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Classiques Garnier

Préface

  • Prix Jeune chercheur 2013 de l'académie Montesquieu
  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Entre les larmes et l’effroi. La tragédie classique française, 1677-1726
  • Auteur : Beugnot (Bernard)
  • Pages : 7 à 9
  • Collection : Lire le xviie siècle, n° 14
  • Série : Théâtre, n° 1
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782812444036
  • ISBN : 978-2-8124-4403-6
  • ISSN : 2257-915X
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-4403-6.p.0007
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 30/08/2012
  • Langue : Français
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Préface

Longtemps, la période qui s’étend de la Phèdre de Racine au retour d’Angleterre de Voltaire, fut associée au déclin de la scène française, avec les Campistron, Crébillon ou Longepierre, dramaturges de seconde zone que pourtant lisaient encore les critiques du xixsiècle finissant. À ce lieu commun, le livre de Nicholas Dion dont l’introduction est un état présent aussi informé que maîtrisé et une éclairante mise en contexte, se propose (et il y réussit fort bien), après diverses études récentes de plus large prise et nombre de rééditions, d’apporter un démenti nuancé, sans prétendre à la redécouverte de chefs-d’œuvre oubliés. Il fallait de la hardiesse pour s’attaquer à un corpus « extirpé des limbes de la mémoire littéraire » et partir en quête de son originalité, pour remettre en question cette prétendue sclérose de l’invention dramatique contemporaine d’une poétique dont le discours tarde à se renouveler ; il y fallait aussi la tutelle initiale de maîtres judicieux ; il y fallait enfin une culture, une langue et de la ténacité ; toutes ces fées se sont penchées sur le berceau du jeune dix-septiémiste.

Il en résulte un panorama attachant qui parvient à conjoindre dans un équilibre heureux vues synthétiques, fines lectures de textes, citations de pages injustement oubliées qui constituent, discrètement insérée dans la trame des analyses, une manière d’anthologie au double statut argumentatif et illustratif. L’inventaire est en lui-même impressionnant puisque Nicholas Dion a lu et médité près d’une centaine d’œuvres dont sont dressés deux inventaires, chronologique et alphabétique, précieux instrument pour des recherches futures.

Ici nulle prétention à la théorie, nulle concession aux modes plus ou moins récentes, mais une histoire littéraire attentive et solide qui sait s’ouvrir aux concepts modernes et mobilise tour à tour la rhétorique, l’histoire des genres, l’histoire des idées, la réception des textes de l’antiquité grecque et latine, large spectre destiné à multiplier les points de vue de nature à rendre intelligibles les mutations qui s’opèrent et à en saisir les « inflexions ». Il s’agit bien en effet durant ces cinq décennies, avec le triomphe de l’esthétique du spectaculaire, d’une reconfiguration

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du théâtre pris dans la friction et la porosité de plusieurs genres ; les pôles en sont la substitution de l’horreur à la terreur et à la crainte aristotéliciennes qui avaient dominé la tragédie, et l’émergence du registre élégiaque auquel la Bérénice de Racine avait fourni en 1670 une première inspiration, qui aboutira à la comédie larmoyante et au traité, ici ressuscité, de Jean-Bernard Le Blanc en 1731. Mais, autour de ces deux axes, d’autres notions émergent et prêtent à des découvertes ou de fines mises au point : la simplicité, la stratégie des larmes, le statut nouveau du monologue et du récit, la tragédie lyrique (pensons à Quinault) qui renoue avec l’antique mythologie, la naissance de l’opéra, la mutation de l’héroïsme, l’amuïssement du politique. S’écrit en parallèle une histoire de la réception de Corneille et de Racine par les nouvelles générations, à travers des polémiques dont Nicholas Dion déchiffre clairement les enjeux. L’éclairage n’est donc pas seulement porté sur les métamorphoses d’un genre ; c’est l’esprit général et l’esthétique d’une époque qui sont reconsidérés grâce à des lectures étendues et parfaitement assimilées dont témoigne la trentaine de pages de la bibliographie ; ce sont d’essentielles questions formelles ou sociales qui sont abordées de front ou qui rôdent dans les marges, signe de la fécondité de ce travail qui ouvre des pistes et invite à des recherches futures.

Somme exemplaire sur un corpus et une période peu explorés, Entre les larmes et l’effroi prend figure de généthliaque qui célèbre aux yeux des lecteurs attentifs la naissance et le talent d’un chercheur, manifestement appelé à contribuer de manière éminente aux études dix-septiémistes canadiennes dont un numéro de xviie siècle vient de dresser un premier bilan. S’en portent garants son bagage érudit, son aptitude à exploiter les remarques de son jury pour parfaire sa thèse en un livre, son aisance d’écriture en une matière au départ austère et la poursuite déjà engagée, sous la férule de Normand Doiron, de ses travaux sur l’élégiaque.

Bernard Beugnot, novembre 2011

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Puisque le présent ouvrage constitue la version remaniée d’une thèse de doctorat, je souhaite en premier lieu exprimer toute ma gratitude à mes deux directeurs, Monsieur Éric Van der Schueren et Madame Delphine Denis, pour leur bienveillance et leur rigueur, de même que pour leur aide précieuse et indéfectible sans laquelle ce livre n’aurait jamais été possible. Ma gratitude se tourne aussi vers les membres qui ont composé le jury de ma soutenance, Monsieur Bernard Beugnot, Monsieur Pierre Frantz et Madame Sabrina Vervacke, ainsi que vers Monsieur Thierry Belleguic, président de la soutenance, pour leurs lumières et leurs conseils judicieux. Je remercie tout spécialement Monsieur Bernard Beugnot qui me fait l’honneur d’une élégante et élogieuse préface.

Je tiens à remercier les membres de ma famille : un merci particulier à mon père, qui est depuis toujours mon premier lecteur, et à Karine, qui a revu avec enthousiasme chacun des chapitres. Je remercie également Dan et Julie de leurs relectures attentives.

Enfin, je tiens à exprimer ma reconnaissance à Christian Biet, Delphine Denis et Tiphaine Karsenti, qui accueillent mon livre dans leur collection.