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Classiques Garnier

Introduction à l’anthologie

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Introduction à lanthologie

En 1762, avec la publication dÉmile ou de léducation, le « tocsin » a bel et bien sonné. Rousseau découvre lampleur du « complot » ourdi contre lui et linimaginable méchanceté des attaques de ses ennemis.

Les Confessions, qui lui permirent de répondre aux accusations de ses adversaires, reviennent sur ce moment dans des lignes rédigées en 1770. Le livre XII, qui couvre la période de juin 1762 à octobre 1765, souvre ainsi : « Ici commence lœuvre de ténèbres dans lequel, depuis huit ans1, je me trouve enseveli, sans que, de quelque façon que je my sois pu prendre, il mait été possible den percer leffrayante obscurité ».

Dans le troisième dialogue de Rousseau juge de Jean-Jacques,rédigé entre 1771 et 1775 pour ce qui concerne le premier manuscrit complet connu, « le Français » reconnaît la réalité du complot contre Rousseau et évoque le tapage des gazettes :

Vous demandiez sil existoit un complot. Oui, sans doute, il en existe un, et tel quil ny en eut et ny en aura jamais de semblable. Cela nétoit-il pas clair dès lannée du Decret par la brusque et incroyable sortie de tous les imprimés, de tous les journaux, de toutes les gazettes, de toutes les brochures contre cet infortuné ; ce decret fut le tocsin de toutes ces fureurs. Pouvez-vous croire que les Auteurs de tout cela, quelque jaloux, quelque méchans, quelque vils quils pussent être se fussent ainsi déchainés de concert en Loups enragés contre un homme alors et dès lors en proye aux plus cruelles adversités ? Pouvez-vous croire quon eut insolemment farci les recueils de ses propres écrits de tous ces noirs libelles si ceux qui les écrivoient et ceux qui les employoient neussent été inspirés par cette ligue qui depuis longtems graduoit sa marche en silence et prit alors en public son prémier essor2 ?

Le présent recueil montre que les condamnations successives de Rousseau ont alimenté les journaux, celle de la Profession de foi en particulier. Même si Émile a été objet de scandale dès sa publication, 42sil a choqué lopinion et sil propose « une révulsion totale dans la façon de penser » et « peut-être lidée la plus originale, et la plus neuve qui ait été produite depuis bien des siècles3 » , on saperçoit que les principes éducatifs ont très souvent été perdus de vue par la plupart des journalistes et étaient même totalement absents dans de nombreuses critiques. Celles-ci ont particulièrement visé les positions religieuses énoncées par le philosophe de Genève ;elles sattachent le plus souvent aux principes religieux contenus dans les « blasphèmes horribles » dun auteur « subversif » et « sacrilège » (tels étaient les termes de la censure de la Sorbonne). La religion a supplanté la pédagogie dans toutes les attaques contre Émile.

Notre corpus sarrête au 31 décembre 1762 ; mais les articles relatifs à Émile nont pas discontinué durant les années suivantes.

La règle de transcription de ces articles est celle dune rigoureuse fidélité à leur première édition. La ponctuation, lorthographe, les majuscules, sont celles des impressions originales. Les erreurs de typographie, les coquilles, les mauvais accords grammaticaux et les mots erronés ont été maintenus ; et cela dans les différentes langues. Les s longs « ſ » nont pas été conservés pour des raisons techniques.

Certains extraits qui peuvent sembler se répéter, se distinguent par des différences de rédaction ou de composition petites mais significatives. Tous les extraits sont reproduits dans leur intégralité.

1 Cest-à-dire depuis 1762, et le décret de prise de corps consécutif à la publication dÉmile.

2 Rousseau juge de Jean-Jacques, Dialogue troisième. OCR. I. 942.

3 [Hyacinthe Sigismond Gerdil,] Réflexions sur la théorie, et la pratique de léducation contre les principes de Mr. Rousseau, Turin, 1763 (Avant-propos, p. 3, et p. 70).