Présentation des auteurs et résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Droit et humanisme. Autour de Jean Papon, juriste forézien
- Pages : 267 à 273
- Collection : Esprit des Lois, Esprit des Lettres, n° 6
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782812436017
- ISBN : 978-2-8124-3601-7
- ISSN : 2264-4148
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-3601-7.p.0267
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 18/09/2015
- Langue : Français
présentation des auteurs
et Résumés
Mireille Delmas-Marty, Antoine Jeammaud et Olivier Leclerc, « Introduction »
Mireille Delmas-Marty est membre de l’Institut, professeur honoraire au Collège de France et ancien professeur à l’université Panthéon-Sorbonne – Paris 1. Ses recherches sont consacrées au droit pénal et à l’internationalisation du droit.
Antoine Jeammaud est professeur émérite de droit privé et sciences criminelles à l’université Lumière – Lyon 2, membre du centre de recherches critiques sur le droit (UMR 5137). Ses travaux portent sur le droit social et la théorie du droit.
Olivier Leclerc est chargé de recherche au CNRS (HDR), membre du centre de recherches critiques sur le droit (UMR 5137), université de Lyon et université Jean-Monnet (Saint-Étienne). Ses recherches portent sur les rapports entre le droit et les sciences, la preuve, l’expertise, le droit du travail.
Le château de Goutelas fut la demeure de Jean Papon, juriste forézien et figure, à la Renaissance, de l’humanisme juridique. Rebâti de ses ruines par un collectif bénévole à partir de 1961, ce lieu abrite un projet culturel articulant humanisme, droit et création. Cet ouvrage en est l’un des fruits.
The château of Goutelas was the residence of Jean Papon, the Forézien legal practitioner and Renaissance figure of juridical humanism. A voluntary collective set about rebuilding the ruins of the château in 1961, and it is now home to a cultural project exploring humanism, law, and creativity. This work is one of the fruits of its labours.
Géraldine Cazals, « Jean Papon humaniste. La mise en ordre du droit et les enjeux du renouvellement de la pensée juridique moderne »
Géraldine Cazals est professeur d’histoire du droit à l’université de Rouen, membre de l’Institut universitaire de France.
Cet article s’attache à démontrer à quel point, contrairement à certaines idées reçues, l’auteur du Recueil d’arrestz notables des cours souveraines de France et des trois Notaires avait pris acte précocement des enjeux historicistes et systématiques portés par l’humanisme juridique. Il engage ainsi à revaloriser la place de Jean Papon parmi les acteurs essentiels du renouvellement de la pensée juridique française des premiers Temps Modernes.
This article examines the extent to which, contrary to received opinion, the author of the Recueil d’arrestz notables des cours souveraines de France and the trois Notaires had precociously recognised the historicist and systematic implications of juridical humanism. It aims to revalorise the place of Jean Papon amongst the major players in the renewal of French juridical thought in the early modern era.
Nicolas Schapira, « Jean Papon, les secrétaires et la cour »
Nicolas Schapira est maître de conférences d’histoire à l’université Paris-Est – Marne-la-Vallée.
Cet article est consacré à un aspect peu connu du travail de Papon : sa réflexion sur la fonction de secrétaire, qui court dans l’œuvre majeure de la fin de sa vie, les trois Notaires. S’il s’avère que l’on écrit en France sur les secrétaires en vertu d’une compétence en choses italiennes, il n’en reste pas moins que la théorisation du secrétaire est plutôt tournée vers une observation voire, dans le cas de Papon, une critique des innovations administratives des derniers Valois.
This article is dedicated to a little-known aspect of Papon’s work : his reflections on the function of the secretary, which features in the major work of his later life, les trois Notaires. If it is clear that, in France, to write about secretaries is testament to a familiarity with Italian concerns, the case remains that the theorisation of the secretary amounts to an observation or even, in the case of Papon, a critique of the administrative innovations of the last Valois.
Bruno Méniel, « Jean Papon et les passions du juge »
Bruno Méniel est professeur de littérature française du xvie siècle à l’université de Nantes.
Lorsque Jean Papon traite des passions du juge, notamment dans son Trias judiciel du second notaire, il ne les condamne pas toutes, et considère même que
certaines peuvent être utiles. Il n’éprouve donc pas de prédilection pour le néostoïcisme, qui est pourtant la philosophie la plus répandue dans la classe de robins à laquelle il appartient. Il adopte une vision augustinienne : les passions sont bonnes ou mauvaises selon qu’elles sont orientées ou non dans le sens de la charité.
When Jean Papon considers the passions of the judge, notably in his Trias judiciel du second notaire, he does not condemn them all and even suggests that some can be useful. He does not, therefore, express a preference for neo-stoicism, even though this was the philosophy which was the most widespread amongst the class of lawyers to which he belonged. He adopts an Augustinian vision : passions are good or bad depending on whether they are orientated towards charity or not.
Laurent Pfister, « Les trois Notaires de Jean Papon, une systématisation du droit »
Laurent Pfister est professeur d’histoire du droit à l’université Panthéon-Assas – Paris 2.
Publiés au cours des années 1570, les trois Notaires de Jean Papon témoignent d’un effort de systématisation, caractéristique de l’humanisme juridique. La singularité de l’œuvre dans son ensemble tient au choix des matières et à l’ordre dans lequel elles sont traitées, qui répond aux besoins des notaires tabellions, de cour et de chancellerie, et à une vision politique. L’effort de systématisation apparaît aussi dans le premier volume de la trilogie. Tout en restant fidèle aux catégories et solutions romaines, Papon met l’accent sur le rôle de la volonté dans les contrats et testaments.
Published in the 1570s, the trois Notaires by Jean Papon testifies to an effort of systematisation, characteristic of juridical humanism. The singularity of the work as a whole derives from the choice of subjects and the order in which they are treated, which responds to the needs of notaries (tabellions), the court, and the chancellery, and also to a political vision. The effort of systematisation is also mentionned in the first volume of the trilogy. While remaining faithful to Roman categories and solutions, Papon emphasises the role of will in contracts and wills.
Olivier Wagner, « L’édition juridique à Lyon au xvie siècle »
Olivier Wagner est archiviste paléographe, conservateur de bibliothèque et conservateur au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France.
L’étude de l’édition dans le domaine juridique par les imprimeurs libraires lyonnais dépasse largement l’aspect bibliophilique de la question. Elle amène au contraire, dans le contexte bien particulier du mouvement de l’Humanisme juridique, à s’interroger sur la nature de cette entreprise éditoriale et sur ce que celle-ci montre de la permanence de schémas parfois archaïques de la production juridique dans la France du xvie siècle.
The study of legal publications by Lyonnais printers and booksellers moves beyond the bibliophilic aspect of the question. Rather, in the specific context of the Humanisme juridique movement, it leads to an interrogation of the nature of this editorial enterprise, and to an exploration of what this reveals of the permanence of the somewhat archaic schemas of legal production in sixteenth-century France.
Jean Bart, « Humanisme et absolutisme »
Jean Bart est professeur émérite d’histoire du droit à l’université de Bourgogne.
Alors que Jean Papon semble, à la fin de sa vie, favorable à l’établissement d’une monarchie tempérée, la pensée humaniste se déchire lorsque les querelles théologico-politiques dégénèrent en guerres civiles. Combattant les thèses, d’essence libérale, des partisans de la Réforme, de nombreux juristes, hostiles à celle-ci, posent les bases idéologiques du régime monarchique français des deux siècles suivants.
While, at the end of his life, Jean Papon seemed to favour the establishment of a moderated monarchy, humanist thought fell apart when theological-political quarrels degenerated into civil war. Combatting the essentially liberal theses of Reformation partisans, numerous legal practitioners, hostile to the former, lay the ideological foundations of the French monarchic regime which would remain in operation for the following two centuries.
Vincent Grégoire, « Humanisme et colonisation. L’exemple de la Compagnie de Virginie (1606-1624) »
Vincent Grégoire est docteur en philosophie et professeur de philosophie à La Roche-sur-Yon.
Les débuts de la colonisation de l’Amérique du Nord sont souvent présentés comme relevant essentiellement d’une logique commerciale. À rebours de cette lecture nous proposons, en nous appuyant sur l’exemple de la Compagnie de Virginie (1606-1624), de montrer que ses acteurs étaient également animés du projet politique humaniste de fondation d’un nouveau commonwealth. Nous en
trouvons l’écho dans la littérature de propagande et chez des auteurs majeurs comme F. Bacon et W. Shakespeare.
The beginning of the colonisation of North America is often seen as the result of an essentially commercial logic. Turning this interpretation upside down, and using the Company of Virginia as an example, we aim to demonstrate that the agents of colonisation were also galvanised by the humanist political project of founding a new commonwealth. We find an echo of this in propaganda literature and major authors like F. Bacon and W. Shakespeare.
Mireille Delmas-Marty, « Humanisme, Humanisation, Mondialisation »
Certes la mondialisation actuelle n’est pas la première dans l’histoire mais c’est la première fois que le phénomène atteint et transforme aussi profondément, et sur un temps aussi court (à peine plus d’un demi-siècle), les systèmes de droit, renouvelant ainsi la réflexion sur l’humanisme « juridique ». Qu’il s’agisse des apports de la mondialisation ou de ses défis, ce renouvellement appelle aussi de nouvelles réponses juridiques.
Contemporary globalisation is not the first of its kind in history but it is the first time that the phenomenon has attained and transformed the systems of law so profoundly–and in the course of scarcely more than 50 years. This phenomenon has renewed reflections on “juridical” humanism. Whether it concerns the contributions or challenges of globalisation, this renewal also calls for new juridical responses.
Antoine Jeammaud, « Humanisme, droit social, mondialisation »
Si l’humanisme juridique contemporain se caractérise par la conviction que l’évolution du droit doit tendre à améliorer la protection des intérêts fondamentaux de la personne, le droit social, regroupant droit du travail et droit de la protection sociale, est l’une de ses plus indiscutables conquêtes. Certains aspects majeurs de la mondialisation économique à son stade actuel menacent sa pérennité dans les pays les plus avancés.
If contemporary legal humanism is characterised by the conviction that the evolution of law tends to improve the protection of the individual’s fundamental interests, social law–encompassing employment law and the law of social protection–is one of its least debatable conquests. Yet certain important aspects of economic globalisation, as it is at its present stage, threaten its longevity in more advanced countries.
Nathalie Simonnet, « Humanisme et conflit. Le pari de la médiation »
Nathalie Simonnet est avocat à la Cour (barreau de Paris) et médiateur agréé.
La médiation s’affirme, en tant que mode de prévention et de règlement des différends, comme une alternative au recours aux juridictions de l’État. Prenant appui sur le vécu d’une pratique de médiateur, l’article analyse les liens entre médiation et humanisme, en soulignant les vertus de ce mode alternatif de règlement des différends pour humaniser le conflit.
In its capacity as a mode of preventing and regulating differences of opinion, mediation affirms itself as an alternative to the recourse to State jurisdiction. Based on the lived experience and practice of a mediator, this article analyses the links between mediation and humanism, underlining the virtues of this alternative mode of regulating differences in order to humanise conflict.
Robert Guillaumond, « Humaniser la mondialisation. Regard sur la Chine »
Robert Guillaumond est docteur en droit, avocat à la Cour et ancien président du centre culturel de Goutelas.
Le droit chinois doit sa physionomie actuelle à l’influence croisée de deux mouvements : l’un hérité de Confucius et de l’école des légistes, l’autre résultant de la « modernisation » à l’œuvre depuis le début du xxe siècle. Le droit qui s’en dégage est marqué par une rareté des lois, en comparaison avec la situation française, et par une grande plasticité. Dans ce contexte, la mondialisation a offert à la Chine des bénéfices remarquables.
Chinese law owes its current shape to interactions between two movements, one deriving from Confucius and the school of legists, and the other resulting from a “modernisation” at work since the beginning of the twentieth century. The legal system which emerges from this process is marked by a rarity of laws, in comparison with the situation in France, and a high level of plasticity. In this context, globalisation has brought remarkable benefits to China.
Geneviève Giudicelli-Delage, « Droit et environnement »
Geneviève Giudicelli-Delage est professeur émérite de droit privé et sciences criminelles à l’université Panthéon-Sorbonne – Paris 1.
La pensée des rapports de l’homme à son environnement est prise entre deux tensions, également néfastes ou aporétiques : d’un côté, un humanisme égoïste, maître et possesseur ; de l’autre, un antihumanisme radical. C’est donc une voie médiane qu’il convient d’explorer : celle d’un humanisme responsable et (doublement) solidaire, conscient de la primauté et l’égale dignité humaines, autant que de la dépendance existentielle de l’homme à la nature, et des devoirs qu’il a envers elle.
Reflection on the rapports between humankind and its environment is caught between two tensions, both equally harmful or aporetic: on the one hand, an egotistical, authoritarian, and possessive humanism, and on the other, a radical anti-humanism. A middle way needs to be explored : that of a responsible and (doubly) united humanism, conscious of the primacy and equal dignity of humans as much as the existential dependency of humanity on nature, and the duties it has towards it.
Mireille Delmas-Marty, « Conclusion »
Humaniser la mondialisation n’est pas revenir au mythe de l’humanisme, mais le remplacer par l’utopie réaliste de l’humanisation réciproque dans un monde en mouvement. Un monde dans lequel il faudra tenter d’éviter les tempêtes, au croisement des divers souffles qui animent les espaces juridiques.
Humanising globalisation does not mean returning to a myth of humanism but rather replacing it with a realistic utopia of reciprocal humanisation in a world in constant movement: a world in which storms must be avoided, caught between the various currents which animate juridical space.