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Classiques Garnier

Résumés

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Résumés

Marie-Élisabeth Henneau, Corinne Marchal et Julie Piront, « Avant-propos »

LANR Lodocat (Lotharingie – Dorsale catholique) a eu pour finalité détudier loriginalité des formes de christianisme ayant prospéré sur cette zone d« entre-deux » en repensant les facteurs explicatifs dune telle variété dexpériences religieuses, de leur diffusion mais aussi des échecs rencontrés. Le premier axe du projet a eu pour propos détudier les formes de vie religieuse sous langle de lengagement des femmes, en cherchant à préciser leurs spécificités au sein de ces territoires.

PREMIÈRE PARTIE

Religieuses et semi-religieuses
entre Gênes et Bruxelles : des agents féminins
du catholicisme romain aux frontières
du protestantisme

Marie-Élisabeth Henneau et Corinne Marchal, « Introduction »

Quelles relèvent dinstituts fondés au Moyen Âge, quelles adoptent des modes de vie moins conventionnels ou quelles agissent au sein des familles religieuses fondées dans le contexte de la Réforme catholique, les femmes sont bien présentes et agissantes au cœur des territoires de catholicité. Deux questions se posent ici : le sont-elles de façon remarquable ou singulière sur la Dorsale ? Le sont-elles de manière uniforme et conforme aux attentes des autorités et/ou de la société ?

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Corinne Marchal, « Les abbayes de chanoinesses nobles de Franche-Comté confrontées à la réforme post-tridentine »

La carte des chapitres nobles féminins révèle leur forte implantation dans la Dorsale catholique. Leur situation face au protestantisme les désigna comme des établissements nécessaires à réformer. En sattachant au cas franc-comtois, létude éclaire ici les conséquences de leur rencontre avec les agents de la Réforme catholique. À leur contact, les dames nobles furent amenées à préciser et justifier le modèle de vie religieuse auquel elles entendaient se référer.

Bertrand Marceau, « Une frontière politico-religieuse ? Les cisterciennes de la Dorsale catholique au xviie siècle »

Existe-t-il au xviie siècle une spécificité des religieuses cisterciennes dans la Dorsale catholique ? Leurs établissements se sont-ils particulièrement implantés, réorganisés ou redéployés dans cet espace comme des « citadelles de prière » ? Deux points principaux sont ici abordés : la réorganisation des cisterciennes à lépoque moderne, afin de déterminer si celle-ci a été une spécificité de la Dorsale ; le dynamisme de ces religieuses, en particulier sur le plan de la spiritualité.

Marie-Élisabeth Henneau, « Fondation et “dilatation” dun ordre religieux féminin sur la Dorsale catholique (1604-1647) »

Cette étude tente de répondre aux interrogations posées à propos du choix délibéré – ou non – de faire de la Dorsale une terre délection, de la spécificité des phénomènes qui peuvent y être observés et des engagements féminins dans les œuvres de la Réforme et de la Contre-Réforme catholiques durant la guerre de Trente Ans. Pour en apprécier loriginalité, les réponses apportées par les annonciades célestes sont rapprochées ici des résultats de létude jadis réalisée à propos des visitandines.

Julie Piront, « Bastions de pierres et de prières : larchitecture de monastères féminins sur la Dorsale catholique (1597-1677). Projet de recherche et étude de cas »

En vue dapporter un éclairage neuf sur larchitecture de monastères répartis sur la Dorsale catholique, il sagit de mesurer le degré dinvestissement 1081des communautés dans la configuration des espaces urbains et des réseaux sociaux et de montrer comment des religieuses vivant en retrait du monde participent pourtant à la stratégie militante de lÉglise catholique envers la société.

Jean-Marc Lejuste, « La novice face à son choix de vie. Lengagement religieux dans les diocèses lorrains (xvie-xviiie siècles) »

La forte densité des communautés implantées dans les diocèses lorrains montre la vitalité religieuse de cette partie de la Dorsale catholique durant lépoque moderne. Il sagira ici de mesurer lampleur du recrutement des novices dans ces diocèses, en sappuyant sur les professions enregistrées au sein de couvents et dabbayes, détudier ensuite les motivations et les combats des novices pour entrer en religion, avant dexpliquer comment elles justifient le choix dune communauté plutôt quune autre.

Bénédicte Gaulard, « Contrer la Réforme protestante par limage. La décoration des couvents féminins comtois aux xviie et xviiie siècles »

La Franche-Comté tridentine se caractérise par lapport des figures féminines réformatrices ou fondatrices dordres religieux dès le début du xviie siècle. Deux thématiques sont traitées ici : la position des fondatrices comtoises face à limage, arme puissante contre la Réforme protestante et soutien de la vie spirituelle ainsi que la mise en valeur de certains éléments mobiliers qui sintègrent dans cette « reconquête des âmes » par limage.

Daniel-Odon Hurel, « Conclusions »

Cette première partie a permis de définir le profil des femmes en religion dans son héritage médiéval comme dans sa modernité créatrice, dans sa normalité comme dans ses marges spirituelles et sociales. Si les religieuses ne justifient pas leur fondation ou leur réforme par la proximité avec les protestants, il nen demeure pas moins quelles sont soutenues par des familles et des réseaux qui sinscrivent assez généralement dans un contexte daffirmation catholique tridentine.

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DEUXIÈME PARTIE

Relations et interactions entre chapitres, couvents, monastères féminins
et leur environnement
dans lespace lotharingien (XIIIe-XVIIIe s.)

Corinne Marchal et Marie-Élisabeth Henneau, « Introduction »

Les femmes étudiées ici ont toutes été agrégées dans des groupes sociaux plus ou moins structurés et ont vécu en synergie avec dautres. Les interactions au sein de ces espaces féminins, mais aussi entre ces femmes et leur environnement social méritaient dêtre étudiées, en considérant ce qui pouvait les caractériser au sein de la Dorsale. Lintention était à la fois den dresser une typologie, den déterminer les modalités, den suivre les évolutions et den cartographier le déploiement.

Marie-Élisabeth Henneau, « Circulations et interactions autour des monastères de lAnnonciade céleste (1604-1674) »

En suivant certains de leurs déplacements, on tente dabord de comprendre comment se met en place et agit le réseau social des annonciades célestes lors de leur déploiement sur la Dorsale, tout en abordant les modalités de circulations et déchanges entre ces communautés religieuses et le monde extérieur. Létude se penche ensuite sur un cas de figure particulier : la nébuleuse sociale autour du petit monastère franc-comtois de Nozeroy et de sa figure tutélaire Marie Étiennette Delizet (décédée en 1674).

Sylvie Boulvain, « De lincidence des réseaux sur les sépulcrines de Verviers à la charnière des xviie et xviiie siècles »

Une correspondance entretenue par le vicaire général de Liège avec différents protagonistes révèle une partie des interactions dans et autour du couvent des chanoinesses du Saint-Sépulcre de Verviers durant plus dune décennie de leur histoire. Ce dossier permet de détecter linfluence des réseaux familiaux, amicaux, institutionnels et spirituels et, surtout, la grande dépendance dune 1083communauté cloîtrée à légard du monde extérieur, dépendance accentuée par ses difficultés financières.

Raymond Dewerdt, « Les sœurs grises et les béguines dans les Pays-Bas bourguignons (xiiie-xve siècles). Une même poenitentia ? »

Une parenté spirituelle unit les sœurs grises aux anciennes béguines, à commencer par leur vocation à vivre dans le monde et par leur attachement à un idéal de pauvreté. Suspectées dhérésie, les béguines sont condamnées au début du xive siècle. Les sœurs grises, qui apparaissent peu après, vont bénéficier du fait dêtre étroitement liées aux frères mineurs. Elles finiront par être invitées à se cloîtrer et à perdre elles aussi leur originalité au début de lépoque moderne.

Julie Piront, « Copies et modèles architecturaux aux frontières de la catholicité. Les sources dinspiration des monastères des annonciades célestes (xviie-xviiie siècles) »

Le parti architectural comme le programme ornemental des couvents érigés à lépoque moderne sont influencés par des formules mises au point par dautres. Sont analysés ici les modèles auxquels les annonciades célestes recourent, mais aussi le rôle des mécènes et des hommes de métier prenant part aux transferts architecturaux entre les différentes congrégations urbaines. Au départ de témoignages de religieuses et darchitectes, on questionne la spécificité de ces influences au sein de la Dorsale catholique.

Marie-Cécile Charles, « Réseaux sociaux et circulation de modèles. Analyse de trois biographies de religieuses »

En se fondant sur trois biographies diffusées dans le duché de Luxembourg et consacrées à des profils féminins très différents – une carmélite, une recluse et la fondatrice dun couvent de la congrégation Notre-Dame –, lanalyse des communications et interactions régissant la vie de ces femmes présentées comme exemplaires permet de repérer les modèles, individuels mais aussi collectifs que les auteurs avaient lintention de transmettre à leurs contemporains, et den comprendre les enjeux.

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Corinne Marchal, « La circulation du modèle séculier de chapitre noble par les relations entre les compagnies de chanoinesses (Franche-Comté et Lorraine, fin du xviie et xviiie siècles) »

Des relations auraient facilité la circulation entre chapitres nobles dun modèle et de valeurs unifiants. Lenquête sattache à les recenser et à préciser ce qui les motiva. Elle met en évidence des relations de nature sociale ou visant à préserver lautonomie de ces chapitres face aux pouvoirs ecclésiastique et civil. Ces contacts sétablirent surtout entre instituts dune même province et neurent guère de développements au-delà, ce qui laisse supposer dautres facteurs dhomogénéisation.

Céline Drèze, « La suppression du chant liturgique dans les chapitres de chanoinesses nobles des Pays-Bas autrichiens (1786). Protestations et revendications identitaires »

La réforme des chapitres nobles ordonnée par Joseph II a suscité moult réactions chez les chanoinesses. Elles sopposent notamment à la suppression du chant de loffice divin au chœur. Létude de leurs lettres de protestation permet de saisir comment se conscientise et sexprime leur volonté de sauvegarder leurs usages et privilèges ancestraux en réinvestissant et protégeant le chant de loffice divin, lune des manifestations les plus significatives de leur identité.

Daniel-Odon Hurel, « Conclusions »

Létude des manifestations et des modalités des relations entre le monde religieux féminin et lenvironnement social et institutionnel, envisagée sur le long terme, fait ici lobjet dun traitement original puisquil se fonde sur lhistoire de familles religieuses peu ou moins connues : chartreuses féminines, annonciades célestes et chanoinesses nobles en particulier. Les modalités dinteraction entre le cloître et le monde puisent leur réalité multiple dans tous les aspects de la vie communautaire.

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TROISIÈME PARTIE

Écriture de soi / écriture de lautre
dans les milieux conventuels féminins
du Nord de lItalie aux Pays-Bas méridionaux (XVe-XVIIIe siècles)

Marie-Élisabeth Henneau, « Introduction »

Dans cette troisième partie, il sest agi de déterminer dans quelle mesure les écrits de femmes produits sur les terres de la Dorsale présentaient des caractéristiques propres à leur appartenance sexuée, à leur statut de religieuses et à leur situation géographique et de vérifier lhypothèse selon laquelle elles auraient manifesté une volonté délibérée de participer activement aux œuvres de pré-Réforme et de Réforme catholique.

Jean-Pierre Delville, « Thérèse dAvila (1515-1582) et la lecture de la Bible »

Cette contribution revient sur lutilisation de la Bible par Thérèse dAvila, en présentant la théorie herméneutique mise en œuvre en particulier dans ses Pensées sur lamour de Dieu et dans ses poésies. Elle analyse ensuite les textes de Thérèse consacrés à certaines femmes de la Bible, spécialement celles du Nouveau Testament, qui sont pour elle source dinspiration.

Catherine Guyon, « Les écrits spirituels de Philippe de Gueldre, duchesse de Lorraine devenue clarisse »

Si les actes politiques de Philippe de Gueldre (1467-1547) ont fait lobjet détudes récentes, les écrits spirituels de cette duchesse de Lorraine devenue clarisse à Pont-à-Mousson ont été moins abordés. À partir de son testament, de lettres et de lépitaphe quelle avait composée, létude porte ici sur ses dévotions dans la mouvance franciscaine, sur sa spiritualité, sur la manière dont elle revoit sa vie, perçoit sa vocation de religieuse et se prépare à la mort.

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Thomas Jérôme, « Écriture de soi chez les moniales chartreuses. Autour des écrits de Marguerite dOingt († 1310) et dAnne Griffon († 1641) »

La Vie de la bienheureuse Béatrice dOrnacieux par Marguerite dOingt (xiiie siècle) et le journal dAnne Griffon (xviie siècle) constituent des témoignages vibrants de la volonté des moniales chartreuses dexister et dintégrer pleinement la famille spirituelle des chartreux. On sinterroge ici sur les raisons qui ont poussé ces femmes à écrire et sur les réseaux sociaux qui leur ont permis doser prendre la plume.

Agnès Walch, « Lécriture dune réformatrice. Lexemple de sœur Jeanne-Marie de la Présentation (1581-1639) »

Loriginalité de la pensée de Jeanne de Cambry et le fait que son traité sur le mariage soit lun des premiers du genre en font une pionnière et une actrice importante de la Réforme catholique dans la région située entre Douai, Tournai et Lille. Elle résout le paradoxe dune influence en apparence réduite du fait de la claustration mais qui participe toutefois à la diffusion du catholicisme réformé.

Elisabetta Lurgo, « Marie du Bienheureux Amédée (1610-1670). Une visionnaire mystique dans le duché de Savoie »

Lautobiographie spirituelle de la capucine Marie du Bienheureux Amédée, comprenant récits de vision, colloques intimes avec Dieu et poésies mystiques, contient en outre des témoignages de son amitié envers Christine de France, duchesse de Savoie. Cette contribution présente les traits essentiels de litinéraire mystique de cette visionnaire, qui se trouve à vivre dans une phase cruciale du conflit entre le duché de Savoie et Rome.

Louise Piguet, « Madame Guyon martyre aux Nouvelles Catholiques de Gex. Écritures et identités de corps »

Cette étude se fonde sur un extrait de la Vie de Mme Guyon, partie en 1681 à Gex soutenir létablissement dune communauté de Nouvelles Catholiques. Le texte documente certaines pratiques décriture au sein de la communauté et invite à sinterroger sur les rapports entre production de récits et cohésion du groupe. Il est donc question ici de la contestation dune identité de groupe 1087par Mme Guyon et de la consolidation rétrospective dune représentation delle-même, en « martyre de la voie intérieure ».

Marjorie Dennequin, « “Entre Vous et moi, disons [] mon secret est à moi !”. Prendre la plume pour séplucher et dialoguer avec Dieu, le cas de Madeleine de Franc (1606-1694) »

Après avoir passé cinquante ans dans une congrégation religieuse atypique, Madeleine de Franc décide de transformer son livre de raison en journal spirituel afin dy consigner ses oraisons, ses lectures, et les élans de son âme. Elle tente dy appréhender les desseins de Dieu sur elle et la manière dont elle peut remédier à ses péchés et renoncer à son amour-propre. Ainsi, reproches et bénédictions égrènent les entrées de cet ego-document où se confondent intimité et ouverture sur laltérité.

Marie-Élisabeth Henneau, « Lécriture en “je” dune aventure collective. Une histoire dhistoriennes à lAnnonciade céleste »

Cette étude suit le processus décriture des annales par les annonciades célestes, depuis leur production locale jusquà leur utilisation par la maison-mère. Elle propose ensuite une typologie de leurs récits historiques, puis lanalyse de trois textes permettant de repérer les traces dune écriture en « je », parfois adoptée par les autrices en charge décrire une histoire où le « nous », principal sujet de laction, alterne avec dautres partenaires de cette aventure collective.

Sylvie Boulvain, « Les annales des bénédictines réformées de la Paix Notre-Dame de Namur (xviie-xviiie siècles) »

Issues de la réforme initiée par Florence de Werquignœul à Douai en 1604, les bénédictines de Namur ont tenu des annales depuis leur fondation en 1613 jusquen 1793. Leur récit chronologique, où ne sont retenus que les évènements estimés suffisamment remarquables et porteurs dun sens spirituel, permet dapprocher le fonctionnement dune communauté cloîtrée mais aussi lintériorité de ces femmes et leur vision du monde extérieur.

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Marie-Cécile Charles, « Affirmation de soi et défense dune identité collective dans les écrits des religieuses du duché de Luxembourg (xviiie siècle) »

Fondée sur lanalyse de quatre textes de religieuses – dominicaines de Marienthal, clarisses urbanistes de Luxembourg, cisterciennes de Clairefontaine et religieuses de la congrégation Notre-Dame – cette contribution aborde leurs caractéristiques internes afin dy déceler déventuelles spécificités, mais aussi de comprendre les moyens utilisés par les religieuses pour convaincre leur lectorat dadhérer aux idées et modèles véhiculés.

Fabienne Henryot, « Le récit de fondation des dominicaines de Vic-sur-Seille (xviie-xviiie s.) »

La chronique du couvent de Vic-sur-Seille a connu plusieurs phases de rédaction qui permettent dapprécier les ressorts de lécriture historique en milieu monastique féminin. On sinterroge dès lors sur la manière dont les dominicaines argumentent autour de la légitimité de leur institut dans son environnement vicois et dans lorbite dominicaine, en utilisant – ou pas – le contexte religieux du premier xviie siècle lorrain pour justifier limplantation de leur monastère.

Pierre Moracchini, « Nostre bon père. Le confesseur des clarisses de lAve Maria de Lille, daprès la chronique du monastère (xvie-xviie siècles) »

La lecture de la chronique inédite des Pauvres Claires de Lille rédigée à partir de 1670 par Jeanne de la Croix Becquet permet dy capter le regard des moniales sur les frères mineurs desservant le monastère. Au fil de la chronique, lautrice sintéresse principalement à celui qui est à la fois le confesseur des clarisses et le supérieur de la petite communauté masculine. Il est donc possible de mieux appréhender les liens qui unissent clarisses et frères mineurs dans le cadre de ce monastère.

Isabelle Poutrin et Marie-Élisabeth Henneau, « Conclusions »

Les travaux rassemblés ici documentent une période où les femmes, dans le cadre contraint des clôtures conventuelles, se sont emparées de lécriture avec enthousiasme et créativité, pour exprimer leurs états spirituels, affirmer leur présence dans la société et conserver la mémoire de leur communauté. Doù lintérêt de ces textes qui conjuguent expressions de lintime et mises en valeur de projets collectifs.

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QUATRIÈME PARTIE

Être femmes dans une Église dhommes
entre Italie du Nord et Pays-Bas méridionaux :
discours et réalisations du Moyen Âge
à la fin de lAncien Régime

Marie-Élisabeth Henneau, « Introduction »

On savait déjà que les lieux de vie investis par les femmes, de la maison claustrale au cloître le plus retiré, avaient pu constituer des espaces de liberté dagir et de penser en leur offrant des possibilités daffirmation delles-mêmes face au monde masculin. Restait à approfondir la question à la faveur de lexploitation de nouvelles sources, sans perdre de vue lhypothèse déventuelles particularités propres au couloir lotharingien.

Anne Wagner, « Les abbayes de femmes des diocèses de Metz, Toul et Verdun aux xe et xie siècles »

Malgré les nombreuses lacunes de la documentation touchant aux établissements religieux féminins de Lorraine à la fin du haut Moyen Âge, il sagit de rassembler ici quelques exemples permettant dillustrer trois thématiques : le rôle indéniable des évêques auprès de ces communautés féminines, les possibilités daccès au sacré offertes à ces moniales, notamment au travers du culte des reliques, enfin, les interactions de ces établissements féminins avec leur environnement.

Catherine Guyon, « Femmes en religion à lombre des chanoines du Val des Écoliers »

Par leurs fonctions pastorales, les Écoliers ont été amenés à fréquenter les femmes : ils ont assuré pendant près de cinquante ans la charge daumônier de la reine de France, et, durant plus de trois siècles, lencadrement de paroissiennes et de pèlerines au sein des cures et sanctuaires rattachés à lordre. On repère aussi la présence de « femmes en religion » dans leur entourage, dont on précise ici le statut au sein de lordre et le type de relations entretenues avec les frères du Val.

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Julie Piront, « Des femmes face aux hommes de métier. Bâtir des monastères féminins sur la Dorsale catholique (xviie-xviiie siècles) »

Une fois fondées, les religieuses sont amenées à aménager puis à ériger des bâtiments conventuels conformes à leurs besoins et à leur mode de vie. Cette contribution analyse la manière dont des congrégations religieuses implantées sur la Dorsale catholique (annonciades célestes, bénédictines de la Paix Notre-Dame…) sont parvenues à recruter des hommes de métier, à guider la conception des plans, à surveiller le déroulement des chantiers et, le cas échéant, à affirmer leurs compétences.

Jean-Yves Ricordeau, « Une femme face au monde masculin dans tous ses états. Le cas de la sœur Augustine de Clerfays, sépulcrine de Mariembourg, au xviiie siècle »

Le cas particulier de la sépulcrine Augustine de Clerfays, coupable de sêtre enfuie de son couvent pour suivre son amant, permet dexaminer sous langle du genre les diverses attitudes des hommes et des femmes liés à cette affaire. Lenchevêtrement géographique dans lequel se trouve le couvent de Mariembourg (situé dans une place forte française, sur le territoire du diocèse de Liège, mais hors principauté) complique leurs prises de positions en y ajoutant des enjeux politiques et religieux.

Corinne Marchal, « La place des hommes dÉglise dans la défense des intérêts des chapitres nobles féminins à la cour au xviiie siècle (Franche-Comté, Lorraine, Pays-Bas français) »

Au xviiie siècle, en France et en Lorraine, on prétendit limiter lautonomie des chapitres nobles. Cette politique eut pour conséquence lenvoi à la Cour de représentants des chanoinesses chargés dy défendre leurs intérêts. Certains évêques sy employèrent avec ardeur cherchant à accroître sur elles leur autorité. Elles crurent dès lors prudent de se charger elles-mêmes de députations. Ces initiatives ne firent que révéler la place privilégiée des chanoinesses nobles dans une Église dhommes.

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Pierre-Jean Niebes, « Le chapitre des chanoinesses de Sainte-Waudru contre les Pauvres Sœurs de Mons. Un conflit entre femmes arbitré par des hommes (1764-1779) »

Une longue procédure opposa devant la Cour souveraine de Hainaut le chapitre noble des chanoinesses de Sainte-Waudru aux Pauvres Sœurs de Mons, fondées à la fin du Moyen-Âge, pour le service des malades. À travers laction de leurs officiers, les chanoinesses entendent maintenir leur contrôle sur les sœurs qui, pour leur part, revendiquent une part dautonomie et affirment leur statut conventuel.

Silvia Mostaccio, « Larchiduchesse Isabelle, entre une Église dhommes et de nouveaux projets féminins. Étude de cas aux Pays-Bas espagnols »

Cette contribution analyse lattitude de la fille de Philippe II face aux enjeux religieux des Pays-Bas méridionaux à la lumière de ses rapports avec les institutions romaines ayant en charge les missions vers « les Flandres ». On propose ici une synthèse entre les études relatives aux œuvres féminines en matière de Réforme catholique soutenues par larchiduchesse et les informations jusquici inexploitées à propos des relations entre larchiduchesse et la congrégation De propaganda fide.

Philippe Martin, « Alix Le Clerc face à Pierre Fourier. Les heurts dun duo spirituel »

En 1597, Alix Le Clerc et Pierre Fourier fondent la congrégation Notre-Dame, qui comptera une centaine de maisons à la veille de la Révolution. Derrière ce succès se dissimulent de fortes tensions entre les deux fondateurs qui aboutissent à une violente rupture. Post mortem, la rivalité entre Alix et Pierre se poursuit puisque seul Fourier est canonisé, le rôle de la fondatrice étant passé sous silence. Ce nest que bien tardivement quelle retrouve sa place dans les mémoires.

Pierre Moracchini, « Catherine de Lorraine, son “capucinage” et limpossible fondation dun monastère de capucines à Nancy »

Les capucins ont toujours refusé dexercer une pleine juridiction sur des communautés féminines. Face à ces refus, certaines femmes ont réussi à développer diverses stratégies de « contournement ». Dautres femmes ne 1092sont pas parvenues à trouver un tel compromis. Cest le cas de Catherine de Lorraine (1572-1648), lune des filles du duc Charles III dont on explique ici lattachement indéfectible à la réforme capucine, malgré les échecs endurés.

Christian Renoux, « Des relations tumultueuses entre les femmes mystiques et leurs confesseurs. Quelques exemples français et italiens du début du xviie siècle »

Si, au sein de leurs clôtures, les moniales vivent entre femmes, elles restent malgré tout sous lautorité et le contrôle des hommes, dont une des figures les plus présentes est celle du confesseur. Ce prêtre, souvent religieux lui-même, a en effet un accès tout particulier aux moniales quil confesse ou dirige, et il entretient avec elles des relations parfois complexes qui sont ici analysées à partir de plusieurs récits qui ont la particularité dêtre, pour la plupart, des paroles de femmes.

Thomas Jérôme, « Le voile et le capuchon. Affirmation et lutte des moniales chartreuses face aux autorités masculines de lordre »

Depuis les origines jusquà la promulgation des Statuts de dom Le Masson en 1690, lhistoire des moniales chartreuses est émaillée de combats, de réticences, de bras de fer qui les oppose à leurs homologues masculins. Cette lutte est perceptible au travers des décisions du Chapitre Général, mais aussi à la faveur des relations entretenues avec leur vicaire. Cest notamment au cœur de ce quotidien, loin des ordonnances officielles, que laffirmation féminine se fait ressentir.

Mathilde Duriez, « Adaptations architecturales de lenclos des chartreuses féminines face aux évolutions des règles de la clôture (xiiie-xviiie siècles) »

Les fouilles complétées de létude des sources normatives et archivistiques ont permis dobserver une progression topographique et architecturale de lisolement des moniales chartreuses, due à limposition de la clôture. Au Moyen Âge, larchitecture conventuelle est adaptée au cas par cas. Au xviie siècle, elle se codifie et semble suivre un modèle imposé par les chartreux et influencé par les réflexions nouvelles sur larchitecture des couvents féminins.

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Fabienne Henryot, « Capucines et capucins en Flandre au début du xviie siècle »

La fondation en 1614 à Bourbourg dun couvent de « capucines » présente dans son processus des caractéristiques particulières, notamment quant à larticulation entre le féminin et le masculin dans lÉglise au temps de lhumanisme dévot. Pour repérer les liens entre religieux et religieuses lors de la fondation puis dans lorganisation des premières années du couvent, on sappuie sur des sources hagiographiques et sur la chronique rédigée par une religieuse capucine flamande au xviiie siècle.

Bertrand Marceau, « Des sorcières au Verger ? Contrôle masculin et autonomie féminine dans une abbaye de la Dorsale catholique au xviie siècle »

Des cas de possessions diaboliques touchèrent des communautés féminines des Pays-Bas au début du xviie siècle. Des cisterciennes du Verger furent exécutées en 1614 après un procès sommaire instruit par labbé de Villers, dom Henrion. Ce cas est analysé ici du point de vue des rapports de genre dans la Dorsale catholique, comme mettant en lumière les mécanismes plus généraux régissant les relations entre hommes et femmes dans lÉglise post-tridentine.

Marie-Élisabeth Henneau, « Dorsale catholique et débats genrés sur la clôture. Discours et attitudes (xviie-xviiie siècles) »

La question de la clôture et de sa réception constitue un angle danalyse pertinent pour approcher le rôle attribué aux femmes par les gens dÉglise. Le débat sur le sujet bat son plein au lendemain du concile de Trente, suscitant autant dengouements passionnés que de vives oppositions. Quen est-il dans la zone limitrophe de la Dorsale catholique ? Peut-on y repérer des discours et des attitudes spécifiques de la part dhommes et de femmes confrontés à sa mise en application ?

Marjorie Dennequin, « Revendiquer son autonomie et sa féminité. Les Dames de la Purification à la lumière des sources (xviie siècle) »

Conscientes de leurs rôles de mères et dépouses, les Dames de la Purification ne minimisent pas le rapport de sujétion à lhomme qui leur est imposé, mais revendiquent également une liberté daction, de parole et dautorité. Leurs réunions hebdomadaires font office de laboratoire dexpériences où elles prennent goût à lexercice du pouvoir sur autrui mais aussi au travail décriture par lequel elles peuvent notamment manifester leur intelligence et leur féminité.

1094

Bénédicte Gaulard, « Recevoir et transmettre. Gestes de dévotion et pratiques artistiques chez les religieuses comtoises (xviie-xviiie siècles) »

Cette étude porte sur les pratiques dévotionnelles et artistiques de religieuses à travers quelques exemples précis de dévotions, dorganisation de cérémonies de canonisation, de processions, de rites liturgiques, du soin quotidien apporté aux images religieuses ainsi que de commandes dœuvres dart pour les chapelles conventuelles et les ermitages carmélitains.

Marie-Cécile Charles, « Discours masculins à propos de communautés religieuses féminines. Lexemple luxembourgeois »

Les communautés religieuses féminines de lancien duché de Luxembourg apparaissent dans une quarantaine décrits séchelonnant du Moyen Âge à la Révolution française. À lexception de quatre textes datant du xviiie siècle, tous ont été rédigés par des hommes. Cette contribution questionne leur réécriture de modèles religieux féminins et leur réappropriation de vies de femmes à des fins édifiantes.

Marie-Élisabeth Henneau, « Conclusions »

Quelle quait été la nature de leurs relations avec les hommes dÉglise, la plupart des femmes nont pas été dupes de ce rapport de domination et ont cultivé au nord de la Dorsale un art consommé de la résistance quand lavenir de leur projet ou le maintien de leur statut étaient remis en question par un pouvoir masculin.

Daniel-Odon Hurel, « Conclusions générales »

Cette entreprise collective est tout simplement une histoire des femmes en religion au Moyen Âge et surtout à lépoque moderne, une entreprise fondatrice dune nouvelle histoire de la vie régulière. La pluridisciplinarité des approches a facilité cette ouverture tant méthodologique quen termes de résultats scientifiques. En ce sens, bien des éléments concernent lensemble de la vie régulière, féminine comme masculine, et traduisent de multiples porosités entre le cloître et le monde.