Après les analyses successives de l’élaboration du système pénitentiaire, de l’organisation architecturale et des conditions de détention des reclus, l’ultime partie est consacrée à la population carcérale qui constitue le fondement de l’univers des prisons. Cette population particulière représente le reflet inversé d’une société qui exclue temporairement ceux qui n’arrivent pas à y trouver leur place. Le portrait exhaustif de la population carcérale pour une période aussi large que celle s’étendant de la Révolution à la veille de la seconde guerre mondiale ne peut pas être dressé de manière linéaire par manque de sources disponibles. D’une part, la conservation des archives pénitentiaires semble avoir suscité peu d’intérêt au vu des nombreuses lacunes rencontrées notamment dans les registres d’écrou. Même pour une période récente, comme l’Entre-deux-guerres, il manque des registres d’écrou des condamnés par les tribunaux correctionnels et des assises. D’autre part, ceux qui ont été préservés sont très denses et comportent de nombreuses informations. Se pose alors la question de la pertinence d’une analyse de la population carcérale, que cherche-t-on et que veut-on savoir des prisonniers ?

Il s’agit d’analyser à la fois l’évolution quantitative et qualitative des prisonniers en termes de flux et de composition sociale. Le nombre important des individus incarcérés peut rendre caricatural toute tentative de globalisation car chacun est singulier. Chaque homme ou femme est enfermé en prison pour une raison propre qui s’inscrit dans son parcours personnel. L’analyse qui suit n’est donc pas exhaustive. Elle tente de dresser de manière ponctuelle et en fonction des sources disponibles, pour chaque période, les principales caractéristiques de la population carcérale enfermée dans les établissements pénitentiaires des Alpes Maritimes. Cela consiste à analyser l’identité, les raisons et les durées des condamnations. Cette étude prosopographique suit un développement chronologique permettant de distinguer les évolutions au niveau de la pénalité mais également les différents contextes économiques et sociaux influant sur l’enfermement des individus.