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Classiques Garnier

L’œil du cycle Réseaux textuels et stemmata codicum dans la tradition des textes arthuriens

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Encomia
    2019 – 2021, n° 43
    . varia
  • Auteur : Morato (Nicola)
  • Résumé : Les romans arthuriens ont traditionnellement été un terrain d’enquête pour les approches sociologiques. Grâce aux études réceptionnelles, l’attention s’est déplacée des contenus vers la relation entre texte et contexte. Nous essayerons de mettre en valeur ces acquis récents par une vision plus globale de la tradition textuelle, vue dans son intégralité et dans sa vitalité en mettant à l’épreuve le stemma codicum. Nous tenterons de l’explorer, y compris ses blancs.
  • Pages : 117 à 135
  • Revue : Encomia
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406130949
  • ISBN : 978-2-406-13094-9
  • ISSN : 2430-8226
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-13094-9.p.0117
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 24/08/2022
  • Périodicité : Annuelle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : romans arthuriens en prose, philologie romane, culture textuelle, stemmatologie, Guiron le Courtois
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Lœil du cycle

Réseaux textuels et stemmata codicum
dans la tradition des textes arthuriens1

Admirez le pouvoir insigne

et la noblesse de la ligne

Apollinaire, Bestiaire.

Suivant une tendance généralisée dans les sciences humaines, les perspectives critiques les plus récentes dans le domaine de la littérature médiévale ont accordé une place croissante à lanalyse du rapport entre texte et contexte à la lumière, ou parfois simplement sur impulsion, de la théorie de lacteur/réseau – il faut bien lavouer, la littérature courtoise et la matière de Bretagne sy prêtent particulièrement bien.2 Ces approches ont sans doute le mérite de relancer, après des décennies dinterprétation du texte par lui-même, lintérêt que, pendant très longtemps, la sociologie a eu pour létude des romans arthuriens en vers et en prose et, plus en général, de la matière de Bretagne.3 Nous viennent 118sans doute à lesprit les noms dErich Auerbach et dErich Köhler, mais il est possible de remonter plus loin dans lhistoire de nos études et de montrer quune attention non superficielle pour les enjeux sociétaux de la matière de Bretagne était déjà présente dans les travaux pionniers de Paulin Paris.4 À linterprétation des contenus des récits sest ajoutée par la suite lexigence dinterroger le livre manuscrit ou imprimé en tant que support nécessaire à la fixation et transmission des textes.5 Lon a ainsi pu envisager ce dernier en tant que document et en tant quévénement culturel mais surtout comme preuve matérielle dune relation plus spécifique : entre texte et culture textuelle dabord, puis entre culture textuelle et société.6

Lutilité du concept de réseau pour létude des romans arthuriens en prose a été illustrée par Patrick Moran dans ses Lectures cycliques, où le mot réseau figure dans le sous-titre.7 En réaction à une sollicitation de Michelle Szkilnik, qui avait mis en doute la pertinence du concept 119de cycle pour désigner la forme et les modes de production et de circulation des narrations médiévales,8 P. Moran a établi une définition plus précise et plus restreinte de ce quest un cycle, qui ne sapplique quà la Trilogie de Robert de Boron et au Lancelot-Graal. La conséquence – et, on serait tenté de dire, le coût – dune telle mise au point terminologique a été lexclusion du Tristan en prose, du Guiron le Courtois, ainsi que de la Post-Vulgate : pour ces formations pluritextuelles, P. Moran saccorde avec M. Szkilnik sur lopportunité de parler de sommes ou de romans-sommes plutôt que de cycles. Ces dernières années, la question a été débattue surtout dans les études sur le Tristan en prose et sur la Post-Vulgate, qui ont montré la nécessité de distinguer, dans la mesure du possible, les méchanismes de cyclisation interne (lexpansion des mondes fictionnels à partir dun voire de plusieurs textes) des mécanismes de cyclisation externe (lintégration dans le cycle de textes ou de mondes fictionnels allogènes).9 Il nous paraît donc important de poursuivre ces réflexions sur les notions de cycle et de réseau arthurien en prose, ce que nous nous proposons de faire au fil de ces pages en nous fondant surtout sur notre expérience de travail sur Guiron le Courtois.

Tout dabord, la définition rigoureuse et synchronisante de cycle élaborée par P. Moran, fondée sur lanalyse littéraire (des contenus, narratologique, transfictionnelle etc.), est une véritable nouveauté par rapport à lidée de cycle et cyclisation qui était bien ancrée dans les études médiévales. Par exemple, dans les travaux sur la chanson de geste, lidée de cycle et cyclisation (plus forte dans le cas du cycle de Guillaume 120dOrange, moins forte dans dautres cas comme celui de la geste de Doon de Mayence10) est presque toujours liée à une vision diachronique, qui met laccent sur les processus de formation et de transmission des textes et donc sur des faits de culture textuelle en prise directe avec lhistoire de la tradition des textes.11 Entre la synchronie des récits et des mondes fictionnels et la diachronie des traditions textuelles, il y a, bien entendu, un très grand nombre de regards possibles qui correspondent, outre aux préférences individuelles des interprètes, tantôt à la variété des formes narratives propre à la littérature médiévale, tantôt aux caractères intrinsèques de ces formes (pour lesquelles les notions dunité et didentité textuelle sont souvent faibles par rapport à leurs homologues anciennes et modernes).12

Mais, au-delà des discussions dordre théorique, quels sont les bénéfices que les idées de cycle et cyclisation dun côté, et de réseau de lautre, ont apporté et peuvent apporter à nos recherches sur les romans arthuriens et les manuscrits qui les transmettent ? La réponse ne peut que venir de nos outils fondamentaux, cest-à-dire des éditions et des bases de données aujourdhui à notre disposition pour létude de ces vastes ensembles. Partons des éditions, avec deux constats. Le premier : il y a un rapport entre la pratique dédition courante, qui est fondée – à quelques exceptions près – sur ladoption dun manuscrit de base et dune poignée de 121manuscrits de contrôle,13 et le fait que la majorité des discussions portant sur la formation et la première circulation des ensembles – cycles ou sommes – soit fondée sur lanalyse interne des récits : le débat sur lexistence dun Lancelot en prose pré-cyclique ; les opinions divergentes à propos des rapports chronologiques entre les deux principales versions du Tristan en prose ; leur relation avec les récits de la Post-Vulgate ; et ainsi de suite, jusquaux discussions plus récentes sur les rapports chronologiques entre le Joseph en vers et le Joseph en prose ou entre lEstoire du Saint Graal et la Queste du Saint-Graal.14 Deuxième constat : les introductions des éditions de nos romans sont inégales quant aux renseignements donnés à propos des témoins manuscrits, de lhistoire de la tradition textuelle, de la langue des copies et des originaux, et ne nous permettent par conséquent que dune manière fragmentaire de procéder à létude géochronologique du réseau intercyclique formé par les témoins manuscrits et imprimés.15

Aujourdhui, les bases de données nous permettent en partie de combler ces lacunes. Outre les outils plus généraux, comme Jonas (IRHT) et Trame (Fondazione Ezio Franceschini, Florence), nous pouvons compter sur trois bases de données fondées sur des corpora de textes plus spécifiques : Lancelot-Graal Project (Université de Pittsburg) ; Arthurian Fiction in Medieval Europe (Université de Utrecht) et Medieval Francophone Literary Culture Outside France (MFLCOF, Kings College London).16 Pour ne donner quun exemple concret des bénéfices de ces projets, le Lancelot-Graal Project, bien que les datations proposées ne fassent pas toujours lunanimité, sest avéré un précieux outil pour revenir sur la 122question délicate de la genèse du cycle et des premières tentatives de vision densemble de cette tradition, ainsi que sur sa place dans la production du manuscrit arthurien à la fin du Moyen Âge.17

Malgré lexistence de projets déditions numériques des romans arthuriens en prose18 et le fait que les bases de données mentionnées aient largement bénéficié des éditions des textes, la pratique dédition et létude de lhistoire des textes apparaissent encore comme trop nettement distinctes et – au moins dans notre domaine – peu en relation lune avec lautre. Nous aimerions donc envisager de possibles formes dinteraction entre les idées de cycle et de réseau intercyclique (définies à partir des textes, donc fondées sur les éditions) et le processus de cyclisation et le réseau de la production, utilisation, diffusion et conservation des textes (définis à partir de la description et de lanalyse des copies et de lhistoire de la transmission des textes, donc fondées sur les bases de données). Pour le faire dune manière concrète et en montrer à la fois la faisabilité et lutilité, nous nous arrêterons sur deux projets : le Gruppo Guiron (GG) et MFLCOF, que nous avons déjà cité. Le GG – constitué en 2008 à Paris, dirigé par Lino Leonardi et Richard Trachsler, et coordonné par moi-même – réunit à présent une quinzaine de chercheurs et a pour but principal la publication intégrale du corpus des narrations du cycle : en 2018, le groupe a publié un volume de Prolégomènes à lédition et en 2020-2021 on a salué la parution de cinq volumes de lédition critique, qui contiennent les deux principaux romans du cycle : le Roman de Méliadus et le Roman de Guiron avec sa Continuation.19 123Parmi les objectifs du GG figure aussi la préparation dun catalogue des témoins manuscrits et imprimés du cycle, qui sera réalisé après lédition : il sagit dun très vaste chantier à la fois en raison du nombre des témoins (une quarantaine environ entre complets et fragmentaires) et parce que létude de la transmission du texte et le travail dédition ont permis la récolte dune imposante masse de données. Il a toutefois paru utile de rendre accessibles, avant la publication, les informations essentielles sur les manuscrits, ce qui a été rendu possible grâce à une collaboration entre le GG et MFLCOF entre 2011 et 2015.20 La base de données MFLCOF, qui organise les informations récoltées pour chaque témoin dans un système de fiches textuelles, codicologiques et bibliographiques, permet de visualiser, sous forme cartographique, la distribution des copies et des différentes familles textuelles. Elle permet en outre de générer des synopsis avec les différentes informations tirées de lanalyse matérielle, de lillustration et des informations concernant les commanditaires et les propriétaires.21 En quelques clics, il est donc possible de donner une réponse à des questions fondamentales telles que : quelle est lattestation la plus occidentale ou la plus septentrionale de tel texte ou de telle rédaction dun texte du cycle ? À partir de quand et pour combien de temps une certaine rédaction est-elle attestée dans une certaine région ? Quels sont les centres de production et les axes de diffusion des textes du cycle ?

La base de données nous permet ainsi délaborer des synthèses de la transmission du texte, quil est donc possible dintégrer aux connaissances qui nous viennent du travail philologique ou de lhistoire littéraire (le site du projet inclut un choix bibliographique et une liste de bases de données pouvant servir de point de départ pour construire de nouveaux itinéraires de lecture22). Voici, par exemple, une synthèse minimale de lhistoire de Guiron le Courtois basée sur les premières attestations directes et indirectes, exprimée dans un schéma tout à fait traditionnel :23

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Première attestation indirecte

Foligno, 5 février 1240 : lettre de lEmpereur Frédéric II à son secretus à Messine, qui mentionne presque certainement le Roman de Méliadus (le premier roman du cycle)

Premières attestations manuscrites en France et en Italie

France du nord, c. 1275-1280 : Mar (plus ancien témoin du Roman de Guiron, le deuxième roman du cycle)

Gênes, fin du xiiie siècle : A1, Bo1, Fi, L4, V1, Vat

Arras, fin du xiiie siècle : 3502, 5

Première traduction italienne

Toscane (Pise ?), fin du xiiie siècle : 12599

Première attestation indirecte dans la Péninsule ibérique

Valencia, 1339 : Pere el Ceremoniós fait acheter une copie cyclique à Paris

Première attestation indirecte en Angleterre

1362 : dans le Paradis dAmour, Jean Froissart cite le nom de Guiron dans une liste de héros (vv. 981-990)

Editiones principes

Paris, c. 1503 : Gyron le Courtoys, par Antoine Vérard

Paris, 1528 : Melyadus de Leonnoys, par Galliot du Pré

Venise, 1558-1560 : Egregi fatti del gran re Meliadus, par Federico Torresani dAsola (traduction italienne du Melyadus de Leonnoys).

Il va sans dire que ces données sont toujours ouvertes à correction et / ou à intégration. Lon pourrait par exemple ajouter à ce schéma la première attestation indirecte insulaire dune copie du cycle, mentionnée dans le testament que Matilde, comtesse de Cambridge, a fait écrire à York en 1446, qui ne figure pas encore parmi les attestations répertoriées dans les deux projets.24

Lutilité de ces maquettes de la tradition textuelle nous paraît néanmoins indéniable : elles permettent denvisager les textes que nous publions et les manuscrits que nous analysons dans un horizon plus ample, pouvant contenir des pans entiers dhistoire littéraire et culturelle. Afin 125dorganiser et de hiérarchiser nos données dans une perspective critique fondée sur la géographie et lhistoire de la transmission des textes, nous aurons recours à un outil qui na pas toujours eu bonne réputation : le stemma codicum. Ce dispositif peut en effet avoir un grand intérêt pour lhistorien de la culture dans la construction ou reconstruction de réseaux culturels complexes. La réflexion que nous allons proposer est très simple et na en soi rien de spécial ni de spécialiste et, pour tout dire, elle est inspirée de celle de Daniel Rosenberg et Anthony Grafton sur le polymorphisme de la ligne du temps, dans le très beau volume Cartographies of Time.25

Les stemmata sont des synthèses visuelles des relations génétiques, plus ou moins assurées, qui réunissent lensemble des témoins manuscrits et imprimés dune œuvre. Prenons, pour commencer, le stemma de la première partie du Roman de Méliadus, le plus ancien roman du cycle de Guiron le Courtois (fig. 1) :26

Fig. 1 – Stemma codicum du Roman de Méliadus (première partie du roman).

Du point de vue des rapports temporels, il est possible de lire un stemma de deux manières. En premier lieu, dans un sens chronologique 126ou diachronique, qui va de loriginal aux copies et par conséquent suit le cours de la transmission du texte et la production et circulation des copies – cest à dire le flux de lhistoire textuelle, de lhistoire littéraire et culturelle, jusquà lhistoire tout court. En deuxième lieu, il est possible de le lire dans un sens anachronique ou rétrochronologique.27 Ce type de lecture prend le temps à contre-poil, tout en sefforçant de reconstruire le réseau génétique et par conséquent dorganiser et hiérarchiser les événements textuels et matériels (erreurs et innovations, selon le vocabulaire traditionnel) : cest la temporalité propre à la critique textuelle.

Cette double temporalité – chronologique et rétro-chronologique – est une propriété intrinsèque de tout réseau textuel ; il sagit dune temporalité éminemment réversible qui possède une valeur expérimentale et est par conséquent lobjet même de la connaissance critique propre au travail du philologue. La simplicité graphique de la représentation généalogique est le signe même dune exigence de rigueur scientifique : celle de soumettre constamment le raisonnement justifiant le stemma à une vérification ou à une réfutation, la démonstration de chaque nœud étant toujours susceptible dêtre confirmée ou modifiée, renforcée ou affaiblie. Quels sont les nœuds forts et les nœuds faibles dun stemma et comment gérer cet apparent manque dhomogénéité ? Lhistoire de la tradition textuelle sest toujours confrontée au problème dintégrer les accidents et les aléas faisant partie de la vie des textes dans une construction qui soit à la fois économique et complète. Le stemma est plus vrai (ce qui ne signifie pas nécessairement plus exact ou assuré) là où la tradition est plus vivante et moins saisissable – là où le travail et la finesse des spécialistes sexercent le plus ; et cette vérité apparaît à la fois à la lumière de notre connaissance et à lombre de ses multiples intermittences. Pensons simplement aux exemplaires contaminés ou aux 127exemplaires fragmentaires – pour ne rien dire de ceux qui sont perdus : combien de fois les avons-nous sous-interprétés et combien de fois les avons-nous sur-interprétés ! Il y a, bien entendu, une aporie immanente, qui est celle de concilier le hasard – cest à dire lunicité irréductible du phénomène et sa résistance à tout effort dintégration dans une série – avec le principe déconomie. Le défi quotidien du philologue est celui de rendre féconde cette aporie, de la rendre productrice à la fois de pensée et de résultats concrets, sans la faire disparaître sous le tapis.28

En principe, le stemma ne peut se construire que sur la base des attestations positives de la tradition (les copies qui ont survécu, ou témoins directs). Toutefois, il ninclut pas que les attestations positives : les lettres de lalphabet grec sont employées pour indiquer les témoins perdus dont lexistence peut se démontrer avec un degré de certitude suffisant. Les lignes indiquent les relations entre les manuscrits et ce sont les éléments avec le plus grand potentiel synthétique, puisquelles représentent symboliquement des séries de manuscrits intermédiaires (ou interposés) : autant de manuscrits perdus.

Plus en général, un stemma ne met en ordre quune partie – souvent très mince – de la transmission réelle du texte : ces sont les épaves de limmense naufrage du patrimoine libraire médiéval.29 Par exemple, il est évident que si nous regardons la seule circulation des copies manuscrites des romans de Chrétien de Troyes, le résultat dune simple décompte ne peut que nous paraître mince par rapport à la portée littéraire et culturelle du corpus. Pourtant, pour chaque manuscrit il y a eu au moins un modèle, aujourdhui perdu, qui circulait dans le même environnement. Il faut donc augmenter considérablement les chiffres. En outre, Alexandre Micha a montré que la tradition des romans de 128Chrétien est largement contaminée : derrière un seul manuscrit il faut parfois postuler plusieurs modèles perdus.30 Ainsi, le simple fait de prendre en considération la généalogie des copies à côté de lévidence matérielle des témoins nous donne une image plus riche et complète de la transmission du texte. Létude des rapports généalogiques, on le voit bien, est nécessaire ne serait-ce que pour nous faire une idée plus exacte de la circulation réelle des textes et de létendue des réseaux textuels.

Dernier point, et cest peut-être celui qui nous intéresse le plus : les espaces blancs des stemmas ne sont pas des espaces vides. Tout au contraire, ils symbolisent lespace culturel, qui constitue pour ainsi dire lenvironnement de la tradition textuelle. Cet environnement est pour nous presque entièrement perdu, mais il peut être en partie reconstruit à laide des sources indirectes : catalogues, inventaires, lettres, peintures, héraldique, onomastique, intertextualité. Cest à propos de ce dernier point que nous allons maintenant distribuer lévidence matérielle et documentaire au fil de notre stemma du Roman de Méliadus pour voir comment la géochronologie des attestations unie à la généalogie des textes peuvent offrir une clef de lecture du processus de constitution des réseaux cycliques.

Essayons tout dabord de peupler lespace entre original et archétype. Le Roman de Méliadus est postérieur au Lancelot en prose, au Tristan en prose et, par conséquent, au premier quart du xiiie siècle. Le terminus ante quem peut sétablir à laide dun document : une littera responsalis de la chancellerie de lempereur Frédéric II, rédigée par Gualtiero da Cosenza pendant le séjour de la cour à Foligno (5 février 1240) et envoyée au secretus de Messine. On y fait mention de 54 cahiers dun texte identifiable comme le Méliadus, ayant appartenu à un certain Jean le Romancier.31 129Dans létat actuel de nos connaissances, il semble impossible de savoir sil sagit de loriginal ; sil sagissait dune commande de Frédéric II ; si ces cahiers étaient achevés ou inachevés ; si la mort de Jean avait été la motivation immédiate de lenvoi du manuscrit.32 Mais en 1240, soit moins de dix ans après la composition du texte, nous savons quune copie du Méliadus circulait entre Messine et Foligno ; en outre, sauf erreur de notre part, cest aussi la plus ancienne attestation de la circulation dun roman arthurien en prose en Italie. Mais où le Méliadus a-t-il été composé ? Le prologue du roman indique le roi Henri dAngleterre comme commanditaire, et ajoute ge vois et connois que li sage et li plus prisiéz de la riche cort dEngleterre sunt ardant et disirrant descouter les miens diz.33 La dédicace au roi Henri et la localisation anglaise sont des motifs assez répandus dans la tradition arthurienne en prose et, depuis Paulin Paris puis Gaston Paris, on a (presque) toujours pensé quils découlaient dune pure fiction littéraire. Comme pour le Lancelot-Graal et le Tristan en prose, et plus en général pour la production historique et de fiction de lépoque, il ny a aucune orientation politique précise et reconnaissable ; il est toutefois possible de percevoir à larrière-plan le climat de revendications dynastiques et de tensions militaires entre la couronne de France et celle dAngleterre au cours de la première moitié du xiiie siècle.34 Par rapport à ce contexte, il nest peut-être pas inutile 130de rappeler que les rapports entre lempereur et Henri III au cours des années 1230 étaient étroits et quen 1235, Frédéric II avait épousé à Worms la sœur dHenri, Isabelle. Si Frédéric avait effectivement lu ou entendu lire son manuscrit du Méliadus, il aurait pu reconnaître dans le prologue le prénom de son beau-frère.35

Descendons maintenant en aval de larchétype. La famille α est presque entièrement italienne et ses témoins se situent entre la fin du xiiie siècle et la fin du xive siècle ; elle est la seule à transmettre la forme archétypale du Roman de Méliadus. Par contre, la famille βo transmet des formes cycliques où le roman est associé sous forme partielle ou complète au Roman de Guiron, le roman central du cycle, grâce à des structures de raccord. βo inclut presque exclusivement des copies françaises ou bourguignonnes datant de la première moitié du xive siècle jusquau début du xvie siècle, ainsi que les imprimés du roman.36 Par conséquent, ces deux familles photographient des phases bien distinctes à la fois sur le plan de la forme des textes et de lhistoire réceptionnelle du cycle.

Entrons dans la forêt stemmatique. La famille α inclut deux manuscrits génois de la fin du xiiie–début du xive siècle (A1 et Fi) ; un manuscrit copié entre Bologne et Padoue au début du xive siècle vraisemblablement dans un environnement de notaires (F) ; un manuscrit napolitain copié après 1360, lié à Louis de Tarente et à la fondation de lOrdre du Nœud (L1) ; un autre manuscrit peut-être napolitain datable de la fin du même siècle (V2) ; enfin, le magnifique n.a.f. 5243, commande attribuable à Bernabò Visconti.37 À une telle variété de la production et du mécénat correspond un système décarts sur le plan textuel et matériel, que le stemma permet dorganiser en réseau et de distribuer au fil de la tradition.38 Lanalyse des attestations indirectes du cycle permet denvisager une circulation encore plus vaste, qui arrive peut-être jusquen Sicile ; en outre, même si aucun des témoins directs de la famille α ne remonte au xve siècle, nous savons, grâce aux inventaires et aux registres de prêt des collections seigneuriales, quà cette époque et encore au début du 131xvie siècle, les textes guironiens étaient lus et particulièrement appréciés dans le contexte des cours de Mantoue, Milan et Ferrare ; le cycle de Guiron inspirera dailleurs la composition de lInamoramento de Orlando de Boiardo et deviendra lune des sources principales de lOrlando furioso de lArioste.39

Nous navons pas la possibilité danalyser la famille βo dans le détail. Prenons simplement la sous-famille γ avec ses trois témoins :

338 (Paris, 1380-1390), faisant partie des collections de Charles de Trie, comte de Dammartin. Les enluminures de 338 sont comparables à celles du ms. BnF, fr. 437, qui contient à son tour une note de possession de la main de Charles V qui date de 1374.

356-357 (France, première moitié du xve siècle), identifiable avec un ms. appartenu à Prigent de Coëtivy, Maréchal de France, porte aussi les armes de Jean-Louis de Savoie. On le retrouve par la suite dans les collections de François Ier.

A2 (France, premier quart du XVe siècle), copie jumelle du précédent, ayant appartenu à Philippe le Bon et à Philippe le Beau.

La fortune européenne du cycle fait pendant au phénomène des copies jumelles, qui caractérise la famille βo. La famille δ en présente deux autres cas : 358-363 et O, L3 et T. Ces copies, qui circulent auprès des rois et princes de France, Bourgogne, Angleterre et auprès de la grande aristocratie européenne, démontrent une indéniable stabilité dans létat des textes quelles transmettent : il est en effet possible de reconnaitre dans lhistoire du cycle de Guiron différentes formes cycliques, qui se retrouvent dans certains milieux.40 Le cadre géochronologique établi 132sur la base des témoins directs sélargit considérablement quand nous prenons en compte les attestations indirectes.41 Sans surprise, les proches de Charles V, qui dans leurs collections détiennent plusieurs romans arthuriens en prose, rentrent dans le cercle des possesseurs de copies des formes cycliques du Roman de Méliadus : ses frères, Jean, duc de Berry et Philippe le Hardi ; sa belle-fille, Valentina Visconti, duchesse dOrléans ; son beau-frère, Louis. Un manuscrit guironien attribuable au groupe δ3 avait été envoyé de Paris à Pierre IV dAragon, et on le retrouve à Valence en 1339 ; il figure ensuite parmi les lectures de Martin Ier et de Violant de Bar et nous pouvons en suivre les traces jusquà Charles dAragon prince de Viane (entre 1462 et 1463).42

En conclusion, le stemma nous permet de structurer dune manière simple et efficace la masse de données relatives aux attestations et de démontrer que : les récits qui composent le cycle circulent en Europe entre les décennies centrales du xiiie siècle et la première moitié du xvie (tout comme le Lancelot-Graal et le Tristan en prose) ; lItalie a joué un rôle de pivot durant la première phase de cyclisation (deuxième moitié du xiiie siècle) et les seules rédactions du cycle de Guiron écrites dans une autre langue que le français sont italiennes ; à partir du xive siècle, la fortune du cycle est liée aux bibliothèques des grands nobles, des rois de France et des ducs de Bourgogne ; contrairement aux deux autres cycles majeurs, le cycle Guiron napparaît que tardivement dans la péninsule ibérique et en Angleterre.

Élargissons encore le panorama pour viser le début du processus de cyclisation. Pour le Roman de Guiron, le volet central du cycle, nous disposons des stemmas établis par Claudio Lagomarsini. Prenons celui relatif à la seconde partie du roman (fig. 2) :43

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Fig. 2 – Stemma codicum du Roman de Guiron (deuxième partie du roman).

Si lon compare ce stemma à celui du Roman de Méliadus, il saute aux yeux que les nœuds principaux sont stables et que surtout à lintérieur de la famille β les témoins sont en grande partie les mêmes et ont la même distribution. Véronique Winand a montré que ces résultats sont également valables pour les structures de raccord, ce qui est un résultat surprenant puisque, du point de vue textuel et des programmes narratifs, ces structures sont les portions les plus innovantes du cycle.44 Linnovation textuelle, dans ce cas, ne semble donner lieu à aucune mouvance significative de la généalogie des rédactions et des témoins. Sur la base de la congruence des stemmata, nous pouvons démontrer que le Roman de Méliadus et le Roman de Guiron ont fait partie dun même ensemble dès le modèle βo (fig. 3) :45

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Fig. 3 – Généalogie des formes cycliques.

La synthèse graphique de lhistoire de la tradition nous permet ainsi de représenter dune manière relativement simple non seulement la transmission du texte mais aussi la formation du cycle et la genèse et transmission des différentes formes cycliques.

Dans plusieurs cas, il est même possible de situer approximativement les items recensés dans les inventaires des grandes collections princières dans tel ou tel autre secteur du tableau. En effet, au cours du xve siècle, dans lÉtat bourguignon comme dans le nord de lItalie – mais aussi dans lAuvergne de Jacques dArmagnac – les collectionneurs cherchent à se procurer des séries guironiennes complètes : Borso dEste, qui possédait une admirable bibliothèque, nhésite pas à écrire à Ludovico da Cuneo en lui demandant de lui prêter tous les romans arthuriens de la Vieille Table quil avait à sa disposition, car il les chérit plus quune ville que jaurais conquise.46 Ainsi, deux états du texte, même stemmatiquement 135éloignés, peuvent se retrouver non seulement dans un même atelier (où une telle disponibilité sexplique surtout par des raisons pratiques, liées à la production et à la vente), mais dans une même collection. Les stemmata permettent de relier histoire événementielle, culture textuelle et histoire des mœurs et matérielle, et de condenser dans la clarté et lélégance dun diagramme lambitieux programme que Ferdinand de Saussure avait jadis attribué à la philologie : La langue nest pas lunique objet de la philologie, qui veut avant tout fixer, interpréter, commenter les textes ; cette première étude lamène à soccuper aussi de lhistoire littéraire, des mœurs, des institutions etc. ; partout elle use de sa méthode propre, qui est la critique.47

Nicola Morato

Université de Liège

nicola.morato@uliege.be

1 Ces pages doivent beaucoup à Anna Constantinidis et Sarah Melker, qui les ont lues et discutées avec moi.

2 En partic. Jane Gilbert, Simon Gaunt et William Burgwinkle, Medieval French Literary Culture Abroad (Oxford: Oxford University Press, 2020), pp. 1–31. Parmi les nombreux volumes consacrés au sujet, Medieval Francophone Literary Culture Outside France. Studies in the Moving Word, ed. by N. Morato and D. Schoenaers (Turnhout: Brepols, 2018); Francofonie medievali. Lingue e letterature gallo-romanze fuori di Francia (sec.XII-XV), ed. by A.M. Babbi and C. Concina (Verona: Fiorini, 2018); En français hors de France. Textes, livres, collections du Moyen Âge, ed. by S. Lefèvre and F. Zinelli (Strasbourg: ÉLiPhi, 2021).

3 Voir le Handbook of Arthurian Romance: King Arthurs Court in Medieval European Literature, ed. by L. Tether et al. (Berlin: De Gruyter, 2017), qui met en valeur toute la palette des approches émergentes, à la fois par des aperçus théoriques et par des études de cas; voir à ce propos notre compte rendu dans Medioevo Romanzo, 44 (2020), 195–98. À propos des recherches du siècle dernier, avec un regard plus global, Richard Trachsler, Un siècle de lettreüre. Observations sur les études de littérature française du Moyen Âge entre 1900 et 2000, Cahiers de civilisation médiévale, 48 (2005) [= La médiévistique au xxe siècle. Bilan et perspectives, dir. M. Aurell], 359–79.

4 À propos de Auerbach et Köhler lecteurs de romans arthuriens, Richard Trachsler, Ideal und Wirklichkeit cinquantanni dopo. Lo studio di Erich Köhler e la critica letteraria del 2000, in Mito e storia nella tradizione cavalleresca. Atti del XLII convegno storico internazionale (Todi, 9–12 ottobre 2005) (Spoleto: Fondazione CISAM, 2006), pp. 45–67 et Maria Luisa Meneghetti, Realtà, realismo straniamento: Auerbach e il romanzo cavalleresco fino a Cervantes, Moderna, 11/1–2 (2009), 165–77. Les pages les plus fines sur Paulin Paris et sa manière de lire les romans arthuriens restent celles de son fils, voir Gaston Paris, Paulin Paris et la littérature française au Moyen Âge. Leçon douverture du Cours de Langue et Littérature française du Moyen Âge au Collège de France le Jeudi 8 Décembre 1881 (Paris: Georges Chamerot, 1882).

5 Le rôle de pivot de la littérature arthurienne est reconnu par Geneviève Hasenohr, Le roman en vers et La prose, in Mise en page et mise en texte du livre manuscrit, ed. by H.–J. Martin and J. Vezin (Paris: Édition du cercle de la Librairie, Promodis, 1990), pp. 251–64 et 265–71, et ces synthèses restent à bien des égards inégalées. Le premier ouvrage entièrement consacré à la question est The Manuscripts of Chrétien de Troyes / Les Manuscrits de Chrétien de Troyes, ed. by K. Busby et al., 2 vols (Amsterdam: Rodopi, 1993).

6 À partir de louvrage de Keith Busby, Codex and Context: Reading Old French Verse Narrative in Manuscript, 2 vols (Amsterdam and New York, NY: Rodopi, 2002), jusquaux travaux plus récents de Jane H.M. Taylor, Rewriting Arthurian Romance in Renaissance France. From Manuscript to Printed Book (Cambridge: Brewer, 2016) et Leah Tether, Publishing the Grail in Medieval and Renaissance France (Cambridge: Brewer, 2017).

7 Patrick Moran, Lectures cycliques. Le réseau inter–romanesque dans les cycles du Graal du xiiie siècle (Paris: Champion, 2014). Les perspectives plus récentes précedant louvrage de P. Moran sont celles de Luke Sunderland, Old French Narrative Cycles. Heroism between ethics and morality (Cambridge: D.S. Brewer, 2010) et Thomas Hinton, The Conte du Graal Cycle. Chrétien de Troyes Perceval, the Continuations, and French Arthurian Romance (Cambridge: Brewer, 2012), voir nos comptes rendus dans Medioevo Romanzo, 34/2 (2010), 440–42 et 38/2 (2012), 447–48.

8 Michelle Szkilnik, Les sommes romanesques du Moyen Âge, cycles ou compilations?, in Chemins tournants. Cycles et recueils en littérature des romans du Graal à la poésie contemporaine, ed. by S. Michaud (Paris: Presses Sorbonne Nouvelle, 2004), pp. 23–50 et Ead., La cohérence en question. La Suite-Merlin et la constitution dun cycle romanesque, in Matéria de Bretanha em Portugal, ed. by L. Curado Neves et al. (Lisboa: Colibri, 2002), pp. 9-27.

9 Damien de Carné, Texte et cycle: lidentité contradictoire du Roman de Tristan en prose, in L(id)entité textuelle au cours du Moyen Âge tardif, xiiie-xve siècles, dir. G. Veysseyre et al. (Paris: Classiques Garnier, 2017), pp. 229-254. Voir aussi les réflexions de Paloma Gracia à propos de la tradition ibérique, Ead., The Iberian Post-Vulgate Cycle: Cyclicity in Translation, in Handbook of Arthurian Romance, ed. by Tether et al., pp. 431–42 et, sur la Post-Vulgate, N. Morato, La tradition manuscrite de la “Post-Vulgate”. Histoire dune diaspora textuelle, in En français hors de France, pp. 109-140 et les essais réunis dans le volume, Le roman arthurien du Pseudo-Robert de Boron en France et dans la Péninsule Ibérique, ed. by P. Gracia et A. Casais (Berlin: Peter Lang, 2020).

10 Paolo Rinoldi, Phénomènes de cyclisation: grandes et petites gestes, in Par deviers Rome men revenrai errant. XXe Congrès International de la Société Rencesvals pour létude des épopées romanes, ed. by M. Careri, C. Menichetti and M.T. Rachetta (Roma: Viella, 2017), pp. 179–205. Sur le cycle de Guillaume, Madeleine Tyssens, La Geste de Guillaume dOrange dans les manuscrits cycliques (Paris: Les Belles Lettres, 1967) et les essais réunis dans La Tierce Geste qui molt fist a prisier. Études sur le cycle des Narbonnais (Paris: Classiques Garnier, 2011). À propos du cycle des barons révoltés, La geste de Doon de Mayence dans ses manuscrits et dans ses versions, ed. by D. Boutet (Paris: Champion, 2014).

11 Lunique tentative de synthèse à visée globale des dynamiques de cyclisation dans la transmission des textes narratifs en ancien français est à notre connaissance celle dAlexandre Micha, Überlieferungsgeschichte der französischen Literatur des Mittelalters, in Geschichte der Textüberlieferung der antiken und mittelalterlichen Literatur. II. Überlieferungsgeschichte der mittelalterlichen Literatur, ed. by G. Ineichen et al. (Zürich: Atlantis, 1964), pp. 187–259 (pp. 221–25, Die Zyklenbildung).

12 La bibliographie étant assez vaste, nous nous limitons à renvoyer à Cyclification. The development of narrative cycles in the Chansons de Geste and the Arthurian Romances, ed. by B. Besamusca et al. (Amsterdam: Koninklijke Nederlandse Akademie van Wetenschappen Verhandelingen, 1994) et Transtextualities: Of Cycles and Cyclicity in Medieval French Literature, ed. by S. Sturm-Maddox and D. Maddox (Binghampton, NY: Medieval and Renaissance Texts and Studies, 1996).

13 Tony Hunt, Editing Arthuriana, in A History of Arthurian Scholarship, ed. by N. Lacy (Cambridge: Brewer, 2006), pp. 37–48 et Philippe Ménard, Réflexions sur lédition de texte, Studi Mediolatini e Volgari, 47 (2001), 3–32; Id., Trente ans détudes arthuriennes, Perspectives médiévales, 30 (2005), 337–65.

14 Lino Leonardi, Stemmatics and the Old French Prose Arthurian Romance Editions, JIAS, 5/1 (2017), 42–48.

15 Voir à ce propos Leonardi, Stemmatics, et Nicola Morato, compte rendu de: The Arthur of the Italians. The Arthurian Legend in Medieval Italian Literature and Culture, ed. by G. Allaire and F.R. Psaki (Cardiff: University of Wales Press, 2014); The Arthur of the Iberians. The Arthurian Legends in the Spanish and Portuguese Worlds, ed. by D. Hook (Cardiff: University of Wales Press, 2015)], Revista de Literatura Medieval, 29 (2017), 263–92.

16 Jonas: <http://jonas.irht.cnrs.fr/>; Trame: <http://trame.fefonlus.it/trame/index.html>; Lancelot-Graal Project: <https://www.lancelot-project.pitt.edu/lancelot-project.html>; Arthurian Fiction in Medieval Europe: <http://www.arthurianfiction.org/>; Medieval Francophone Literary Culture Outside France: <http://www.medievalfrancophone.ac.uk/> [consultés 22 décembre 2021].

17 Sur la genèse du cycle, Carol Chase, La fabrication du cycle du Lancelot-Graal, Bulletin Bibliographique de la Société Internationale Arthurienne, 61 (2009), 261–80. Pour lhistoire du livre arthurien, voir les synthèses de Keith Busby, The Manuscript Context of Arthurian Romance et dAlison Stones, Text and Image, in Arthurian Handbook, ed. by Tether et al., pp. 97–116 et pp. 215–24.

18 La Queste del Saint Graal, ed. by Ch. Marchello-Nizia et A. Lavrentiev (2013), http://catalog.bfm-corpus.org/qgraal_cm [consulté le 22 décembre 2021].

19 Les enjeux du projet sont présentés par Lino Leonardi et Richard Trachsler, Lédition critique des romans en prose: le cas de Guiron le Courtois, in Manuel de la philologie de lédition, ed. by D. Trotter (Berlin; Boston: De Gruyter, 2015), pp. 44–80; pour une vision densemble sur le cycle et une exposition détaillée des principes dédition, Prolégomènes à lédition intégrale du corpus, ed. by L. Cadioli and S. Lecomte, dir. by L. Leonardi and R. Trachsler (Paris: Classiques Garnier, 2018). Les premiers volumes de lédition critique sont les suivants: Il ciclo di Guiron le Courtois. Romanzi in prosa del secolo XIII, dir. Lino Leonardi and Richard Trachsler (Florence: Edizioni del Galluzzo per la Fondazione Franceschini, 2020-), vols 4-5, Roman de Guiron, ed. by Cl. Lagomarsini and E. Stefanelli; vol. 6, Continuazione del Roman de Guiron, ed. by M. Veneziale, 2020; vols 1-2, Roman de Meliadus, ed. by L. Cadioli and S. Lecomte, 2021.

20 La base de données MFLCOF inclut six traditions: trois de matière ancienne (Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure, Roman dAlexandre, Histoire ancienne jusquà César) et trois cycles en prose (Lancelot–Graal, Tristan en prose et Guiron le Courtois).

21 Le fonctionnement de la base de données et ses différentes options sont décrits à la page: <http://www.medievalfrancophone.ac.uk/explore/> [consultée le 22 décembre 2021].

22 Voir la bibliographie du projet <http://www.medievalfrancophone.ac.uk/about-the-project/bibliography/> [consultée le 22 décembre 2021].

23 Pour une liste des témoins et de leurs sigles respectifs, voir <https://guiron.fefonlus.it/ > [consulté le 22 décembre 2021]. Nous reprenons les données de la chronologie des rédactions et attestations de Nicola Morato, La formation et la fortune du cycle de Guiron le Courtois, in Le cycle de Guiron le Courtois. Prolégomènes, pp. 179–247, qui viennent à la fois des recherches du GG et de MFLCOF. Le schéma est issu de Nicola Morato, Guiron le Courtois across borders. Life of a prose narrative cycle, in The Arthurian World, ed. by V. Coldham-Fussell et al. (London: Routledge, 2022), pp. 274–91.

24 Je tiens à remercier Lorenzo Tomasin davoir attiré mon attention sur cette attestation indirecte, voir Id., Europa romanza. Sette storie linguistiche (Torino: Einaudi, 2021), pp. 129–33; voir aussi Keith Busby, Codex and Context, p. 677.

25 Daniel Rosenberg et Anthony Grafton, Cartographies of Time. A History of the Timeline (Princeton, NJ: Princeton Architectural Press, 2010).

26 Voir Roman de Meliadus, ed. by L. Cadioli and S. Lecomte, et le site-web du GG <tps://guiron.fefonlus.it> [consulté le 22 décembre 2021].

27 Le concept danachronisme est parmi les plus sollicités dans le domaine des sciences humaines. À propos des études romanes et du travail philologique, voir en particulier Lino Leonardi, Philologie, science historique? Une question danachronisme qui se pose depuis Bédier (à propos du texte dy Lai de lOmbre), in LOmbre de Joseph Bédier. Théorie et pratique éditoriales au xxe siècle, ed. by Y. Greub et al. (Paris: ÉLiPhi, 2018) et Id., Romance Philology between Anachronism and Historical Truth: On Editing Medieval Vernacular Texts, in Philology Matters! Essays on the Art of Reading Slowly, ed. by H. Lönnroth (Leiden/Boston, MA: Brill, 2017), pp. 97-117. Nous reprenons la notion de rétrochronologie, qui ne fait pas partie du lexique philologique, de Harald Weinrich, Lhistoire littéraire: faut-il la commencer par le commencement?, in Livres anciens, lectures vivantes, ed. by M. Zink (Paris: Odile Jacob, 2010), pp. 329–41.

28 Outre le classique Marc Bloch, Apologie pour lHistoire ou le métier dhistorien, ed. by E. Bloch (Paris: Armand Colin, 1993), pp. 80–86, voir Arnold Esch, Überlieferungs-Chance und Überlieferungs-Zufall als methodisches Problem des Historikers, Historische Zeitschrift, 240 (1985), 529–70 et Id., Chance et hasard de transmission. Le problème de la représentativité et de la déformation de la transmission historique, in Les tendances actuelles de lhistoire du Moyen Âge en France et en Allemagne, ed. by J.C. Schmitt and O.G. Oexle (Paris: Éditions de la Sorbonne, 2002), pp. 15–29.

29 Pour une analyse quantitative, Vincenzo Guidi et Paolo Trovato, Sugli stemmi bipartiti. Decimazione, asimmetria e calcolo della probabilità, Filologia Italiana, 1 (2004), 9–48; Paolo Trovato, Everything you Always Wanted to Know About Lachmanns Method. A Non-Standard Handbook of Genealogical Textual Criticism in the Age of Post-Structuralism, Cladistics, and Copy-Text, with a foreword by M.D. Reeve, trans. by F. Poole (Padova: Libreriauniversitaria.it, 2014), pp. 85–93 et 144–46.

30 À propos de la contamination dans les manuscrits de Chrétien de Troyes, voir Alexandre Micha, La tradition manuscrite des romans de Chrétien de Troyes (Paris: Droz, 1939) et Id., Prolégomènes à une édition de Cligés (Paris: Belles Lettres, 1938), à lire avec le filtre des considérations méthodologiques de Giovanni Palumbo, Morfologie della contaminazione, in La critica del testo. Problemi di metodo ed esperienze di lavoro, ed. by E. Malato and A. Mazzucchi (Roma: Salerno, 2019), pp. 133–52.

31 Cristina Carbonetti-Vendittelli, Il registro della cancelleria di Federico II del 1239-1240 (Roma: Istituto Storico Italiano per il Medioevo, 2002), vol. 2, pp. 501–04 (avec une liste des éditions précédentes): [Ad s]ecretum [Me]ssane § vo, de imperiali mandato facto per magistrum R(iccardum) de Traiecto scripsit G(ualterius) de Cusentia secreto Messane responsales. Litteras et capitula et cetera. Voir aussi Ead., Le registre de chancellerie de Frédéric II de Souabe de 1239–1240, in LEnquête en questions. De la réalité à la vérité dans les modes de gouvernement. Moyen Âge – Temps modernes, dir. by A. Mailloux and L. Verdon (Paris: CNRS, 2014), pp. 159–72.

32 Nicola Morato, Formation et fortune du cycle de Guiron le Courtois, in Prolégomènes, pp. 179–247 (pp. 186-188). En 1888, Pio Rajna avait signalé un Milliduxius de Bavis chanoine de Crémone entre 1246 et 1297, même si cette référence pourrait renvoyer au Tristan en prose – il sagit en tout cas dune preuve de lintérêt porté à ce personnage, voir P. Rajna, Gli eroi brettoni nellonomastica italiana del sec. XII, Romania, 17 (1888), 161–85 (p. 182 n. 4).

33 Il y a eu de nombreuses éditions du prologue du Méliadus. Nous citons à partir de celle en annexe de larticle de Leonardi et Trachsler, Lédition critique des romans en prose, pp. 66–72.

34 Ce qui est encore valable au moins jusquà la seconde moitié du xiiie siècle, voir Richard Trachsler, De la Prose au Vers. Le cas Dinadan dans lEscanor de Girart dAmiens, in Actes du XXe Congrès de la Société Internationale de Linguistique et Philologie Romanes (Zurich, 6-11 avril 1992), ed. by G. Hilty (Tübingen; Basel: Francke, 1993), vol. 5, pp. 401–12; cf. aussi les panoramas classiques de Beate Schmolke–Hasselmann, Der arthurische Versroman von Chrestien bis Froissart. Zur Geschichte einer Gattung (Tübingen: Niemeyer, 1980) sur le roman en vers et de Gabrielle Spiegel, Romancing the Past: the Rise of Vernacular Prose Historiography in Thirteenth–Century France (Berkeley: University of California Press, 1993) sur la production historiographique.

35 Morato, Formation et fortune, pp. 185–86.

36 Morato, Formation et fortune, pp. 200–08 et Véronique Winand, Les raccord cycliques de Guiron le Courtois et leur tradition textuelle, Medioevo Romanzo, 44 (2020), 305–45.

37 Morato, Formation et fortune, pp. 195–200.

38 Voir lexamen matériel et textuel de la copie F par Lino Leonardi, Le manuscrit de la Fondazione Franceschini et la tradition du Roman de Meliadus en Italie, in En français hors de France, pp. 141–58.

39 Voir les tables chronologiques dans Morato, Formation et fortune, pp. 234–47; la synthèse dElena Stefanelli, Guiron le Courtois et sa fortune italienne. Morphologie de la tradition manuscrite et de la matière guironienne en Italie (xiiie-xvie siècles), in Littérature Arthurienne tardive en Europe, dir. Ch. Ferlampin-Acher (Rennes: Presses Universitaires de Rennes, 2020), pp. 597–616 et les études pionnières de Fabrizio Cigni, Per la storia del Guiron le Courtois in Italia, in Storia, geografia, tradizioni manoscritte, ed. by G. Paradisi and A. Punzi [= Critica del testo, 7/1 (2004)], pp. 295–316 et Id., Mappa redazionale del Guiron le Courtois diffuso in Italia, in Modi e forme della fruizione della materia arturiana nellItalia dei sec. XIII-XIV. Atti del convegno (Milano, 4-5 febbraio 2005) (Milano: Istituto Lombardo di Scienze e Lettere, 2006), pp. 85–117.

40 À propos de ces manuscrits et des copies jumelles guironiennes, cf. Nicola Morato, Il ciclo di Guiron le Courtois. Strutture e testi nella tradizione manoscritta (Firenze: Edizioni del Galluzzo per la Fondazione Franceschini, 2010), pp. 25–36. Sur les affinités et différences textuelles entre copies jumelles, voir Daniel Wakelin, Scribal Correction and Literary Craft. English Manuscripts 1375-1510 (Cambridge: Cambridge University Press, 2014), pp. 45–48.

41 Morato, Formation et fortune, pp. 209–35.

42 Stefano Maria Cingolani, “Nos en leyr tales libros trobemos plazer e recreation”. Lestudi sobre la difusió de la literatura dentreteniment a Catalunya els segles XIV i XV, Llengua & Literatura, 4 (1990–91), 39–127 (p. 90) et Morato, Formation et fortune, pp. 216–17.

43 Voir Roman de Guiron, éd. Lagomarsini et éd. Stefanelli et le site-web du GG <tps://guiron.fefonlus.it> [consulté le 22 décembre 2021].

44 Voir les stemmata dans Winand, Les raccord cycliques, pp. 16, 24, 30, 34.

45 Voir Morato, Formation et fortune, p. 202. Nous reprenons ici la version la plus récente et complète du diagramme, tirée de Morato, Guiron le Courtois across borders, p. 282; voir aussi le site-web du GG <tps://guiron.fefonlus.it> [consulté le 22 décembre 2021].

46 Giulio Bertoni, La Biblioteca di Borso dEste, Atti della R. Accademia delle Scienze di Torino, 61 (1925–26), 705–28 (707 n. 1): ne receveremo magiore piacere et contento che de una cittade che nui guadagnassemo.

47 Cette définition, tirée du Cours de linguistique générale (1916), est citée dans le Trésor de la langue Française, s.v. philologie, <http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=1972035360> [consulté le 22 décembre 2021] et a été commentée par Alberto Varvaro, Première Leçon de Philologie, trans. J.-P. Chambon and Y. Greub, preface by G. Palumbo (Paris: Classiques Garnier, 2017), pp. 15–20.