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Classiques Garnier

Recensions d'ouvrages

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Entreprise & Société
    2023 – 1, n° 13
    . varia
  • Auteurs : Pérez (Roland), Méric (Jérôme)
  • Pages : 271 à 280
  • Revue : Entreprise & Société
  • Thème CLIL : 3312 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités
  • EAN : 9782406150480
  • ISBN : 978-2-406-15048-0
  • ISSN : 2554-9626
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-15048-0.p.0271
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 14/06/2023
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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Pierre-Yves Gomez (2022), Le capitalisme, collection Que sais-je ?, Paris, Humensis, 128 p.

Recension par Roland Pérez

Depuis sa création, il y a plus de quatre-vingts ans par Paul Angoulvent aux Presses Universitaires de France, la collection « Que-sais-je ? » est devenue un vecteur emblématique du monde de lédition, avec des milliers de titres publiés et des tirages cumulés se chiffrant en centaines de millions. Le secret de cette réussite exceptionnelle tient à la volonté doffrir des ouvrages de petite taille – dits « livres de poche » – à prix modestes, avec cependant des contenus de qualité, faisant appel aux meilleurs spécialistes du sujet traité. Les responsables éditoriaux nhésitent pas, lorsquun thème qui a été traité est récurent et que lauteur du QSJ concerné nest plus disponible, de demander à un autre spécialiste dassurer une nouvelle édition. Cest ce qui sest passé, avec le nouveau QSJ sur « Le capitalisme » qui vient dêtre publié par la maison dédition Humensis (née en 2016 de la fusion entre les PUF et Belin). Lauteur choisi, Pierre-Yves Gomez, est le quatrième à traiter ce sujet, prenant la suite des éditions successivement assurées par François Perroux (1948), Alain Cotta (1977) et Claude Jessua (2001). La seule énumération de ces auteurs de premier plan illustre la ligne éditoriale rappelée ci-dessus, à savoir rendre accessible à tous des sujets parfois complexes.

Pierre-Yves Gomez qui avait déjà publié dans cette collection QSJ, sur un sujet dans son domaine professionnel de référence1, a relevé ce défi de prendre place dans cette lignée prestigieuse, lui apportant ses qualités reconnues de chercheur et dessayiste2 . La structure de louvrage et son contenu en témoignent :

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Le chapitre premier (pp 3-16), intitulé « Insaisissable capitalisme », correspond à une introduction permettant à lauteur de situer son objet de recherche et la méthode proposée pour létudier. Dans le cas présent, Pierre-Yves Gomez adopte la posture de lenquêteur : « nous formulons une question qui nous servira de guide : quest-ce qui nous permet de croire que ce quon appelle le capitalisme forme un système cohérent ? » (p 12).

Le chapitre 2 (pp 17-37), constitue la première étape de cette enquête sur le capitalisme : sa « gestation historique », tant il est vrai que « le capitalisme nexiste pas en soi et napparait pas ex nihilo » (p 17). Lauteur, sappuyant sur les travaux menés sur la genèse des civilisations (K-F. Wittfogel, C. Schmitt, M. Weber, N. Elias, …), rappelle le fractionnement de lEurope médiévale – hors la tutelle de lEglise – puis lémergence dune « économie du crédit » (p 32) et « lapparition des entrepreneurs » (p. 34) comme la bien montré H. Vérin3

Le chapitre 3 (pp 38-59), intitulé « structuration : classes, fonctions, conduites », permet à Pierre-Yves Gomez de poursuivre son enquête en passant de la trilogie médiévale sur « le Chevalier, le Prêtre et le Paysan » (G. Duby) à une typologie plus nouvelle, avec « cinq agents-types : le Capitaliste, lEntrepreneur, le Travailleur, le Consommateur et le Technocrate » (p 39 & s.) – ce dernier agent-type pouvant représenter « le Fonctionnaire » (secteur public) ou « le Gestionnaire » (secteur privé). Une « nouvelle configuration politico-économique » apparait ainsi possible (p 50), sous légide dune norme commune, en loccurrence le profit qui constitue un « fait social total » (p 53), à la fois « principe commun de justification » et fondement dune « nouvelle civilisation » (p 56), étudiée notamment par W. Sombart.

Avec le chapitre 4 (pp 60-79), nous sommes au cœur de lenquête sur « le capitalisme comme système ». Lauteur rappelle la complémentarité entre « lEntreprise, nœud de contrats » comme lont définie les économistes (M. Jensen & Meckling, R.H. Coase, O. Williamson) et « la société commerciale », personne morale créée par les codes juridiques (ainsi larticle 1832 du Code Civil pour la France). Pour Pierre-Yves Gomez, « combinées, ces deux institutions forment une institution tierce : lentreprise capitaliste », reliant les cinq agents-types précédemment rappelés et formant « un système à la fois politique et économique » (p. 76), 273système quil convient de prendre en compte globalement, malgré les contradictions et tensions inévitables pouvant affecter ses composantes.

Le chapitre 5 (pp 80-102), intitulé « Régulations et expansion du capitalisme », permet à lauteur délargir le champ de lenquête, dune part en présentant les « déséquilibres et les mécanismes dautorégulation », dautre part en sinterrogeant sur labsence de limites inhérente à un système pour lequel « la justification par le profit motive une recherche constante de profit » (p 85) ; en conséquence, « laccumulation des richesses est inévitable » (p 86), sans se soucier des effets tant sociétaux quenvironnementaux. En bref, « le capitalisme est structurellement sans limites » (p 89), sétant progressivement répandu ; mondialisation qui a pu prendre des formes variées selon les pays concernés (cf les typologies proposées par plusieurs chercheurs4 )

Enfin, le chapitre 6 (pp 103-123) « Critiques et perspectives » est loccasion, pour lenquêteur, de prendre du recul par rapport à son sujet denquête. Dans un premier temps, sappuyant sur Fernand Braudel, il distingue « les trois étages qui composent la société capitaliste : (i) la vie matérielle, (ii) la structure capitaliste (iii) le religio » – ce dernier terme correspondant à « la culture, lesprit, lidéologie capitalisme » (p. 105). À cette occasion, Pierre-Yves Gomez adresse une critique au monde académique, celui de « léconomie-comme-science », considérant « le récit économique au service du religio » (p. 106). Pour lui, « en se réalisant, le capitalisme a façonné des esprits et des mœurs » (p. 109).

Dans un second temps, il élève encore un peu plus le débat et rappelle les différentes critiques qui ont été formulées à la civilisation capitaliste : « limites matérielles », « inefficacité interne », « risques systémiques pour lhumanité », « inachèvement moral » ; critiques qui paradoxalement ne lui ont pas nuit ; au contraire, « le système a continué à prospérer », exprimant une résilience en « se nourrissant de ses critiques » (cf L. Boltanski et Eve Chiapello5).

Lauteur conclut son essai en évoquant plusieurs scénarios possibles pour lavenir du capitalisme actuel : (i) « post-capitalisme autoritaire », à limage de la Chine actuelle ; (ii) « post-capitalisme transnational » via des grands groupes comme les GAFAM : (iii) « post-capitalisme nomadisé » 274engendré par des mouvements migratoires massifs, déclenchés par les crises mondiales actuelles, notamment climatiques.

Louvrage est complété par une sélection bibliographique de qualité, à laquelle il convient dajouter nombre de références, citées dans le corps du texte ou en notes de bas de pages. En revanche, louvrage comporte peu dexemples chiffrés et pas de tableaux statistiques qui auraient pu illustrer son propos, lauteur ayant délibérément choisi de se situer son « enquête » au niveau du débat conceptuel, voire ontologique, concernant le capitalisme comme système. Les limites imposées par le format des QSJ justifient ce choix qui, en revanche, demandera au lecteur un effort de lecture, voire de relecture ; mais in fine cest mieux ainsi car cela le fera progresser, ce qui est cohérent avec la devise de Montaigne qui a inspiré le nom de cette collection « Que Sais-Je ? »

Ainsi, comme nous avons tenté de le montrer dans la présentation ci-dessus, cette nouvelle édition dun « Que-sais-je ? » consacré au « Capitalisme » renouvelle largement lanalyse de ce sujet majeur ; Pierre-Yves Gomez a bien relevé le défi que représentait une quatrième édition, après les trois précédentes produites par des auteurs de premier plan. Au-delà des conceptions scientifiques des différents auteurs concernés et de leurs Weltanschauungs respectifs, de leurs personnalités et de leurs styles décriture, les différences sensibles entre les différentes éditions de ce QSJ sur le capitalisme reflètent aussi les fortes évolutions de ce système politico-économique sur les trois-quarts de siècle écoulés depuis la première dentre elles (1948). Certaines dentre-elles ont été abordées dans le présent ouvrage (exemples : « expansion planétaire », « mutation de lanthropocène », « consommation comme mode de vie » pp 90-04) ; il serait utile de procéder à une analyse comparée des différentes éditions pour en faire ressortir les enseignements respectifs à tirer. Mais dores et déjà la présente édition – last but not least – devrait faire lobjet dune ample diffusion.

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Yvon Pesqueux (2022), Réfléchir. De limportance de la tâche réflexive en sciences de gestion, Collection les Grands auteurs francophones, Caen, éditions EMS, 336 p.

Recension par Jérôme Méric

Pour Yvon Pesqueux, la réflexion relève, dans le champ du management, dun impératif catégorique, le seul chemin pour faire face à lomniscience des hommes et femmes dorganisation, à la caricature de lusage du verbe dans la légitimation de linacceptable et à loubli du seul légitime.

Nattendons pas la moindre complaisance de la part dYvon Pesqueux. Ce que nous enseignons produit le pire : chaînes de valeur aux externalités hasardeuses et à la pérennité aléatoire, optimisation financière socialement et environnementalement désastreuse, scandales financiers et fiscaux, impact catastrophique du New Public Management, notamment sur le système de santé.

Mais, Yvon Pesqueux laffirme, tout est fait pour nous amener à préparer les esprits à cette course à labîme : recherche normalisée à outrance, quantification des carrières, « sciencesdurisation » de la gestion, repli sur soi disciplinaire.

Et Yvon Pesqueux de nous prendre par la main, comme il la toujours fait – parfois au risque de nous perdre – afin de rappeler limportance des concepts, le besoin de définir pour réfléchir. Qui sait isoler clairement la pluridisciplinarité (regards autonomes de sciences distinctes sur un objet), de linterdisciplinarité (complémentarité, circulation de concepts-frontières et dobjets-frontières) et de la transdisciplinarité (existence dobjets qui traversent différents champs disciplinaires) ?

Louvrage se présente comme une exposition rétrospective où les tableaux sont les productions intellectuelles majeures dYvon Pesqueux (et de ses nombreux co-auteurs), et où lintéressé, en muséographe averti, a constitué de grandes salles, intitulées, successivement, philosophie des sciences de gestion, gouvernance, institutionnalisation de lorganisation 276et son intrusion dans la définition du bien commun, éthique des affaires responsabilité sociale, lentreprise, organisation, modèle et représentation, épistémologie des sciences de gestion, le contrat psychologique, organisation et gouvernance du développement durable, les sciences de gestion, les preuves, de ce qui se passe en Afrique subsaharienne, de limportance majeure des théories des organisations. La muséographie à lœuvre conduit le lecteur de salle en salle de sujets plus généraux, en thématiques plus personnelles, mais où la ligne directrice demeure une esthétique à proprement parler baroque.

Première salle : philosophie et sciences de gestion

Le recours à la philosophie relève à la fois du leurre gestionnaire et dune certaine forme de légitimité. Le leurre repose dans la substitution qui sopère, avec lesprit du capitalisme, entre les humanités et la pensée gestionnaire. Yvon Pesqueux fait lhypothèse que cette évacuation progressive laisse la gestion dans un vide conceptuel et méthodologique que le recours à la philosophie peut contribuer à combler. La référence à Aristote ou Kant, par exemple, autorise à catégoriser, à une nuance près : nous serions « moins les enfants des philosophes quils ne sont nos pères ». La méthode philosophique est aussi susceptible dimprégner la pensée gestionnaire. Cest le cas de lherméneutique. Yvon Pesqueux développe lexemple de Hans Jonas. La responsabilité relève de la nécessité daction inspirée par la peur. Une peur qui ne tétanise pas, mais qui invite à la mise en œuvre dune heuristique propre à trouver des moyens danticiper et dinfluencer, autant que faire se peut, le devenir humain. Sadjoint à cette réflexion le rappel du problème démocratique à reconnaitre des droits à la nature.

Deuxième salle : gouvernance, institutionnalisation
de l
organisation et son intrusion
dans la définition du bien commun

À la sortie des années 1980, le gouvernement dentreprise est devenu lopérateur conceptuel et langagier dune articulation entre le financier et le politique. Lirruption de la gouvernance légitime lassociation que lon aurait pu jusque à présent juger audacieuse de lefficience et de la justice. La gouvernance sinscrit dans lidéologie du « moment libéral ». Ce dernier renvoie lindividu à un quasi-état de nature pré-hobbesien, 277où tous les moyens sont bons pour maximiser sa propre utilité, où la technique supplante la technologie, où la réussite devient un critère de vérité dans un monde globalisé.

Troisième salle : éthique des affaires
et responsabilité sociale de l
entreprise

Partons dune fausse évidence : la théorie des parties prenantes, qui constitue lancrage majeur de la RSE aujourdhui, est à la fois le fruit et le ver-dans-le-fruit. Elle se pare de la neutralité de la description pour mieux normer, elle catégorise pour mieux neutraliser les tiers à lentreprise (en entretenant lillusion dune possible intégration contractuelle de ces tiers), elle substitue un bien commun moral au bien commun politique. De fait, elle propose une éthique de la pratique des affaires extensible à une société qui, par chemin inverse, se réduirait au schéma minimaliste du réseau.

Yvon Pesqueux inscrit la RSE dans une histoire dont le pivot serait lAccord de Paris de 2015 et la crise Covid (2020). Lavant serait le temps du business and society, celui de lexistence parallèle du monde des affaires et de la société, où le premier ferait au second don dune partie de son profit résiduel. Laprès serait celui de linclusion, du business in society, dont Yvon Pesqueux étudie les modalités possibles, en discutant les propositions dElinor Ostrom, Benjamin Coriat, et Ricardo Petrella. Cette analyse se fait dans loubli – très volontaire ? – que linclusion est le fruit de la théorie des parties prenantes, et quelle répond à des visées utilitaristes. Ce quYvon Pesqueux décrit à ce stade relèverait probablement plus dun business for society (Gangi et al. 2019), où le fait de faire des affaires relève dun acte de construction sociale, quil sagisse de la gouvernance distribuée dElinor Ostrom, ou de la gouvernance universelle de Ricardo Petrella. Demeure une analyse très éclairante par le fait quelle relie les représentations systémiques (portées par linclusiveness en amont et la responsiveness en aval) et le devenir de léthique des affaires.

Quatrième salle : organisations, modèles et représentations

Envisageant le modèle de lorganisation comme la traduction fédérative (elle fait communauté) dune conception et le signal de la représentation quil porte, Yvon Pesqueux déroule une taxonomie et une généalogie 278de modèles dorganisations. Le modèle ingénierique mute de la division des tâches vers la répartition des activités. Le modèle managérial repose sur une coordination par la répartition des responsabilités financières. Lentreprise multiculturelle procède paradoxalement des deux visions précédentes, en cela quelle dissout les identités culturelles dans limpératif defficience. Le constat déchec de lorganisation en réseau comme go-between entre hiérarchie, coopération et marché est implacable. Il laisse cependant peu de place à lorganisation en réseau comme forme émergente dagencement démocratique en période de crise comme il a pu en apparaître pendant le Covid.

Cinquième salle : épistémologie des sciences de gestion

Affirmer que les sciences de gestion sont dotées dune épistémologie est un acte fondateur. Elles constituent sans nul doute un champ de connaissance, mais la question demeure si celui-ci est disciplinaire. Yvon Pesqueux et Alain-Charles Martinet voient dans lorganizing – la mise en œuvre de dispositifs visant la réalisation de choix dacteurs – la porte dentrée de cette discipline, qui nen demeure pas moins ambiguë sur la définition de son objet (conceptions fonctionnalistes ou substantialistes de lorganisation) et de ses positionnements par rapport aux sciences humaines et à la technique. Lorganizing nécessiterait donc une épistémologie normative, mais celle-ci est seulement esquissée. Pour libérer les acteurs et les chercheurs des injonctions paradoxales que suscite limpératif praxéologique dicté aux sciences de gestion, lusage des métaphores est peut-être une manière daborder ces questions « sans avoir lair dy toucher ».

Sixième salle : le contrat psychologique

Deux Rousseau : Jean-Jacques et Denise. Le premier forme un projet politique par la transition de la précarité létat de nature à la préservation de la liberté dans la société. La seconde invite les dirigeants et les cadres à se rappeler que leurs collaborateurs attendent deux quils tiennent des promesses quils nont pas faites (du moins explicitement)…Cette conception transactionnelle mais fondamentalement asymétrique de lengagement au travail laisse donc en suspens la question du libre arbitre, une question quYvon Pesqueux, surprenamment, naborde pas.

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Septième salle : organisation e
t gouvernance du développement durable

Comme une extension de la marchandisation du risque eschatologique, le durable vend le vice pour une vertu. Yvon Pesqueux intente ainsi un réjouissant procès au bio. Et lauteur dexclure dun revers de main radical toute forme de métrologie appliquée à la catastrophe imminente, comme sil nexistait aucune différence entre la triple bottom line et les modèles comme CARE (Richard et Rambaud, 2022).

Huitième salle : les sciences de gestion
à l
épreuve de ce qui se passe en Afrique Subsaharienne

Pour ne pas être la plus grande des salles, celle-ci contient ce qui touche le plus au cœur Yvon Pesqueux. Sidéré par « tant de pauvreté », il sinsurge dabord contre le placage dun capitalisme consumériste à des personnes dans lincapacité den bénéficier si ce nest au prix de renoncements à ce qui est vital. Cela se mesure à laune des cours enseignés mais aussi à travers la structuration des sciences de gestion, qui importent sans conscience les référentiels hypothético-déductifs dun autre monde, la « survente » du développement par lentrepreneuriat local, et la prégnance dun objet sous-étudié : léconomie informelle.

Neuvième salle : de l importance majeure
des théories des organisations

Yvon Pesqueux propose ici un « anti-manuel » (qui nen demeure pas moins un), où les mondes (sans organisation, intra-organisationnels et aux frontières de lorganisation) permettent de revenir sur les catégories dont lobjet des théories des organisation est linstitutionnalisation. Nécessité denseigner ces théories, mais en excluant lapproche par les « grands » auteurs qui ne sont grands que parce que leur usage sest institutionnalisé. Cette salle pose une question fondamentale en sciences de léducation : peut-on enseigner lhistoire sans repère chronologique ? Peut-on enseigner la philosophie sans dire à un moment qui a dit quoi ?

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Promenade conclusive :
plaidoyer pour une démarche de réflexion

Yvon Pesqueux nous invite à considérer la philosophie du care, car réfléchir est tout autant « porter attention à » (take care), un processus (le caring), et une conduite prudente (to be careful).

Lhistoire de lart a longtemps boudé le courant éclectique, qui a reconstitué notamment des objets architecturaux par des petits bouts disparates de styles anciens (un éléphant néo-babylonien surmonte une corniche dorique). Mais peut-on pour autant nier à lOpéra de Paris ou à la Gare dOrsay une geste ambitieuse qui a marqué définitivement le visage urbain de Paris, et ne pas leur reconnaître quils relèvent dun acte de création original ? La production dYvon Pesqueux peut donner cette impression, à moins que lorganisation ne constitue un objet syncrétique et que chaque salle ne donne à voir limpossibilité de dire si cet objet est en phase ou non avec une théorie et si lon peut in fine le définir. La question reste ouverte et nous laisserons aux lecteurs le soin dy apporter leur propre réponse.

On regrettera que le catalogue de lexposition (la bibliographie) ne soit pas plus soigné et exhaustif au regard des références apparaissant dans le texte.

Chaque chapitre ou presque se clôt par le constat dune faible diffusion des idées face au puissant courant de pensée dominante jusque dans les années 2010. La rétrospective serait donc celle dun artiste maudit ? Le mot baroque vient dun terme portugais désignant une perle bizarrement formée. Nous voilà donc dans le bizarre, car le travail déclaireur, pour ne pas dire de lanceur dalerte conceptuel dYvon Pesqueux laisse bien des traces dans la communauté académique, quil a fortement contribué à former à HEC, à Dauphine et au CNAM, et dans les esprits quil a éduqués à une démarche danalyse critique des concepts et des pratiques, une manière de réfléchir qui lui est propre.

BIOGRAPHIE

Gangi F., Méric J., Jardat R., Daniele L.M. (2020), Business for Society, Routledge.

Richard J. et Rambaud A. (2022), Capital in the History of Accounting and Economic Thought Capitalism, Ecology and Democracy. Routledge.

1 Gomez P-Y. (2018), La gouvernance dentreprise, Paris, Humanis (collection Que-sais-je ?)

2 Cf la liste des ouvrages publiés par cet auteur, en annexe du « Grand Angle » qui lui est consacré dans ce même numéro dENSO. Cette revue a déjà procédé à une recension dun de ses précédents essais : Intelligence du travail, Paris, Desclée de Bouwer, 2016 ; recension par H. Zimnovitch – Entreprise & Société no 2, 2017.

3 Vérin H. (1884-2011), Entrepreneurs, entreprise, Histoire dune idée, Paris, Classiques Garnier.

4 Ainsi, celle de B. Amable sur « les cinq Capitalisme », Seuil, 2005)

5 Boltanski L., Chiapello E. (1999à, Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard.