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Classiques Garnier

Conclusion de la deuxième partie

  • Premier prix de la recherche historique du département des Alpes Maritimes
  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Enfermer et Punir. Histoire des prisons et des prisonniers des Alpes-Maritimes (1792-1939)
  • Pages : 393 à 394
  • Collection : Les Méditerranées, n° 19
  • Thème CLIL : 3378 -- HISTOIRE -- Histoire générale et thématique
  • EAN : 9782406159452
  • ISBN : 978-2-406-15945-2
  • ISSN : 2264-4571
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-15945-2.p.0393
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 10/04/2024
  • Langue : Français
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Conclusion
de la deuxième partie

De la séparation à lisolement des prisonniers, le paysage carcéral de la région niçoise évolue profondément durant tout le xixe siècle. Lapplication des idéaux issus des Lumières consistant à remplacer les peines corporelles par la privation de liberté saffirment lentement avec lélaboration despaces punitifs nouveaux1. Au début du xixe siècle, le monde des prisons est bouleversé par les effets de la Révolution, les difficultés économiques et le brigandage endémique de la région niçoise. Pour faire face à laugmentation de la population carcérale, de nouveaux locaux faisant office de prison ouvrent à la hâte mais demeurent insuffisants malgré la bonne volonté des autorités. La séparation des différentes catégories de détenus est plus ou moins respectée. À Nice, les prisonniers sont enfermés dans trois établissements : les prisons sénatoriales qui deviennent une maison de Justice affectée aux condamnés à de courtes peines, le couvent des Jésuites qui est transformé en une maison darrêt pour lenfermement des prévenus, et la maison de correction qui est installée dans lancien bagne pour les militaires et déserteurs. À Grasse également linflation pénitentiaire amène louverture de nouveaux établissements, la maison darrêt de lÉvêché est complétée par lancienne geôle de la Torre de la Càrce et par lancien Séminaire convertit en prison. La promiscuité caractérise tous ces établissements qui manquent cruellement de moyens pour assurer leur fonctionnement. En 1811, lentretien des maisons darrêt et des chambres de sûreté incombe entièrement à la charge des départements, ce qui contribue à aggraver leur situation déjà précaire2.

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La Restauration et le changement de souveraineté rétablissent dans leur fonction dorigine les prisons sénatoriales de Nice. Régulièrement, des améliorations sont apportées à lédifice afin dy appliquer modestement les avancées en matière dinnovation pénitentiaire. À Grasse, du côté français, la prison de lÉvêché ferme définitivement ses portes en 1846 et la nouvelle maison darrêt ouvre les siennes juste à côté du tribunal. Elle fait partie des premières prisons cellulaires qui réalisent concrètement les idées de séparation et disolement des détenus avant ladoption de la loi du 5 juin 1875 sur lenfermement individuel des prévenus et des condamnés à moins dun an de prison3. À Nice, le virage cellulaire saccomplit plus tardivement en 1887 avec louverture de la maison darrêt dessinée par larchitecte Dieudé-Defly. Il met la géométrie au service de lutopie carcérale et fait de larchitecture pénitentiaire un moyen de punition. La peine privative de liberté est désormais standardisée et le traitement des prisonniers est uniformisé. La surveillance est optimale grâce au plan rayonnant du bâtiment. La sécurité est maximale avec les nombreux sas, murs et grilles qui veillent à prévenir les évasions. Chacun, quil soit riche ou pauvre, dispose désormais dun espace délimité, dune cellule identique contenant la même quantité de mètre cube dair et pourvu dun confort semblable. Par cette architecture carcérale, la peine doit devenir égalitaire et infliger à tous les mêmes conditions de détention. Les modes de vie des détenus évoluent tout au long de la période en parallèle avec la lente maturation des locaux pénitentiaires qui doivent à la fois punir, prévenir, amender et corriger.

1 Beccaria Cesare., Des délits et des peines, éd. Guillaumin, Paris, 1856 (B.N.F. département droit, économie, politique).

2 Ministère de lIntérieur, Code des prisons, Paris, tome I, imprimerie administrative Paul Dupont, 1845, p. 60.

3 Entre 1875 et 1910 quatre-vingt prisons cellulaires sont construites dans le but de séparer et disoler les prisonniers afin de mieux lutter contre le phénomène de la récidive. La première guerre mondiale interrompt cette politique de construction qui nest plus poursuivie ensuite pour des raisons budgétaires et démographiques.