Aller au contenu

Classiques Garnier

L’idylle en réseau Réflexions sur les citations et les réécritures de Floire et Blancheflor en français

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Encomia
    2019 – 2021, n° 43
    . varia
  • Auteur : Obry (Vanessa)
  • Résumé : L’article analyse les citations des noms des protagonistes du conte de Floire et Blancheflor, dans des textes appartenant à différents genres et composés au XIIIe siècle, en langue d’oc et d’oïl. Après les deux versions françaises du XIIe siècle qui nous sont parvenues, ces citations entretiennent la mémoire des amants et témoignent de son succès. En retenant ou en écartant des éléments de l’histoire, les allusions ou citations reflètent différents usages de la légende.
  • Pages : 137 à 158
  • Revue : Encomia
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406130949
  • ISBN : 978-2-406-13094-9
  • ISSN : 2430-8226
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-13094-9.p.0137
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 24/08/2022
  • Périodicité : Annuelle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Floire et Blancheflor, roman, lyrique, récit idyllique, réception
137

Lidylle en réseau

Réflexions sur les citations et les réécritures
de Floire et Blancheflor en français

Lhistoire de Floire et de Blancheflor a connu un succès certain au Moyen Âge, comme en témoignent ses adaptations en diverses langues. Le plus ancien témoin écrit conservé de la légende, le Conte de Floire et de Blancheflor, composé au milieu du xiie siècle en langue doïl, nest que lun des maillons de la transmission dune tradition antérieure, probablement dorigine orientale1, mais on saccorde à voir en lui lune des sources des versions qui voient le jour dans lespace occidental dès la fin du xiie siècle2. La vaste amplification quen donne Konrad Fleck en moyen haut allemand vers 1200 a par exemple pu permettre à Jean-Luc Leclanche démettre une hypothèse quant à son auteur, en lattribuant à Robert dOrbigny3.

La diffusion matérielle de ce récit en français na, quant à elle, laissé que peu de traces, le texte nétant conservé que dans quelques manuscrits. Trois dentre eux ont été copiés entre la fin du xiie et la fin du xiiie siècle : Vatican, Biblioteca apostolica Vaticana, Pal. lat. 1971 (manuscrit anglo-normand présentant un état fragmentaire du texte 138et datant du dernier quart du xiie siècle), Paris, BnF, fr. 375 (produit dans le Nord de la France à la fin du xiiie siècle) et Paris, BnF, fr. 1447 (fin du xiiie siècle). Un quatrième témoin médiéval, copié au xve siècle et conservé dans la deuxième partie dun recueil hétérogène, est une copie de BnF, fr. 375 : Paris, BnF, fr. 12562. Une seconde version de la même histoire, composée dans les dernières années du xiie siècle, appelée parfois le Roman de Floire et de Blancheflor, ou version populaire que lon oppose à la première, dite aristocratique4, et qui constitue une version plus chevaleresque des aventures, est pour sa part conservée dans un seul manuscrit, BnF, fr. 19152, copié dans le centre de la France, datant du début du xive siècle et où il manque la fin du texte. Cette version a pourtant elle aussi essaimé hors du domaine francophone, puisquon a pu reconnaître par exemple son influence dans la tradition méridionale, en Italie et en Espagne5.

La diffusion manuscrite des récits français du xiie siècle est donc relativement limitée, du moins pour ce qui nous est parvenu, et ces versions nont, semble-t-il, pas été mise en prose6. Tandis que de nombreux textes ont été produits dans dautres langues entre le xiiie et le xve siècle, le récit ne revient dans le paysage littéraire en français quau xvie siècle, avec la traduction du Filocolo de Boccace par Adrien Sevin, le Philocope, et celle dune version espagnole par Jacques Vincent7.

Ce qui peut ainsi apparaître comme un vide dans lhistoire des réécritures des aventures de Floire et de Blancheflor en français nest pas pour autant le signe dun oubli des amants entre 1200 et 1542, date de la première édition du Philocope. Non seulement les deux versions du xiie siècle sont copiées entre la fin du xiie et le début xve siècle, mais les récits que lon a lhabitude de rattacher à la veine idyllique constituent 139aussi un relais notable attestant un succès relatif de la trame narrative heureuse du Conte de Floire et de Blancheflor8 : le corpus en est à la fois vaste et fluctuant, allant des textes identifiés autrefois par Myrrha Lot-Borodine – Aucassin et Nicolette, Galeran de Bretagne, LEscoufle de Jean Renart et Guillaume de Palerne9 – au renouveau de lidylle à la fin du Moyen Âge, fondé, comme la notamment montré Michelle Szkilnik, sur de nouvelles conceptions morales et sociales10. En outre, la mémoire de Floire et de Blancheflor, en dehors des deux récits français du xiie siècle qui relatent leurs aventures, est entretenue par un ensemble de citations, de mentions des noms des protagonistes, dallusions ou de récits partiels, dans des textes divers, qui témoignent bien de leur présence dans limaginaire des auteurs et des lecteurs médiévaux.

Je mintéresserai à ces citations et allusions à Floire et Blancheflor dans le domaine français au xiiie siècle en particulier11, à partir dun recensement de mentions des protagonistes du Conte de Floire et Blancheflor dans des textes médiévaux appartenant à différents genres. Quelques travaux ont proposé des listes dœuvres où apparaissent les noms de Floire et Blancheflor, pour souligner la célébrité de lhistoire des amants, ou mettre en avant leur appartenance à un groupe de modèles amoureux canoniques12. Le nouveau relevé présenté ici ne prétend pas à lexhaustivité ; il ajoute cependant aux études précédentes des exemples qui ny sont pas recensés, au sein dun corpus établi notamment à laide de répertoires de noms propres ou de bases de données13 et grâce à des 140recherches dans les textes eux-mêmes. Sont exclus les cas où le nom de lun des deux protagonistes pourrait être réattribué à un nouveau personnage, ainsi que les homonymies : ne seront, par exemple, pas pris en compte Blanchefleur, lamie de Perceval dans le Conte du Graal et ses continuations, la figure féminine présente dans la première attestation des débats du clerc et du chevalier Florence et Blancheflor14, le duc de France cité dans le Bel Inconnu15, ou encore le roi de Hongrie Floire dans Sone de Nansay, dont la généalogie ne correspond pas à celle des héros du Conte, malgré la concordance géographique16. Ne sont donc conservés que des exemples où sont effectivement cités les personnages du Conte ou du Roman de Floire et de Blancheflor, qui sont par conséquent ce que Philippe Hamon appellerait des personnages référentiels17, au sens où leur nom est convoqué, dans un nouveau texte, avec un référent fixé dans un contexte culturel supposé partagé par le lecteur. Les noms de Floire et de Blancheflor réfèrent à des personnages identifiables et invitent alors à la reconnaissance dun univers littéraire.18 Ainsi délimité, le corpus nen reste pas moins assez vaste : les amants sont cités dans des contextes et selon des modalités variables. Lanalyse qui suit présentera 141les principales tendances que fait apparaître le relevé et étudiera plus en détails un certain nombre de ces citations.

Je minterrogerai sur la présence et les lectures données de lhistoire des amants, dans un ensemble de mentions qui sont autant de témoignages de cette réception. Il sagira de penser les relations qui se nouent autour de Floire et de Blancheflor comme les traces dun réseau textuel : en effet, les textes étudiés entretiennent entre eux des liens qui ne peuvent se comprendre simplement en termes de filiation ni dans le cadre dune affiliation générique à la mouvance idyllique. En retenant ou en écartant des éléments de lhistoire de Floire et Blancheflor, les allusions ou citations reflètent ainsi différents usages de la légende.

Généalogie carolingienne
ou modèle amoureux

Les mentions de lun des amants au moins se partagent en deux groupes : Floire et Blancheflor sont cités soit en tant que parents de Berte et aïeux de Charlemagne, soit comme modèles amoureux, jamais les deux à la fois. La mémoire des amants dans les textes postérieurs aux deux versions françaises du récit actualise donc séparément chacune des deux parties du prologue du Conte, attesté dans les manuscrits BnF, fr. 375 et 1447, mais considérés comme des interpolations propres à la tradition continentale à laquelle ils appartiennent, donc comme des témoins dune réception du récit : la première partie de ce prologue fait en effet des héros les parents de Berte aux grands pieds et grands-parents de Charlemagne, tandis que la deuxième partie évoque un cadre courtois fictif de diffusion de lhistoire qui suit. Affleurent ainsi deux lectures possibles de lhistoire de Floire et de Blancheflor : lune, que lon pourrait qualifier dhistorique, est liée à un intérêt généalogique en relation avec la dynastie carolingienne ; lautre retient du récit un modèle amoureux qui peut sinscrire, de manière plus ou moins directe, dans un cadre courtois.

Ces deux orientations transparaissent aussi dans linscription des versions françaises du xiie siècle dans le contexte des manuscrits-recueils 142où elles ont été transmises. Lunique témoin du Roman, comme le manuscrit BnF, fr. 375 pour le Conte, relie les aventures des amants à de vastes ensembles de textes majoritairement romanesques, tandis que le manuscrit BnF, fr. 1447 associe au Conte la chanson de Berte aus grans piés dAdenet le Roi puis le roman arthurien en vers Claris et Laris, inscrivant la lecture politique du texte liminaire dans un mouvement de translatio imperii, analysé par exemple par Sylvia Huot19. Lalternative entre une réception dans le cadre de la légende carolingienne et une lecture plus spécifiquement amoureuse est aussi attestée dans la diffusion européenne du récit et se répartit selon des aires géographiques20.

Les citations des noms de Floire et Blancheflor comme parents de Berte sont liées au genre épique. Les personnages apparaissent dans la chanson de Berte aus grans piés dAdenet le Roi21, dans Hervis de Mes22, puis, au xive siècle, dans LIstoire le roy Charlemaine de Girart dAmiens23. Les mentions en contexte amoureux sont plus nombreuses et elles sont quant à elles présentes dans des textes à lappartenance générique plus variée. Parmi les textes narratifs, Galeran de Bretagne24 sinscrit de manière certaine dans la veine idyllique inaugurée par le 143Conte de Floire et de Blancheflor, tandis quun roman comme Amadas et Ydoine25 sen rapproche mais en constitue un cas limite ; le roman de langue doc Flamenca26 emprunte des éléments au Conte mais dans un cadre courtois fondamentalement différent. Dans le domaine doc également, Jaufré27 est pour sa part un roman arthurien. Deux possibles allusions à lépisode de la tour de Babylone où Blancheflor est enfermée apparaissent dans le Roman de Thèbes (xiie siècle), avec la mention dune tour appelée Blancheflor28, et dans Blancandin ou lorgueilleuse damour, évoquant la tor de Babiloine29. Dans un tout autre domaine, la mention de Blancheflor dans le fabliau de la Vieille Truande peut sembler plus étonnante30. De plus, la présence des amants nest pas cantonnée aux récits : la chanson daube dite du Gaite de la tor31, conservée dans le chansonnier U et datant du xiiie siècle, cite un lai de Blancheflor, tandis quune pièce lyrique du même chansonnier se fonde sur un épisode de lhistoire des amants, Floires revient seus de Montoire32. Dans le domaine dOc, les amants sont cités par plusieurs troubadours33, comme ils le sont, à la fin du xiie siècle, dans les Saluts damour dArnaud de Mareuil34, puis, à la fin du xiiie siècle, dans le Breviari damor de Matfré Ermengaud35.

144

Outre cette variété de genres et de registres, peu de filiations textuelles assurées entre les différents textes mentionnés ci-dessus sont attestées. Tout au plus existe-t-il des motifs communs et qui constituent des emprunts probables. Émergent ainsi, entre le corpus relié par les noms des amants, des relations diverses. Partout, la citation de Floire et Blancheflor témoigne dun imaginaire de référence commun et suppose, pour le lecteur, le rappel de cet univers. Certains textes sont unis par une transmission manuscrite qui pourrait attester un lectorat partagé : le fabliau de la Vieille truande, Amadas et Ydoine et Blancandin ou lorgueilleuse damour sont conservés, comme le Conte de Floire et de Blancheflor, dans le manuscrit BnF, fr. 375. Dautres le sont par une inscription générique dans la mouvance du récit idyllique ; dautres encore ne le sont que par la reprise dépisodes ou de motifs. Que les œuvres partagent plusieurs points communs ou quelles ne soient reliées que par un élément, le récit des amours de Floire et de Blancheflor entretient ainsi des liens plus ou moins fermes avec des textes dune relative diversité. Lensemble constitue un réseau diffus, qui témoigne assurément plus de la circulation de références culturelles que dune réception textuelle.

Dans le domaine français, la lecture amoureuse de lhistoire domine et la légende malléable est intégrée à un ensemble de représentations de lamour, le couple de Babylone se trouvant notamment assimilé à des modèles amoureux plus ou moins liés à lidéal de la finamor. Les mentions des noms de Floire et de Blancheflor font ainsi des personnages les membres dun groupe et un miroir tendu à la communauté des amants.

Floire et Blancheflor et la communauté des amants :
comparaisons et listes

Les citations de Floire et de Blancheflor inscrivent le couple dans le paradigme des amants célèbres. Présents dans la lyrique des troubadours comme comparants convoqués au service de lexpression hyperbolique de lamour, les jeunes protagonistes de lidylle sintègrent à un canon courtois36.

145

De tels exemples, relevés dès le xiie siècle, attestent une circulation de la légende probablement plus vaste que ce que montrent les récits que nous en avons conservés. Ainsi, dans une canso de la comtesse de Dia, composée vers 1160, lamour de Floris pour Blancaflor est comparé au désir de la troubairitz :

Ben volria mon cavallier

tener un ser en mos bratz nut,

quel sen tengra per ereubut

sol qua lui fezes cosseillier ;

car plus men sui abellida

no fetz Floris de Blancheflor :

ieu lautrei mon cor e mamor,

mon sen, mos huoills e ma vida37.

Au siècle suivant, on trouve des comparaisons semblables, reprenant aussi le topos de la surenchère38, chez Falquet de Romans39, Guillem Evesque joglar dAlbi40, ou Guillem dAnduza41. La réunion des amants peut alors devenir le modèle du joi amoureux :

Anc no fo de joi tant ricx

Floris, quan jac ab samia42.

Parfois le poète mentionne le palais comme lieu de réunion des amants, dans une allusion plus précise à leurs aventures, comme chez Gaulcem Faidit (fin du xiie siècle) :

146

pro mestai mieils damor

qa Floris el palais !43

Dès le xiie siècle, la quête de Floire sert en outre dexemple dans une tenso opposant Pistoleta et Blacatz :

e de Floris hai auzit maintas ves

qi sen fugi e laisset son repaire

per Blanchaflor, e se i agues iagut,

non feira tant, et ieu vos ai vencut44

Modèle damour absolu ou de joie intense, lhistoire des amants se prête aussi à lexpression de la douleur damour. Ainsi, un descort du troubadour Aimeric de Belenoi (début du xiiie siècle) évoque la souffrance de Blancaflor dans la tour de lémir :

Ni Blanca-flor

Tan greu dolor

Per Flori non senti,

Quan de la tor

Lemperador

Par samistat eyssi,

Quieu per amor

De la gensor

Vas cuy ieu vau cor cli,

Tan gran tristor

Senes secor –

E pr tal no.m defuy !45

Selon ce même procédé de la comparaison, la mention de Floire et Blancheflor peut sinsérer dans des listes damants célèbres, laccumulation contribuant à la valeur hyperbolique de ces citations. Les personnages intègrent ainsi, selon une logique paradigmatique, un groupe réuni par des qualités communes. Un jeu de reflet sinstaure de la sorte entre les 147sentiments du poète et chacun des modèles cités, mais aussi entre les personnages constituant la liste.

Lénumération donne lieu à des associations privilégiées : Luca Barbieri cite ainsi la présence des amants aux côtés de Pâris et Hélène, source de joie, dans une pastourelle de Cerveri de Girone ; les amants de lhistoire de Troie constituent quant à eux les noms antiques les plus souvent cités chez les troubadours46. Floire et Blanceflor sassocient aussi bien à des personnages de la mythologique antique, quau mythe tristanien ou à dautres références médiévales, reflétant la variété des héritages littéraires présents chez les troubadours47 : on trouve Floire mentionné pour son exemplarité de combattant avec Tydée et Tristan, chez Floc48, et le couple est présent avec Tristan et Yseut dans des saluts damour de Falquet de Romans49.

Des listes plus étendues sont aussi attestées et les échos qui les relient montrent que ce ne sont pas les seules références qui ont circulé, mais probablement les listes elles-mêmes. À la fin du xiie siècle et toujours dans le domaine dOc, les Saluts damour du troubadour Arnaud de Mareuil comportent deux listes dont les personnages illustrent des exemples de joie intense. Dans le premier salut (vv. 153–60), dix figures féminines sont énumérées (Rodoceste, Biblis, Blancaflor, Semiramis, Thisbé, Léda, Hélène, Antigone, Ismène et Yseut), tandis que le troisième salut (vv. 150–71) donne le nom de douze couples, parmi lesquels on retrouve, outre Floris et Blancaflor, cités comme exemple de douleur subie, Pâris et Hélène, Pirame et Thismé, Lavine et Eneas, Tristan et Yseut50. Le Breviari damor, vaste poème encyclopédique composé par Matfre Ermengaud à la fin du xiiie siècle, cite quant à lui, dans la partie consacrée aux troubadours, une liste damants parfaits faisant écho aux précédentes :

quar plus fis aimans no viu ges

ni fo anc plus fis en amor

148

de me Floris ab Blanchaflor,

ni Thisbes anc ni Priamus,

ni Serena ni Eledus,

Alions ni Filomena,

ni Paris anc ni Elena,

ni la belIzeutz ni Tristans,

Oratz, Alma, ni autraimans51.

La mention de Serena et Eledus, ainsi que la proximité de la liste avec celle que lon trouve dans une version française, conservée dans un manuscrit de la fin du xive siècle, dun roman occitan antérieur perdu, sont les indices dune circulation probablement plus importante encore52.

Lappartenance des amants Floire et Blancheflor à un canon courtois est exploitée aussi dans le Tractatus de Amore dAndré le Chapelain (fin xiie ou début xiiie siècle), qui cite Blancheflor comme troisième personnage dune liste. Au huitième dialogue du premier livre, la jeune fille se demande comment ne pas risquer de perdre sa virginité en prenant un amant et son interlocuteur lui répond par une série dexemples littéraires de jeunes filles vertueuses qui ont aimé :

[] in virginibus expresse damnatis amorem, quia infinitae et omni probitate gaudentes leguntur amasse, ut de Amphelice et Ysotta et Blanciflore et multi aliis virginibus reperitur53.

vous condamnez expressément lamour chez les jeunes filles, alors que, dans nos lectures, nous apprenons quun nombre infini dentre elles, et des plus vertueuses, ont aimé : cest le cas dAnfélice, dYseult, de Blancheflor et de bien dautres54.

La liste de trois noms témoigne dune forme de canonisation de la figure de Blancheflor, dans le cadre de références à des couples médiévaux issus du corpus romanesque. Anfélice, lhéroïne de Foulque de Candie, cède la place, dans certains manuscrits55, à Phénice, personnage de Chrétien de Troyes, que lon retrouvera dans dautres listes aux côtés de Blancheflor et 149Yseut. Le trio de figures idéales, peut-être interchangeables, ne retient ici comme caractéristique que la virginité et une idéalisation qui témoigne dune forme de décontextualisation, propre à la poétique de la liste, inscrite dans le nouveau cadre argumentatif du Tractatus de Amore.

Comme la en effet montré Madeleine Jeay, la liste se prête à une lecture syntagmatique dans lœuvre où elle se trouve, mais elle y opère aussi un décrochage et invite à la lecture paradigmatique, dont la critique a rapproché le processus dun fonctionnement hypertextuel56 : la liste est fondamentalement réseau. Cette double lecture, en contexte immédiat et dans la relation intertextuelle, est certes valable pour toute citation des noms des amants : la strophe de laube du Gaite de la tor évoquant un douz lai damor / De Blancheflor dont nous navons pas conservé de trace convoque ainsi un modèle harmonieux amoureux mis en péril par le cri entêtant qui trouble lunion des amants dans la pièce lyrique57, tout en permettant dautres échos, peut-être à travers le lieu même quest la tour. Mais la liste offre des possibilités multiples de mises en relation.

Si la liste témoigne toujours de lenvironnement culturel de lauteur du texte, de sa formation, de sa proximité avec une mouvance linguistique ou générique58, elle se prête aussi à de multiples autres rapprochements, en particulier lorsquelle permet de mettre en relation une citation du nom des amants et le contenu de leur histoire.

150

Du nom à lhistoire :
la sélection des épisodes de lintrigue

Les mentions des noms des amants reflètent ce que lon retient de leurs aventures et constituent, en ce sens, un témoignage de la réception de la légende.

Les citations que lon peut considérer comme des allusions à lensemble de la trajectoire de Floire et Blancheflor sont rares. On peut lire ainsi lassociation des amants à Hélène et Pâris dans le roman Galeran de Bretagne, composé au début du xiiie siècle. Ce texte partage avec lhistoire de Floire et Blancheflor le motif idyllique de la naissance de lamour dans lenfance, de nombreuses scènes et les noms floraux des héroïnes ; le lien intertextuel entre les deux récits idylliques est essentiel59. Les amants eux-mêmes sont cités dans les premiers vers de lekphrasis consacrée au tissu brodé par la mère de lhéroïne au moment de son abandon, et conçu comme un signe de haute naissance :

Car celle lot fait, qui bien euvre,

De fil de soie et de fil dor :

Cest Gente la belle au chief sor,

Qui la langue ot mise en errour.

Du roy Floire et de Blancheflour

Y ot la vie, dune part,

Tissue par merveilleux art,

Toute la vie des amans ;

Onques Françoys ne Alemans

Ne vit chose plus beau pourtrete

Que ceste estoit que Gente ot faicte60.

La désignation du jeune amant en roy, associée à la richesse des matériaux, remplit la fonction première de marque didentité sociale assignée au tissu ; mais la vie des amants, que le roman ne répète pas, laissant à son destinataire le soin de la reconstituer, est aussi un modèle pour le récit à venir, qui vient corriger l’‘errour de Gente la médisante forcée dabandonner sa fille. Cette valeur de modèle, fondée sur la destinée 151heureuse des amants, est soulignée encore par la présence, sur lenvers du tissu, de lhistoire de lenlèvement dHélène par Pâris :

Dautre part fu toute la vie

Comment Helene fut ravie,

Que Paris emporta par mer,

Par loutraige de trop amer61.

Cette association des deux couples, que lon peut tenir pour la forme minimale dune liste, dessine à la fois le paradigme de la force de lamour, préfigurant lunion de Freisne et de Galeran, et un diptyque opposant issue heureuse et issue malheureuse : lekphrasis de lobjet historié implique en effet la prise en compte du déroulement de lintrigue mettant en scène les amants. Or ce diptyque amoureux est sans doute une autre marque du souvenir du Conte de Floire et de Blancheflor, où la coupe contre laquelle Blancheflor est vendue est elle aussi ornée de motifs illustrant le Jugement de Pâris et son amour pour Hélène (v. 440 sq. pour lekphrasis)62. Incarnation de la translatio dans le récit, la coupe appelle le déplacement de Floire qui, remontant son parcours douest en est, peut ensuite rejouer différemment le transfert dOrient en Occident, et muer les conséquences funestes de lamour dHélène et de Pâris, en harmonie heureuse. On retrouve ainsi, exploitée en récit, lune des associations privilégiées des couples damants dans la lyrique des troubadours ; la citation des héros comme modèles de noblesse vient alors enrichir la signification de lensemble des textes.

Le plus souvent cependant, les mentions des noms des amants semblent ne retenir quune partie de leur histoire. Dans le domaine occitan, le roman de Jaufre (fin du xiie-début du xiiie siècle) associe lui aussi Floire et Blancheflor à une liste damants, à la destinée tragique ou heureuse, pour illustrer, dans la bouche de lhéroïne Brunissen qui prépare sa requête, 152la force de lamour. Tristan et Yseut, Fénice et Cligès, Biblis et son frère, Eneas et Didon servent largumentation et le texte retient seulement, dans un mouvement de sélection drastique, la conversion finale de Floire :

Car vos son venguda pregar ;

Que far mo fa forsa dAmor,

Que fes Floris a Blancaflor

Tant amar, quera filtz de rei,

Que partir lo fes de sa lei : (v. 7614-7618)63.

La sélection dune unique étape du récit appartient au processus de décontextualisation opéré par la mention des noms des amants, en particulier au sein dune liste. Dans le fabliau de la Vieille Truande, Blancheflor et Yseut sont citées comme modèle en contre-point, auquel est comparé la force du désir lubrique de la vieille femme :

Quant ele vit le baceler

Venir, si tres bel a devise,

Si fu de lui si tost esprise

Kainc Blanceflor nIseus la Blonde,

Ne nule feme de cest monde

Nama onques si tost nului

Com ele fist tantost celui64.

Cette décontextualisation va parfois jusquà une inversion du sens même de lintrigue. Ainsi, dans le roman du xiiie siècle Amadas et Ydoine, un monologue attribué au héros cite Floire dans une série damants trompés. Si lépisode du cénotaphe voit bien Floire victime de lillusion préparée par ses parents, le désespoir dAmadas et la dimension critique de ce roman, construit en opposition au mythe tristanien en particulier, justifie sans doute linterprétation détournée de lhistoire de Floire, ici associé à une autre liste damants idéaux canoniques, mais souvent pas plus trompés que lui par leur amie, Tristan, Paris, Ulysse, Rolland, Eneas, Alexandre etc. :

Ulixés de Penelopé

Fu deceüs, cest verité ;

153

Li enfes Floires de sa drue

Fu traïs, cest cose seüe ;

Autresi fu Rollans dAudain,

Car envers lui ot le cuer vain ;

Si fu Eneas de Lavine

Que il ama tant damor fine ;

Si refu trecés et traïs

Li preus, li larges, li hardis

Alixandres qui tant valut :

Bien sai sa feme le deçut 65.

Alors que la chanson Floire revient seus de Montoire se centre sur la découverte par Floire du cénotaphe de Blancheflor, la lyrique occitane retenait souvent la douleur de la séparation ou la joie des retrouvailles, plusieurs poètes mentionnant lépisode de la tour, comme dans les pièces déjà citées de Gaulcem Faidit et Aimeric de Belenoi66. Le roman Eledus et Serene résume lui aussi ce passage (De Florys et de Blancheflour, / Comme entra pour lui en la tour, vv. 2702–2703). Cet épisode semble celui qui assure le plus souvent la mémoire des amants : les mentions des tours dans les romans de Thèbes et de Blancandin, ainsi que laube du Gaite de la tour, pourrait conforter cette idée, de même que le résumé du Conte de Floire et de Blancheflor que donne Perot de Neele dans le catalogue qui ouvre la seconde unité codicologique du manuscrit Paris, BnF, fr. 375 (fol. 34r–35r) dans lequel le récit est conservé67. Le début de lévocation de lhistoire des amants est perdu, ce qui ne permet pas de conclusion définitive sur la longueur et le contenu originels de lensemble, mais il semble que la scène retenue de manière privilégiée par Perot soit bien celle de la tour de Babylone :

154

Sara trovee la pucele.

Par maint mont par mainte vaucele,

68

Tant a cerkiet que il vint la,

Tout droit el lieu e el destor

Ou les puceles en la tour

E Blanceflours erent encloses.

En une corbelle de roses

Plaine, por Diu qui fist le mont,

I fu Floires portés amont.

Quant lasus fu li damoissiaus

En piés saut sus com uns oissiaus,

E quant Blanceflors laperçoit

Entre ses.ii. bras le reçoit

Comme cortoise e bien senee ;

Grant joie ont entraus.ii. menee.

Or nos doins Dius si demener

Et nos vies a droit mener,

Ains que mort hors del mont nos maint,

Kes Ciex soions la ou il maint.

La quête de Floire est en effet évoquée très rapidement et lépisode de la corbeille de fleurs dans laquelle le héros sintroduit dans la tour est développé de manière relativement détaillée, au détriment des scènes finales. Le résumé gomme les tensions du récit pour mettre en avant la seule nature de lamour : dans le texte en effet, après leurs retrouvailles, les amants sont surpris par lémir de Babylone, menacés de mort, puis sauvés, avant de regagner lEspagne.

Dans ce résumé comme dans les mentions des amants citées jusquà maintenant, la mémoire de lhistoire des amants semble reposer sur une sélection que lon pourrait relier à un mode de circulation de la légende.

155

Raconter et lire la légende
de Floire et Blancheflor :
le répertoire du jongleur et le livre

Le travail de Perot de Neele est en effet étroitement lié à sa pratique de jongleur : il est probable que le manuscrit contenant ses résumés soit lui-même lié à une communauté de jongleurs69 et les présentations des œuvres quil propose font moins de lui un lecteur du codex quun maillon dans une chaîne de transmission orale des œuvres. Sélectionner un épisode correspond bien à une activité doralisation dun récit long, nécessairement transmis de manière fragmentée : ce démembrement est, de fait, ce que Chrétien de Troyes reproche aux jongleurs auxquels il soppose dans le célèbre prologue dErec et Enide70.

Parmi les listes dans lesquelles Floire et Blancheflor sont nommés, figurent en effet des exemples qui les citent au sein du répertoire des jongleurs. Ainsi, un sirventes-ensenhamen composé par Guereau de Cabrera entre 1150 et 1165 et adressé au jongleur Cabra dresse, dans une intention satirique manifeste, la liste des œuvres que le jongleur ne connaît pas71. On y trouve, après plusieurs références à de grands troubadours, de nombreuses allusions à la matière épique, quelques mentions de lunivers arthurien et, au milieu de références antiques telles Biblis, Pyrame et Thisbé, Paris et Hélène, est cité Floris. De même, dans le domaine doïl, la première partie du dialogue parodique appelé Deus borders ribaus contient la revendication, de la part du jongleur, de la 156connaissance de différentes œuvres, parmi lesquelles figurent lhistoire de Floire et Blancheflor :

Ge sai des romanz daventure,

De cels de la Reonde Table,

Qui sont a oïr delitable.

De Gauvain sai le malparlier,

Et de Quex le bon chevalier ;

Si sai de Perceval de Blois ;

De Pertenoble le Galois

Sai ge plus de.LX. laisses.

Et tu, chaitis, morir te laisses

De mauvaitie et de paresce :

En tot le monde na proesce

De quoi tu te puisses vanter ;

Mais ge sai aussi bien chanter

De Blancheflor comme de Floire72.

Comme les autres listes, ce texte atteste un succès de la légende se rapprochant dautres récits dont on a conservé à la fois plus de témoins manuscrits et plus de versions médiévales.

En contre-point de ces traces dune circulation orale, le roman de langue doc Flamenca présente un usage très différent de la légende de Floire et Blancheflor. Lhistoire des amants y fait partie des nombreuses références intertextuelles convoquées, constituant un savoir livresque sur lamour que le récit confronte à lexpérience des personnages73. Le récit, pourtant absent de la longue et célèbre liste des œuvres composant le répertoire des jongleurs au début du roman (vv. 599–706), joue un rôle lors de laveu mutuel damour. Un dialogue secret entre les futurs amants se noue, à la messe et à la barbe du mari, en partie orchestré par les deux suivantes de Flamenca. Alors que Guillaume a glissé un Ai las ! à loreille de Flamenca, la jeune fille lui répond, en se cachant derrière son psautier, lors de la messe suivante, par une question Que plans ? (de quoi te plains-tu ?). Une 157fois les mots prononcés, elle rejoue la scène devant ses suivantes, pour sassurer quelle a bien été entendue, en remplaçant le psautier par le romanz de Blancaflor (v. 4477). Ensuite, le dialogue par bribes entre les amants se poursuit, jusquà lélaboration dun stratagème pour berner le jaloux. Lhistoire de Blancheflor est un modèle pour cette nouvelle union permise, elle aussi, par la ruse de lamant qui accède à la tour dans laquelle lhéroïne est enfermée. Alberto Limentani74 a souligné le parallèle entre la quête de Floire et les étapes conduisant Guillaume délivrer Flamenca et explique labsence du récit dans le répertoire des jongleurs par ce rôle véritable dans la trame narrative, le roman évitant ainsi une répétition.

Mais dans lépisode, lhistoire de Floire et de Blancheflor est moins un contenu narratif quun objet-livre, incarnant la nécessaire alliance du savoir et de lexpérience en amour. Plus encore, par cette utilisation du livre comme accessoire, Flamenca rejoint une communauté damants ou de lecteurs qui détournent un modèle pour un usage pratique personnel, de linterlocuteur du Tractatus de Amore aux visées séductrices, à la dame de Jaufré qui justifie son amour. Ici, le réemploi du texte implique le livre, dans sa dimension matérielle – celui que Flamenca attrape, soulève, puis penche pour se cacher ; il implique aussi la sélection dun fragment au sein de lintrigue, la ruse et le jeu au sens théâtral étant liés, une nouvelle fois, à lépisode de la tour de Babylone dans le Conte de Floire et de Blancheflor.

Le plus souvent, la mémoire de lhistoire des amants est sélective : lorsquils sont inscrits dans la généalogie carolingienne, aucun élément de leur histoire nest véritablement retenu, tandis que lorsque laspect amoureux est envisagé, le réemploi de Floire et de Blancheflor peut tendre à la généralisation de lidéal amoureux, ou se centrer sur des épisodes précis – la quête, la conversion ou lépisode de la tour de Babylone. Quand lintrigue nest pas réécrite ou attribuée à dautres personnages, les composantes définissant proprement le genre idyllique, de lunion précoce à la réunion finale, ne sont pas retenues. Le récit est plutôt devenu un répertoire dimages marquantes, ce qui correspond probablement à un mode de lecture fragmenté des textes au Moyen Âge 158et aux modalités de diffusion de la légende. Le couple, inscrit dans un réseau analogique, devient miroir tendu aux amants – personnages, poètes ou lecteurs.

Vanessa Obry

Université de Haute-Alsace

vanessa.obry@uha.fr

1 Sur les origines orientales et la circulation du récit, voir par exemple Patricia Grieve, Floire and Blancheflor and the European Romance (Cambridge: Cambridge University Press, 1997); Huguette Legros, La Rose et le Lys: Étude littéraire du conte de Floire et Blancheflor (Aix-en-Provence: Presses universitaires de Provence, 1992), en particulier la section Floire et Blancheflor au carrefour de traditions diverses.

2 Sur la complexité de la circulation européenne du récit, on pourra consulter, outre louvrage de Patricia Grieve déjà mentionné: Jean-Luc Leclanche, Contribution à létude de la transmission des plus anciennes œuvres romanesques françaises, un cas privilégié: Floire et Blanchefleur (Lille: Service de reproduction des thèses, 1980); Floire et Blancheflor en Europe: anthologie, ed. by Sofia Lodén, Vanessa Obry, collection Moyen Âge européen (Grenoble: UGA-Éditions, 2022).

3 Le Conte de Floire et Blanchefleur (attribué à Robert dOrbigny), ed by Jean-Luc Leclanche (Paris: Champion, 2003); Konrad Fleck, Flore und Blanscheflur. Text und Untersuchungen, ed. by Christine Putzo (Berlin/München/Boston: De Gruyter, 2015).

4 Ces expressions sont reprises à Édélstand du Méril: Floire et Blanchefleur. Poèmes du xiiie siècle, ed. by E. du Méril (Paris: Jeannet, 1856).

5 Francisco Bautista, Floire et Blancheflor en España e Italia, Cultura Neolatina, 67 1–2 (2007), 139–57.

6 Dautres textes de la même veine ont été mis en prose, attestant le succès du récit idyllique: Blancandin, Valentin et Orson, ou Guillaume de Palerne: voir le Nouveau Répertoire des mises en prose (xivexvie siècle), ed. by Maria Colombo-Timelli, Barbara Ferrari, Anne Schoysman, François Suard (Paris: Classiques Garnier, 2014) pp. 123, 445, 865.

7 Sur ces deux textes et leur diffusion, voir par exemple Gaëlle Burg et Anne Réach-Ngô, Transmettre lhistoire de Floire et Blanchefleur en France au xvie siècle. Positionnement sur le marché éditorial et stratégies de publication, Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 38–2 (2019), 319–50.

8 Voir par exemple Le Récit idyllique. Aux sources du roman moderne, ed by Jean-Jacques Vincensini, Claudio Galderisi (Paris: Classiques Garnier, 2009) et Marion Vuagnoux-Uhlig, Le Couple en herbe. Galeran de Bretagne et LEscoufle à la lumière du roman idyllique médiéval (Genève: Droz, 2009).

9 Myrrha Lot-Borodine, Le Roman idyllique au Moyen Âge (Paris: Picard, 1913).

10 Idylle et récits idylliques à la fin du Moyen Âge, ed. by Michelle Szkilnik, Cahiers de Recherches Médiévales et Humanistes, 20 (2010): voir en particulier lintroduction du dossier.

11 Quelques textes antérieurs ou postérieurs seront cependant évoqués.

12 Floire et Blancheflor, édition du ms. 1447 du fonds français avec notes, variantes et glossaire, ed. by Margaret M. Pelan (Strasbourg: Publications de la faculté des lettres de lUniversité de Strasbourg, 1956), p. xxii; Gioia Paradisi, Il Conte di Florio e Biancofiore nel manoscritto Parigino BnF fr 1447: note per la storia del testo, Messana. Rassegna di studi filologici linguistici e storici, 6 (1991), 40–67 (pp. 45–6); voir aussi, sur les citations dans le domaine espagnol, Cronica de Flores y Blancaflor, ed. by David Arbesu (Tempe: ACMRS, 2011), Introduction.

13 Ont été consultés les travaux dAndré Moisan, Répertoire des noms propres de personnes et de lieux cités dans les chansons de geste françaises et les œuvres étrangères dérivées (Genève: Droz, 1986); de Louis-Fernand Flutre, Table des noms propres avec toutes leurs variantes figurant dans les romans du Moyen Âge écrits en français ou en provençal et actuellement publiés ou analysés (Poitiers: Publications du CESCM, 1962); de Frank M. Chambers, Proper Names in the Lyrics of the Troubadours (Chapel Hill: University of North Carolina Press, 1971); de G. D. West, An Index of Proper Names in French Arthurian Verse Romances 11501300 (Toronto: Univesity of Toronto Press, 1969); ainsi que le Corpus des troubadours (Barcelone: Institut dErtudis Catalans) <https://trobadors.iec.cat/contingut_fra.asp> [accessed 4 January 2022].

14 Le Jugement dAmours ou Florence et Blancheflor. Première version française des débats du clerc et du chevalier, ed. by Maurice Delbouille (Paris: Droz, 1936).

15 Renaud de Beaujeu, Le Bel Inconnu, ed. by Michèle Perret (Paris: Champion, 2003), v. 5577 et 5976.

16 Sone de Nansay, ed. by Claude Lachet (Paris: Champion, 2014). On lit le nom de Floire au v. 14098: Fille sui au roi de Hungrie, / Floire qui mout fist a prisier, / Ne li convint moutons mangier. (dans cette citation, le nom est une correction de léditeur). Le prologue en prose donne: Et lempereres le maria en Lede sous Alemagne et prist al fille au duc de Melone qui Ydoine avoit a non. Li rois Floires de Hungrie avoit a femme al sereur a chelui duc, et estoit ante a cheli Ydoine que Henris prist. (ll. 44–48).

17 Philippe Hamon, Pour un statut sémiologique du personnage, Littérature, 6 (1972). Repris dans Poétique du récit (Paris: Éditions du Seuil, 1977), 115–180 (p. 122). Le personnage référentiel soppose au personnage anaphore, dont lidentification renvoie seulement au système du texte.

18 Pour une réflexion sur le nom propre comme marqueur dune matière, voir Richard Trachsler, Disjointures-Conjointures. Étude sur linterférence des matières narratives dans la littérature française du Moyen Âge (Tübingen; Basel: Francke Verlag, 2000) pp. 20–25 en particulier.

19 Sylvia Huot, From Song to Book The Poetics of Writing in Old French Lyric and Lyrical Narrative Poetry (Ithaca/London: Cornell University Press, 1987), 19–20. Gioia Paradisi relève quant à elle des caractéristiques textuelles propres à ce manuscrit qui confortent la volonté dinsister sur la lignée carolingienne (Il Conte di Florio e Biancofiore nel manoscritto parigino Bn fr. 1447). Je me permets aussi de renvoyer à Vanessa Obry, Les versions françaises de Floire et Blancheflor en contexte manuscrit: lectures médiévales et infléchissements génériques, Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 38–2 (2019), 243–63.

20 Gioia Paradisi, Il Conte di Florio e Biancofiore nel manoscritto parigino Bn fr. 1447.

21 Adenet le Roi, Berte as grans piés, ed. by Albert Henry (Genève: Droz, 1982): Blancheflor la roÿne fist sa fille mander (1re occurrence, v. 124); Le jour que ele dut sa voie avoir emprise / Sest devant le roi Floire son pere a genols mise (1re occurrence, vv. 170–71).

22 Hervis de Mes, ed. by Jean-Charles Herbin (Genève: Droz, 1992): Ses freres fut Flores, li rois gentis / Qui Honguerie avoit a maintenir; / Icil fu peire Bertain o le cler vis / Que prist a feme li riches rois Pepins, / Dont issit Karles, li rois poestïs (1re occurrence; vv. 626–30).

23 A Critical Edition of Girart dAmiens LIstoire le roy Charlemaine. Poème épique du xive siècle, ed. by Daniel Métraux (Lewiston; Queenston; Lampeter: The Edwin Mellen Press), 2003: Le maisné des .ii. filz roy Floirre pourchaça / vers Berte et vers le roy, tant que on li bailla: / cil ot Challes a nom, mes petit amendat / En .xii. anz quil i fu, pour mal qui le greva. (vv. 91–94), Et dautre part refu oncles a sa moillier, / roy Floires son oïol, ce ne pot nus noier (vv. 6805–06).

24 Galeran de Bretagne, ed. by Jean Dufournet (Paris: Champion, 2009) vv. 516–19. Le texte est daté du premier tiers du xiiie siècle.

25 Amadas et Ydoine, ed. by J. Reinhard (Paris: Champion, 1926), vv. 5843–44.

26 Flamenca, ed. by François Zufferey, trans. by Valérie Fasseur (Paris: Librairie générale française, 2014), v. 4477.

27 Jaufre, ed. by Charmaine Lee (Roma: Carocci editore, 2006), vv. 7614–18.

28 Le Roman de Thèbes, ed. by Aimé Petit (Paris: Champion, 2008), v. 8660. Certaines versions du même roman évoquent aussi une épée au roi Floire: Le Roman de Thèbes, ed. by Leopold Constans (Paris: Firmin Didot, 1890) vol. 2, pp. 163–64.

29 Blancandin et lorgueilleuse damour, ed. by Franklin P. Sweester (Genève/Paris: Droz-Minard, 1964), v. 2381.

30 Nouveau Recueil complet des fabliaux, vol. 4, ed. by W. Noomen and N. Van den Boogaard (Assen/Maastricht: Van Gorcum, 1988), pp. 313–44.

31 Recueils de chants historiques français (Paris: Librairie Gosselin, 1841): Dun douz lai damor / De Blancheflor, / Compains, vos chanteroie; / Ne fust la poor / Del traïtor / Cui je redotteroie. (2e strophe)

32 Le poème est édité par Jean-Luc Leclanche dans Contribution à létude de la transmission des plus anciennes œuvres romanesques françaises, vol. 1, 220–1.

33 Des exemples sont donnés dans larticle de Luca Barbieri, Exemples mythologiques de courtoisie dans la lyrique des troubadours, Cahiers de civilisation médiévale 53 (2010), 107–28. Ils seront traités ci-dessous.

34 Les Saluts damour du troubadour Arnaud de Mareuil, ed. by Pierre Bec (Toulouse: Privat, 1961), salut I, vv. 153–160 et III, vv. 150–171.

35 Matfre Ermengaud, Le Breviari damor, vol. 5, ed. by Peter T. Ricketts (Turnhout: Brepols, 2011), v. 27838.

36 Sur les citations chez les troubadours, voir Luca Barbieri, Exemples mythologiques de courtoisie dans la lyrique des troubadours; Frank M. Chambers, Proper Names in the Lyrics of the Troubadours; Corpus des troubadours (Barcelone: Institut dErtudis Catalans) <https://trobadors.iec.cat/contingut_fra.asp> [accessed 4 January 2022].

37 Comtessa de Dia, Canso XXIII, Estat ai en greu cossirier, deuxième strophe: Els trobadors, ed. by Alfons Serra-Baldó (Barcelone: Barcino, 1934, 2e édition 1998). Cité dans le Corpus des Troubadours.

38 Ernst Robert Curtius, La Littérature européenne et le Moyen Âge latin, trans. by Jean Bréhaux (Paris: Presses universitaires de France, 1956), p. 200.

39 Canso LXXXVII, Cantar vuolh amorosamen: Poesie provenzali storiche relative allItalia, vol. 1 (Rome: Tipografia del Senato, 1931). Cité dans le corpus des troubadours.

40 Canso Valors e beautatz: Provenzalische Inedita aus pariser Handschriften, ed. by Carl Appel (Leipzig: Fuess Verlag, 1890). Cité dans le Corpus des troubadours.

41 Canso Sens ditz que.m lais de chantar e damor: Provenzalische Inedita. Cité dans le Corpus des troubadours.

42 Falquet de Romans, canso-sirventes III, fin de la deuxième strophe: Lœuvre poétique de Falquet de Romans, troubadour, ed. by Raymond Arveiller et Gérard Gouiran (Aix-en Provence: Presses de lUniversité de Provence, 1987); édition revue et corrigée en 2013 pour le Corpus des Troubadours.

43 Gaucelm Faidit, Canso 26, Ges no-m tuoill ni-m recre, fin de la cinquième strophe: Les Poèmes de Gaucelm Faidit. Troubadour du xiie siècle (Paris: Nizet, 1965). Cité dans le Corpus des Troubadours.

44 Pistoleta, Blacat, tenso XI, Segner Blacatz, pos damor, cinquème strophe: Der Trobador Pistoleta, ed. by Erich Niestroy (Halle: Niemeyer, 1914). Cité dans le Corpus des Troubadours.

45 Aimeric de Belenoi, Descort XI, Sa midons plazia, début de la quatrième strophe: Poésies du troubadour Aimeric de Belenoi, ed. by Maria Dumitrescu (Paris: SATF, 1935). Cité dans le Corpus des Troubadours.

46 Barbieri, pp. 109–10.

47 Pour un répertoire et une analyse des allusions littéraire dans la poésie de langue doc, voir François Pirot, Recherches sur les connaissances littéraires des troubadours occitans et catalans des xiie et xiiie siècle. Les sirventes-ensenhamens de Guerau de Cabrera, Guiraut de Calanson et Bertrand de Paris (Barcelona: Real Academia de Buenas Lettras, 1972), deuxième partie.

48 Barbieri., p. 112.

49 Barbieri., p. 119.

50 Les Saluts damour du troubadour Arnaud de Mareuil, ed. by Pierre Bec (Toulouse: Privat, 1961).

51 Matfre dErmengaud, Breviari damor, vv. 27836–44.

52 Le Roman dEledus et Serene, ed. by John Revell Reinhard (Austin: University of Texas Press, 1923).

53 E. Trojel, Andreae Capellani regii Francorum de Amore (Copenhague: Gadiana, 1892).

54 André le Chapelain, Traité de lamour courtois, trans. by Claude Buridant (Paris: Klincksieck, 2002 [1974]), p. 124.

55 André le Chapelain, Traité de lamour courtois., note 93.

56 Madeleine Jeay, Le Commerce des mots Lusage des listes dans la littérature médiévale (xiiexve siècles) (Genève: Droz, 2006), p. 11; Madeleine Jeay et Geoffrey Rockwell, Éloge de lhypertexte. Problèmes dédition dun corpus hétérogène, in Le Moyen français. Le traitement du texte, ed. by Claude Buridant (Strasbourg: Presses de lUniversité de Strasbourg, 2000), 101–14.

57 Sur ce texte et le rôle du cri, voir Nelly Labère. Retiens la nuit pour nous deux…: Réflexions sur la chanson daube de langue doïl, in Les paysages sonores: Du Moyen Âge à la Renaissance (Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2016) <https://books.openedition.org/pur/47130?lang=fr#bodyftn3> [accessed 4 January 2022].

58 Alors que les références classiques sont souvent associées à Floire et Blancheflor, certains poèmes privilégient lunivers épique: ainsi, Falquet de Romans cite Flori avec Raoul de Cambrai (canso 2, Lœuvre poétique de Falquet de Romans, troubadour). Isnart dAntrevenas donne quant à lui une liste où Floris est mentionné avec Renart, Belin, Ysengrin, Raoul de Cambrai ou encore Perceval (sirventes IXb: Otto Soltau, Die Werke des Trobadors Blacatz, Zeitschrift für romanische Philologie, 23 (1899), 201–48. Cité dans Le Corpus des Troubadours.

59 Voir Marion Vuagnoux-Uhlig, Le Couple en herbe.

60 Renaut, Galeran de Bretagne, ed. by Jean Dufournet (Paris: Champion, 2009), vv. 512–22.

61 Galeran de Bretagne, vv. 523–26.

62 Lassociation de Floire et Blancheflor à dautres couples damants, dont Tristan et Yseut ou Pyrame et Tisbé, dans le cadre dune ekphrasis se trouve aussi chez Peire Cardenal, troubadour du xiiie siècle. Voir Maud Pérez-Simon, Les coupes historiées dans la littérature médiévale: entrelac narratif et rôle de la matérialité, Memini 22–23 (2017) <http://journals.openedition.org/memini/976> [accessed 4 January 2022?; et, sur la description dans dautres versions de la légende, Sofia Lodén et Vanessa Obry, Les objets miroirs du récit dans la tradition européenne des aventures de Floire et de Blanchefleur, in Lœuvre et ses miniatures. Les objets autoréflexifs dans la littérature européenne, ed. by Luc Fraisse, Eric Wessler (Paris: Classiques Garnier, 2018), 523–55.

63 Jaufre, v. 7614–18. La liste occupe les v. 7607–45. Voir aussi Le Roman de Jaufré, trans. by Michel Zink, in La Légende arthurienne. Le Graal et la table ronde, ed by. Danielle Régnier-Bohler (Paris: Robert Laffont, 1989), 841–956.

64 V. 58–64.

65 Amadas et Ydoine, v. 5842 sq. Voir aussi Amadas et Ydoine, ed. by Christine Ferlampin-Acher et Denis Huë (Paris: Champion, 2020).

66 On peut y ajouter la mention de la montée dans le palais par Flori dans la canso 2 de Falquet de Romans Lœuvre poétique de Falquet de Romans, troubadour.

67 Sur ces sommaires, voir: Leo Jordan, Peros von Neeles gereimte Inhaltsangabe zu einem Sammelcodex, Romanische Forschungen, 16 (1903), 735–55; Adolf Tobler, Zu Perrots gereimter Inhaltsübersicht in der Pariser Handschrift Frç. 375, Zeitschrift für romanische Philologie, 28 (1904), 354-7; Leclanche, Contribution, vol. 1, p. 219. On peut se reporter également à Marc-René Jung, La légende de Troie en France au Moyen Âge (Basel-Tübingen: Francke, 1995), 164–66; et Vanessa Obry, De la cour à la ville: art du résumé et usage des textes dans les sommaires rimés de Perot de Neele (Paris, BnF, fr. 375), in Littérature urbaine: donnée culturelle médiévale ou concept de lhistoire littéraire?, ed. by Ludmilla Evdokimova et Françoise Laurent (Paris: Classiques Garnier, à paraître).

68 Vers probablement omis. Nous donnons une édition révisée du résumé (voir les références de la note précédente).

69 Françoise Gasparri, Geneviève Hasenohr et Christine Ruby considèrent ainsi le volume comme un manuscrit de métier ou de confrérie, dans lequel chacun pouvait apprendre (lire, copier) le ou les textes quil désirait adjoindre à son répertoire; où chacun, grâce à Perot de Nesle, trouvait non seulement le texte mais son mode demploi: De lécriture à la lecture: réflexion sur les manuscrits dErec et Enide, in Les Manuscrits de Chrétien de Troyes / The Manuscripts of Chrétien de Troyes, ed. by Keith. Busby, Terry Nixon, Alison Stones, Lori Walters, (Amsterdam/Atlanta: Rodopi, 1993). vol. 1, 97–148 (p. 146).

70 DErec, le fil Lac, est li contes, / que devant rois et devant contes / depecier et corronpre suelent / cil qui de conter vivre vuelent., Chrétien de Troyes, Erec et Enide, ed. by Bénédicte Milland-Bove et Vanessa Obry (Paris: Champion, [à paraître en 2022]), vv. 19–22.

71 Sur ce texte, voir Silvère Menegaldo, La recommandation paradoxale, ou le jongleur cible de la satire, Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 22 (2011), 537–86.

72 Les deux bourdeurs ribauds, ed. by Edmond Faral, in Mimes français du xiiie siècle (Paris: Champion, 1910), p. 96. Sur ce texte et sur la diffusion orale des romans, voir Joseph J. Duggan, Oral Performance of Romance in Medieval France, in Continuations: Essays on Medieval French Literature and Language in Honor of John L. Grigsby (Birmingham, Summa, 1989), 51–61.

73 Voir lintroduction de Valérie Fasseur à Flamenca.

74 Alberto Limentani, Leccezione narrativa. La Provenza medievale e larte del racconto (Turin: Einaudi, 1977), 227–35.