[Introduction à la deuxième partie]
- Premier prix de la recherche historique du département des Alpes Maritimes
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Enfermer et Punir. Histoire des prisons et des prisonniers des Alpes-Maritimes (1792-1939)
- Pages : 225 à 226
- Collection : Les Méditerranées, n° 19
- Thème CLIL : 3378 -- HISTOIRE -- Histoire générale et thématique
- EAN : 9782406159452
- ISBN : 978-2-406-15945-2
- ISSN : 2264-4571
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-15945-2.p.0225
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 10/04/2024
- Langue : Français
La prison se veut une machine à moraliser mais aussi à garder, punir, surveiller, isoler1.
Le terme de prison provient du latin prensio-onis découlant du verbe prendere, prendre. Étymologiquement la prison désigne l’action « d’avoir prise sur » c’est-à-dire qu’elle renvoie à la suppression de liberté du corps d’un condamné2. Elle constitue, au-delà de la construction philosophique de l’époque des Lumières, une réalité matérielle et géographique3. Des mots à l’action, l’enfermement implique des lieux pour faire subir les peines. Le bâtiment carcéral est un espace complexe où doivent se côtoyer les fonctions de discipline, d’hébergement, de restauration, de soin, de travail, de formation et de moralisation. Cette institution est totale, c’est-à-dire qu’elle prend complètement en charge le reclus et a le devoir de pourvoir à tous ses besoins4. À partir du xixe siècle l’architecture est mise au service de l’utopie pénitentiaire, elle traduit dans la pierre la mission de punition et de correction de l’administration pénitentiaire.
Cette seconde partie sur les lieux d’enfermement entreprend d’analyser comment l’univers carcéral s’est construit et élaboré architecturalement à Nice et dans sa région tout au long du xixe siècle. À travers l’analyse des différents bâtiments pénitentiaires, l’objectif est de comprendre comment les murs qui enferment donnent un sens à la punition carcérale ? Comment ils tentent de modeler l’individu ? À l’échelle locale, les multiples établissements pénitentiaires ont été transformés puis abandonnés pour des locaux de détention plus spacieux et plus standardisés. L’analyse de ce processus de modernisation s’élabore sur le long terme. Dans un premier temps, la plupart des prisons enferment les prisonniers dans des chambres communes où la promiscuité est généralisée. Puis 226progressivement, sous l’impulsion d’une « frénésie pénitentiaire » agitée par de nombreux débats du siècle, les autorités françaises adoptent l’enfermement individualisé en 1875. À la fin du xixe siècle, les Alpes Maritimes rassemblent deux maisons d’arrêt caractéristiques des deux vagues de construction cellulaire. D’une part la prison de Grasse, ouverte en 1846 et fermée en 1992, et d’autre part la prison de Nice qui a ouvert ses portes en 1887 et qui est toujours affectée plus de 130 ans après sa mise en service. Les lieux de détention correspondent à deux logiques répressives qui cohabitent pendant quelques années au xixe siècle. Dans un premier temps, les prisons sont des lieux où les prévenus et les condamnés sont enfermés en commun. Puis, à partir de la seconde moitié du xixe, les prisonniers sont séparés et isolés dans des établissements cellulaires.
1 Jacques-Guy Petit, « Aspects de l’espace carcéral en France au xixe siècle », La Prison, le bagne et l’histoire, Genève, librairie des Méridiens, édition m+h, 1984, p. 157-169.
2 Marc Renneville, Audrey Higelin, « Le terme “prison” au xixe siècle : étude lexicographique et diachronique », publié le 3 février 2012 sur le site Criminocorpus.
3 Olivier Milhaud, Séparer et punir, une géographie des prisons françaises, Paris, éditions du CNRS, 2017.
4 Erwing Goffman, Asiles, études sur la condition sociale des malades mentaux, Paris, les éditions de minuit, le sens commun, 2017 (première édition en 1968).