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Classiques Garnier

Préface

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préface

Nous réunissons ici quelques articles publiés dans le Globe, et qui ont pour but dasseoir sur une nouvelle base léconomie politique et la politique.

Pour rendre plus saisissables les principes nouveaux que nous avons mission de propager, nous nous sommes efforcés de prendre nos lecteurs sur le terrain où tous se trouvent aujourdhui, afin de les amener progressivement sur le nôtre ; voilà pourquoi les questions de finances, débattues à la session dernière, mais qui nont présenté dans les chambres elles-mêmes quun intérêt secondaire, nous ont servi de point de départ. Nous éprouvions dailleurs le besoin de répondre ainsi au reproche qui nous a si souvent été adressé par des hommes étrangers aux études philosophiques et religieuses, et qui ont raison de refuser leur attention à qui ne sait leur parler que métaphysique et théologie, comme nous avons raison de ne pas compter dabord sur eux pour aimer, comprendre et propager des premiers une doctrine nouvelle. Certes il nest pas donné à tout le monde de trouver plaisir à lire Saint Thomas et Platon1 (il serait bon toutefois que ces noms reçussent lhommage quils méritent) ; mais lorsquon sannonce, comme nous, avec la haute prétention de convertir le monde entier à sa foi, ce serait folie de ne pas chercher progressivement une langue commune à tous, comme ce serait folie au monde qui nous entoure de réclamer de nous immédiatement un pareil langage.

Aujourdhui nous nous adressons spécialement aux hommes qui ont étudié léconomie politique, qui se sont occupés des questions délicates de finances, et à ceux qui ont cherché à systématiser leurs idées politiques, qui ont réfléchi aux théories sociales agitées de nos jours, ou bien qui ont pris part au jeu du mécanisme constitutionnel.

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Nous désirons être compris des théoriciens et aussi des praticiens politiques, afin de changer la forme et le but des discussions interminables qui font de la tribune, de la presse et du moindre salon, des arènes bruyantes trop souvent ensanglantées. Nous voulons leur faire sentir que leur accord sera impossible tant quils ne se seront pas entendus sur le but que la société doit aujourdhui se proposer, but dordre et dunion, de progrès et de liberté, but pacifique, qui rallie tous les membres du corps social, parce quil sera favorable à tous.

Nos premiers articles sont consacrés spécialement à montrer que toutes les questions déconomie politique doivent être ramenées à un principe commun, et que, pour juger lutilité dune mesure ou dune idée économique, il faut absolument examiner si cette mesure ou cette idée est directement avantageuse aux travailleurs, ou bien si elle contribue indirectement à lamélioration de leur sort, en déconsidérant loisiveté.

Lemprunt, limpôt, lamortissement et la réduction de la rente ; les fermages, loyers, intérêts et salaires ; le code hypothécaire, les lois sur les successions collatérales et en ligne directe ; enfin le crédit privé, les institutions qui en favorisent le développement, et en particulier les banques, ont été les exemples dont nous nous sommes servis pour faire sentir la nécessité dintroduire ce principe nouveau dans léconomie politique.

Par là nous avons été conduits à embrasser non seulement les faits économiques, les faits de lordre industriel, mais la politique tout entière, en lui donnant également pour base cette division radicale entre les hommes : oisifs et travailleurs. Et dabord nous établissons nettement la différence entre la politique constitutionnelle et la politique saint-simonienne, de manière à démontrer, par la critique de lune, la nécessité de lautre ; ensuite nous exposons directement les bases de lorganisation sociale nouvelle, sous le triple rapport, industriel, scientifique et religieux.

1 Platon (vers 428-vers 348 av. J.-C.), philosophe grec. Disciple de Socrate, il entreprend de voyager après la mort de celui-ci (399). Rentré à Athènes, il fonde lAcadémie (387), première véritable école de philosophie. Ses idées sont développées dans de nombreux Dialogues, parmi lesquels la République et les Lois qui sont de véritables traités.