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Classiques Garnier

The conceptual territory of the company Application au cas de l’entreprise familiale

  • Publication type: Journal article
  • Journal: Entreprise & Société
    2020 – 1, n° 7
    . varia
  • Authors: Hirigoyen (Gérard), Villéger (Amélie)
  • Abstract: In addition to its geographical territory, the family business has a conceptual territory, largely unexplored in the academic literature, and composed of a cultural dimension, a “business” dimension and a social dimension. The proposed conceptual model supports a discussion that shows that the geographic territory and the conceptual territory of the family business interact and create both identity and value for the family business.
  • Pages: 89 to 129
  • Journal: Business & Society
  • CLIL theme: 3312 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités
  • EAN: 9782406107873
  • ISBN: 978-2-406-10787-3
  • ISSN: 2554-9626
  • DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-10787-3.p.0089
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 10-26-2020
  • Periodicity: Biannual
  • Language: French
  • Keyword: Geographic territory, conceptual territory, family business, identity, value
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Le territoire conceptuel
de lentreprise

Application au cas de lentreprise familiale

Gérard Hirigoyen

IRGO – Université de Bordeaux

Amélie Villéger

CEREGE – Université de Poitiers

Introduction

En 1933, Korzybski remet en cause le postulat aristotélicien dune logique humaine binaire, selon lui synonyme dune certaine fermeture desprit et en partie responsable de létat desprit ayant conduit à la première guerre mondiale. Il propose denvisager le monde selon une forme de pensée plus ouverte : la sémantique générale. Sous légide de ce nouveau paradigme, il estime que « la carte nest pas le territoire », la cartographie dun territoire nétant que lune des multiples représentations possibles de ce territoire. Il rappelle alors linfinitude des représentations de la réalité quautorise lesprit humain et plaide pour une appréhension plus empathique et pacifique des divergences idéologiques.

Ainsi compris, cet aphorisme révèle quun territoire, comme un être humain, ne peut se réduire à sa seule entité physique. Le territoire est aussi un espace enrichi par le sens que les sociétés lui confèrent (Di Méo, 1998), une réalité objectivement organisée et culturellement inventée (Kourtessi-Philippakis et Treuil, 2011). Cest une construction sociale 90(Brunet, Ferras et Théry, 1993), un produit de limaginaire humain (Giraut, 2008) et la signification qui lui est attachée se joue des distances et des échelles géographiques (Debarbieux, 1995). Le territoire est autant conceptuel que matériel.

Les anglo-saxons utilisent dailleurs deux termes distincts pour parler du territoire. Le premier, « territory », fait référence à un espace physique, géographiquement délimité, et susceptible dêtre juridiquement soumis au droit de la propriété privée. Il sagit donc du territoire matériel. Le second, « space » désigne le territoire conceptuel, cest-à-dire un espace existant en dehors de toute considération juridique.

Ces subtilités sémantiques mettent en évidence que la notion de territoire doit nécessairement sentendre comme « une réalité bifaciale », à la fois géographique et psychologique, matérielle et conceptuelle. Il sagit dune spatialité à la fois géographique et symbolique (Debarbieux, 1995).

Ainsi, le territoire de lentreprise nest pas uniquement le territoire géographique sur lequel elle est implantée. Une entreprise sans murs possède pourtant un territoire. Or, lapproche conceptuelle du territoire des entreprises, notamment familiales, na guère été explorée dans la recherche académique. Lorsque la littérature sest intéressée au territoire, elle la fait uniquement sous langle géographique. Les études cherchaient alors à rendre le paysage « intelligible économiquement » (Ponsard, 1955) et à comprendre les choix dimplantation et de localisation au prisme de la minimisation des coûts, mais elles omettaient de rendre le paysage intelligible socialement et culturellement.

Von Thunen (1826) est lun des pionniers de cette économie spatiale, orientée exclusivement sur la dimension géographique du territoire. Alfred Marshall (1890, 1919) propose le concept de district industriel. Weber (1909) pose les jalons dune théorie de la localisation industrielle tandis que Christaller (1933) imagine un modèle de disposition spatiale des villes selon le niveau de services quelles offrent. On dénombre un grand nombre déconomistes, comme Perroux (1950) ou Isard (1956), qui tendent à quitter lanalyse sectorielle classique pour orienter leurs recherches dans une approche purement aménagiste.

En 1998, Porter développe sa « théorie du diamant » et précise le concept de « cluster » quil avait ciblé comme un des principaux facteurs de la compétitivité dans son ouvrage « The competitive advantage of nations » paru en 1990.

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Toutes ces théories possèdent une dimension explicative certaine, et nombreux sont les auteurs à avoir mis en lumière le rôle significatif des entreprises familiales dans les districts industriels et les clusters (Garofoli, 1994 ; Becattini, 2000 ; Johannisson et al., 2007 ; Wei, Li et Wang, 2007 ; Jaskiewicz et Luchak, 2013), facteurs de développement régional.

Mais, aussi intéressantes soient-elles, ces recherches restent centrées sur la dimension spatiale du territoire de lentreprise et ignorent sa dimension conceptuelle.

Loriginalité de cette contribution est double. Dune part, elle cherche à pallier cette insuffisance en mettant en évidence la dimension conceptuelle du territoire dune entreprise, entité abstraite composée didées et de valeurs. Dautre part, elle sintéresse au cas particulier de lentreprise familiale, caractérisée par son hybridité entre une famille et une entreprise, celle-ci conduisant à enrichir cette dimension conceptuelle.

Au niveau théorique, lun des intérêts de cet article est donc de répondre aux demandes académiques estimant que « repenser les frontières des espaces entrepreneuriaux [] représente une part cruciale du futur agenda de recherche des études en entrepreneuriat » (Steyaert et Katz, 2004). Plus précisément, en mettant en lumière les dimensions sociales et culturelles du territoire, il participe au développement, prôné par les chercheurs, dune vue de lentrepreneuriat au prisme des sciences sociales (Swedberg, 2000). Il sinscrit dans une vision considérant quil faut prendre conscience « de la dimension sociale des espaces autour desquels nous concevons lentrepreneuriat » (Steyaert et Katz, 2004) et contribue à « combler le fossé entre les entreprises familiales et la science régionale » (Stough, Welter, Block, Wennberg et Basco, 2015).

Cette recherche sinscrit aussi dans un courant préconisant daccorder davantage dattention à la contextualisation des réalisations entrepreneuriales. Le contexte historique, temporel, institutionnel, spatial et social y est considéré comme une clé majeure de compréhension des comportements et des objectifs entrepreneuriaux. Le contexte agit sur lentreprise, autant que lentreprise agit sur son contexte (Welter, 2011). Le territoire est appréhendé ici comme un instrument privilégié de contextualisation de lentreprise en général et de lentreprise familiale en particulier. En effet, les entreprises familiales ne peuvent être correctement comprises sans une prise en compte du contexte dans lequel elles évoluent (Rogers, Carsrud et Krueger, 1996). Enfin, cet article répond aux demandes des 92chercheurs dinvestiguer de manière plus approfondie comment les entreprises familiales trouvent léquilibre entre leur identité locale et la conquête des marchés mondiaux (Baù, Block, Cruz et Naldi, 2017).

Lintérêt managérial dune telle approche conduit, du point de vue du dirigeant, à avoir une vision différente de son entreprise et à expérimenter une gouvernance globale et intégrée. La prise en considération du territoire conceptuel favorise louverture desprit et élargit dautant le champ des possibles. Le territoire conceptuel devient alors un socle stratégique de développement et de rayonnement de lentreprise. Dans une société contemporaine marquée, notamment grâce à loutil numérique, par le décloisonnement des espaces, lappréhension et la gestion efficiente de son territoire conceptuel par une entreprise représente sûrement lun de ses principaux avantages compétitifs.

Au niveau sociétal enfin, cette approche participe à la promotion de la responsabilité sociale des entreprises en ce sens quelle propose une vision intégrative incluant lensemble des parties prenantes. Chaque partie prenante est considérée comme un acteur contribuant à la fois à la création didentité et à la création de valeur de lentreprise. La prise en compte de leurs cultures et de leurs environnements respectifs soutient une vision durable et responsable dans laquelle les individualités nourrissent autant quelles enrichissent le projet entrepreneurial global. Il convient de penser lentreprise dans le respect des différentes parties prenantes, et avec lidée de ne pas avoir deffet négatif sur celles-ci.

Lobjectif de cet article est dexplorer la notion de « territoire de lentreprise familiale » et de mettre en lumière limportance de ce concept peu étudié, dans la compréhension et la connaissance de ces firmes. Quelles sont les différentes dimensions du territoire dune entreprise familiale ? En quoi lappréhension du territoire global de leur entreprise peut-elle être utile aux entrepreneurs familiaux ?

Pour répondre à ces questions, une revue de la littérature est dabord réalisée, afin de faire apparaître les composantes, notamment conceptuelles, du territoire de lentreprise familiale, ainsi que les implications théoriques de la prise en compte de ces composantes. En se fondant sur ce socle théorique, plusieurs propositions sont émises et modélisées. La discussion envisage de considérer la notion de territoire, aussi bien géographique que conceptuel, comme un nouveau socle théorique à partir duquel les chercheurs sur les entreprises familiales pourraient travailler.

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1. Revue de la littérature

Selon Steyaert et Katz (2004), « la taille de lespace entrepreneurial a augmenté de façon spectaculaire ces dernières années car lentrepreneuriat a envahi tous les milieux et tous les secteurs de la société ». Dans leurs travaux, ces auteurs envisagent « lespace entrepreneurial » davantage comme un concept qui se diffuse et sélargit grâce à lesprit entrepreneurial, que comme un espace matériel. Pour Pitelka (1959), le territoire est même une construction entièrement et uniquement subjective. Il sapprend, se défend, sinvente et se réinvente. Cest un lieu de vie, de pensée, daction, de culture, de reconnaissance, de droit, denracinement et didentité. En marketing, le territoire est dailleurs considéré comme un espace de valeurs et dattentes où une marque est légitime aux yeux de sa clientèle actuelle ou potentielle. Il est donc exclusivement psychologique.

Ainsi, la notion de territoire peut être appréhendée sous différents sens. À côté de la territorialité géographique, il existe une territorialité humaine (Raffestin, 1987). Cest à cette dernière que la notion de territoire conceptuel se réfère en considérant, avec Soja (1971), que « lhomme est un animal territorial » et que « la territorialité affecte le comportement humain à tous les niveaux de la vie sociale ». La vision retenue ici est celle dune « géographie subjectiviste du territoire » (Bailly, 1983 ; Leberre, 1995 ; Moles, 1995) ou « géographie appliquée » (Perrin, 2001). Sous légide dun positionnement constructiviste, les partisans de ce courant plaident pour une « science du territoire », appelée « territoriologie », et discipline à part entière, qui mêlerait léthologie, la psychologie animale, lécologie, lethnologie, lanthropologie physique et la sociologie, et qui resterait à construire (Malmberg, 1980 ; Bonnemaison, Cambrezy et Quinty-Bourgeois, 1999). Dans cette acceptation élargie, trois dimensions du territoire ont été identifiées dans la littérature : une dimension culturelle (2.1), une dimension « business » (2.2) et une dimension sociale (2.3).

1.1. La dimension culturelle du territoire conceptuel

Certains auteurs insistent sur la dimension culturelle du territoire, au point de considérer que le territoire est avant tout une notion « culturelle et subjective » (Buttimer, 1969). Dans cette approche, le territoire se 94développe et prend forme à partir de représentations, de valeurs et didéologies (Bélanger, 1977). Il est défini avant tout par la relation culturelle quun groupe entretient avec le maillage de son espace. Il devient dès lors un « géosymbole », cest-à-dire un espace qui prend, aux yeux des peuples, une dimension culturelle où senracinent leurs valeurs (Bonnemaison, 1981). Lhistoire, jalonnée de résistances culturelles faisant suite à des conquêtes territoriales (Faucquez, 2009), met en lumière la dichotomie entre territoire géographique et territoire culturel et confirme, si besoin en était, limportance de la dimension culturelle du territoire.

La culture est une variable largement informelle qui permet de distinguer une entreprise dune autre (Thévenet, 1993). Schein (1985) et Dyer (1986) identifient quatre composantes de la culture : les « artifacts », les « perspectives », les « values » et les « assumptions ». Les « artifacts » sont les manifestations physiques, tangibles, de la culture : nom, marque, logo, codes vestimentaires, langage, rites, comportements, réputation… Les « perspectives » sont intangibles. Elles correspondent aux idées et aux actions quune personne utilise pour remédier à une situation problématique (Becker, Geer, Hughes et Strauss, 1961). Ce sont donc des règles spécifiques à une situation, tandis que les « values » sont des principes plus fondamentaux, qui sous-tendent un comportement général (par exemple, respecter une certaine éthique, une certaine philosophie…). Les « assumptions » enfin, se traduisent par un état desprit auquel lorganisation semble répondre. Dans lentreprise familiale, les « assumptions » sont largement influencées par la présence dune famille et par son histoire, voire par ses mythes et ses rites. Pour de nombreux auteurs (Corbetta, 1995 ; Aronoff et Ward, 2000 ; Ward, 2004), les valeurs familiales sont lessence-même des entreprises familiales et lun des piliers-clés de leur stratégie. La culture de lentreprise familiale peut être plus ou moins explicite et plus ou moins ouverte (Hall, Melin et Nordqvist, 2001), mais, dans tous les cas, trois grands types de valeurs sentrecroisent : celles des individus, celles de la famille et celles de lentreprise. Hirigoyen (2013) les modélise grâce à trois cercles se chevauchant et estime que limportance de la surface commune entre ces cercles est un indicateur de leur convergence. Ainsi, plus ladéquation entre ces trois types de valeurs sera forte, plus la dimension « culture » du territoire de lentreprise familiale sera homogène et clairement identifiable. Dans les firmes familiales, le chevauchement entre les territoires 95conceptuels des individus qui composent la firme (quils soient membres de la famille ou non) et le territoire conceptuel de lorganisation est donc un facteur clé de succès, lassimilation entre les valeurs de la famille, de lentreprise et des individus étant, selon Distelberg et Sorenson (2009), le principal défi que les firmes familiales doivent relever.

1.2. La dimension « business » du territoire conceptuel

La dimension « business » concerne lentreprise sur son (ses) secteur(s) et sur ses marchés. Elle traduit sa place dans les cycles de vie afférents (ie Vernon, 1966 ; Dicken, 2007) et son positionnement concurrentiel. Elle reflète ainsi les choix stratégiques qui ont été faits ou qui seront susceptibles de lêtre. Ces choix concernent notamment, du fait de leur impact sur le territoire de lentreprise, la diversification et linternationalisation.

1.2.1. Diversification versus non diversification

Rumelt (1974), dans la lignée des travaux de Chandler (1962), est parmi les premiers auteurs à avoir mis en évidence un lien stratégique entre stratégies de diversification et performance économique. Il sera toutefois conduit à nuancer ses conclusions suite aux critiques formulées notamment par Christensen et Montgomery (1981). Finalement pour Rumelt (1991), lindustrie nest pas une bonne unité danalyse, les industries étant beaucoup trop hétérogènes.

La diversification a ensuite été envisagée comme un moyen de réduire les risques stratégiques (Porter, 1980 ; Amit et Wernefelt, 1990 ; Denis, Denis et Sarin, 1997). Dans les entreprises familiales, les actionnaires dirigeants familiaux cherchent cette diminution du risque stratégique (Casson, 1999 ; Chami, 1999 ; Faccio, Lang et Young, 2001 ; Anderson et Reeb, 2003 ; Gomez-Mejia, Haynes, Nunez-Nickel, Jacobson et Moyano-Fuentes, 2007). On pourrait donc sattendre à un niveau de diversification élevé dans cette catégorie dentreprises. Cest lhypothèse retenue par Shleifer et Vishny (1986) ou par Anderson et Reeb (2003). Mais, elle nest pas validée car la présence de la famille dans lactionnariat et dans le management trouble le jeu des relations entre actionnaires et dirigeants. Un engagement socio-émotionnel particulier influence le comportement stratégique (Gomez-Mejia et al., 2007). Dans les entreprises familiales, le point de référence en termes de prise de risque est 96la peur de réduire la valeur socio-émotionnelle. Or, la diversification entraîne des risques de diminution de la valeur socio-émotionnelle. Elle suppose en effet plus dincertitude, elle nécessite une délégation et peut conduire à lapparition de nouveaux acteurs externes au cadre familial qui pourront exercer un contrôle sur la stratégie de lentreprise. Cette explication peut être renforcée par les résultats de Jones, Makri et Gomez-Mejia (2008) qui montrent que la présence dans le conseil dadministration des entreprises familiales de directeurs non-familiaux diminue la perspective de risque lié à la diversification et augmente ainsi le niveau de diversification.

Linnovation est aussi un facteur délargissement du territoire de lentreprise familiale car elle permet de proposer de nouveaux produits et ainsi de se différencier de la concurrence. En misant sur la recherche et le développement, lentreprise familiale peut rester à la pointe dans son domaine, assoir sa réputation et conquérir de nouveaux marchés (Villéger, 2018). Létude Ernst &Young (2013), réalisée en collaboration avec le FBN-I (Family Business Network International), montre que linnovation est considérée par les dirigeants dentreprises familiales comme étant un enjeu majeur de la croissance de leur entreprise.

Mais, réciproquement, le territoire peut aussi stimuler linnovation en secrétant, dans sa forme conceptuelle, les ressources (savoir-faire, compétences, capital) et les acteurs (entreprises, innovateurs, institutions de support…) nécessaires à linnovation. Block et Spiegel (2013) montrent dailleurs que les régions avec un haut niveau de densité dentreprises familiales sont aussi celles qui présentent le plus haut niveau dinnovation. Ainsi, linnovation napparait pas nécessairement de manière uniforme dans lespace.

1.2.2. Le choix stratégique de l internationalisation

Linternationalisation des entreprises familiales a donné lieu à un nombre de recherches significatif (i.e. Basly, 2007 ; Koopman et Sebel, 2009 ; Kontinen et Ojala, 2010 ; Sciascia, Mazzola, Astrachan et Pieper, 2013). Traditionnellement attachées à leurs marchés domestiques, les entreprises familiales sont parfois conduites à sinternationaliser afin de survivre sur des marchés devenus de plus en plus globalement compétitifs. Deux formes dinternationalisation méritent attention du fait quelles 97impactent le territoire de lentreprise : la stratégie de délocalisation et la stratégie dimplantation à létranger.

De très nombreuses études, notamment celles réalisées par Feenstra et Hanson (1996, 1999), ont mis en évidence limportance des stratégies de délocalisation des firmes américaines. Une synthèse de ces études montre que chacune dentre elles sest attachée à étudier une thématique précise liée à la stratégie de délocalisation. Barba Navaretti, Faini et Tucci (2008) sintéressent à la question du choix de la partie à délocaliser dans un pays étranger. Jones et Kierzdovski (1990), Jones (2005) analysent le choix en termes de compromis entre les coûts de production inférieurs dans le territoire étranger et ceux de la production fragmentée. Helpman, Melitz et Yeaple (2004) se concentrent sur le choix du marché de la production (domestique versus étranger) et de la manière de le servir (exportations versus investissements directs à létranger). Antras et Helpman (2004) sinterrogent sur le choix de lorigine des inputs (offshoring versus inshoring) et de linsourcing ou de loutsourcing, cest-à-dire de la quantité de délocalisation quun pays ou quune région reçoit de létranger.

La stratégie de délocalisation peut être considérée comme une altération de la théorie de lencastrement (Granovetter, 1985), car elle a des conséquences sur le territoire géographique mais aussi sur le territoire conceptuel de lentreprise. Selon une étude Pwc de 20141, 93 % des dirigeants dentreprise familiale sondés ne souhaitent pas la délocalisation de tout ou partie de leur entreprise. Les dirigeants dentreprises familiales, attachés à la gestion de proximité, y voient une perte potentielle didentité et de valeurs, ainsi quune possible atteinte à limage de lentreprise. Ils sont particulièrement prudents, voire réticents, face à ce choix stratégique. Donckels et Frohlich (1991) estiment aussi que ce faible intérêt pour linternational tient au comportement moins axé sur le profit des dirigeants familiaux par rapport aux dirigeants non-familiaux. On peut aussi justifier le faible taux de délocalisation des entreprises familiales par leur positionnement sur des créneaux de luxe nécessitant une main dœuvre hautement qualifiée. Cest par exemple le cas de lentreprise Selmer, créée en 1885 et considérée comme lexcellence française en matière de fabrication de saxophones, ou le cas de lentreprise 98Catherineau, créée en 1750, spécialisée dans léquipementerie de luxe pour avions daffaire ou yachts. La délocalisation dans des pays à main dœuvre peu chère, mais peu qualifiée, compromettrait la réputation et limage de marque de ces entreprises.

Limplantation à létranger est un second choix stratégique possible dinternationalisation. Dans ce cas, lentreprise reste ancrée dans son territoire géographique dorigine et la production ny est pas affectée. Mais elle choisit de se développer en simplantant aussi à létranger, afin de conquérir de nouveaux marchés. Le territoire géographique devient alors pluriel et lentreprise passe d« un territoire » à « des territoires ». Gallo et Pont (1996) estiment que plus la famille entrepreneuriale est capable « dêtre » internationale, cest à dire davoir un état desprit ouvert sur le monde, plus elle a tendance à se développer à linternational. Cest donc finalement la propension de la famille à sinternationaliser qui détermine la propension de lentreprise familiale à faire de même. Dailleurs, les membres de la famille sont souvent utilisés comme des instruments de réduction de lincertitude liée à limplantation à létranger car ils sont envoyés dans le pays daccueil en tant que dirigeant de la nouvelle unité implantée. Cette stratégie rassure la famille et permet aussi de donner une responsabilité et une autonomie importante à des membres familiaux qui souhaitent saffirmer et être reconnus. Cest particulièrement le cas des membres de la deuxième et troisième génération, qui voient dans cet « exil », un moyen de faire leurs preuves et dapporter à lédifice familial une extension internationale que leurs parents navaient pas apportée. En cela, limplantation à létranger peut participer au phénomène de « cooling off » décrit par Corbetta (1995). Létude de Gallo et Pont (1996) montre dailleurs que ce sont les entreprises familiales multigénérationnelles qui atteignent les plus hauts niveaux dinternationalisation.

1.2.3. La dimension sociale du territoire conceptuel

La dernière approche présente dans la littérature tend à considérer le territoire comme un tissu de relations sociales : cest la dimension sociale du territoire conceptuel. Si selon Garello (1999), une famille peut se concevoir avant tout comme un espace relationnel, de la même manière, un territoire peut se définir avant tout comme un tissu de 99relations, espace plus ou moins dense dinteractions sociales. Dans cette dimension, le réseau occupe une place prépondérante même si les notions de « réseau » et de « territoire » peuvent, à première vue, sembler antagonistes. En effet, dans lacceptation traditionnelle, le territoire est associé aux frontières et à la limitation dun espace singulier au sein dun espace global. La dynamique du réseau repose au contraire sur son indifférence à la notion de frontière (Négrier, 1989). Lapproche conceptuelle permet de dépasser ce clivage, la dimension sociale du territoire étant entendue comme linfluence de lidentité territoriale au-delà de ses frontières géographiques.

Pour de nombreux auteurs (par exemple Miles et Snow, 1986), et dans la lignée dEmery et Trist (1965), cest laccroissement de la turbulence, et par là-même de lincertitude, qui est à lorigine dun changement de point de vue menant les entreprises à envisager dautres formes dinteractions que la rivalité, et notamment la coopération.

Une entreprise est insérée dans un système territorial. Cette insertion passe par létablissement de relations avec les autres entreprises qui lui fournissent ses intrants ou lui achètent ses produits et services. Elle passe aussi par un ancrage territorial qui lui permet de mobiliser des ressources spécifiques et de participer aux réseaux locaux dinnovation et de soutien au système de production régional. La coopération nest pas permanente mais elle débouche sur la constitution dun capital relationnel, dans le sens où les acteurs locaux identifient des ressources particulières et connaissent les modalités y donnant accès.

Cette approche relationnelle (Dyer et Singh, 1998) considère que les coopérations et les alliances peuvent accroître la performance des organisations et réduire les coûts et les risques. Ces arrangements constituent des avantages « relationnels » qui devraient être pris en compte dans la détermination de la valeur de marché dune entreprise (Preston et Donaldson, 1995).

Lexistence de ce capital relationnel suppose que les modalités de mobilisation de ressources ne sarrêtent pas aux formes monétaires. Les valeurs (entrepreneuriales, familiales, professionnelles…) en vigueur dans un milieu amènent les différentes parties prenantes à contribuer à linnovation et à la production également dans la perspective dun investissement social permettant de jouer par la suite sur la confiance et la réciprocité. Cet aspect des milieux innovateurs renvoie à dautres approches plus 100spécialisées sur les problèmes de coordination de Williamson (1985) avec sa distinction entre hiérarchie, marché et réseau, en passant par des notions plus récentes comme les interdépendances non marchandes (Storper, 1995).

Le tissu social peut alors être considéré comme une ressource, constituée de « relations plus ou moins institutionnalisées dinterconnaissance » (Bourdieu, 1980) et appréhendée sous lagrégat de « capital social » (Coleman, 1988 ; Danes, Stafford, Haynes et Amarapurkar, 2009). Les liens sociaux peuvent être formels (institutionnalisés) ou informels (basés sur laffinitaire) (Tourte, 2011). Le pouvoir en résultant se partage lui aussi entre formel et informel, ce dernier pouvant se révéler, notamment dans lentreprise familiale, plus influent que le premier (Hirigoyen et Villéger, 2017, 2018). Les liens sociaux peuvent aussi être faibles ou forts (Granovetter, 1973). Les liens sociaux forts sont ceux qui relient un individu à sa famille et à ses amis proches. Les liens faibles sont ceux qui sétablissent avec de simples connaissances. Lensemble de ces liens constituent le réseau. Mais, selon Granovetter (1973), les liens faibles sont finalement très forts dans la mesure où, sils sont diversifiés, ils permettent de pénétrer dautres réseaux sociaux que ceux constitués par les liens forts.

Le réseau de lentreprise familiale est donc un réseau particulièrement fort (Lumpkin, Brigham et Moss, 2010), car il combine la puissance des liens forts par nature (les liens familiaux) et celle des liens faibles (les liens avec les parties prenantes de lentreprise par exemple), qui peuvent être qualifiés de forts dans la mesure où ils ouvrent de nouveaux horizons, cest-à-dire dans la mesure où ils permettent détendre le territoire de lentreprise familiale. Le vocabulaire employé par Granovetter (1973) est dailleurs révélateur de cette extension de territorialité puisquil fait référence aux « ponts » tracés par les liens faibles entre des groupes dindividus a priori non reliés, terme repris ensuite par Sharma (2008) pour désigner le réseau que lentreprise familiale entretient avec son environnement externe.

Dans lentreprise familiale, les relations sociales sentendent de liens affectifs, financiers, informationnels et politiques, qui permettent didentifier lentreprise (Hirigoyen, 2010). « Lespace de lentreprise familiale semble être caractérisé par un système complexe de freins et de contrepoids qui harmonise les besoins et les désirs dune variété 101dindividus et dentreprises coexistant au sein de réseaux. Ainsi, lespace de lentreprise familiale nest pas seulement lespace de la petite entreprise ou de la multinationale, mais plutôt un espace distinct, étroitement lié à sa localisation ainsi quà la communauté et aux réseaux qui lentourent » (Seaman, 2013).

2. Propositions et modèle conceptuel

Que ce soit au niveau géographique ou au niveau conceptuel, le territoire possède une dimension identitaire. En effet, le territoire est un agencement de ressources matérielles et symboliques capables de structurer les conditions pratiques de lexistence dun individu ou dun collectif social et dinformer en retour cet individu ou ce collectif sur sa propre identité (Debarbieux, 1995 ; Ferrier, 2009). Cest aussi un espace où se conforte lidentité des peuples (Bonnemaison, 1981). Au sens biologique ou ethnographique, le territoire désigne un espace quun groupe sest approprié par identification (Lévy et Lussault, 2009). Le concept didentification sous-tend donc la notion de territoire.

Au niveau géographique, la dimension identitaire du territoire est difficilement contestable. Le lieu dimplantation de lentreprise, et notamment son siège social, lui confère avant tout une nationalité, cest-à-dire une identité nationale. Mais dans le cas des entreprises familiales, la forte connexion quelles entretiennent avec leur « home region » (Bird et Wennberg, 2014), fait que leur lidentité est aussi, et peut-être avant tout, régionale et locale. La proposition suivante est émise :

P1a. Le territoire géographique participe à la définition de l identité de l entreprise familiale.

Au niveau conceptuel, du fait du chevauchement des systèmes « famille » et « entreprise » (Tagiuri et Davis, 1992 ; Sundaramurthy et Kreiner, 2008 ; Barnett, Eddleston et Kellermanns, 2009), lentreprise familiale offre un contexte propice à la mise en place de lidentité organisationnelle (Zellweger, Eddleston et Kellermanns, 2010), même 102si le degré dimplication et dinfluence de la famille peut être variable (Chrisman, Chua et Sharma, 2005 ; Chrisman, Chua, Pearson et Barnett, 2009). Cette présence familiale induit une culture différente de celle des organisations bureaucratiques non familiales (Lansberg, 1983 ; Astrachan, 1988), notamment grâce à la génération du « familiness », bouquet idiosyncrasique de ressources et compétences apportées par les membres familiaux et potentiellement créateur dun avantage comparatif (Habbershon, Williams et MacMillan, 2003 ; Zellweger et al., 2010). Or, la culture de la famille, sa réputation, ainsi que son implantation géographique et son histoire, sont considérées par Habbershon et Williams (1999) comme les premières ressources inimitables que possèdent une entreprise familiale. La culture fait dailleurs partie des trois indicateurs – les deux autres étant le pouvoir et lexpérience – composant léchelle PEC (The F-PEC Scale) (Astrachan, Klein et Smyrnios, 2002), outil majeur danalyse des firmes familiales.

De plus, la présence familiale influence lidentité sociale de la firme : se vivant en tant quentreprise familiale, et se sachant « entreprise familiale » et vue comme telle, elle met instinctivement en œuvre le comportement socialement attendu de la part dune entreprise dite « familiale » (Tajfel et Turner, 1985). Ainsi, et notamment dans sa dimension culturelle, le territoire conceptuel participe largement à la définition de lidentité de lentreprise familiale. La proposition suivante est émise :

P1b. Le territoire conceptuel participe à la définition de l identité de l entreprise familiale

Le territoire géographique peut être considéré comme une ressource économique créatrice de valeur (Capello, 2009). Mais, dans lentreprise familiale plus quailleurs, le choix dune implantation est davantage lié à des considérations non-économiques, quà des considérations économiques (Bird et Wennberg, 2014). Dans ce contexte, lhypothèse de Weber (1909) tombe : ce nest plus loptimisation financière qui guide le choix dinstallation. Lhistoire familiale est ancrée dans un espace donné et, avant les considérations financières et stratégiques, ce sont des considérations familiales et émotionnelles qui déterminent limplantation de lentreprise. Dans le cadre particulier des entreprises familiales, le territoire géographique est alors davantage un facteur de création de valeur socio-émotionnelle quun facteur de création de 103valeur économique (même si la valeur socio-émotionnelle peut avoir des répercutions économiques). Ce comportement a une résonnance au prisme de la théorie de lattachement (Bowlby, 1969), et notamment de la théorie de lattachement au lieu (Belk, 1992 ; Low et Altman, 1992), défini comme un lien affectif positif et identitaire entre un individu et un lieu spécifique, ce dernier constituant pour lindividu une extension du soi. Lattachement donne au lieu une valeur particulière, distincte de sa valeur utilitaire (Debenedetti, 2005). La proposition suivante est émise :

P2a. Le territoire géographique crée de la valeur pour l entreprise familiale.

La culture organisationnelle est source davantage compétitif (Barney, 1986). Dans la dimension culturelle du territoire conceptuel, les valeurs de lentreprise familiale sont créatrices dune valeur socio-émotionnelle pour lentreprise familiale. Lhonnêteté (Koiranen, 2002 ; Lambrecht et Ting To, 2008), léquité, la confiance et la loyauté (Pollak, 1985 ; Aronoff et Ward, 1995), ainsi quun travail rigoureux et de qualité (Tapies et Fernandez, 2010) sont typiquement des valeurs qui guident laction des entrepreneurs familiaux. Ces valeurs sont créatrices de valeur car elles contribuent à la cohésion familiale et à la pérennité de la firme (Tapies et Fernandez, 2010).

En outre, comme la famille veut le bien de ses propres membres, lentrepreneur familial veut le bien de ses employés. Il a tendance à considérer ses salariés comme appartenant à sa famille et à se comporter en protecteur vis-à-vis deux (Villéger, 2016). Le paternalisme exercé est sous-tendu par la volonté que les salariés se sentent appartenir à la famille et quune communauté dintérêts puisse ainsi se créer. La démarche est souvent couronnée de succès puisque, dans les entreprises familiales, les employés non-familiaux manifestent un fort sentiment dappartenance à lidentité familiale (Miller et Le Breton-Miller, 2005). Ils réfléchissent et agissent comme si lentreprise était la leur, illustrant en cela le concept de propriété psychologique créatrice de valeur socio-émotionnelle (Pierce, Jussila et Cummings, 2009). Ils adoptent alors un comportement de « stewardship » (Sharma, 2004 ; Miller et Le Breton-Miller, 2006) et des motivations semblables à ceux des membres de la famille (Corbetta et Salvato, 2004). Or, lintensité des valeurs dengagement et de dévouement envers lentreprise familiale est positivement corrélée à sa flexibilité 104stratégique, source davantage compétitif (Zahra, Hayton, Neubaum, Dibrell et Craig, 2008).

La valeur ainsi créée lest à un double niveau : pour lentreprise, notamment en terme dimage, et pour son environnement (écologique mais aussi économique et social). Dans les entreprises familiales, la notion de responsabilité vis-à-vis des parties prenantes est innée et naturelle car les membres de la famille considèrent lentreprise comme une extension de leur cellule familiale et ne veulent par conséquent souffrir dune image négative (Dyer, 2006).

Concernant la dimension « business » du territoire conceptuel ensuite, Porter (1980) met en évidence les facteurs exogènes qui impactent la position concurrentielle de lentreprise (modèle des cinq forces : le pouvoir de négociation des clients, le pouvoir de négociation des fournisseurs, la menace des produits ou services de substitution, la menace dentrants potentiels sur le marché, lintensité de la rivalité entre les concurrents). Il fait ainsi le lien entre le succès de lentreprise et lenvironnement dans lequel elle évolue. Le différentiel de performance des entreprises résulte alors de leur capacité à atténuer linfluence des concurrents. Les facteurs endogènes de succès, comme la diversification ou linnovation, participent aussi au développement de leur avantage concurrentiel et à la création de valeur.

Pour la dimension sociale du territoire conceptuel enfin, en sappuyant sur la théorie du capital social (Leana et Van Buren, 1999 ; Adler et Kwon, 2002), Arregle, Hitt, Sirmon et Very (2007) montrent que la force du « family social capital » est déterminée par la stabilité des interactions et la proximité des interconnexions des membres du réseau. Du fait de leurs racines locales et des liens forts quelles ont pu tisser autour, les entreprises familiales sont plus que les autres, fortement encastrées dans leur environnement local (Astrachan, 1988 ; Deniz et Suarez, 2005 ; Block, 2010). Ces liens forts avec leur environnement sont créateurs de valeur pour les entreprises familiales car ils leur permettent de bénéficier de ressources particulières (capital social, gouvernance) (Sirmon et Hitt, 2003) et représentent lun des principaux facteurs de pérennité et de viabilité des firmes familiales dans le temps (Miller et Lebreton-Miller, 2005 ; Ward, 2008). Ces développements induisent la proposition suivante :

P2b. Le territoire conceptuel crée de la valeur pour l entreprise familiale.

105

Enfin, le territoire conceptuel et le territoire géographique de lentreprise familiale sont indissociables. Les entreprises familiales influencent fortement leur environnement (Lumpkin et al., 2010) et sont fortement influencées par leur environnement (Reay, Jaskiewicz, et Hinings, 2015). Plus que dans les autres entreprises, le destin entrepreneurial est lié à un ancrage familial local et toute modification des composantes de lun des deux territoires entraine une modification des composantes de lautre territoire. La proposition suivante a donc pour ambition, comme suggéré par Baù, Block, Cruz et Naldi (2017), de « dévoiler linteraction entre les entreprises familiales et leurs racines locales » (Hindle, 2010 ; Fletcher, 2011 ; Basco, 2015).

P3. Le territoire conceptuel et le territoire géographique de l entreprise familiale interagissent.

Ces propositions conduisent à lélaboration dun modèle conceptuel :

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Fig. 1 – Modèle conceptuel du territoire de lentreprise familiale.

Il ressort de ces développements que les entreprises, notamment familiales, ont le pouvoir de créer et de façonner leur espace dinfluence et daction. Le territoire en est lexpression.

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3. Discussion

Elle sorganise autour des trois thématiques suivantes : territoire et identité (4.1), territoire et création de valeur (4.2), interdépendance des territoires conceptuels et géographiques (4.3).

3.1. Territoire et identité de lentreprise familiale

Le territoire participe à la mise en place et à la reconnaissance de lidentité de lentreprise familiale. Une carte didentité conceptuelle de lentreprise, distinguant les trois composantes de son territoire conceptuel peut être dressée.

Fig. 2 – Carte didentité conceptuelle de lentreprise familiale.

Le territoire pourrait alors senvisager comme un nouveau socle dappréhension de lidentité organisationnelle, identité sappuyant sur les caractéristiques les plus centrales, les plus distinctives et les plus durables de lorganisation (Albert et Whetten, 1985 ; Whetten et Mackey, 2002). Cette identité organisationnelle est une représentation, potentiellement 107dynamique (Albert, Ashforth et Dutton, 2000 ; Hogg et Terry, 2000), que les individus se font de lorganisation (Bouchikhi et al., 1998). Cest une approche cognitive de lentreprise, qui correspond parfaitement à lapproche cognitive de la notion de territoire conceptuel. De plus, les éléments qui font partie du territoire conceptuels sont, comme ceux qui font partie de lidentité organisationnelle, les caractéristiques les plus centrales, les plus distinctives et les plus durables de lentreprise.

Lidentité organisationnelle permet aux membres de lentreprise de donner un sens à leurs comportements organisationnels (Ravasi et Schultz, 2006). Dans ce cadre, les membres de lorganisation sont des acteurs à la fois passifs et actifs de lidentité organisationnelle : actifs car ils participent, par leur travail, leur comportement, leur engagement vis-à-vis de certaines valeurs et de certains principes de lorganisation, à la création de lidentité organisationnelle ; mais acteurs passifs aussi car leur comportement est nécessairement influencé par lidentité de lorganisation dans laquelle ils sinscrivent. Par leur comportement, ils influencent lidentité organisationnelle, mais leur comportement est aussi influencé par lidentité organisationnelle. La reconnaissance et la prise en compte du territoire conceptuel de lorganisation, présentant les caractéristiques majeures de lidentité organisationnelle, a donc une portée pratique considérable. Lanalyse de ce territoire conceptuel par les instances dirigeantes peut permettre de mieux cerner les différentes composantes de lidentité de leur organisation et denvisager déventuelles mesures adaptatives. En effet, lidentité organisationnelle, ressource idiosyncrasique propre à chaque entreprise (familiale ou non) est inimitable et par conséquent potentiellement génératrice davantage concurrentiel.

Mais, en proposant une vision globale et cognitive de lorganisation, la modélisation du territoire conceptuel sous la forme dune carte didentité conceptuelle (figure 2) peut aussi être un outil à destination des parties prenantes de lentreprise. Chacune delle pourrait en effet renseigner les différentes catégories proposées, afin de mieux appréhender son positionnement et son rôle dans lenvironnement de lentreprise. La carte didentité conceptuelle serait alors un outil daide à la décision. Pour le dirigeant, lanalyse de la perception des parties prenantes concernant ce territoire, dont il a lui-même une vision précise (et précisée, grâce à cet outil), pourrait faire apparaître des éléments de convergence et de divergence avec sa propre vision. Là encore, des actions correctrices 108pourraient être envisagées. En effet, si lidentité est une ressource idiosyncrasique, propre à chaque entreprise, elle résulte aussi dune perception idiosyncrasique, propre à chaque personne. Dans lentreprise familiale, lidentité organisationnelle reflète la manière dont la famille définit et voit la firme. Or, cette vision peut soutenir ou au contraire entraver la performance entrepreneuriale (Zellweger et al., 2010). Une comparaison de la vision du territoire conceptuel de lentreprise de chacun des membres de la famille pourrait donc accompagner la mise en œuvre dune identité organisationnelle cohérente et partagée.

Dans une approche fonctionnelle, le territoire conceptuel est donc un ensemble idiosyncrasique de valeurs, de pratiques et de relations sociales à partir desquelles lentreprise familiale construit et vit son identité (Proposition P1b).

Mais lidentité de lentreprise familiale se fonde aussi sur son territoire géographique (Proposition P1a). Dans une perspective de mise en évidence de limportance de la prise en compte du territoire dans la recherche sur les entreprises familiales, il est possible denvisager la décision dimplantation comme directement liée à un ancrage territorial préexistant. Ce territoire familial dorigine fait partie de lidentité génétique de lentreprise et appartient irrémédiablement à lhistoire de la famille et donc de lentreprise. Il a une dimension identitaire, et cette dimension identitaire est récursive. Si le territoire participe à la création de lidentité de lentreprise, lentreprise participe elle aussi à la création de lidentité de son territoire. Lorganisation, à travers son identité, crée un environnement symbolique grâce à ses acteurs qui font exister les structures, les contraintes et les opportunités auxquelles ils sont confrontés (Weick, 1988). En ce sens, lentreprise familiale rayonne sur le territoire qui lentoure et contribue aussi à le caractériser. Lexemple de lentreprise Michelin est révélateur. Si, au départ, seules les racines familiales justifiaient linstallation sur le territoire clermontois, 150 ans plus tard, cest lentreprise qui donne une grande partie de son identité à cet espace. Tous les acteurs locaux reconnaissent que son rayonnement pèse pour une grande part dans lattractivité de la ville. « Lentreprise Michelin est indissociable de la ville de Clermont-Ferrand dont elle a assuré lessentiel du développement économique et social depuis plus dun siècle. Leurs sorts restent intimement liés » (Donnet, 2008). La présence dun groupe de cette renommée a même été analysée par certains auteurs 109(Védrine, 2008) comme « le seul attribut global de ce territoire ». Cest finalement le territoire conceptuel de lentreprise qui donne une identité au territoire géographique qui laccueille (Proposition P3).

3.2. Territoire et création de valeur
pour lentreprise familiale

Dans chacune de ses trois dimensions, le territoire conceptuel crée de la valeur pour lentreprise familiale. Dans sa dimension culturelle tout dabord, la culture de lentreprise familiale est transmise non seulement aux membres de la famille mais aussi aux employés de lentreprise, non-membres de la famille. Dans ce contexte, les valeurs créent de la valeur (Villéger, 2016) (Proposition P2b). Les entreprises familiales sont marquées par une recherche dadéquation entre les valeurs de la famille, celles des individus et celles de lentreprise. La présence dune famille à la tête de lentreprise implique, tel un effet « buvard », que les valeurs familiales déteignent sur lentreprise.

Concernant les membres familiaux, le système « famille » fait en sorte, de manière quasi-darwinienne, de développer chez eux, une culture de la continuité et de la primauté de lentreprise familiale. Cest lentité « famille » qui, sous le paradigme de la transmission intergénérationnelle, est responsable de la formation du capital social et culturel de ses membres (Becker, 1964). Lentreprise familiale reste ainsi un environnement particulièrement favorable à la transmission familiale de connaissances, de valeurs, doutils, de compétences et de motivation (Dawson, 2012), facteurs de pérennité de la firme (Proposition P2b).

Mais la dimension culturelle du territoire conceptuel de lentreprise familiale se développe aussi autour des employés de lentreprise non-membres de la famille. Lidentité particulière des entreprises familiales les affecte (dIribarne, 1993). Par effet « boule de neige », ils sont eux aussi, davantage que dans les entreprises non-familiales, imprégnés des valeurs de loyauté, de fidélité, dimplication et de reconnaissance. Ils ont tendance à se comporter en « bon intendant » de lentreprise, plutôt quen agent (Basco, 2015), ce qui induit chez eux un comportement responsable et un fort engagement (Azoury, Daou et Sleiaty, 2013), créateurs de valeur pour lentreprise (Proposition P2b).

En transmettant ses valeurs, lentreprise familiale agrandit son territoire conceptuel. La valeur créée par le dynamisme de ce territoire 110conceptuel (Proposition P2b) a renforcé la valeur du territoire global de lentreprise (Proposition P3).

Dans sa dimension « business », le territoire conceptuel de lentreprise familiale participe aussi à la création de valeur (Proposition P2b). En innovant ou en se diversifiant, lentreprise familiale peut conquérir de nouveaux marchés. Létude Ernst &Young (2013), réalisée en collaboration avec le FBN-I (Family Business Network International), montre que près de la moitié des entreprises familiales interrogées prévoit de miser davantage sur linnovation dans les années à venir.

Enfin, pour la dimension sociale, le territoire conceptuel, et plus particulièrement le réseau, crée de la valeur (Proposition P2b), aussi bien pour les individus qui en font partie que pour leur entourage (Putnam, 2002 ; Sander, 2015). Il apporte des ressources (Grootaert et Van Bastelaer, 2002) et des bénéfices (Portes, 1998) supplémentaires à lentreprise. Il permet aussi de régler de manière informelle bon nombre dopérations et de réduire dautant les coûts de transaction (Fourcade, Gallego, Polge et Saoudi, 2010). Leffet dappartenance à un réseau génère un avantage concurrentiel pour lentreprise (Becattini, 2004) dû à un effet de proximité, aussi bien géographique que relationnel (Grossetti, 2004).

Les entreprises familiales créent de la valeur grâce à leur capacité à renouveler et à réorganiser leurs interactions sociales à lintérieur et à lextérieur de la famille qui les contrôle (Salvato et Melin, 2008). Lintégration locale est par exemple devenue une variable de mesure de la valeur des entreprises familiales (Colli, 2012). Elles développent et cultivent aussi des relations coopératives de long terme qui favorisent lapprentissage, le partage des risques et linvestissement, et qui sont donc créatrices de valeur, aussi bien au niveau individuel quau niveau collectif (Uzzi, 1996). Elles peuvent aussi faire partie de réseaux issus de « business center » ou dassociations professionnelles dédiées aux entreprises familiales, qui leur apportent davantage de reconnaissance et de visibilité ainsi quun partage de connaissances et de projets (Sharma, Hoy, Astrachan et Koiranen, 2007).

Le territoire géographique est aussi créateur de valeur pour lentreprise familiale (Proposition P2a). Dans les approches traditionnelles marshalliennes et porterriennes, le territoire géographique est, en lui-même, créateur de valeur pour lentreprise qui sy implante, pourvu quelle y ait, au préalable, décelé les facteurs nécessaires à sa réussite. Si dans 111ces analyses les facteurs à déceler sont essentiellement matériels, organisationnels et économiques, dans lentreprise familiale, les facteurs géographiques créateurs de valeur sont avant tout socio-émotionnels.

Parmi eux, le premier facteur spatial créateur de valeur est limplantation de la famille. En effet, en simplantant dans la région dorigine de la famille, lentreprise familiale bénéficie instantanément dune assise déjà existante. Lancrage territorial de la famille renforce lancrage territorial de lentreprise.

Du côté des employés, il est possible denvisager que leffet de simple exposition (Zajonc, 1968), combiné au biais de familiarité, est ici à lœuvre, augmentant la probabilité pour lentreprise de créer une perception positive du simple fait dune exposition répétée et déjà familière des membres de la famille dans cet espace géographique. Dans le même sens, la familiarité et la confiance, induites par lappartenance à un même territoire permet de réduire les coûts dagence ainsi que les coûts de transaction et de contrôle dans les échanges intra-territoriaux. La tendance au comportement de « bon intendant » des employés dentreprises familiales non-membres de la famille (Basco, 2015) trouve alors une nouvelle explication dans la proximité spatiale dans laquelle les acteurs se retrouvent. Le partage dun même territoire géographique favorise le partage de valeurs et de destinées. Le lien spatial agit comme un catalyseur de confiance et dambitions communes.

Du côté des membres de la famille entrepreneuriale, lancrage « géographico-familial » est aussi rassurant. Il donne le sentiment de sinscrire dans une continuité et de ne pas être en rupture avec lhistoire familiale. Il apporte aussi une légitimité, voire une assurance, à des dirigeants parfois en proie au doute. Mais lattachement au lieu est avant tout dû à des facteurs socio-émotionnels, ce qui explique que les dirigeants dentreprises familiales aient moins tendance que les autres à délocaliser2.

Lorsquils choisissent de simplanter à létranger, les dirigeants dentreprises familiales le font en tentant de reproduire lesprit et les valeurs de lentreprise dans le nouveau lieu daccueil. Tout se passe comme si ils essayaient de recréer le cadre local de leurs origines dans le pays dimplantation. Lentreprise familiale cherche à se rapprocher des populations locales, à développer un lien de confiance et de proximité avec elles. Son attachement aux valeurs socio-émotionnelles lui fait 112accorder une importance particulière au respect des acteurs locaux lors de la pénétration du nouveau territoire géographique (Gomez-Mejia et al., 2017). Le territoire géographique, en tant que support physique de considérations socio-émotionnelles liées au lieu, est donc intrinsèquement un outil de création de valeur aux yeux des entrepreneurs familiaux (Proposition P2a), attachés aux racines locales et à la proximité.

3.3. Interdépendance des territoires conceptuels
et géographiques de lentreprise familiale

François Michelin avait coutume de dire en parlant de son entreprise : « Le jour où la Maison quitterait ses murs, elle perdrait son âme » (Donnet, 2008). Cette citation illustre parfaitement lindissociabilité du territoire géographique (les murs) et du territoire conceptuel (lâme) de lentreprise familiale. Cette imbrication est modélisée par la figure 3.

Fig. 3 – Lentreprise familiale en tant que territoire.

113

Dans sa composante spatiale, le territoire de lentreprise familiale est une terre dorigine, celle dans laquelle ses racines sont nées et se sont développées. En cela, la figure de lancre est symbolique. Elle permet de représenter non seulement lattachement fort de lentreprise familiale à son territoire géographique dorigine (larrachement de lancrage pouvant provoquer des dégâts irrémédiables) mais aussi lidée dune terre nourricière dans laquelle lentreprise viendrait puiser son histoire et sa force. Lespace physique est la matrice dun espace économique et social qui le transcende, ce dernier sétant largement élargi à lépoque contemporaine puisque les ressources spécifiques ne sont plus matérielles et liées au territoire physique, mais de plus en plus immatérielles et liées au territoire organisé (Mendez et Mercier, 2006), cest-à-dire au territoire conceptuel.

Ce territoire conceptuel, largement symbolique, mais non moins important que le territoire physique, se compose de trois dimensions (culturelle, business et sociale) qui interagissent et se nourrissent mutuellement. Les ellipses qui les représentent symbolisent non seulement les interactions entre ces trois dimensions mais aussi le caractère potentiellement mouvant et dynamique de ce territoire. Il nest pas figé. Il évolue et se renouvelle perpétuellement.

Enfin, les doubles flèches symbolisent les interactions entre le territoire géographique et le territoire conceptuel (Proposition P3). Ces deux territoires sont interdépendants car les actions individuelles et les relations interpersonnelles, y compris économiques, sont « encastrées » dans divers tissus de relations sociales (Granovetter, 1985). Ce tissu de relations sociales peut se révéler être, pour lindividu, aussi bien une ressource quune contrainte, car lencastrement nest ni une dissolution ni un déterminisme, cest une dépendance. Plus largement, plusieurs sociologues (par exemple Dimaggio et Zukin, 1990 ; Scott, 1995 ; Beckert, 2010) ont utilisé la notion dencastrement pour désigner la dépendance de lactivité économique vis-à-vis de divers aspects de la vie sociale, au-delà des réseaux sociaux. En ce sens, les activités économiques de la firme sont sous lemprise des contraintes politiques, institutionnelles, culturelles… des sociétés dans lesquelles elles sinscrivent et lencastrement territorial fait référence à ce phénomène transposé au niveau local. Dans ce tissu de relations encastrées, le territoire géographique de lentreprise familiale ne peut saffranchir de son territoire conceptuel, avec sa culture, ses 114activités et ses relations sociales. De même, les éléments du territoire conceptuel sont en partie déterminés par des variables géographiques.

Cette imbrication des deux territoires est particulièrement présente dans les entreprises familiales, traditionnellement très encastrées (« embeddedness ») au niveau local. En effet, leur territoire dancrage nest pas seulement le lieu où le fondateur a ses racines, il est aussi le lieu où sa famille vit (Colli, 2012). Un lien de dépendance inextricable sétablit alors entre le territoire géographique et le territoire conceptuel de lentreprise familiale (Proposition P3).

Dabord, en tant que lieu dhistoire et déducation, le territoire géographique est le dépositaire de la réputation familiale. Limage de la famille et celle de lentreprise sont indissociables (Zellweger et Kellermanns, 2008 ; Zellweger et Nason, 2008). Tout manque de respect pour le territoire berceau de lentreprise et de la famille risque davoir de graves répercussions sur leur image. Cest pourquoi les dirigeants dentreprise familiale ont appliqué les préceptes du développement durable avant même que le concept nexiste. Chez eux, lexigence de responsabilité est un comportement naturel, presque dicté par linstinct de survie, tant la famille est prisonnière de limage quelle renvoie sur le territoire. Lexigence est encore plus forte en cas déponymie. Si léponymie est un moyen privilégié dassocier les valeurs de la famille à celles de lentreprise (Craig, Dibbrell et Davis, 2008), elle renforce aussi lassimilation de la famille au territoire géographique et conceptuel de lentreprise familiale. Finalement, au niveau local, avoir un nom associé à celui dune entreprise familiale apporte peut-être plus de devoirs que de droits. La famille se doit dêtre irréprochable, aussi bien dans la sphère privée que dans la sphère professionnelle, car limage de lentreprise, élément de la dimension culturelle de son territoire conceptuel, en dépend.

Ensuite, les entreprises familiales sont émotionnellement liées à leur région dimplantation (Hirigoyen et Basly, 2018). Pour elles, lun des défis majeurs à relever est dêtre en harmonie avec la communauté locale dans laquelle elles évoluent (Niehm, Swinney et Miller, 2008). Elles sont donc particulièrement dynamiques dans la constitution et le développement de réseaux régionaux, fondés sur un « regional familiness » (Basco, 2015). Fortement attachées à leur région, les firmes familiales font preuve, à son égard, dun profond sens de lengagement et dun esprit citoyen (Berrone, Cruz et Gomez-Mejia 2012), voire philanthropique 115(Campopiano, De Massis et Chirico, 2014). Elles supportent souvent, financièrement et en sy impliquant, les initiatives sociales et entrepreneuriales locales.

Mais la dimension sociale sétend aussi au-delà de lancrage local. Aujourdhui, les entreprises sont insérées à la fois dans un espace local et dans des espaces très éloignés (Nachum et Keeble, 2003). De même que la densité des réseaux matériels de transport sont révélateurs de lattractivité et de la puissance dun territoire géographique, la densité dun réseau social informe sur le pouvoir de son détenteur. Or, là encore, le territoire géographique interagit avec le territoire conceptuel, de nouvelles implantations au niveau national ou international favorisant nécessairement le développement dun réseau social afférent.

Conclusion

Le territoire conceptuel de lentreprise familiale, dont létude a été négligée dans la littérature académique, sarticule autour de trois dimensions : la dimension culturelle, la dimension « business » et la dimension sociale. Ainsi définit, il participe, autant que le territoire géographique, à la caractérisation identitaire et à la création de valeur de chaque entreprise familiale. Enfin, il entretient une relation dinteraction récursive avec le territoire géographique.

Au niveau théorique, cette recherche offre une exploration originale qui répond à la demande de Rogers, Carsrud et Krueger (1996) considérant que les approches anthropologiques de lentreprise familiale devraient être davantage investiguées.

En présentant de manière holistique les différentes facettes du territoire des entreprises familiales, cet article infirme lappréciation de Sautter (1979), selon laquelle il existe entre les hommes et leurs paysages une connivence secrète dont le « discours rationnel, scientifique, “décorticateur” et classificateur » ne peut rendre compte. Ici, la modélisation du territoire conceptuel de lentreprise familiale rend compte non seulement des relations qui existent entre lentreprise et son paysage mais aussi des dynamiques qui les animent. Cet article pourrait ainsi servir de base à des 116études plus poussées sur la propension à la délocalisation des entreprises familiales et sur les leviers ou les réticences qui accompagnent ce choix.

En outre, la même analyse pourrait se faire pour la famille entrepreneuriale. Le territoire de la famille entrepreneuriale pourrait lui aussi être exploré, au prisme de sa culture, de ses activités et de ses relations sociales. La réalité du territoire de lentreprise familiale résulterait alors de la synthèse et de linteraction des territoires géographiques et conceptuels de lentreprise et de la famille.

La recherche menée ici sinscrit aussi dans le prolongement des travaux de Gomez-Mejia et al. (2007) sur limportance de la valeur socio-émotionnelle pour les dirigeants familiaux. La prise en compte du territoire conceptuel et de sa dimension subjective confirme en effet que, dans les entreprises familiales, les motivations non-économiques jouent un rôle central dans les choix managériaux opérés. Lexemple du choix de la localisation de lentreprise en fonction de lhistoire de la famille et non des ressources territoriales disponibles est à ce sujet révélateur.

Lanalyse du territoire conceptuel permet aussi de dépasser lapproche classique de la firme tant la mise en lumière de linfluence des variables « histoire », « image » et plus généralement « culture » viennent confirmer les développements sur la rationalité limitée du dirigeant (Simon, 1957 ; Kahneman et Tversky, 1974).

Au niveau opérationnel, cette recherche montre que les entreprises, notamment familiales, ont le pouvoir de façonner leur espace dinfluence et daction. La création de valeur qui en découle influence la compétitivité de lentreprise.

La modélisation du territoire conceptuel qui est proposée permet aussi aux entrepreneurs familiaux de mieux appréhender les facteurs didentification et de valorisation de leur entreprise. Ils disposent ainsi dun outil stratégique de visualisation des forces et des faiblesses, ainsi que des déséquilibres éventuels de chaque dimension de leur territoire global. Ils peuvent aussi lutiliser comme support pour la réalisation dun business model.

Pour les acteurs de lentreprise, la modélisation du territoire conceptuel apporte une connaissance complète de lorganisation dans laquelle ils évoluent. Elle permet, aussi bien aux dirigeants quaux employés, de mieux comprendre les facteurs culturels singuliers de leur entreprise et de mieux se les approprier. En cas de rachat par exemple, la prise en 117compte du territoire conceptuel de lentreprise familiale acquise peut aider les nouveaux dirigeants à cerner une culture déjà intégrée par les acteurs familiaux (Astrachan, 1988).

Finalement, le territoire de lentreprise familiale dépasse largement sa localisation spatiale. Il est aussi bien géographique que conceptuel. Les deux dimensions interagissent en permanence et ont une portée particulièrement symbolique du fait de la présence familiale car, comme le disait François Michelin (1926-2015) : « On ne peut pas séparer un arbre de ses racines ».

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1 Lentreprise familiale, un modèle durable, Family Business Network France, Pwc, Septembre 2014.

2 Étude Pwc 2014 pré-citée.