Conclusion de la quatrième partie
- Premier prix de la recherche historique du département des Alpes Maritimes
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Enfermer et Punir. Histoire des prisons et des prisonniers des Alpes-Maritimes (1792-1939)
- Pages : 877 à 878
- Collection : Les Méditerranées, n° 19
- Thème CLIL : 3378 -- HISTOIRE -- Histoire générale et thématique
- EAN : 9782406159452
- ISBN : 978-2-406-15945-2
- ISSN : 2264-4571
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-15945-2.p.0877
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 10/04/2024
- Langue : Français
Conclusion
de la quatrième partie
La population carcérale présente des aspects à la fois constants et changeant entre le début du xixe siècle et la veille de la seconde guerre mondiale. Elle connaît des évolutions qui sont le reflet des mutations politiques, sociales et pénales. L’élément récurrent est que les prisonniers sont généralement des hommes jeunes, se trouvant dans une situation précaire, peu qualifiés professionnellement et venant souvent d’ailleurs. Ils sont des ruraux, des étrangers ou des Français originaires d’autres départements. Ils viennent s’installer en ville dans l’espoir d’y trouver du travail et de meilleures conditions de vie. Leur précarité n’est pas seulement économique, elle est aussi sociale car ils manquent de repères et de soutien en cas de difficulté. Les statistiques pénitentiaires mettent en évidence un lien entre la misère et la prison car la majorité des détenus sont incarcérés pour des vols.
La population carcérale est aussi le reflet d’une évolution de la délinquance et de la criminalité dans la région. Le brigandage, récurent dans les campagnes durant la première moitié du xixe siècle, cède la place à des infractions plus urbaines telles que les vols qualifiés, à la fin du siècle, puis les escroqueries au début du xxe siècle. On note un glissement des actes criminels, ils sont moins ruraux et ils concernent davantage les femmes après la première guerre mondiale. La pénalité évolue également avec une forte diminution tout au long du siècle des courtes peines et de celles inférieures à un mois. Les lois sur la libération conditionnelle, la relégation et le sursis modifient la composition de la population carcérale en permettant de moduler les peines dont on assiste, progressivement, à l’allongement.
À partir de la seconde moitié du xixe siècle, l’action de la justice est beaucoup plus visible dans l’espace public. Physiquement, le tribunal est séparé de sa prison, installé au cœur de la ville alors que la prison, 878lieu d’expiation, est rejetée dans des quartiers périphériques. Ce mouvement est semblable au niveau médiatique. Les audiences des tribunaux sont souvent publiques et retranscrites par les chroniqueurs judiciaires dans les quotidiens locaux. Le travail de la justice est montré et valorisé ce qui participe à une moralisation publique. Parallèlement, l’univers carcéral est indirectement présent dans les journaux. La prison constitue l’aboutissement logique de l’action judiciaire mais elle très rarement l’objet d’une rubrique. Les journalistes ne s’intéressent quasiment pas au devenir des condamnés qu’ils ont suivi durant leurs procès. La population carcérale est quantifiée et mesurée mais elle est occultée de l’espace public, médiatique et social.