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Classiques Garnier

Préface

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PRÉFACE

La relecture de mes articles, parus au fil des années de 1959 à 2016, ma révélé dune manière assez inattendue quelques-uns de mes sujets de prédilection dans la littérature catholique française. Parmi eux, se trouvent la convergence entre orthodoxie et hétérodoxie dans le catholicisme fin-de-siècle ; linfluence de la rhétorique sur la langue des discussions religieuses et politiques ; linfluence de la liturgie sur la forme littéraire ; et les relations entre la littérature profane et la littérature religieuse en fin de siècle, que ce soit du point de vue du discours, de la recherche dun Absolu qui pourrait être religieux ou non-religieux, ou de lattrait du « sentiment religieux » dans les milieux non-catholiques. Il apparaît surtout que je me suis toujours intéressé aux mots, et à la difficulté, pour des gens qui se servaient des mêmes mots pour exprimer des concepts divers, de se comprendre les uns les autres (mots tels que mystique, mysticisme, désespoir, douleur, sentiment, symbole, réalité, vérité, justice, et même religion).

Aussi, quand Pierre Glaudes ma proposé la publication de quelques-uns de mes articles, ai-je trouvé quun choix évident simposait. Dabord, il me fallait laisser de côté les articles davant 1966, qui avaient déjà été incorporés dans Révolution À rebours (1966 et 1971), et la plupart de mes articles sur Mauriac, qui avaient figuré plus tard dans Le Singe de Dieu (1996). À partir de là, jallais me concentrer sur les aspects du sujet que jai énumérés ci-dessus. Par ailleurs, ayant pendant ce temps écrit une étude sur la littérature du renouveau catholique anglais, jai choisi deux articles qui évaluent quelques-unes des convergences entre ce dernier et le renouveau catholique français. Je voulais aussi développer deux des sujets que javais abordés assez succinctement dans Révolution À rebours, en choisissant dune part un article qui traite de façon plus détaillée la question de lattitude de Huysmans envers le péché, et de lautre un article qui corrige un mythe sur Psichari auquel javais souscrit sans discernement à lépoque. Pour finir, en épilogue, je me suis décidé à 12examiner, à travers une controverse plus récente, un des problèmes les plus importants que posent les relations entre la littérature et la religion : le rôle de la littérature profane dans les desseins de Dieu.

Naturellement, il y a des moments où jai dû modifier un peu le contenu de ces articles, ou pour ajouter de nouveaux détails dont jai pris conscience, ou pour mieux organiser largumentation, ou encore, quand je me suis rendu compte de certaines erreurs linguistiques, pour corriger mon expression en français. Mais lesprit et la substance profonde de ces articles restent les mêmes.

Beaucoup de ces articles me rappellent des moments très agréables, car ils mont permis de rencontrer, à des réunions et à des colloques, des collègues qui sont devenus pour moi des amis. Dabord, pendant mes deux séjours à Paris de 1958 à 1960, et de 1963 à 1964, avait lieu une réunion mensuelle de la Société Huysmans à la Reine Christine ; jétais enchanté par les discussions où jécoutais Maître Maurice Garçon, André Thérive, Pierre Lambert, Henry Lefai, Jacques Lethève et tant dautres. Cest Pierre Lambert qui ma mis en rapport avec Louis Massignon, lun de ceux qui eurent une grande influence sur ma vie. Plusieurs de ces personnes mont invité chez elles à plusieurs reprises, et certaines rues de Paris me rappellent vivement mon existence de cette époque : rue Monsieur (Louis Massignon) ; rue Jacob et rue des Saints-Pères (Pierre et Marthe Lambert) ; rue de Babylone (Gabriel-Ursin Langé) ; rue Campagne-Première (Henry Lefai). Et cest alors quaprès avoir publié deux articles dans le Bulletin Huysmans en 1959 et 1960, je me suis décidé à poursuivre, après la soutenance de mon doctorat seiziémiste (survenue en 1962), des études sur le renouveau catholique.

Puis, entre 1963 et 1965, jai assisté à trois Décades de Cerisy (sur Claudel, le Diable, et labbé Bremond), occasion de rencontrer des collègues et des amis avec lesquels jai pu rester en relation les années suivantes, parmi lesquels Maurice de Gandillac, Anne Heurgon-Desjardins, Renée Nantet, Henri Gouhier, Gilbert et Alice Gadoffre, Jean et Madge Mouton, Émile Poulat, Georges Cattaui, Jeannine et Pierre Quillet, Robert Speaight, Bruno Neveu, Michel de Certeau – et aussi deux jeunes contemporains avec qui jai forgé des amitiés qui durent toujours, Pierre Brunel et Jean-Louis Backès.

De telles réunions sont une des joies de la vie dun chercheur, et jai continué à les savourer par la suite, et à y rencontrer de nouveaux 13amis – notamment, Pierre Glaudes et dautres spécialistes de Bloy à Paris et à Périgueux ; Bernard Cocula, Jacques Monférier, Jean Touzot et les autres mauriaciens à Malagar ; André Guyaux et les membres de la Société Huysmans à Paris ; Antoinette Weber-Caflisch, Michel Malicet et bien dautres, à une nouvelle Décade Claudel à Cerisy en 1987 ; et Alain Dierkens et Jacques Marx à Bruxelles.

Bien que jaie toujours eu dautres cordes à mon arc – la littérature française du seizième siècle, lhistoire politique de la droite en France et en Grande-Bretagne, et même lhistoire industrielle du pays de Galles – la littérature catholique française reste toujours une facette de mes études qui mest très chère. Et je me rends compte que je naurais jamais continué à écrire dans ce domaine pendant presque soixante ans sans lappui et lencouragement de mes très bons amis Pierre Brunel, Jean-Louis Backès, Pierre Glaudes, André Guyaux, Dominique Millet-Gérard, et le regretté Bernard Cocula. Impossible dexprimer tout ce que je leur dois…

Penarth 2017