de son Euthydemus.

39 Philosophy as Rigorous Science and Political Philosophy (chap. 1), par exemple, p. 35 : « […] Hence an adequate theory of knowledge must be based on scientific knowledge of the consciousness as such, for wich nature and being are correlates or intended objects that constitute themselves in and through consciousness alone, in pure “immanence” ; “nature” or “being” must be made “completely intelligible”. Such a radical clarification of every possible object of consciousness can be the task only of a phenomenology of the consciousness in contradistinction to the naturalistic science of psychic phenomena. […] » (Ibid.). Olivier Sedeyn a traduit ce texte, paru en 1971 dans Interpretation, vol II, no 1, p. 1-9, il est disponible dans La Philosophie politique et l’histoire, Paris, éditions Le Livre de Poche, 2008, chap. vii.

40 La Crise des sciences européennes…, op. cit., III, 73, « La philosophie comme auto-méditation de l’humanité, auto-effectuation de la Raison », p. 299.

41 La Cité et l’Homme (1964), Paris, éditions Le livre de poche, 2005, chapitre 2, Sur la « République » de Platon, p. 185.

42 La Crise des sciences européennes…, III, 73, p. 304-305 : « […] il s’agit, comme je l’ai dit, d’une humanité qui se comprend elle-même rationnellement, comprenant qu’elle est rationnelle dans le vouloir-être-rationnel, que cela indique et veut dire une infinité de la vie et de la tension vers la raison, que Raison justement signifie ce que l’homme en tant qu’homme désire dans son plus intime, ce qui seul peut le satisfaire, le rendre “heureux”, que la Raison n’admet aucune séparation en raison “pratique”, “théorique”, “esthétique”et je ne sais quoi encore, qu’être-homme c’est être téleogiquement et c’est devoir-être et que cette téleologie règne dans tout ce que nous faisons et tout ce que nous avons en vue égologiquement, qu’elle peut y reconnaître toujours, par la compréhension de soi, le télos apodictique, et que cette reconnaissance de l’ultime compréhension de soi n’a pas d’autre forme que la compréhension de soi d’après des principes a priori, la compréhension de soi dans la forme de la philosophie ».

43 Alain Berthoz et Jean-Luc Petit, Phénoménologie et physiologie de l’action, Paris, éditions Odile Jacob, 2006, cf. par exemple les chapitres iv et v.

44 L. Oulahbib, La Philosophie cannibale, Paris, La Table Ronde, 2006, p. 157-159.

45 « Le point décisif chez Husserl est la critique de la science moderne à la lumière de la science authentique, c’est-à-dire la [science] platonico-aristotélicienne. On ne peut comprendre son œuvre qu’à la lumière des énormes difficultés auxquelles a abouti la science platonico-aristotélicienne [à savoir], le problème du nous. Compte tenu des énormes difficulutés de compréhension du De Anima III, 5 sq., la fondation égologique husserlienne des ontologies est du moins excusables. […] » in L. Strauss – E. Voegelin, Correspondance 1934-1964, Foi et philosophie politique, Paris, Vrin, 2004, Lettre 11, p. 64.

46 « From all this we are in a better position to understand why Strauss sometimes identified “the unchangeable ideas” with “the fundamental and permanent problems » (What is political philosophy ? (1959) in Introduction by Thomas L. Pangle in Leo Strauss, studies in Platonic Political Philosophy, Chicago, The university of Chicago Press, 1983, p. 5). Cf. aussi p. 39 : « […] We may also say he [Socrates] viewed man in the light of the unchangeable ideas, i.e., of the fundamental problems ».

47 Liberalism ancient and modern, Chicago (1968), The University of Chicago Press, 1989, chap. 2, « Liberal Education and Responsability », p. 24 : « We must not expect that liberal education can ever become universal education. It will always remain the obligation and the privilege of a minority. »

48 Ibid., p. 11.

49 Ibid.

50 Ibid.

51 Ibid.

52 Ibid. : « The foutains of that education are the poets ».

53 Ibid. : « Throwing of spears ».

54 Ibid.

55 Ibid.

56 Ibid., p. 11.