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Classiques Garnier

Un nouveau fragment des Vœux du paon dans le Fonds Paul Meyer

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Encomia
    2022, n° 44
    . varia
  • Auteur : Veneziale (Marco)
  • Résumé : Le Fonds Paul Meyer, déposé à la Bibliothèque universitaire de Nancy, outre la bibliothèque du grand savant, conserve aussi, sous la cote Meyer 6, une collection méconnue de fragments et chartes originales du Moyen Âge. Dans cette contribution, nous donnons un premier aperçu de cette collection, et examinons de manière plus exhaustive un fragment inconnu contenant un passage des Vœux du Paon de Jacques de Longuyon.
  • Pages : 231 à 248
  • Revue : Encomia
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406167266
  • ISBN : 978-2-406-16726-6
  • ISSN : 2430-8226
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-16726-6.p.0231
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 24/04/2024
  • Périodicité : Annuelle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : philologie romane, histoire de la philologie romane, Jacques de Longuyon, Paul Meyer, collectionneurs
231

Un nouveau fragment
des Vœux du paon
dans le Fonds Paul Meyer1

Le Fonds Paul Meyer à Nancy

Les études des dernières décennies consacrées à lhistoire de la philologie romane en France (et plus largement en Europe) ont bien démontré limportance dune mise en valeur des figures fondatrices de notre discipline, notamment des personnages mythiques de la première génération de philologues ayant dirigé des chaires de philologie romane, celles de Gaston Paris, Adolf Tobler et de tous ceux qui avaient grandi scientifiquement en suivant les enseignements de la Grammatik der romanischen Sprachen de Friedrich Diez. Cet intérêt porté à lhistoire de la discipline a conduit à la parution dintéressantes études fondées sur un large dépouillement des archives personnelles, mais aussi à une remise en question critique des travaux de lépoque.2 En outre, lédition de plusieurs correspondances a permis de projeter une nouvelle lumière sur le modus operandi de ces savants et sur leurs milieux et noyaux dassociations.3 Pour ce qui concerne la philologie romane en France, on a ainsi vu paraître des monographies capitales consacrées à Gaston 232Paris et à son élève Joseph Bédier ;4 manque encore jusquici un travail densemble sur le troisième médiéviste français capital à cheval entre les xixe et xxe siècles : Paul Meyer.5 Sans avoir autant dambition, notre étude entend fournir quelques nouveaux éléments danalyse concernant ce dernier.

Contrairement aux archives de G. Paris et J. Bédier, presque entièrement conservées dans les institutions parisiennes, les documents relatifs à la vie de Paul Meyer ont en partie pris le chemin de lEst de la France. Si son énorme correspondance et ses papiers concernant ses recherches dans les bibliothèques et ses travaux philologiques ont rejoint après sa mort, légués par sa femme Madeleine, les collections de la Bibliothèque nationale de France (respectivement nouvelles acquisitions françaises 24417–28 et 23955–71), une partie de ses archives privées et sa bibliothèque personnelle, destinées par Meyer lui-même en 1917 à la Bibliothèque Universitaire de Strasbourg, ont été abritées à partir de 1918 ou 1919 par la Bibliothèque universitaire de Nancy : le choix de Nancy était prudent, la ville se trouvant sur le chemin de Strasbourg, mais assez à lintérieur du territoire français pour ne pas risquer de tomber sous la domination allemande. Cette documentation na pas poursuivi ensuite son chemin vers lAlsace redevenue française : cest donc en Lorraine que sont conservés tous ces matériaux en large partie inexplorés,6 lensemble 233étant constitué à partir de la bibliothèque du savant, de sa collection de tirés-à-part, mais aussi de ses nombreux documents préparatoires (notes, transcriptions, épreuves corrigées, etc.). De plus, parfois, à lintérieur des tirés-à-part et des livres, on retrouve certaines de ses annotations, mais aussi des lettres qui lui étaient adressées, documents qui ont donc échappé à la construction de la correspondance complète conservée à Paris et qui permettent ainsi de la compléter.7

Parmi les documents les moins explorés du fonds, sous la cote Meyer 6, on retrouve même une collection de fragments médiévaux et de chartes originales datant du xiie au xvie siècle et qui ont appartenu au grand savant. Il sagit de documents inédits, non catalogués, et qui sont jusquici restés inconnus des philologues et linguistes. On sait bien que grâce à ses missions, P. Meyer, infatigable découvreur de textes et manuscrits, avait eu connaissance de vastes bibliothèques privées anglaises comme celle de Thomas Phillipps, où il avait par exemple retrouvé le poème inconnu sur Guillaume le Maréchal ;8 on sait aussi quil sétait lancé, durant sa jeunesse, dans lexploration des archives du Midi et dans la transcription de chartes occitanes ;9 en revanche, on ignorait quasi entièrement son 234goût de bibliophile et collectionneur. Le seul cas bien documenté dun manuscrit lui ayant appartenu est celui du célèbre fragment de Passy de Girart de Roussillon, ayant porté cette dénomination puisquil était conservé chez le philologue au 99, rue de la Tour, Passy (aujourdhui entièrement dans Paris).10 Dans ce cas-là, la possession du fragment se justifiait par le fait que P. Meyer avait dédié une longue partie de sa carrière à létude de cette chanson de geste, travail qui aboutira non pas à la difficile édition du texte, mais à sa traduction en français moderne.11 P. Meyer possédait le manuscrit depuis la fin des années 1860, comme il le déclare lui-même dans une note à lintérieur du f. de garde : Ces feuillets servaient de couverture à un registre du xive s. qui appartient à létude de M. Gervais notaire à Anduze. Ils mont été donnés par mon confrère Lebreton en mai 1867. Paul Meyer.

À partir du dépouillement du Meyer 6, il est difficile de savoir comment et à quelle époque le fonds de chartes et fragments sest constitué. Sans doute les documents ont-ils fait lobjet de plusieurs achats dans le temps, sans quil soit possible de savoir où et à quelle époque. Limmense correspondance avec G. Paris, par exemple, ne dit rien à ce sujet. Dans certaines chartes, des notes autographes de P. Meyer permettent cependant dindiquer doù provenait du moins une partie de la collection.

Dans le document no 8, on lit, en anglais et de la main de P. Meyer :

Bought by Eug. Burnouf about 1821 ; given by Mad. E. B. to Mons. L. D. – Bought from Mad. L. D., for the national subscription. 5 fr.

P. M. 11 Febr. 72.

Et dans le document no 16, en occitan et de manière plus ample :

235

Aquesta carta fo comprada entor a lan 1821 por Eug. Burnouf ; e lonc temps aprés fo donada per ma domna Na E. B. al senhor L. de la Isla ; e puis fo comprada per me, P. Major, di madomna Na L. de la Isla, per V ff apicadoiras al pagamen del trahut que se lia de pagar als Alamans. Aiso fo fach el dia XXII del mes de fevrier com comta MDCCCLXXII.

À partir de ces deux documents on peut retenir plusieurs informations. Tout dabord, les deux chartes avaient appartenu à Eugène Burnouf (1801–1852), linguiste et indologue français – à ne pas confondre avec son cousin germain Émile-Louis Burnouf, le célèbre sanskritiste, dont les archives sont également conservées à lUniversité de Nancy –, qui les avait achetées en 1821. La fille dEugène Burnouf, Laure, avait ensuite épousé Léopold Delisle (1826–1910), dabord conservateur, à partir de 1852, puis directeur de la Bibliothèque nationale de Paris entre 1874 et 1905.12 Cest donc Laure Burnouf-Delisle qui avait offert les deux chartes à son mari, et cest encore elle qui les avait vendues à Paul Meyer à deux moments très proches, les 11 et 22 février 1872, chacune au prix de cinq francs, afin de participer à la souscription nationale ouverte pour payer les dettes de guerre envers lAllemagne prussienne. Nous croyons que P. Meyer se réfère ici au projet de souscription qui avait été présenté à lAssemblée nationale le 22 janvier 1872 par le manufacturier et homme politique normand Lucien Fromage,13 repris quelques semaines plus tard dans la Gazette de Rouen et publié comme tiré-à-part par léditeur rouennais Cagniard.14 Il ne sera pas inutile de rappeler que Laure Burnouf-Delisle est un personnage qui, quoique largement méconnu, avait des intérêts à la fois érudits et artistiques. Elle sétait consacrée durant sa jeunesse à lenluminure et devait avoir hérité plusieurs volumes de la bibliothèque de son père ;15 elle travaillait 236dailleurs côte à côte avec son mari sur ses projets scientifiques et sest occupée de faire imprimer, en 1891, un recueil de la correspondance de son père.16

Lensemble des chartes du Meyer 6 est très hétérogène et présente des documents à la fois en latin et en langues vernaculaires, touchant simultanément aux domaines doïl et doc. Le plus ancien document en latin est une charte provenant dErmenonville (Oise) et datant de 1235 ; la plus ancienne charte en occitan nous paraît être la no 14, datée de 1288 et provenant dAurelle (aujourdhui Aurelle-Verlac, Aveyron) ;17 pour le domaine doïl, une charte parisienne datant de 1275.

On peut faire des observations semblables pour ce qui concerne les fragments, en général des feuillets détachés issus de manuscrits latins utilisés pour relier dautres ouvrages. On a ici des documents qui peuvent être plus anciens, comme un bifolio dun ms. latin datant sans doute du xiie siècle, mais aussi un fragment dun ms. juridique bolonais du xive siècle. La collection paraît donc très hétéroclite. Sans vouloir proposer ici un répertoire des différentes pièces, nous voudrions nous concentrer sur le document qui à nos yeux de romaniste paraît le plus intéressant, à savoir un folio détaché contenant un extrait des Vœux du paon de Jacques de Longuyon, poème qui inaugure le Cycle du Paon et qui suit de près le Roman dAlexandre. Cest en vain quon cherchera des informations concernant notre fragment dans létude capitale de Paul 237Meyer sur la légende dAlexandre le Grand ; le savant ne considérait pas nécessaire, dans une page limpide, de se plonger dans la tradition de ce poème difficile et complexe que sont les Vœux : Peu de poèmes du Moyen Âge ont obtenu un succès comparable à celui des Vœux du Paon. Jen connais une trentaine de copies, dont il me paraît inutile de dresser ici la liste.18 Peut-être P. Meyer nétait-il pas encore le propriétaire du fragment, lorsque, en 1886, parurent les deux volumes (en gestation à partir de la fin des années 1860) ? Ou bien devait-il en juger la valeur philologique si limitée quil nétait pas utile de le faire connaître, contrairement au témoignage de Girart de Roussillon ?

Le fragment

Le fragment de Nancy est formé par un feuillet de parchemin qui date à notre avis de la fin du xive siècle. La partie supérieure du feuillet a été coupée au-dessous de la première ligne de texte : la mise en page originaire, qui prévoyait deux colonnes de 40 vers chacune, a donc été réduite aujourdhui à 39. Le fragment sajoute à une très vaste tradition manuscrite qui demeure, encore aujourdhui, largement inexplorée et qui dépasse désormais la quarantaine de manuscrits complets, sans oublier les fragments qui ont, entre temps, été découverts.19

Les Vœux du paon, poème long et difficile, na pas encore bénéficié dédition critique,20 et na pas non plus joui dune large attention de la part des historiens de la littérature. Dun point de vue diégétique, 238le poème sinsère à la suite du Roman dAlexandre, dont les Vœux ne sont que lune des nombreuses continuations. Pour la lecture du texte on se base encore sur lancienne édition de Ritchie, qui édita aussi le texte français pour permettre des comparaisons avec la traduction en écossais. Lœuvre a paru entre 1921 et 1929 pour la Scottish Text Society. Pour la version française, le travail est fondé sur le ms. London, British Library, MS Additional 16956, une transcription moderne datant du xixe siècle du manuscrit Paris, Bibliothèque nationale de France (BnF), MS français 12565.21 Ce manuscrit choisi par léditeur est nommé W dans son classement, qui reprend celui de P. Meyer sur les mss du Roman dAlexandre.22 Ce codex, quoique tardif et appartenant à une famille qui remanie le texte, est dailleurs le seul de toute la tradition qui conserve le colophon où apparaissent les noms de lauteur, Jacques de Longuyon, et de son feu protecteur, Thibaut de Bar, évêque de Liège (mort en 1312). Cest pour cette raison que Ritchie et son élève Fletcher furent contraints de supposer une double rédaction dauteur et que le ms. W, quoique tardif, descendait directement de loriginal de la seconde.23 Le manuscrit fr. 12565 soulève plusieurs difficultés : tout dabord, il est postérieur de plusieurs décennies à la date de mort de Thibaut (alors quexistent des copies datant presque des années où le roman a été composé, tel Oxford, Bodleian Library, MS Douce 308) ; ensuite, le copiste, sans doute picard, normalise plusieurs traits linguistiques lorrains propres à la langue de lauteur.24 Il faut aussi souligner que 239Ritchie avait collationné un bon nombre de manuscrits français, mais, comme lobservera quelques décennies plus tard le deuxième éditeur des Vœux, Casey, son apparat savère largement inutilisable du fait du nombre derreurs qui le déparent.25 Il ne faut cependant pas, à notre avis, réduire encore plus les mérites du travail de Ritchie, qui, à lépoque où il a été mené, fournissait une solide érudition. Dautant plus que son édition portait sa plus grande attention à la version écossaise (The buik of Alexander ; Le livre dAlexandre), quil imprimait face au français : là aussi, le choix du manuscrit W simposait pour Ritchie pour des raisons macrotextuelles, puisque dans le manuscrit W et dans le texte écossais les Vœux suivent le Fuerre de Gadres.26

La tradition du texte a été ensuite étudiée dans deux thèses nord-américaines. La première, déjà citée, de C. Casey, proposait une édition du texte à partir des seuls manuscrits de la famille P et était fondée sur le manuscrit Oxford, Bodleian Library, MS Douce 264 (sigle P,manuscrit picard datant de 1338) ; la seconde, partielle, se basait sur les manuscrits de la famille S, et en particulier sur le manuscrit Paris, Bibliothèque nationale de France (BnF), MS français 1590 (manuscrit S, datant du début du xive siècle).27 Chacun de ces deux travaux possède ses mérites, mais aussi ses défauts : étant fondés sur une seule famille textuelle, les deux ne donnent pas non plus une vision densemble du 240texte ; dailleurs, sagissant de thèses inédites dactylographiées, ils ne sont pas non plus une garantie de précision scientifique. À partir de ces quelques observations, on voit déjà quune nouvelle édition qui organiserait la riche tradition textuelle fait partie des desiderata de la communauté scientifique. Cela permettra ensuite de mieux aborder létude littéraire du texte qui, exception faite de la belle monographie dH. Bellon-Méguelle et dun volume dactes recueillis par C. Gaullier-Bougassas, est encore largement inexploré, les études sétant concentrées sur des aspects ponctuels du roman, telle lapparition du thème des Neuf Preux, ou bien le rapport au reste du cycle alexandrin.28

À cause de la situation éditoriale du texte et de la connaissance très partielle de sa tradition, il nous a été impossible de placer sûrement le texte du fragment à lintérieur de la chaîne de diffusion du roman. On peut cependant déjà indiquer quelques tendances. Ritchie avait déjà observé lexistence de trois familles principales de manuscrits, dont la plus ancienne était celle quil nommait p-q, auxquelles sajoutent les familles s et n (à laquelle appartient W).29Selon le chercheur, chacune des familles textuelles représenterait une rédaction différente du roman : on constate en effet que, parmi les différents manuscrits, le nombre des vers peut connaître des variations assez considérables, la laisse dalexandrins permettant linclusion ou lexclusion de plusieurs vers sans que la structure même de la strophe en soit modifiée. La même laisse peut avoir une dizaine de vers de plus ou de moins selon les différents manuscrits et les différentes familles. À partir de ce constat, nous croyons que, dans la partie du texte qui a survécu, le fragment suit dassez près un modèle qui devait être proche du manuscrit W et donc appartenir à la version remaniée de n : par rapport à W, le fragment insère un seul vers supplémentaire, le v. 726a, Tant chevaucha quil vint a Edeas tout droit, qui naît pourtant sans doute dun saut en arrière à partir du deuxième hémistiche du v. 724, Alés a Epheron a Edeas tout droit. Cette leçon du fragment de Nancy ne se retrouve ni dans le texte, ni dans lapparat daucune des éditions citées supra. De la même manière, les vv. 750–51 ont dû tomber, sans doute à cause dun saut du même au même à la rime :

241

Et entre les vaillans nonmés et esleüs,

[Et li couarz clamés chetis et malostrus

Et ensaigniez au doi, con dolans recreüs]

Cassamus a parlé et a dit a ses drus. (éd. Ritchie, vv. 749–52)

On retrouve une autre erreur du même type à la rime, lorsquau v. 770 le copiste du fragment répète le mot final du vers précédent : Or ni ait reculé ne tenu malvais plait, / Mais ayons en talent que chascuns son droit plait (W ait).

Par rapport aux très nombreuses insertions ou modifications qui séparent W des manuscrits des familles p-q, il sagit de variations minimales : on peut ainsi exclure tout de suite que le fragment soit directement apparenté aux manuscrits les plus anciens des familles p-q. Une erreur curieuse sest produite au v. 758, dans le discours dans lequel Cassamus rappelle à ses soldats ses origines troyennes : son ancêtre ne peut pas être Achilles comme dans le fragment, mais le très proche (paléographiquement) Anchises. Cette banalisation est dailleurs bien diffusée dans la tradition, par exemple dans les manuscrits de la famille p : P (Anchises) et P1 (Achilles) se comportant exactement comme W et notre fragment. Dans ces quelques cas, cest donc notre fragment qui banalise par rapport à une leçon cohérente de W qui est confirmée par le reste de la tradition.

Il est difficile de proposer une hypothèse sur lorigine du fragment à partir de sa langue, dun côté à cause des problèmes de stratigraphie de la copie (la présence de formes lorraines à la rime pourrait remonter à la langue de lauteur, par exemple dans la laisse en -al, cf. Fletcher § 2), de lautre à cause de lévident effort de normalisation de la scripta de notre témoin, phénomènetypique du moyen français.Nous retrouvons cependant dans le texte quelques éléments qui, à lintérieur dune scripta centrale, renvoient de manière assez générique au Nord/Nord-Est du domaine doïl, sans quil soit cependant possible de resserrer la localisation à une région plus étroite. Cest le cas de quelques picardismes très diffusés comme biaus 689 692 (Gossen § 12),30 ou la fermeture du e protonique atone en signor 753 (Gossen § 34). On peut ensuite reconduire à une vaste région du Nord/Nord-Est la base du futur en ar- dans arons 755 (Bragantini-Maillard et Denoelle, p. 83),31 labsence dune consonne intercalaire dentale dans le 242groupe -nr- (Gossen § 61, trait bien diffusé aussi en wallon, lorrain et descendant jusque vers la Bourgogne), engenra 655 764, vanrai 713 (W vaintrai), aussi bien que la conservation graphique du -t final dans moitiet (Gossen § 46, trait caractéristique des scriptae lorraine, wallonne, ardennaise et picarde), la réduction -iee > -ie dans alegie 715 (Gossen § 8), la vocalisation de l (Gossen § 23) dans caupa 643, ou les formes affaiblies du possessif no cousin 761 et vo suer 764 (Gossen § 68), qui offrent cependant d’‘indéniables avantages métriques et pourraient donc remonter plus haut dans la tradition.32 Enfin, lajout graphique dun <l> dans biaulté 664 sera à considérer comme une reconstruction pseudo-étymologique typique du moyen français, aussi bien que labondant usage du graphème <y> – par exemple bysus 680. Pour ce qui concerne le lexique, on trouve deux fois (la première à la rime) le mot régional du Nord, Nord-Est et Est taions grand père 678 758.33 Intéressante nous paraît ensuite la forme trisyllabique mïedi(-s) 618 742pour midi ; comme le suggère le Tobler-Lommatzsch (TL vi 12 22 ss.), elle est probablement construite par analogie avec mïenuit.34 Or, il nous semble que cette forme est utilisée dans des textes littéraires provenant principalement du Nord et du Nord-Est – cf., outre les exemples de Tobler, DEAFpré s.v. midi ; nous signalons en outre que la forme se retrouve en moyen français seulement chez Froissart, cf.DMF, s.v. midi ; trois occurrences dans le domaine picard aussi dans les DocLing).35 Les manuscrits des Vœux optent, ici aussi, tantôt pour la variante bisyllabique, tantôt pour la trisyllabique : au v. 618 les mss W et P ont ains quil soit miëdi, alors que N1 et S1 lisent ains quë il soit midis.

Le fragment contient enfin quelques éléments sûrement postérieurs à la date de démembrement du codex qui savèrent utiles à la reconstruction de son histoire. En effet, dans le recto, à quatre reprises, on retrouve, en écriture gothique, la signature dun certain Guilliermus Cousin. Quoique le nom soit assez commun et que plusieurs puissent être candidats à lidentification, il vaudra la peine de signaler que lun des chanteurs de la chapelle royale de Louis XII sappelait ainsi ; il était dailleurs aussi, dans 243une supplication au pape du 25 juin 1512, décrit comme Guillermus Cousin, parrochialis ecclesie teneri de Cuy et Sermonest Suessionensis diocesis rector,36 recteur de la paroisse de Cuy et Sermonest dans le diocèse de Soissons, donc dans une région proche de celle où, plus dun siècle auparavant, le manuscrit aurait pu être produit.

Il reste à fournir une transcription du fragment de Nancy. Vu létat de la tradition textuelle, nous nous limitons à indiquer en apparat les divergences entre le texte du fragment et celui de W, repris de lédition de Ritchie, dont nous reprenons aussi la numérotation. Cela permettra dailleurs au lecteur de compléter les passages où la leçon du fragment est tellement abîmée quil est impossible de la reconstruire. Nous avons introduit les lettres majuscules en début de phrase et pour les noms propres, nous distinguons en outre u/v et i/j et insérons la ponctuation selon lusage moderne. Nous navons introduit cédilles ni trémas. Enfin, nous soulignons les leçons dont la lecture est douteuse à cause de létat de conservation du fragment et indiquons entre crochets les passages qui ne sont pas lisibles. De façon systématique, nous avons résolu mlt comme mout ; ns/vs comme nous/vous ; toutes les lettres restituées sont indiquées en italique.

A[…………] miedis, vera tel ensoignal

Q[…………]it estre en son pais in[].

Les batailles chevauchent, si […………]620

Cassamus [……] et lor gen[…………]nal

Gadifer se treslance devant tous en herbal,

La lance porte droite au penon de cendal.

Quant Clarvus la veu, si a fait autre estal

Andui mainent bruiant parmi le sablonnal,625

Li uns feri si li autre enmi le poitrinal37

Qu il ni remest estrier ne cengle ne poitral.

A la torneboiel tornant andui aval,

Des hyaumes el sablon font ferir li vassal,

Ambedoi saillent sus que ni font arrestal,630

Ja y eust bataille et fier estor mortal

Quant les batailles vienent bruiant par le praial,

Mais trop sont li Yndois et poi sont Fezonnal.

244

M out fu dolens Clarvuset le cuer eut irais

Quant il se vit cheus du destrier qui fu gays.635

Vistement saut en piés, de grant proesce estrais,

Embrachié ot lescu, prés de lui ot les ais,

Le branc nu en la main, dont maint tel cop a fais.

Freres fu a Porrus, le signor des Yndois,

Qu Alixandreconquist, li rois macedonois,640

Devant Pantapolus, aps la mort Daurrais,

Adont quant Bucibal, le bon destrier norrais,

Fu mors et affolés et des .ii. piés contrais,

Car Porrus li caupa, com faus et mauvais ;38

Mais venjement en prist li bons rois des Grijais.645

Cis Clarvus dont je dis et dont je tieng mes plais,

Fu freres cel Porruset fil au roi Sesais.

Clarvus, li viex Yndois, fu enmi le garrais.

Estoit sor son cheval,.ii. pas sest avant trais

Fors et fiers et hardis, avisés ert ses fais.650

Le dansel apercut, quil not veu ainc mais,

Grans estoit et corsus pour soffrir .i. grant fais.

A soi meismes dist : Cis est nés et estrais

Du lignage Priant, de la feme Escabais.

[………] lengenra li bons []nnes palais655

Tel cop ma hui doné dont mes escus est frais.

[………………………………………][rb]

Ga[…………]vient, fait li a[……] eslais

[………………………] assis petit fu ses esmais

[………………………] nest fors que solais660

[…………………………] vous jamais.

[………………]aume agu, qui fu a or pourtrais,

Feri Clarvus l[I]ndois, qui daimer [……] gais

Pour la tres biaulté grant ma dame Fezonais

Trestous en abati etbercleset balais,665

Et Clarvus le refiert, qui poi prise ses fais.

Ja y eust estor et despees grans glais,

Mais trop sont li Yndois et poi li Fezonais.

A lentree des loges devant les pavillons

[……………………] feri des esperons670

Et Clarvus li Indois plus tost q[ue]smerillons,

La ot grant hurter descus et de bastons,

Et li glais des espees, li esclat des troncons,

La freor des chevaus, la fierté des barons.

En lombre des banieres, au ferir des esperons675

245

Sen vint poignant Betis, cis jones valetons.

Torton ! va escriant, qui ja fu niés Besons,

Li roi de Somie, qui estoit ses taions,

Et Gadifer ses peres, qui mout fu vaillans [].

Grans fu et[]et bysuset joins comme facons680

Embronchiés en son hyaume, en son escuiois (sic),

La lance porte droite, que ce fust .i. byons.

Sun cheval va plus tost que uns esmerilons

Ens el grant tas se lance la u il vo[………],

El pis fiert .i. Yndois que estoit grans et bons685

Res a res pres du cuer li trence les fracons,

Amont envers le ciel en torna les talons.

Sa lance brise en trois, puis escria courons :

Biaus oncles Cassamus, ici vous semonons

De paier Edeas sa promesse et ses dons690

Que il faist hui au chaucier esperons.

– Biaus niés, dist Cassamus, il est drois et raisons.

Bien se garde Clarvus que, se nous lataignons,

V[]s ci le branc dacier dont nous le paierons.

Q uant Cassamus entent que Betis rame[]695

La promesse Edeas, qui si tres bele []

[………………………………………][va]

Quant li viés le jura que la bele lamoit

Cuer et force en son sons ensamble li croissoit.

Volentiers li revint, es estriers safficoit700

Dire et de maltalent tous son cors fremissoit

La lance au pinonncel con[trem]ont39conduisoit

Et li destriers li lance qui les grans saus faisoit,

Parmi le pré herbu comme foudres bruioit.

Cassamus enclinant en lescu se joignoit,705

Au comble de lescu le vassal conduisoit,

Trestout en fu couvers aussi com le portoit.

A haute vois sescrie : Clarvus ! ou il estoit,

En repuier li dist, si que bien lentendoit :

Je sui viex et vous estes de lancienne loy710

Si amés, ce dist on, mais cest a povre esploit

Que ne vous ainme pas, mais jains et si ai droit

Car je vanrai anuit la guerre et le tornoit

Tout pour lamor de cele dont jai lanel el doit.

Alegie lavés et mise a grant destroit,715

Se serés ses amis, mais avenir porroit

Encore en aucun tans que sen repentiroit.

Aissi dist Cassamus, ou miex esperonnoit,

246

Et dautre part es pres .i. Persans li venoit

Cassamus le feri, qui point ne lespargnoit,720

Le cuer par le milieu a moitiet li fendoit.

Li Persans chai mort, et Cassamus prenoit

Le cheval quot conquis. A.i. vallet disoit :

Alés a Epheron a Edeas tout droit :

Donnés li ce cheval, que bien avoir le doit.725

Li vallés est montés, en la cité sen voit.

Tant chevaucha quil vint a Edeas tout droit726a

Et de par le viellart .c. fois le saluoit.

La bele en rist de joie et au vallet disoit :

Grant merci, Cassamus, quant il li souvenoit

De moi ens el estour ou grant paine souffroit.730

– Dame, dist li vallés, par les diex ou on croit

Il est plus preus que nus ne vous diroit.

Q uant li vallés ot fait le present Cassamus

A la bele au cors gent con appele Edeus,

DEphezon se parti, a lestor est venus.735

[………………………………………][vb]

A trovés combatant desous .ii. pins foillus.

La estoit Edeus et le viel Cassamus,

Cousins germains Porron et hons liges Porrus.

A desviner furent Mais (sic) et Mercurius740

Arivé les y ot pour lui aidier Clarius.

Et aps miedi au restor de Phebus

Enforca li estors grans et fors et cremus.

La fu mors Philotés, Cas et Androteus,

Li .i. sen vont fuiant parmi le pré herbus,745

Li bon ne baissierent le chaple limalvais745a40

A labaissier des lances fu mervilleus li hus.

Qui la vaut estre preus, tantost fu conneus,

De ses bons fais prisiés et bien ramenteus,

Et entre les vaillans nommés et esleus.749

Cassamus appele et a dit a ses drus :752

Signor, soions hardi, li tans en est venus !

En boncommencement gist assés de vertus.

Se bien les assaillons, tost les arons vaincus.755

Ja sommes nous estrait du haut roi Priamus :

Hector fu mes cousins et li preus Troilus,

Achilles mes taions, mes peres Masonus,

Et Albaume ma mere, fille Leomedeus.

Jason et Hercules, Menon et Thentalus760

Si furent no cousin, et lor freres Argus ;

247

Et si refu nostre oncle Betis li riche dus,

Gadifer, vostre pere, dont mout sui irascus.

Tous .ii. vous engenra et vo suer Phezonus.

Bien sommes pourveu pour venir au dessus765

Du despit que fait ont celle gent Yndeus.

Oncles, ce dist Betis, bien nous avés retrait

De quel gent nous sommes et de quel lieu estrait.

Or ni ait reculé ne tenu malvais plait,

Mais ayons en talent que chascuns son droit plait770

Et de garder sonnor vraie volenté ait,

Car qui plain doi en part, .c. piés en entrelait.

Sil sont plus et nous mains, de ce nus ne sesmait,

Que ne fiere partout ou que bataille vait.

Daidier soncompaignon soit chascunz en agait,775

Quant nous serons lassé, pas ne seron entait.

Apparat critique

Sont indiquées seulement les divergences entre le fragment et le texte de W, tel quil a été édité par Ritchie.

618 A[]] Ain quil soit 619 Q[]it] Que il revodroit ◊ pais] palais ◊ in[]] indal 620 []] muent lor estal 621 []] et Betis ◊ gen[]nal] gent communal 622 herbal] lerbal 624 a fait] refait ◊ autre estal] autretal 625 mainent] viennent ◊ parmi] delés 626 li autre] lautre 628 tornant] tornent 629 li vassal] le nasal (erreur de lecture de Ritchie pour uasal ?) 630 ambedoi] li vassal 633 sont] li

635 gays] bais 638 tel] bel 639 le signor des Yndois] et filz au roy Cesais 646 et dont je tieng mes plais] et je t. ci les p. 649 Estoit sor son cheval] Estachiés sour ses piés 650 ert ses fais] en ses f. 651 apercut] a veu 654 la] sa ◊ Escabais] Ecubais 655 []] Gadifers ◊ bons []nnes palais] gentis coens p. 657 Lors est avant passés de fierté lerté lÿonais 658 Ga[]vient] Gadifers li revient ◊ li a []] li a un 659 []] Dun grant pas bien 660 []] De tex gens assambler ce 661 []] Plus bel fereur despée ne vairés 662 []aume] Parmi son helme 663 []] se fait 664 tres biaulté grant] t. g. b. 665 et bercles] bericles 666 ses fais] la pais

248

670 [] feri] Ou Gadifers li jouenes bati 672 hurter descus et] fereis despees 673 glais des espees] g. des escus ◊ esclat] effroi 677 niés Besons] Mazonons 678 Somie] Mazonie ◊ estoit] ja fu 679 []] hons 680 []] lons ◊ bysus] drois 681 escuiois] escu escons 683 uns esmerilons] nus alerions 684 se lance la u il vo[]] sebat ou il voit les plus bons 685 grans et bons] gentil hons 686 fracons] roignons 688 courons] tortons 691 il faist] li feistes 693 garde] gart or 694 V[]s] Vez

695 rame[]] ramentoit 696[]] estoit 697 Qui samour au matin donnee li avoit 698 le jura que la bele lamoit] lembracha qui durement la 699 force en son sons] cors et penserz 701 fremissoit] estendoit 703 faisoit] sailloit 706 vassal] nazel 708 sescrie Clarvus] escrie Clarvon 709 repuier] reproche ◊si que bien] que moult b. 713 tornoit] tournoy 714 Tout… de cele] Pour la. de celi 715 alegie] assegïe 716 seres] freres 721 par le mi] parmi le 724 Alés a Epheron] A Ephezon ten va 725 Donnés] baille 726 Li vallés est montés] de par moy. Et cilz monte ◊ sen voit] venoit 726a om. W 728 au vallet disoit]moult en merchïoit 729 Grant merci Cassamus]Le vaillant C. 730 moi] soi 732 Il est preus] Plus est p. Cassamus

735 se parti] est issus 736 Gadifer et Betis et auques de leur drus 738 Edeus] Agoris 739 Porron] Dairus 740 desviner] devineour ◊ Mais] Marc 741 arivé] amenés 742 Et après] A leure de ◊ restor] retour 744 Philotés] Phylatas ; Androteus] Mardocheus 745a Li bon tiennent le chaple, li mauvais sont confus 752 appele] a parlé 753 soions] soiés 758 Achilles] Ancizes 761 Si furent no cousin] Furent nostre c. 762 nostre] vostre 763 mout] je 764 Tous .ii.] Andeus 766 fait ont] nous font

768 nous sommes] sonmes né 770 plait] ait 772 plain doi].i. doit 774 ou que] quant en

Marco Veneziale

Université de Zurich –
Fonds national suisse
de la recherche scientifique

marco.veneziale@gmail.com

1 Nous tenons à remercier Rosa De Marco et Catherine Angevelle de lUniversité de Lorraine, qui nous ont montré une première fois les documents dont il sera ensuite question dans cet article, et qui ont depuis rendu possible la consultation des originaux.

2 La bibliographie est désormais très vaste. Pour une première orientation, voir Charles Ridoux, Évolution des études médiévales en France de 1860 à 1914 (Paris : Champion, 2001) et, pour la situation italienne, Guido Lucchini, Le origini della scuola storica : storia letteraria e filologia in Italia (1866–1883) (Pisa : ETS, 2008).

3 Les correspondances scientifiques publiées jusquici sont très nombreuses. Pour nen rester quaux protagonistes de cette première génération, il faudra citer au moins les initiatives de lEurope des Philologues publiées aux Edizioni del Galluzzo de Florence, ou bien le projet du HugoSchuchardt Archiv <http://schuchardt.uni-graz.at> dirigé par Bernhard Hurch (consulté le 23/11/2023).

4 Ursula Bähler, Gaston Paris et la Philologie Romane (Genève : Droz, 2004) ; Ead., Gaston Paris dreyfusard. Le savant dans la cité (Paris : CNRS, 1999) ; Alain Corbellari, Joseph Bédierécrivain et philologue (Genève : Droz, 1997).

5 Beaucoup de travaux sont consacrés à la figure de Paul Meyer, sans pourtant quelle ait reçu un traitement systématique (un exemple entre tous : personne ne sest jamais occupé de dresser une liste de ses publications). Beaucoup de nouveautés sur Meyer se retrouvent dans lédition de sa correspondance avec G. Paris : Gaston Paris – Paul Meyer. Correspondance, éd. par Ch. Ridoux, avec la collaboration dU. Bähler et A. Corbellari (Firenze : Edizioni del Galluzzo per la Fondazione Franceschini, 2020). Pour encadrer la figure complexe du grand savant, voir les études classiques de Jacques Monfrin, Paul Meyer et la naissance de la philologie moderne, dans Id., Études de philologie romane (Genève : Droz, 2001), pp. 21–34, ainsi que les deux remarquables travaux dAlberto Limentani, Girart de Roussillon, Meyer et Bédier et Meyer, lepopea e laffaire Dreyfus, dans Id., Alle origini della filologia romanza (Parma : Pratiche, 1991), respectivement pp. 97–121 et 123–44.

6 Sur les conseils de Yan Greub, cest Richard Trachsler qui, le premier, a mis laccent sur limportance de ce fonds : Les hommes, les archives, les livres. À propos du Fonds Paul Meyer conservé à la Bibliothèque Universitaire de Nancy, Romanische Studien,4 (2018 = Engagement und Diversität : Frank-Rutger Hausmann zum 75. Geburtstag, hrsg. von W. Asholt, U. Bähler, B. Hurch, H. Krauss, K. Nonnenmacher), 433–43, qui fournit une description sommaire des différentes parties composant le Fonds Meyer.

7 Yan Greub a ainsi pu augmenter la correspondance de G. Paris à P. Meyer de trois lettres inédites qui avaient échappé à Ch. Ridoux, cf. Yan Greub, Un ensemble de documents précieux pour lhistoire de la philologie romane, Revue de linguistique romane,86 (2020), 603–17.

8 L histoire de Guillaume le Maréchal, comte de Striguil et de Pembroke, régent d Angleterre de 1216 à 1219, poème français publié pour la Société de lhistoire de France par Paul Meyer, 3 t. (Paris : Renouard, 1891–1901). Meyer avait découvert le manuscrit à la vente Savile de Londres en 1861, mais il avait pu le consulter, dans la bibliothèque de feu Sir Thomas Phillipps, seulement en 1881. Cf. Paul Meyer, Lhistoire de Guillaume le Maréchal, comte de Striguil et de Pembroke, régent dAngleterre. Poème français inconnu, Romania, 11 (1882), 22–74. Il sagissait, pour le savant, dun moment de profond désespoir personnel, à la suite du décès de sa première femme, Lilly ; cf. la carte postale quil envoya de Cheltenham à Ernesto Monaci le 13 septembre 1881 : Je ne sais si jirai en Italie en octobre, je suis très nerveux et restless, rien ne mintéresse, pas même la découverte que jai faite récemment dun poème français de 20000 vers tout historique, (carte postale conservée à Rome, Università La Sapienza, Archivio Monaci).

9 Paul Meyer, Documents linguistiques du midi, t. I : Ain, Basses-Alpes, Hautes-Alpes, Alpes-Maritimes (Paris : Champion, 1909), p. ii : Jétais encore sur les bancs de lÉcole des Chartes, que je copiais toutes les chartes provençales auxquelles je pouvais avoir accès. Cest à laide du recueil, bien insuffisant, que je métais formé et des textes imprimés, encore peu nombreux il y a trente ou quarante ans, que je rédigeai lessai sur la langue doc et ses dialectes qui me valut, en 1874, le prix du Budget de lAcadémie des Inscriptions et des Belles-Lettres []. Jai donc reconnu de très bonne heure la nécessité dune exploration méthodique des archives du Midi de la France. Mais les circonstances ne me permirent pas de lentreprendre aussi tôt que je laurais voulu.

10 Cest aujourdhui le manuscrit Nancy, Bibliothèque Interuniversitaire, 10. Comme le reste du fonds Meyer, le fragment a rejoint Nancy au début du xxe siècle ; toutefois, vu limportance philologique du document, il a été extrait des matériaux de Paul Meyer pour rejoindre la collection des manuscrits.

11 Girart de Roussillon, chanson de geste traduite pour la première fois par Paul Meyer (Paris : Champion, 1884), p. clxxiv : Passy. Fragment de cinq feuillets dont deux fort endommagés, qui est en ma possession. Lécriture est de la première moitié du xiiie siècle. Sur cette traduction cf. létude de Limentani, Alle origini. Une édition diplomatique de Girart de Roussillon avait été publiée auparavant par Wendelin Foerster, cf. le sévère compte-rendu de Paul Meyer, Romania,10 (1881), 305–06.

12 Sur ce mariage, cf. Françoise Vielliard, La jeunesse et la formation de Léopold Delisle, dans Léopold Delisle : colloque de Cerisy-la-Salle (810 octobre 2004), éd. par Françoise Vieillard (Saint-Lô : Archives départementales de la Manche, 2007), pp. 29–47 (p. 45).

13 Lucien Fromage, Projet pratique dune souscription nationale, soumis à lAssemblée nationale, le 22 janvier 1872 (Rouen : Imprimerie de E. Cagniard, 1872).

14 Fromage, Aperçu de ce que doit être la souscription nationale pour arriver à payer lindemnité de guerre due à lAllemagne (Rouen : Imprimerie de E. Cagniard, 1872).

15 Paris, Bibliothèque nationale de France (BnF), Fac-similé Folio 144, copie de lEssai sur lart de vérifier lâge des miniatures peintes dans les manuscrits de lAbbé Rive, avait été acheté par Eugène Burnouf le 11 décembre 1842 et est ensuite entré dans les collections de la Bibliothèque nationale comme Don Delisle Burnouf : le document doit donc être passé du père à la fille (qui le partagea avec son mari), à la BnF, cf. Francesca Manzari, Anna Delle Foglie, Riscoperta e riproduzione della miniatura in Francia nel Settecento : labbé Rive e l“Essai sur lart de vérifier lâge des miniatures des manuscrits” (Roma : Gangemi, 2016), p. 199 et p. 214, cat. 73, qui reportent aussi linformation concernant sa jeunesse de miniaturiste.

16 Choix de lettres d Eugène Burnouf (1825–1852) (Paris : Champion, 1891). Nous navons pas trouvé dinformations concernant ces ventes dans la correspondance de Paul Meyer, la seule lettre de Léopold Delisle à Meyer datée de 1872 ne mentionnant pas la question (Paris, Bnf, MS NAF 24420). Dailleurs, dans la collection ne se trouvent pas des lettres de la main de Laure Burouf-Delisle.

17 Il sagit donc de documents relativement récents par rapport aux chartes vernaculaires issues du Midi de la France. Il nest pas inutile de rappeler que Paul Meyer sest consacré aux écrits documentaires durant toute sa vie. Déjà à partir de 1874–1876, des chartes occitanes étaient rentrées dans son Recueil danciens textes bas-latins, provençaux et français ; en 1891 il avait fourni une édition de documents dans Le langage de Die au xiiie siècle ; mais surtout, en 1909, il avait publié le premier volume des Documents linguistiques du Midi de la France : Ain, Basses-Alpes, Hautes-Alpes, Alpes-Maritimes, Paris, Champion. Cf. Martin Glessgen, Lécrit documentaire médiéval et le projet des Plus anciens documents linguistiques de la France, dans Manuel de philologie de lédition, éd. par David Trotter (Berlin : De Gruyter, 2015), pp. 267–95.

18 Paul Meyer, Alexandre le Grand dans la littérature française du Moyen Âge, 2 t. (Paris : Vieweg, 1886), t. 2, p. 268. Il est dailleurs impossible de savoir si P. Meyer est entré en possession du fragment avant ou après la publication de son étude.

19 Antoine Thomas, Un fragment des Vœux du Paon, Annales du Midi, 9 (1897), 111–12 ; Jean-Jacques Salverda de Grave, Un manuscrit inconnu des Vœux du Paon, Studi medievali, 1 (1928), 422–37 ; Madeleine Tyssens, Frank Brooks, Encore un fragment des Vœux du Paon, Le Moyen Âge, 64 (1958), 449–66 ; Millan S. La Du, Deux nouveaux fragments des Vœux du paon, Romania, 77 (1956), 78–85 ; Edward B. Ham, Fragments de poèmes français, Romania, 66 (1940), 98–103 (fragment des Vœux contenu dans le ms. Paris, BnF, MS NAF 5237).

20 On attend lédition annoncée par Hélène Bellon-Méguelle, à la suite de la publication de sa thèse, Du Temple de Mars à la Chambre de Vénus : le beau jeu courtois dans les Vœux du paon (Paris : Champion, 2008).

21 John Barbour, The Buik of Alexander or the Buik of the Most Noble and Valiant Conquerour Alexander the Grit, edited in four volumes, from the unique printed copy in the possession of the Earl of Dalhousie, with introductions, notes and glossary, together with the French originals (Li fuerres de Gadres and Les vœux du paon) collated with numerous Mss., by R. L. Graeme Ritchie, 4 t. (Edinburgh / Londres : Blackwood (Scottish Text Society, New Series, 12, 17, 21, 25), 1921–1929), t. II, p. xxiv : Our text was originally taken from this transcript [MS Add. 16956], then collated throughout with the Paris original by Mlle. C. Renié of the École des Chartes, and finally large portions were collated by us with rotographs.

22 Paul Meyer, Étude sur les manuscrits du Roman dAlexandre, Romania, 11 (1882), 213–332.

23 Ritchie, The buik of Alexander, t. I, pp. xlviixlviii ; Frank T. H. Fletcher, Étude sur la langue des “Vœux du paon”, roman en vers du xive siècle de Jacques de Longuyon (Paris : PUF, 1924), pp. 19–30.

24 Cf. les conclusions du travail de Fletcher, Étude sur la langue, pp. 163–77, le seul ouvrage, à notre connaissance, consacré systématiquement à la langue des Vœux – repris aussi par K. Busby, Codex and context. Reading Old French Verse Narrative in Manuscript, 2 voll. (Amsterdam – New York : Rodopi, 2002), vol. II, pp. 538–39. H. Bellon-Méguelle est aussi revenue sur le témoignage du ms. W et la trop grande importance qui lui a été attribuée : Un puer senex dans la famille des manuscrits des Vœux du paon : le manuscrit Paris, BnF, fr. 12565, in Alexandre le Grand à la lumière des manuscrits et des premiers imprimés en Europe, éd. par Catherine Gaullier-Bougassas (Turnhout : Brepols (Alexander redivivus, 5), 2015), pp. 171–90 ; selon Bellon-Méguelle, les Vœux ne seraient pas un texte lorrain mais picard, cf. pp. 180–81. Même si ses tentatives ont remis en question lauthenticité du colophon de W, le reste de la critique est aujourdhui unanime pour accepter la paternité de Jacques de Longuyon. À ce propos, voir Elizabeth Eva Leace, The Provenance, Date, and Patron of Oxford, Bodleian Library, MS Douce 308, Speculum,97/2 (2022), 283–321 (290–91). Le ms. Douce 308 (Q1), produit à Metz, donc en Lorraine, daterait selon Leace de 1313, donc à une date très proche de celle de la composition de louvrage. Il sagirait aussi de lun des manuscrits du groupe p-q de Ritchie, qui remonteraient à létat le plus ancien de la tradition du texte, comme lobserve aussi Bellon-Méguelle, ibid.,p. 188.

25 Camillus Casey, Les Vœux du Paon by Jacques de Longuyon : An Edition of the Manuscripts of the P Redaction, Ph.D. dissertation (New York : Columbia University, 1956), p. ix.

26 Bellon-Méguelle, Un puer senex, p. 175.

27 Robert Alexander V. Magill, Part I of the Vœux du Paon by Jacques de Longuyon : An Edition of Manuscripts S, S1, S2, S3, S4, S5, and S6, Ph. D. dissertation (New York : Columbia University, 1964). Les données de localisations et de datation des manuscrits ont été reprises à la bibliographie du DEAF de F. Möhren.

28 Bellon-Méguelle, Du Temple deMars et Les Vœux du paon de Jacques de Longuyon : originalité et rayonnement, sous la direction de Catherine Gaullier-Bougassas (Paris : Klincksieck, 2011).

29 Ritchie, The buik of Alexander, t. II, pp. xlixlxviii, t. III, pp. xllxvii.

30 Charles Théodore Gossen, Grammaire de lancien picard (Paris : Klincksieck, 21976).

31 Nathalie Bragantini-Maillard, Corinne Denoyelle, Cent verbes conjugués en français médiéval (Paris : Armand Colin, 2012).

32 Le premier hémistiche du v. 761 Si furent no cousin devient dans W Furent nostre cousin, alors que les deux mss lisent vo au v. 764.

33 Gilles Roques, Revue de linguistique romane, 68 (2004), 292, pic. hain. frandr. wall. champ. lorr ; ajouter maintenant luxemb., cf.FEWxxv 649a.

34 Cf. aussi FEW iii 72a, qui observe que la forme est aussi attestée en gascon et en francoprovençal (une attestation dans les Docling docAin006).

35 ChOise059 (2 occurrences) ; ChFlandr026.

36 Texte issu des Registra Supplicationum de la papauté de Jules II, conservés dans lArchivum Secretum Vaticanum et publiés par Richard Sherr, The Membership of the Chapels of Louis XII and Anne de Bretagne in the Years Preceding Their Deaths, The Journal of Musicology, 6/1 (1988), 60–82, (p. 66, n. 27).

37 Le vers nest pas hypermétrique dans W, qui lit dans le premier hémistiche : Li uns feri si lautre.

38 Le vers nest pas hypométrique dans W, qui lit dans le deuxième hémistiche : conme faus et mauvais.

39 Trou dans le parchemin.

40 Numérotation de Ritchie.