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Classiques Garnier

Préface

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Épistres
  • Pages : 79 à 83
  • Réimpression de l’édition de : 1937
  • Collection : Société des Textes Français Modernes, n° 78
  • Thème CLIL : 3436 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques
  • EAN : 9782406103479
  • ISBN : 978-2-406-10347-9
  • ISSN : 2777-7715
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10347-9.p.0087
  • Éditeur : Société des Textes Français Modernes
  • Mise en ligne : 06/03/2020
  • Diffusion-distribution : Classiques Garnier
  • Langue : Français
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PREFACE


Je ne sçay si les trois nouvelles Epistres que je donne ici au Public auront beaucoup d'Approbateurs :mais je sçay bien que mes Censeurs y trouveront abondamment dequoy exercer leur critique. Car tout y est extrémement
ç bazardé. Dans le premier de ces trois Ouvrages, sous pré-
texte de faire le procez à mes derniers Vers, je fais moi-
mesme mon éloge, &n'oublie rien de ce qui peut estre dit à mon avantage. Dans le second je m'entretiens avec mon Jardinier de choses tres-basses, & tres-petites; &
ro dans le troisiéme je décide hautement du plus grand & du
plus important point de la Religion : Je veux dire, de
l'Amour de Dieu. J'ouvre donc un beau champ à ces
Censeurs, pour attaquer en moi, & le Poëte orgueilleux,
& le Villageois grossier, & le Theologien temeraire.

rs Quelque fortes pourtant que soient leurs attaques, je doute qu'elles ébranlent la ferme resolution que j'aÿ prise il y a long-temps de ne rien répondre, au moins sur le ton serieux, ~ tout ce qu'ils écriront contre rnoi.
A quoy bon en effet perdre inutilement du papier ? Si zo mes Epistres sont mauvaises, tout ce que je diray ne les fera pas trouver bonnes; & si elles sont bonnes, tout ce
Ligner (r6g8). — Je ne sçay si les trois Epistres
TtTx2. —Cette Préface ouvre le recueil des Epistres nouvelles du sieur D'~, que Boileau publia eu rbg8 chez Denys Thierry et qui contient les épures X, XI et XII (n•• qq et too de la Bibliayrnpbiegénzrale de M. Emile Magne). —Nous donnons ici, comme da~rs tout le présent volume, le texte de l'édition des ~uvrrr dfa~ersea de r7or. Nous signa- lerons, au passage, les différences par o~Y ce texte se distingue de celui de r6g8.
88 $O PREFACE
qu'ils diront ne les fera pas trouver tciauvaises. Le Public n'est pas un Juge qu'on puisse corrompre, ni qui se regle par les passions d'autruy. Tout ce bruit, tous ces Escrits
~S qui se font ordinairement contre des ouvrages où l'on court, ne servent qu'à y faire encore plus courir, & à en mieux marquer le merite. Il est de l'essence d'un bon Livre d'avoir des Censeurs : £Y la plus grande disgrace qui puisse arriver à un Escrit qu'on met au jour, ce n'est
;o pas que beaucoup de gens en disent du ma{, c'est que personne n'en dise rien.
Je me garderay donc bien de trouver mauvais qu'on attaque mes trois Epistres. Ce qu'il y a de certain, c'est que je les ay forE travaillées, &principalement celle de
is l'Amour de Dieu, que j'ay retouchée plus d'une fois, & où j'avouë que j'ay employé tout le peu que je puis avoir d'esprit, & de lumieres. J'avois dessein d'abord de la donner toute seule ; les deux autres me paroissant trop frivoles pour estre presentées au grand jour de l'impres-
4o sion, avec un Ouvrage si serieux. Mais des Amis tres- sensés m'ont fait comprendre, que ces deux Epistres, quoique dans le stile enjoué, estoient pourtant des Epistres morales, où il n'estoit rien enseigné que de ver- tueux. Qu'ainsi estant liées avec l'autre, bien loin de luy
qç nuire, elles pourroient mesures faire une diversité agreable; & que d'ailleurs beaucoup d'honnestes gens souhaitant de les avoir toutes trois ensemble, je ne pouvois pas avec bienséance me dispenser de leur donner une si legere satisfaction. Je me suis rendu â ce sentiment, & on les
5o trouvera rassemblées ici dans uu mesure cahier. Cepen- dant comme il y a des Gens de pieté, qui peut-estre ne se soucieront guère de lire les entretiens que je puis avoir avec mon Jardinier &avec mes Vers, il est bon de les avertir, qu'il y a ordre de leur distribuer à part la
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SS dernière, c'est à sçavoir celle qui traite de l'Amour de Dieu ; &que non seulement je ne trouveray pas étrange, qu'ils ne lisent que celle-là; mais que je me sens quel- quefois moy-mesure en des dispositions d'esprit, où je voudrois de bon coeur n'avoir jamais composé que ce
6o seul Ouvrage, qui vraysemblablement sera la derniere piece de Poësie qu'on aura de moy :mon genie pour les Vers commençant à s'épuiser, &mes emplois historiques ne me laissant guere le temps de m'appliquer à chercher, & à ramasser des rimes.
6f Voila ce que j'avois à dire aux Lecteurs. Avant nean-
moinsque de finir cette Preface, il ne sera pas hors de pro-
pos, ce me semble, de r'asseurer des Personnes timides,
qui n'ayant pas une fort grande idée de ma capacité en
matiere de Theologie douteront peut-estre que tout ce que

yo j'avance en mun Epistre soit fort infaillible, & apprehende-
ront qu'en voulant les conduire je ne les égare. Afin donc
qu'elles marchent seurement, je leur diray, vanité à part
Que j'ay leil plusieurs fois cette Epistre à un fort grand
nombre de Docteurs de Sorbonne, de Peres de l'Oratoire

yç & de Jesuites tres-celebres qui tous y ont applaudi, & en ont trouvé la Doctrine tres-saine & tres-pure. Que beaucoup de Prélats illustres à qui je l'ay recitée en ont jugé comme Eux. Que Monseigneur l'Evesque de Meaux 2, c'est à dire, une des plus grandes lutnieres qui agent
8o éclairé l'Eglise dans les derniers Siecles, a eu long-temps
mon Ouvrage entre les mains; &qu'après l'avoir leû &


Lignes 6¢•66 â ramasser des rimes. Au reste, avant que de finir
cette préface il ne sera pas (r6g8).
r. Allusion ~ ses fonctions d'historiographe.
z. Bossuet.

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releû plusieurs fois, il m'a non seulement donné son approbation, mais a trouvé bon que je publiasse à tout le monde, qu'il me la donnoit. Enfin, que pour mettre le
sç comble à ma gloire, ce saint Arcltevesque dans le Dio- cese duquel j'ay le bonheur de me trouver r, ce grand Prélat, dis-je, aussi éminent en doctrine & en vertus; qu'en dignité & en naissance, que le plus grand Roy de l'Univers, par un choix visibletnent inspiré du Ciel, a
go donné à la Ville capitale de son Royaume, pour asseurer l'Innocence, &pour détruire l'Erreur, Monseigneur l'Ar- chevesque de Paris, en un mot, a bien daigné aussi exa- miner soigneusement mon Epistre, & a eu mesme la bonté de me donner sur plus d'un endroit des conseils que
gç j'ay suivis ; & m'a enfin accordé aussi son approbation avec des éloges dont je suis également ravi &confus.
Au reste, comme il y a des Gens qui ont publié, que mon Epistre n'estoit qu'une vaine déclamation, qui n'at- taquoit rien de réel, ni qu'aucun Homme eût jamais
zoo avancé : Je veux bien, pour l'interest de la Verité, mettre ici la proposition que j'y combats, dans la langue &dans les termes qu'on la soûtient en plus d'une Ecole. Lavoici ~2ttritio exgehennae metu sufficitetiam sine ullaDei dilectione, ér sine ullo ad Deum offensurn respectu; quia talis honesta, d'
ioç supernaturalis est =. C'est cette proposition que j'attaque, & que je soûtiens fausse, abominable, &plus contraire à la vraye Religion que le Lutheranisme ni le Calvinisme. Cependant je ne croy pas qu'on puisse nier qu'on ne
Lige 93 mon Epistre, a eu mesme ([6q8).
r. Le cardinal de Noailles.
z. «L'attrition qui vient de la crainte de ]'enfer suffit, même sans aucun amour de Dieu et sans aucun égard â Dieu offensé, parce que, telle quelle, elle est honn@te et surnaturelle. u
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l'ayt encore so>1tenué depuis peu, & qu'on ne l'ayt mesure rto inserée dans quelques Catechismes en des mots fort approchans des termes Latins que je viens de rapporter r.

Lignes gy-rrr (t6g8). — Je croyois n'avoir plus rien ~ dire au Lecteur. biais chus le temps mesure que cette Préface estoit sous la presse, on m'a apporté une misérable Epistre en vers, que quelque impertinent a fait imprimer, 8c qu'on veut faire passer pour mon Ouvrage sur l'Amour de Dieu. Je suis donc obligé d'ajoûter cet article, afin d'avertir le Public, que je n'ai fait d'Epistre sur l'Amour de Dieu que celle yu'on trouvera icy:l'autre estant une piéce fausse, & incompléte, composée de quelques vers qu ôn m'a dérobés, & de plusieurs qu'on m'a ridiculement prestez.
r. Sur l'affaire dont il est question dans la variante des lignes 97- ur voir Épître XII, note ;.