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Classiques Garnier

Foreword

  • Publication type: Journal article
  • Journal: Encomia
    2019 – 2021, n° 43
    . varia
  • Author: Szkilnik (Michelle)
  • Abstract: This brief foreword considers the relevance of launching an online journal devoted to courtly literature, in the light of current concepts such as networks, communities, Actor-Network Theory, interconnection, and concludes that it is a valuable enterprise.
  • Pages: 17 to 19
  • Journal: Encomia
  • CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN: 9782406130949
  • ISBN: 978-2-406-13094-9
  • ISSN: 2430-8226
  • DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-13094-9.p.0017
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 08-24-2022
  • Periodicity: Annual
  • Language: French
  • Keyword: medieval literature, courtly literature, medieval culture, networks, communities, court
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Préface

Encomia qui navait longtemps été quune bibliographie, puis, sous limpulsion de Samuel Rosenberg, bibliographe et par la suite secrétaire de la société de 1981 à 2010,1 avait commencé à accueillir de brefs articles, devient une véritable revue scientifique, à comité de lecture, publiée en ligne, sous le titre Encomia : Journal of the International Courtly Literature Society. Cette mue, engagée par la nouvelle équipe internationale sous la présidence dEmma Cayley, fait suite au XVIIe Congrès de la Société qui sest tenu à Exeter en juillet 2019.

Les participants à ce congrès se rappellent que le sujet en était les réseaux et les communautés. Si le thème sappliquait au monde médiéval, il résonne fortement avec notre réalité contemporaine, et ce dautant plus étrangement après les mois de confinement que nous venons de vivre, lesquels ont précisément mis à lépreuve nos communautés et nos réseaux. La pandémie a en un sens coupé nos circuits principaux en nous interdisant de nous réunir, en nous forçant à annuler de nombreuses manifestations, mais, paradoxalement, elle a activé des réseaux secondaires en nous obligeant, après un long moment de tâtonnement, il est vrai, à utiliser avec profit la visioconférence. Tous, nous nous sommes fait la remarque que grâce à ce moyen, nous pouvions attirer un public plus important, au point que nous réfléchissons à des formules hybrides, associant un petit nombre de participants physiques et un nombre plus important de participants virtuels.

Il nest pas inintéressant, me semble-t-il, de réfléchir au lancement de notre journal dans ce contexte grandement altéré. Quelle est la fonction, quel peut être le poids dun journal scientifique en ligne aujourdhui ? Et dabord, quels sont ceux dune société savante consacrée à la littérature de cour ? La Société de Littérature Courtoise a une position unique 18dans le champ des études médiévales parce quelle est à la croisée de plusieurs sociétés savantes. La cour, son objet détude, se rencontre aussi bien dans la lyrique que dans la littérature arthurienne, la littérature épique, ou les chroniques, voire la tradition renardienne. Il ny a guère que les fabliaux qui ne sen soucient pas. En ce sens elle constitue une sorte de nœud de communication dans la compagnie plus large des médiévistes, comme la cour est elle-même un centre où se retrouvent et doù se dispersent les chevaliers.

La cour renvoie aussi à lidéal dun monde policé, aux relations certes parfois conflictuelles, mais régulées par le roi et des valeurs communes. Le pouvoir dattraction de celle dArthur, par exemple, est tel que même les chevaliers les plus cruels finissent par en adopter les coutumes. Cette définition, je la crois en partie métaphorique du fonctionnement de notre société depuis sa création en 1973. La communauté que nous formons est large, diverse et accueillante, tant par ses enjeux intellectuels que par son extension géographique, plus ouverte en vérité que la cour assimilationniste dArthur ou du duc de Bourgogne puisque nul nexige ladhésion à un idéal critique unique, fût-il remarquable et novateur. Notre communauté participe du bon global, elle contribue à la mondialisation-plus, pour reprendre les termes de Bruno Latour, cest-à-dire à la multiplication des points de vue, à la prise en compte de phénomènes, de personnes et de cultures plus nombreux.2 Ce nest donc pas de la cour quil conviendrait de parler, mais de cours. Les nœuds de communication sont multiples, eux aussi.

Le nouvel Encomia, ouvert à plusieurs langues, pour refléter celle de la Société de Littérature Courtoise, resserrera les liens internes à notre communauté, mais créera aussi, on peut lespérer, des liens avec dautres communautés, en donnant une plus large audience à nos travaux. Nul ne niera que la publication en ligne offre des avantages immenses : avoir, au bout des doigts, le pouvoir de faire apparaître sur lécran de son ordinateur un article indispensable à notre recherche est une satisfaction que les nouveaux entrants dans le champ ne ressentent sans doute pas aussi vivement que les vieux routiers, qui devaient littéralement cheminer de bibliothèque en bibliothèque pour passer ensuite de longues heures auprès de la photocopieuse toujours défectueuse. Mais chacun peut 19évaluer le temps, largent, le CO2 et la frustration économisés grâce à la publication en ligne, ainsi que limpact de notre recherche désormais accessible aux quatre coins du monde. Les nostalgiques des pèlerinages en bibliothèque objecteront que celle-ci était aussi un lieu de rencontre, que le trajet pour sy rendre évitait la sédentarisation et lexcès de poids. Voilà qui multiplie le nombre dacteurs/dactants de notre réflexion, pour reprendre des concepts de la théorie de lacteur-réseau (ANT) du même Bruno Latour, mise en vedette au congrès dExeter. À nous de faire en sorte que ce journal favorise des rencontres intellectuelles virtuelles, préludes à des rencontres physiques.

Je me souviens de mêtre interrogée à la fin de ma communication à Exeter sur lintérêt de faire appel à une théorie abstraite et en apparence absconse comme lANT pour décrire nos objets de recherche. Avec le recul (et quelques lectures supplémentaires), je plaide non pas pour adopter des théories inintelligibles – ce que nest pas au demeurant celle de Bruno Latour – mais pour mettre en évidence la complexité des rapports entre êtres vivants, objets animés et inanimés, concepts. Dans un monde qui aspire à des distinctions et oppositions simples, à des dichotomies rassurantes mais réductrices, réfléchir sur ce qui constitue une communauté, mesurer linterconnexion de tous les éléments qui nous entourent, imposent un décentrement salutaire. Que les articles de ce premier numéro, issus pour certains des communications présentées à Exeter, sinterrogent, en anglais ou en français, sur la notion de communauté et la création de réseaux est parfaitement en adéquation à la fois avec le lancement du journal et avec les conditions nouvelles auxquelles est confrontée la communauté scientifique en général.

Michelle Szkilnik

Présidente Honoraire

1 Samuel N. Rosenberg est décédé en juin 2020. Nous honorerons sa mémoire au congrès de Vancouver en 2023.

2 Bruno Latour, Où atterrir? Comment sorienter en politique (Paris: La Découverte, 2017), p. 23.