![Économie. Passé, présent, avenir - Introduction à la troisième partie](https://classiques-garnier.com/images/Vignette/BblMS01b.png)
Introduction à la troisième partie
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Économie. Passé, présent, avenir
- Pages : 813 à 815
- Collection : Bibliothèque de l'économiste, n° 45
- Série : 1, n° 23
- Thème CLIL : 3340 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Histoire économique
- EAN : 9782406128991
- ISBN : 978-2-406-12899-1
- ISSN : 2261-0979
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12899-1.p.0813
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 30/06/2022
- Langue : Français
Introduction
à la troisième partie
Dans la première partie, il a été question de l’économie de cette époque que les historiens qualifient de contemporaine en parlant à son propos d’ordre économique de la Nation moderne. Dans la seconde partie, la préoccupation a été de comprendre de quelle histoire longue cet économique a été le produit (ou le résultat, si on préfère). Dans cette troisième partie, il est question du nouveau contexte qui voit le jour à la fin du xxe siècle, puis, sur cette base, de l’avenir du monde. Comme cela a été dit dans l’introduction générale, ce nouveau contexte se caractérise à la fois par l’avènement de ce qu’il est convenu d’appeler la mondialisation1et par la montée en puissance de la question dite environnementale ou écologique. Pour 814la question socialequi s’est posée avec forceà la fin du xixe siècle dans les Nations d’Europe occidentale, c’était l’avenir de la société bourgeoise de l’époque qui était en jeu. Avec cette nouvelle question, c’est celui de toute forme de vie des humains sur terre qui l’est. Elle se pose à partir du constat des conséquences de la croissance économique sur les milieux de vie et les ressources naturelles disponibles : l’humanité pourrait-elle survivre si une telle croissance se poursuit en se diffusant à tous les pays ? Concernant l’avenir du monde, ce dont on est assuré est qu’il ne sera l’effet ni de la nécessité ni du hasard. Si l’une et l’autre y participent, ce ne peut être qu’en intervenant dans l’élaboration collective par les humains de projets de transformation et le choix des moyens qu’ils se donnent pour les actualiser. À ce titre, il y a toujours plusieurs projets qui sont débattus dans les espaces publics et qui s’affrontent dans les arènes politiques, le pluriel étant de mise dans le contexte considéré dès lors qu’il n’y a pas de mondialisation politique. D’ailleurs, dans ces arènes, il est rare que ce soit sur les projets à long terme que les affrontements aient lieu. Ces derniers portent sur les propositions qui y sont faites pour ici et maintenant et l’on ne peut considérer que l’existence de propositions différentes tiendrait principalement à une diversité de projets à longue portée qui opèreraient en sous-main. D’ailleurs, les forces politiques qui défendent des projets de transformation de la structure de base sociétale assez précis ont presque disparu depuis l’écroulement des partis communistes et cela se constate en particulier au sein de l’Union européenne bien qu’un dépassement de la Nation pleinement souveraine y ait été engagé. Même dans les forums publics, celui qui s’aventure à proposer un projet à l’échelle mondiale est, au mieux, gentiment invité à « revenir sur terre ». Force est de constater que les débats et les affrontements sont très largement circonscrits au cadre national, alors que les principaux enjeux sont mondiaux et que la mondialisation réellement existante limite fortement les marges de manœuvre de chaque État en matière de politique économique. Les projets qui prennent en compte ces enjeux et cette limitation sont aux abonnés absents. Même le mouvement d’ampleur mondiale de tous ceux qui prennent au sérieux la question écologique telle qu’elle vient d’être formulée et qui appellent à un profond changement de nos modes de production et de consommation, ne fait pas exception à ce constat.
815Cette troisième partie comprend deux sections. La première a pour objet de caractériser et comprendre ce nouveau contexte conjuguant mondialisation et crise environnementale en considérant que leur description est connue. La proposition qui y est défendue est que ce contexte est celui de l’entrée en crise du modèle de la Nation moderne. Dans la seconde, il est fait état d’un projet dont l’objectif est de permettre une sortie « par le haut » de cette crise.
1 Certains préfèrent parler de globalisation en se préoccupant de traduire au mieux le terme globalization employé dans les pays dans lesquels la langue parlée est l’anglais. Concernant la traduction, le chapitre xix de l’ouvrage Quelle justice ? Quelle rationalité ? d’Alasdair MacIntyre (1993), qui a pour titre Tradition et traduction, propose une façon de caractériser « la langue de la modernité internationalisée de la fin du xxe siècle » (p. 416) comme étant un « idéal-type […] vers lequel se dirige la modernité dans la mesure exacte où elle réussit à se moderniser et à moderniser les autres en s’émancipant de toute spécificité linguistique, culturelle et sociale, et donc de toute tradition » (p. 417). La façon dont cette proposition tout à fait pertinente est interprétée à la lumière de notre socle de science sociale doit prendre en compte la limite de l’apport de cet auteur dont il est fait état dans (Billaudot, 2021). Cette limite, qui est loin de lui être propre, consiste à ne pas identifier la conception de la justice en « priorité du bien sur le juste » distinctement de celle en « antériorité du bien sur le juste » et, par conséquent, à enfermer la modernité dans la seule « première modernité » fondée sur la justification en « priorité du juste ». Dans le propos cité, cette limite est levée en remplaçant « modernité » par « première modernité ». Son interprétation est alors la suivante : l’émancipation dont il y est question renvoie à la principale caractéristique de cette dernière telle qu’explicitée dans notre socle de science sociale ; à savoir, que ce modèle est à vocation universelle (il n’est pas territorialisé) prenant en compte un individu sans qualité(s). Or la langue relève de la qualité au même titre que le sexe (l’orientation sexuelle ou le genre, si on préfère). Dans notre seconde modernité faisant une place à la justification en « priorité du bien », l’individu sans qualité a disparu. Nous allons voir qu’un « citoyen du monde » n’est pas un « citoyen de nulle part » (MacIntyre, 1993, p. 417), au moins dans notre seconde modernité de la conjonction pour laquelle la qualité de chacun est notamment attachée à la nation d’appartenance. Il en va d’ailleurs de même dans notre seconde modernité dite de l’alternative dans laquelle la nation a disparu.