Résumés et présentations des auteurs
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Discours et représentations du handicap. Perspectives culturelles
- Pages : 363 à 370
- Collection : Rencontres, n° 424
- Série : Littérature générale et comparée, n° 34
- Thème CLIL : 4028 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes de littérature comparée
- EAN : 9782406088318
- ISBN : 978-2-406-08831-8
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08831-8.p.0363
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 04/11/2019
- Langue : Français
Résumés
et présentations des auteurs
Tammy Berberi, « The Role(s) of Art and Literature in (Re)making Disability »
Tammy Berberi est professeure associée de langue, littérature, et civilisation françaises à l’université de Minnesota, à Morris. Ses diverses publications incluent notamment des articles sur la présence du handicap dans la vie et l’œuvre de Tristan Corbière. Elle a été durant six ans membre du conseil d’administration de la Society for Disability Studies, dont deux ans en tant que présidente.
Ces réflexions explorent les plaisirs de l’inattendu propres aux expériences françaises de l’auteure, Américaine francophone et chercheuse en Disability Studies. Dans la littérature et dans la vie, les espaces où se déploient vie, travail et imagination influencent la manière dont les individus envisagent leurs communautés et leur propre être. Les barrières limitant certaines expériences en engendrent d’autres, enrichissant l’identité et le handicap tels que vécus et étudiés dans le monde.
Anne Waldschmidt, « Conceptualiser le modèle culturel du handicap comme dis/ability. Perspectives interdisciplinaires et internationales »
Anne Waldschmidt est professeure de sociologie et de Disability Studies et directrice de l’iDiS à l’université de Cologne. Elle a été professeure invitée aux universités de Stockholm et de Vienne, ainsi que chargée de recherche au King’s College de Londres et à l’université de Leeds. Elle a créé en 2007 la première série germanophone d’ouvrages scientifiques sur les Disability Studies.
S’appuyant sur des débats interdisciplinaires et internationaux et recourant aux méthodologies et approches des Cultural Studies, cette réflexion développe un modèle culturel du handicap afin de fournir un cadre d’analyse à ce que nous nommons « dis/ability ». Supplément nécessaire au modèle social, le modèle culturel aide à mieux comprendre les relations entre société, culture et « dis/ability » et désigne comme véritable objet de recherche les intersections entre « normalité » et « handicap ».
364Pierre Ancet, « Handicap et culture. La culture comme travail de réflexion »
Pierre Ancet est vice-président délégué aux politiques culturelles à l’université de Bourgogne, MCF en philosophie, chercheur au Centre Georges-Chevrier (UMR Université de Bourgogne-CNRS) et directeur de l’université pour tous de Bourgogne. Ses recherches portent notamment sur la situation de handicap interrogée du point de vue des notions philosophiques de corps vécu et de temps vécu.
La culture favorise la rencontre, celle de l’autre et celle de l’inconnu en soi-même. Être cultivé, c’est cultiver l’écart par rapport à ses propres certitudes. Cet écart peut être salvateur lorsqu’on diffère ; il l’est aussi lorsqu’on se croit normal contre les autres. Le handicap invite à la rencontre d’une expérience inusitée du corps et du monde. Il sera envisagé dans son lien à la culture scientifique et artistique, à la pratique des arts et à la découverte réciproque de l’humanité.
Michael Schillmeier, « Le handicap (visuel). Des perspectives exclusives aux différences inclusives »
Michael Schillmeier est professeur de sociologie à l’université d’Exeter. Ses recherches portent sur l’évolution des relations sociales, acteurs, pratiques et problèmes liés aux catégories d’« anormal », « inattendu », « inhabituel » ou « inconnu », ainsi que sur les pratiques dites dis/abling ou du care, la santé et la maladie, les relations humaines/non-humaines et le cosmopolitique.
À partir des pratiques des personnes aveugles dans une culture visuelle, le concept de « différences inclusives » du handicap est introduit pour devenir le produit de configurations humaines et non-humaines historiquement spécifiques et incarnées, fabriquées au fil du quotidien. Ce concept remet en question la division analytique qu’engendrent les perspectives exclusives, pour lesquelles le handicap est soit une déficience corporelle individuelle soit une construction socio-culturelle.
Sébastien Durand, « Parole et musique d’aveugle. La correspondance de Maria-Theresia von Paradis (1759-1824) avec Johann-Ludwig Weissenburg (1752-1800) »
Sébastien Durand est professeur agrégé à l’université de Tours. Il a soutenu une thèse de doctorat en histoire, spécialité musicologie, portant sur les musiciens aveugles et l’école d’orgue française (1820-1930) à l’INJA de Paris. Il est l’auteur 365de plusieurs publications sur les musiciens aveugles en France et en Europe des Lumières au xxe siècle.
Au xviiie siècle, une jeune autrichienne aveugle, Maria-Theresia von Paradis, suscite l’admiration tant pour ses talents musicaux que pour son adaptation à la vie sociale. Elle débute une correspondance régulière avec un autre aveugle érudit de l’époque, Johann-Ludwig Weissenburg, qui fait figure de précepteur. Ces textes, publiés en partie dans des journaux de l’époque, sont riches d’enseignements sur la condition des aveugles issus de milieu aisé dans la société européenne des Lumières.
Flora Amann, « Disability Studies, histoire de la littérature française et histoire des représentations. Surdité et Révolution dans le roman sentimental français »
Flora Amann est doctorante en littérature française à Sorbonne Université et à l’Université de Montréal sous la co-direction de Michel Delon et Benoît Melançon. Sa thèse s’intitule « Sourds et muets entre savoir et fiction au tournant des Lumières (1775-1820) ». Elle a réédité, avec Benoît Melançon, un roman épistolaire du vicomte de Ségur, La Femme jalouse.
L’étude du personnage de l’aristocrate muet et de ses liens avec les discours sur la surdité dans le roman sentimental après la Révolution fournit la possibilité d’un enrichissement mutuel entre l’histoire de la littérature et les Disability Studies. Nourrissant l’histoire des représentations de la surdité à travers le temps, elle contribue à une meilleure connaissance des médiations qui unissent les thèmes et les formes de ces romans à leur contexte politique et social.
Mathilde Villechevrolle, « Donner corps à ses frayeurs. Discours médical sur la surdité et anthropologie de la démocratie »
Mathilde Villechevrolle est doctorante en épistémologie des sciences à l’université Paris-Descartes sous la direction de Paul Zawadzki et Charles Gaucher. Ses recherches portent sur les discours médicaux de la surdité aux xviiie et xixe siècles. Elle est également étudiante en médecine à Sorbonne Université et enseigne l’épistémologie et l’analyse de discours.
Les discours médicaux de la surdité dans la France du xixe siècle sont à lire à la lumière du développement de la pensée politique démocratique 366post-révolutionnaire et de la « passion de l’égalité » qui en découle. La rencontre entre les pensées vitaliste et empiriste d’une part, et l’inclination politique pour une société non-hiérarchique d’autre part, se cristallise dans la figure du sourd, et la rééducation de sa parole devient un objectif où le médical et le politique se rencontrent.
Marion Chottin, « Les aveugles des philosophes de l’Âge classique aux Lumières. Aléas d’une pensée de la cécité entre rationalisme et empirisme »
Marion Chottin, chargée de recherche au CNRS, est spécialiste des théories de la perception de l’âge classique et des Lumières, et en particulier des représentations de la cécité dans l’histoire de la philosophie moderne. La version remaniée de sa thèse est parue en 2014 sous le titre Le Partage de l’empirisme. Une histoire du problème de Molyneux aux xviie et xviiie siècles.
Cet article entend dénouer un paradoxe : comment le siècle des Lumières peut-il être à la fois celui de la création de l’Institut royal des jeunes aveugles et d’une philosophie, l’empirisme, qui soutient avec John Locke que les idées viennent avant tout du sens de la vue ? S’il a bien produit une conception privative de la cécité, l’empirisme a également suscité, notamment avec George Berkeley, Denis Diderot ou Jean D’alembert, une représentation concurrente, propice à l’éducation des aveugles.
Barbara Fougère-Danezan, « Take Shelter (USA, 2011). L’implant cochléaire au cœur de la tempête, ou la surdité comme prisme d’analyse cinématographique »
Barbara Fougère-Danezan est doctorante en théorie et esthétique du cinéma à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et membre du Programme Handicaps et Sociétés de l’EHESS. Ses recherches portent sur la surdité, les sourds et la langue des signes au cinéma. Elle est membre de l’association Retour d’Image qui œuvre pour un changement de regard sur le handicap à travers des actions culturelles autour du cinéma.
Dans son écofiction intitulée Take shelter (2011), le réalisateur américain Jeff Nichols établit un parallèle entre un cataclysme écologique fantasmé et l’implantation cochléaire d’une enfant sourde. Ce faisant, il met en place un système narratif jouant sur les tensions entre Nature, Culture et Technique, que cette contribution analyse à la lumière des apports méthodologiques et conceptuels des Disability Studies.
367Olivier Schetrit, « Le théâtre tremplin des Sourds. Enjeux identitaires et esthétiques à travers l’exemple de l’International Visual Theatre »
Olivier Schetrit est chercheur post-doctoral en anthropologie au CEMS de l’EHESS et membre du Programme Handicaps et Sociétés. Il a soutenu en 2016 sa thèse portant sur les liens entre le théâtre, la culture et l’identité sourdes. Outre sa recherche, il exerce une activité de comédien professionnel ainsi que de conteur en langue des signes française et anime des lectures de textes et conférences.
Le Réveil Sourd des années 1970 a été une période historique charnière, avec la création en 1976 de l’International Visual Theatre, offrant alors un micro-espace important pour une expression culturelle sourde à travers différentes formes de mise en scène de la langue des signes, et pour une valorisation de l’identité sourde. Depuis lors, dans l’art Sourd, la scène théâtrale reste une place privilégiée pour exprimer son art et sa culture sourde sans craindre de jugement sur son identité.
Marie Astier, « Mise en scène et mise en jeu du handicap mental sur la scène contemporaine française. L’Empereur c’est moi ! : un spectacle qui invite à un changement de paradigme »
Marie Astier, comédienne et directrice d’une troupe de théâtre, s’intéresse aux liens entre théâtre et handicap(s) depuis le début de ses recherches universitaires. Après avoir étudié à l’Institut d’Études Théâtrales de la Sorbonne-Nouvelle et à l’ENS Ulm, elle a réalisé une thèse sous la direction de Muriel Plana à l’université Toulouse – Jean Jaurès.
Cette contribution propose une analyse de L’Empereur c’est moi !, adaptation scénique du livre autobiographique éponyme de Hugo Horiot, qui se définit comme autiste Asperger. Interprétées par l’auteur lui-même et par la comédienne sourde Clémence Colin, les différences neurologique et sensorielle conduisent en effet le spectacle à s’éloigner de la forme dramatique telle qu’a pu la définir Peter Szondi pour se rapprocher de ce que Hans-Thies Lehmann a appelé le « théâtre postdramatique ».
Nidhal Mahmoud, « Les Emmurés de Lucien Descaves. Un exemple de typhlophilie littéraire »
Nidhal Mahmoud a soutenu en 2017 à Sorbonne Université une thèse en littérature française et comparée portant sur l’œuvre méconnue de Lucien Descaves. 368Ses domaines de recherches sont la littérature naturaliste et anarchiste de la fin du xixe siècle et les correspondances littéraires de cette période ; il travaille sur l’édition de la correspondance entre Descaves et Joris-Karl Huysmans (1881-1907).
Traversant quelques grands récits de la littérature classique, les personnages d’aveugles apparaissent la plupart du temps sous le signe du malheur, de la privation et des ténèbres. Leur association à la figure du mendiant a souvent fait de l’art et de la littérature des auxiliaires de leur exclusion de la vie sociale. C’est ce contre quoi s’insurge Lucien Descaves dans une œuvre engagée, ludique et originale, Les Emmurés (1894), où il entend réhabiliter ces êtres dont la damnation le révolte.
Hannah Thompson, « Reading Blindness in French Fiction through Critical Disability Studies »
Hannah Thompson est professeure en littérature et langue française à Royal Holloway, Londres, où elle mène des recherches à l’intersection des French Studies et des Critical Disability Studies. Outre une vingtaine d’articles, son troisième ouvrage, Reviewing Blindness in French Fiction, publié en 2017, propose une analyse des représentations de la cécité dans la littérature française.
La volonté des Critical Disability Studies de célébrer la cécité pour elle-même trouve un écho dans les représentations fictionnelles de la déficience visuelle. Ainsi, l’attitude positive adoptée à l’égard de la cécité par deux auteurs français, Lucien Descaves dans Les Emmurés (1894) et Romain Villet dans Look (2014), révèle la nature socialement et culturellement construite du handicap, offrant alors un moyen utile et bienvenu de dissocier la cécité de ses connotations jusque-là négatives.
Bertrand Verine, « La nuit et le noir, clichés métaphoriques de la cécité »
Bertrand Verine est chercheur en analyse linguistique du discours à l’université Paul-Valéry –Montpellier III (Praxiling UMR CNRS 5267). Ses travaux portent sur l’organisation du discours et le marquage de la subjectivité dans l’oral et l’écrit. Il a notamment dirigé Dire le non-visuel : approche pluridisciplinaire des perceptions autres que la vue.
L’observation des discours et des pratiques du secteur typhlophile français révèle la persistance des métaphores de la « nuit » et du « noir » pour signifier la perception du monde sans la vue. L’analyse montre qu’il s’agit en 369fait de métaphores visuelles, qui disent avant tout la hantise de trouver ou de retrouver la lumière absente. Cet imaginaire dominant apparaît subverti par certains scripteurs pour dire la possibilité d’exister en dehors du voir et de l’opposition lumière versus nuit.
Ella Leith, « Performing “Hearing-ness”. Representations of the “signing impaired” in Contemporary British Sign Language Storytelling and Signart »
Ella Leith a soutenu sa thèse de doctorat intitulée « Moving Beyond Words in Scotland’s Corp-oral Traditions: British Sign Language Storytelling Meets the “Deaf Public Voice” » à l’université d’Édimbourg en 2016. Elle est également secrétaire de Deaf History Scotland et co-organisatrice des conférences EdSign, promouvant des échanges bilingues de savoirs avec des universités partenaires.
L’article s’attache à la façon dont la « culture entendante » (i.e. la façon d’être des personnes qui ne sont ni sourdes ni signeuses) est représentée dans les arts du spectacle en BSL (langue des signes britannique), aussi appelés Signart, à travers quatre exemples tirés du répertoire en BSL d’un groupe d’artistes édimbourgeois Visual Virus. Ceci faisant, il examine la manière dont l’« entendance » culturelle est représentée en mettant à l’épreuve les discours audio-centrés sur la surdité.
Julie Chateauvert, « Intermédialité et proxémie. Propositions pour une méthodologie d’analyse de la création en langue des signes »
Julie Chateauvert est professeure adjointe à l’école d’innovation sociale Elisabeth-Bruyère de l’université Saint-Paul à Ottawa et chercheuse associée au PHS-EHESS Paris. Ses travaux proposent une théorie de la réception des œuvres créées en langue des signes. Elle est également administratrice à Spill-PROpagation, centre d’artistes dédié au soutien des pratiques artistiques des Sourds du Canada.
Couramment assimilée à la poésie, la création narrative dans les langues des signes mobilise pourtant des composantes esthétiques capables de dialoguer avec d’autres arts que la littérature : corps en mouvement, art de la scène, travail de l’image. Après une mise en contexte épistémologique, cette contribution propose, via l’étude politique et esthétique de l’œuvre de Jolanta Lapiak, une méthode d’analyse capable de saisir toute la complexité des œuvres considérées comme des objets intermédiaux.
370Kyra Pollitt, « La “langue” et la “poésie” représentent-elles la “poésie en langue des signes” ? »
Kyra Pollitt travaille comme traductrice et interprète. Son doctorat à l’université de Bristol a étudié la dimension poétique des langues des signes naturelles (« Signart : (British) Sign Language Poetry as Gesamtkunstwerk »). Outre la publication de traductions et d’articles académiques, elle a également traduit sur scène plus de 300 productions théâtrales et spectacles musicaux.
Où trouver la preuve que les discours académiques ont le pouvoir de transformer la manière de percevoir les phénomènes du monde réel ? À travers le cas des formes créatives de langage au sein des communautés de locuteurs de la langue des signes britannique, cette contribution invite à examiner ce qu’un simple nom peut changer. Quelles sont les implications concrètes de l’usage des termes « poésie en langue des signes » ou « Signart » ?
Anne-Lyse Chabert, « De la nécessité de changer notre manière de regarder le handicap »
Anne-Lyse Chabert, chargée de recherche au CNRS au laboratoire SPhere, est ancienne élève de l’ENS Ulm. Sa thèse de doctorat en philosophie intitulée « Transformer le handicap, ou l’invention d’un usage détourné du monde : essai de cheminement conceptuel à partir d’expériences de vie » a obtenu le prix spécial Pierre Simon en 2015.
Quel est le point de vue le plus pertinent à adopter quand on parle de « handicap » ? Peut-on se satisfaire d’un point de vue extérieur, intérieur, ou qui combine les deux ? De l’analyse de ces trois points de vue ressort que nous manquons la plénitude que peut déployer une personne en situation de handicap dans son existence. Cette plénitude ne serait-elle pas à reconquérir à partir du matériau initial que cette personne peut nous livrer, indépendamment du « handicap » et de son point de vue ?