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Classiques Garnier

Quel avenir pour les Masonic studies ?

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : Diffusions et circulations des pratiques maçonniques. xviiie-xxe siècle
  • Auteur : Beaurepaire (Pierre-Yves)
  • Pages : 7 à 20
  • Collection : Franc-maçonneries, n° 1
  • Thème CLIL : 3378 -- HISTOIRE -- Histoire générale et thématique
  • EAN : 9782812444197
  • ISBN : 978-2-8124-4419-7
  • ISSN : 2271-7064
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-4419-7.p.0007
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 29/01/2013
  • Langue : Français
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Quel avenir pour
les Masonic studies ?

La recherche maçonnique académique est aujourd’hui à un tournant. Portée pendant des décennies par des universitaires appartenant à l’ordre maçonnique ou philosophiquement proche de lui, elle est en quête de légitimité auprès des instances universitaires. Les centres de recherches, chaires, séminaires, projets internationaux se sont multipliés, souvent avec le soutien des obédiences maçonniques. Parallèlement, ces obédiences ont créé, accueilli ou financé des structures de recherche qui leur sont propres : instituts et centres de conférences. Elles ont compris l’importance de leur patrimoine : archives, objets d’art, et ont apporté un puissant concours pour l’organisation d’expositions souvent remarquables. Pourtant, le bilan reste mitigé. Les Masonic studies restent isolées et souffrent encore d’un déficit de reconnaissance. C’est collectivement qu’il faut réfléchir à la question des liens qui unissent encore la recherche maçonnique au patronage des obédiences. Le second défi n’est pas plus facile à relever : comment, une fois les invocations rituelles à Georg Simmel ou Jürgen Habermas lancées, intégrer les études maçonniques aux recherches sur l’espace public, les réseaux sociaux, l’histoire des idées, l’étude des trajectoires individuelles, de la naissance d’une culture politique pour la Maçonnerie dite latine, sans faire des loges et de leurs membres de simples prétextes, mais en les considérant pour eux-mêmes ? L’histoire positive, événementielle de la franc-maçonnerie a son intérêt. Elle a constitué une étape nécessaire dans l’émergence de l’historiographie maçonnique. Mais désormais la recherche maçonnique doit non seulement intégrer les règles académiques et professionnelles du métier de chercheur en sciences humaines et sociales, mais mettre à son agenda l’ouverture de fronts novateurs susceptibles d’attirer à elle de jeunes chercheurs. C’est au prix de cet effort que le monde académique cessera de la considérer comme un « objet savant non identifié ».

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Développer la légitimité scientifique
des Masonic studies

Chaque année la bibliographie maçonnique s’accroît de plusieurs centaines de références à travers le monde1. Cette production abondante est néanmoins trompeuse. En France, l’augmentation récente du nombre de thèses de doctorat sur le sujet ne doit pas cacher qu’elles sont souvent encore l’œuvre d’érudits francs-maçons ou non maçons qui ont fourni un travail de terrain important mais souvent hors des règles universitaires. Avec une poignée de thèses soutenues chaque année universitaire, la comparaison avec les thèses en histoire religieuse ou culturelle pour le xviiie siècle, et les thèses en histoire politique pour les xixe et xixe siècles est peu flatteuse. Aux Etats-Unis, malgré le rayonnement scientifique de Margaret C. Jacob, le nombre de thèses reste encore limité : citons parmi les plus récentes celles de Kenneth Loiselle à Yale (“New but True Friends” : Freemasonry and the Culture of Male Friendship in 18th-Century France), de Natalie Bayer (Spreading the Light : European Freemasonry and Russia in the Eighteenth Century), ou de Jessica L. Harland-Jacobs, (Builders of Empire. Freemasonry and British Imperialism, 1717-1927). La situation italienne semble meilleure. L’impact de la grande synthèse publiée par Giuseppe Giarizzo sur Massoneria e illuminismo nell’Europa del Settecento a été certes assez limité2, mais l’intégration de La Massoneria, imposant volume dirigé par Gian Mario Cazzaniga dans la prestigieuse série Storia d’Italia chez l’éditeur turinois Einaudi, est un signe qui ne trompe pas3. Trois générations de chercheurs au moins ont été simultanément

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au travail, de Giuseppe Giarizzo à Gerardo Tocchini en passant par Gian Mario Cazzaniga4, Vincenzo Ferrone et Antonio Trampus, avec des problématiques originales. Gerardo Tocchini travaille dans une perspective résolument européenne, à la croisée de l’histoire culturelle des pratiques sociales et de la musicologie5. Héritier de Franco Venturi, Vincenzo Ferrone s’intéresse, lui, à la franc-maçonnerie en relation avec l’histoire des sciences et des structures académiques6. Auteur d’une œuvre abondante, Antonio Trampus s’intéresse aussi bien à Trieste et à la rive adriatique des Etats des Habsbourg qu’aux relations des jésuites avec les Lumières, ou encore à l’histoire du droit7. Pour l’époque contemporaine, Fulvio Conti associe histoire et science politique avec un rythme de publication particulièrement élevé8. L’Espagne présente elle aussi un bilan favorable avec un très grand nombre de thèses d’histoire régionale ou coloniale sur les xixe-xxe siècles. Récemment, l’Amérique latine a fait quant à elle preuve d’un beau dynamisme, notamment autour de

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la Revista Historia Masonería en Latinoamérica éditée par l’Université du Costa-Rica.

Mais globalement, la franc-maçonnerie attire encore trop peu les étudiants et leurs directeurs de recherche malgré l’existence d’une masse considérable d’archives, parmi lesquelles de nombreuses sont inédites. Je pense notamment aux archives revenues de Russie qui irriguent depuis une décennie les fonds d’archives des obédiences européennes ou aux fonds du Geheimes Staatsarchiv Preußischer Kulturbesitz de Berlin-Dahlem.

Cette faiblesse de l’investissement scientifique se manifeste aussi dans les grandes revues nationales où les articles relevant de l’histoire maçonnique sont rares, même si l’on peut citer des numéros thématiques, pour certains d’ailleurs déjà anciens : La Massoneria e le forme della sociabilità nell’Europa del Settecento publiée dans il Vieusseux en 1991, le dossier Massoneria e politica in Europa fra Ottocento e Novecento dirigé par Fulvio Conti dans Memoria e Ricerca, Rivista di storia contemporanea, en 1999, et dans le domaine français, le numéro thématique de Dix-huitième siècle consacré à la franc-maçonnerie en 1987 et plus récemment les parutions de la revue bordelaise Lumières. Il existe certes des revues maçonniques spécialisées parmi lesquelles on pourra citer sans rechercher la moindre exhaustivité : Ars Quatuor Coronatorum, revue de la loge de recherches Quatuor Coronati Lodge No. 2076, à Londres, Quatuor Coronati Jahrbuch, revue de la Forschungsloge Quatuor Coronati No. 808, de Bayreuth, ou dans le domaine francophone Renaissance Traditionnelle et Ars Macionica (Belgique). Mais quelle que soit leur qualité, leur audience reste limitée et peine à attirer des auteurs non maçons, à l’exception notable de Quatuor Coronati Jahrbuch, un modèle de rigueur scientifique et d’ouverture en direction de la recherche universitaire. Significativement, les chercheurs des universités allemandes n’hésitent pas à y publier.

Certains spécialistes ont donc cherché à développer des revues universitaires spécialisées dans les études maçonniques. Certaines initiatives n’ont pas vraiment rencontré le succès, par exemple Zeitschrift für Internationale Freimaurerforschung de Helmut Reinalter. Le lancement du Journal for Research into Freemasonry and Fraternalism édité par Andreas Önnerfors et Robert Peter chez l’éditeur anglais Equinoxe a reçu un accueil initial favorable, mais seul l’avenir dira s’il s’agit d’une véritable percée. Ce besoin de coordonner une recherche trop souvent dispersée est également à l’origine de la création de sites internet et de listes de

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diffusions spécialisées : citons parmi beaucoup d’autres Pietre Stones Review of Freemasonry de Bruno Gazzo.

Les traductions existent, comme la traduction américaine aux Presses de l’Université du Michigan de la thèse de Stefan-Ludwig Hoffmann sur Die Politik der Geselligkeit. Feimaurerlogen in der deutschen Bürgergesellschaft 1840-1918 (The Politics of Sociability Freemasonry and German Civil Society, 1840-1918) soutenue en juillet 1999 à l’Université de Bielefeld9, ou la traduction française d’un volume sur les femmes et la franc-maçonnerie rédigé à quatre mains par Janet Burke10 et Margaret C. Jacob, à Bordeaux11, mais elles restent l’exception.

Si l’on veut développer la production scientifique dans le domaine des études maçonniques, sous forme de thèses de doctorat, de livres et d’articles, il faut qu’en amont un enseignement universitaire sur la franc-maçonnerie voit réellement le jour. En France, les « maçonnologues » français ont longtemps cultivé la nostalgie des années 1970 où Jacques Brengues était titulaire d’une chaire de maçonnologie (sic) à l’Université de Rennes. En réalité, et plus modestement, professeur de Littérature française spécialiste du xviiie siècle, il animait un séminaire d’étude maçonnique et dirigea plusieurs thèses en ce domaine12. Par la suite, cet enseignement spécialisé et le séminaire ont disparu. À Paris, au sein de la section Sciences religieuses de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, la chaire d’Histoire des courants ésotériques et mystiques dans l’Europe moderne et contemporaine où Jean-Pierre Brach a succédé à Antoine Faivre n’aborde qu’indirectement la franc-maçonnerie. En Belgique, malgré les origines maçonniques assumées de l’Université

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Libre de Bruxelles, un cycle complet d’études maçonniques peine à se mettre en place. La chaire Théodore Verhaegen du nom du fondateur de l’Université Libre de Bruxelles, fondateur du Parti libéral et Grand Maître du Grand Orient de Belgique, organise des conférences destinées plutôt au grand public, mais les cours d’histoire de la franc-maçonnerie organisés au sein du Centre Interdisciplinaire d’Etudes et de Recherches sur la Laïcité – que j’ai donnés de 2007 à 2009 – n’ont qu’une audience limitée, en marge de la Faculté des Lettres et de Philosophie. Ces activités ont leur pendant néerlandophone au sein de la Vrije Universiteit Brussel autour de Jeffrey Tyssens13, spécialiste de l’histoire de l’éducation, et de sa dynamique équipe de doctorants et jeunes chercheurs.

La suspension sine die des activités du Centre For Research Into Freemasonry And Fraternalism de l’Université de Sheffield où Andreas Önnerfors avait succédé à Andrew Prescott après plusieurs séjours de recherches dans des universités européennes (Lund, Fribourg-en-Brisgau et Nice) témoigne de la fragilité institutionnelle des Masonic studies et de leur difficulté à s’organiser autour de structures académiques pérennes. Aux Pays-Bas, l’enseignement dans le domaine de l’ésotérisme occidental s’est également structuré à l’Université d’Amsterdam14 pendant que le Grand Orient des Pays-Bas soutenait en 2001 la création d’une chaire d’études de « la franc-maçonnerie comme mouvement intellectuel et phénomène socio-culturel15 » à l’Université de Leyde16. Son premier titulaire Anton van de Sande, puis le regretté Malcolm Davies17 se sont beaucoup dépensés pour la faire vivre, mais les résultats en termes de publications et d’audience internationale sont maigres. À l’heure, où nous terminons la préparation de ce volume, une réunion est annoncée à Bayreuth, à l’occasion de laquelle Andreas Önnerfors

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présentera une communication sur « l’éventuelle création d’une chaire universitaire de recherche maçonnique en Europe ». Dans tous les cas, on remarquera que ces amorces de chaires académiques ont été confiées à des outsiders18, du point de vue de la sociologie académique et de la carrière universitaire, ce qui n’a guère favorisé leur mission, quand il aurait au contraire fallu accorder temps et moyens pour permettre un développement serein.

Ces créations ont pu être perçues comme une étape dans la structuration de la recherche maçonnique, mais on peut également, et dans une perspective nettement plus pessimiste, se demander si le modèle académique et de financement choisi était le bon, quand on songe à leur fragilité voire à leur échec. Le soutien financier des obédiences maçonniques a pu créer des réticences, même lorsque les Grandes Loges ne sont pas intervenues pas dans les affaires scientifiques. Comme l’exemple de Sheffield l’a montré, les titulaires n’ont aucune garantie quant à la continuité de l’investissement financier des obédiences maçonniques, dont les priorités peuvent évoluer.

Citons enfin le séminaire d’histoire de la franc-maçonnerie du Professeur Katsumi Fukasawa à l’Université de Tôkyô, mais là encore l’initiative est individuelle, portée par la passion de cet universitaire spécialiste du négoce en Méditerranée et d’histoire maritime, récent président de l’association professionnelle des historiens japonais, pour l’histoire maçonnique dont il est devenu un authentique spécialiste19.

Les centres de recherche sur la franc-maçonnerie ou programmes de recherches constituent un autre axe du développement des études maçonniques. En France, il n’existe pas de centre de recherches reconnu par le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche ou par le Centre National de la Recherche Scientifique. Le Centre d’Etude de la Langue et de la Littérature Françaises des 17e et 18e siècles (CELLF) de l’Université Paris IV Sorbonne a en son sein une équipe Recherches sur les Lumières, l’Illuminisme et la Franc-maçonnerie créée en 1996 et

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animée jusqu’à ces derniers mois par le regretté Charles Porset. À Bordeaux, Cécile Révauger anime un séminaire, organise des journées d’études et coordonnait avec Charles Porset un vaste projet éditorial, Le Monde maçonnique des Lumières, sous presse aux éditions Honoré Champion. À l’Université de Nice Sophia-Antipolis, au sein du Centre de la Méditerranée Moderne et Contemporaine et du programme de recherches CITERE20 (Circulations, territoires et réseaux en Europe de l’âge classique aux Lumières/Communicating Europe : Early Modern Circulations, Territories and Networks) de l’Agence Nationale de la Recherche, nous avons organisé également une série de colloques internationaux, de séminaires de recherches et d’enquêtes visant à offrir à la communauté scientifique des bases de données sur les francs-maçons des xviiie-xixe siècles21. Les actes publiés dans ce volume sont directement issus de ces initiatives. Mais les programmes de l’Agence Nationale de la Recherche ont une durée de vie limitée, trois à quatre ans au plus, et le renouvellement des thématiques de recherches des équipes universitaires ne garantit pas la pérennité de programmes sur la longue durée. Plus généralement, ces différentes actions sont liées à des individus et le manque de structures collectives spécifiques reste la norme.

A contrario, l’Espagne dispose du Centro de Estudios Históricos de la Masonería Espanola créé à l’Université de Saragosse par José Antonio Ferrer Benimeli et de l’Institut de recherche sur le libéralisme, le krausisme et la franc-maçonnerie de l’Université pontificale Comillas de Madrid, de fondation plus récente. Le Centre de Saragosse a organisé depuis 1983, près de vingt grands colloques internationaux sur l’histoire maçonnique espagnole, coloniale et européenne, dont les actes dépassent en moyenne le millier de pages. L’approche du fait maçonnique reste cependant traditionnelle et peine à intégrer les méthodes de l’histoire sociale comme de l’histoire des cultures politiques. C’est pourquoi

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des chercheurs du Centre de Saragosse, notamment Pedro Álvarez Lázaro et Enrique M. Ureña, spécialistes internationalement reconnus de l’histoire de l’éducation et du krausisme, tous deux membres de la Compagnie de Jésus comme José Antonio Ferrer Benimeli, l’ont quitté pour fonder l’Institut de recherche sur le libéralisme, le krausisme et la franc-maçonnerie.

Dans le domaine germanique, le principal centre de recherches se trouve à l’Université d’Innsbruck en Autriche : Internationale Forschungsstelle « Demokratische Bewegungen in Mitteleuropa 1770-1850 », dirigé par Helmut Reinalter22. Il a adopté une posture résolument européenne qui a fait son originalité. Ses programmes de recherches et ses nombreuses publications – il dispose d’une collection chez l’éditeur Peter Lang23 – s’intéressent à la période dite de « transition révolutionnaire » des années 1770-1830, avec le souci permanent de replacer l’histoire maçonnique dans son environnement social, culturel et politique. L’inventaire et la mobilisation des fonds maçonniques des Archives secrètes de Prusse24, l’étude des Illuminaten25 et des jacobins d’Europe centrale et orientale sont les axes principaux de recherche du laboratoire d’Innsbruck. La Wissenschaftliche Kommission zur Erforschung der Freimaurerei complète le dispositif en offrant une interface entre le laboratoire d’Innsbruck et la loge de recherches de Bayreuth. Comme dans le cas de Saragosse, le fondateur du centre, le Professeur Helmut

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Reinalter a pris sa retraite26. Retraite qui pose la question de la pérennité de ces structures qui sont très liées à des initiatives individuelles et à leur rayonnement personnel. Il faut également souligner l’activité importante à Halle d’un centre de recherches pour ses travaux sur les Lumières radicales et les Illuminaten. Animé par Monika Neugbauer-Wölk, le DFG-Forschergruppe : « Die Aufklärung im Bezugsfeld neuzeitlicher Esoterik » (DFG-Projekt 529) s’est révélé particulièrement actif ces dernières années.

Partie tardivement dans la course, la Grande-Bretagne a mis en place au début des années 2000 deux structures complémentaires qui s’adressent à la fois à un public de spécialistes et de chercheurs intéressés. Le Canonbury Masonic Research Center a été créé à Londres en 1999. Il organise des cycles de conférences données par des chercheurs maçons et non-maçons et encourage financièrement les recherches d’étudiants comme le fait aux Pays-Bas l’OVN27 (créée en 2001, pour promouvoir et diffuser la recherche maçonnique universitaire aux Pays-Bas)28. Mais cette initiative ne saurait gommer l’impact négatif de la cessation d’activités du Centre for Research in Freemasonry and Fraternalism de Sheffield, qui depuis sa fondation avait édité des sources précieuses comme Illustrations of Masonry de Preston29, organisé des conférences et colloques tels Lodges, Chapters and Orders. Fraternal Organisations and the structuring of Gender roles of Europe (1300-2000) en 2002.

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Comment intégrer davantage les Masonic studies
au champ académique ?

Les Masonic studies souffrent en fait d’un paradoxe. Elles sont au cœur des recherches sur la sociabilité et sur l’espace public mais elles en ont finalement peu profité. Georg Simmel30, Jürgen Habermas31, Maurice Agulhon32, Daniel Roche33, Franco Venturi, Margaret Jacob34 se sont tous intéressés à la loge maçonnique comme observatoire et comme laboratoire de l’espace public. Ces travaux pionniers sont pour la plupart l’œuvre de chercheurs extérieurs aux milieux de la recherche maçonnique ou pour lesquels la franc-maçonnerie n’occupait pas une position centrale dans leur champ d’investigation initiale35. Ces chercheurs ont ouvert, exploité puis refermé les archives des loges avec leurs propres objets et programmes d’enquête. Ils ne sont pas enlisés dans l’histoire administrative de l’ordre. Ils ont su au contraire replacer de manière convaincante le lien maçonnique, ses acteurs, leurs stratégies, leurs discours et représentations dans leur environnement social, culturel, familial, confessionnel et politique. Mais pour ces mêmes raisons, leurs travaux n’ont eu qu’un impact limité

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sur la recherche maçonnique proprement dite. Ils n’ont pas modifié sensiblement la perception de la sociabilité maçonnique et de ses enjeux au sein de la communauté des francs-maçons érudits. Au lieu de profiter de cette ouverture pour s’intégrer de plain-pied à la recherche en histoire sociale et culturelle et faire valoir ses compétences, la recherche maçonnique s’est isolée, enfermée dans l’impasse de la « maçonnologie », alors que le fait maçonnique ne prend tout son sens que restitué et articulé avec son environnement. Il y a près de soixante ans, Paul Leuilliot, soulignait déjà dans les Annales Economies, Sociétés, Civilisations – une revue qu’on ne saurait taxer d’illégitimité scientifique – que la franc-maçonnerie devait être appréhendée comme un « fait social total36 ». Pour beaucoup de francs-maçons, seuls les francs-maçons peuvent faire l’histoire de l’ordre, car ils sont seuls aptes à en comprendre le sens et le projet. Il n’en va pas de même en histoire religieuse pour l’histoire des ordres monastiques ou en histoire politique pour l’étude des partis et des factions politiques. De même, on n’impose pas à un spécialiste de la guerre sous-marine d’embarquer sur la flotte russe de la Mer Blanche ou à un historien de la contrebande de se faire passeur clandestin.

Si l’on veut coordonner une recherche maçonnique qui se fait encore trop souvent en ordre dispersé, il me semble qu’il est par exemple urgent de lancer une vaste entreprise collective et universitaire pour alimenter une base de données prosopographiques des francs-maçons en Europe et dans le monde des années 1700 à 1914. Cette base de données collaborative et accessible en ligne permettrait de montrer concrètement à la communauté académique qu’il n’est pas d’histoire des Lumières ou des élites européennes et coloniales possible sans prise en compte de l’appartenance maçonnique37. Il faut adopter ce qu’on nomme en histoire des sciences la stratégie de la générosité38, ouvrir les archives, offrir nos compétences, pour changer les opinions, désarmer les réticences et montrer tout ce que les études maçonniques bien conduites peuvent apporter39.

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L’étude des réseaux sociaux et des trajectoires individuelles des acteurs sociaux connaît depuis deux décennies un réel succès. Elle constitue une autre opportunité remarquable pour les études maçonniques. L’essor des recherches sur les réseaux sociaux40 et plus largement le renouvellement de l’histoire sociale41 permettent en effet d’envisager une autre approche de la sociabilité maçonnique, des trajectoires individuelles et des relations interpersonnelles. On étudie à présent des relations interpersonnelles qui ne doivent pas être prises isolément mais comme partie intégrante d’un tissu de relations dont on peut étudier le maillage pour saisir l’étendue des comportements possibles. De même, la microstoria qui vise à « étudier le social non pas comme un objet doté de propriétés, mais comme un ensemble d’interrelations mouvantes à l’intérieur de configurations en constante adaptation42 », a permis de replacer l’individu au cœur de la sociabilité. Les listes de membres ou les procès verbaux des assemblées maçonniques ne sont pas les seules sources permettant d’étudier l’histoire maçonnique et de comprendre les choix des francs-maçons. Les ego-documents de francs-maçons sont l’un des chantiers de recherche les plus prometteurs : journaux personnels, autobiographies et correspondances permettent non seulement de comprendre les trajectoires maçonniques individuelles, mais d’éclairer l’environnement social, familial, religieux, professionnel des francs-maçons, l’espace social où ils se meuvent et tissent leur réseau relationnel43. En retour, mieux

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connaître les choix des francs-maçons permettra de réconcilier des traditions historiographiques qui s’ignorent trop souvent : l’histoire des idées d’une part, et l’histoire sociale des pratiques culturelles, qui dans le cas des études sur le siècle des Lumières devraient être étroitement articulées, de l’autre. Dans le champ de l’histoire contemporaine, les études maçonniques doivent également procéder à leur aggiornamento en intégrant les avancées de l’histoire culturelle du politique, et notamment proposer une véritable histoire des relations maçonniques internationales comme celle qu’a entreprise à l’Université de Mayence Joachim Berger, éditeur de European History Online autour du projet Masonic Internationalism (c. 1850–c. 1930).

Voici, en quelques pages, le panorama d’un champ de recherches à la croisée des chemins mais qui dispose de réels atouts pour se développer et obtenir une indispensable reconnaissance scientifique à condition de se structurer conformément aux critères académiques. C’est dans ce but et avec cette ambition que se sont réunis à Nice les 2 et 3 juillet 2008, les chercheurs dont nous publions aujourd’hui les contributions.

Pierre-Yves Beaurepaire

1 On se reportera avec profit à la riche et brillante présentation historiographique du regretté Charles Porset : « La franc-maçonnerie française au dix-huitième siècle. Etat de la recherche. Position des questions (1970-1992) », dans José Antonio Ferrer Benimeli coordinador, La Masoneria Española entre Europa y America, II, VI Symposium Internacional de Historia de la Masoneria Española, Zaragoza 1-3 de julio 1993, Zaragoza, 1995, Gobierno de Aragon, Departemento de Educacion y Cultura, p. 903-995, ainsi qu’à Charles Porset, Hiram Sans-Culotte ? Franc-maçonnerie, Lumières et Révolution. Trente ans d’études et de recherches, Paris, Honoré Champion, 1998, Les dix-huitièmes siècles, no 24, 442 p.

2 Giuseppe Giarrizzo, Massoneria e illuminismo nell’Europa del Settecento, Venezia, Marsilio, Storia e scienze sociali, 1994, 529 p.

3 Storia d’Italia, Annali 21, La Massoneria, a cura di Gian Mario Cazzaniga, Torino, Giulio Einaudi, 2006, 849 p.

4 Voir notamment Gian Mario Cazzaniga, La religione dei moderni, Pise, edizioni ETS, Filosofia, 1999, 348 p.

5 Gerardo Tocchini, I Fratelli d’Orfeo. Gluck e il teatro musicale massonico tra Vienna e Parigi, Firenze, Leo S. Olschki, 1998, 367 p. ; du même auteur, Tocchini Gerardo, « Frugoni e la Francia : opere massoniche per Parma », dans Gian Mario Cazzaniga, Gerardo Tocchini, Roberta Turchi, Le Muse in Loggia. Massoneria e Letteratura nel Settecento, A tre voci. Seminari del Dipartimento di Italianistica, Università degli Studi di Parma, no 3, Milan, Edizioni Unicopli, 2002, p. 33-82. Dans le même volume, on lira avec profit les communications de Gian Mario Cazzaniga, « Massoneria e letteratura. Dalla République des Lettres alla letteratura nationale », p. 11-32 et de Roberta Turchi « La ‘Compagnia de galantomeni’ », p. 83-104.

6 Vincenzo Ferrone, I profeti dell’Illuminismo. Le metamorfosi della ragione net tardo Settecento italiano, Rome-Bari, Editori Laterza, Collezione storica, 1989, 2e édition, 2000, Biblioteca Universale Laterza 523, 465 p. ; du même auteur, « La Massoneria settecentesca in Piemonte e nel Regno du Napoli », dans il Vieusseux IV, 11, mai-août 1991, no spécial dirigé par Zeffiro Ciuffoletti, La Massoneria e le forme della sociabilità nell’Europa del Settecento, p. 103-130.

7 Citons parmi ses ouvrages les plus récents : Antonio Trampus, Il diritto alla felicità : storia di un’idea, Roma, GLF Editori Laterza, 2008, Storia e società, VI-270 p. ; Storia del costituzionalismo italiano nell’età dei Lumi, Roma, Ed. Laterza, 2009, Quadrante ; 149, VIII-334 p. A. Trampus a par ailleurs participé au monumental travail d’édition du journal de l’administrateur et franc-maçon Karl von Zinzendorf : Grete Klingenstein, Eva Faber und Antonio Trampus (Hg.), Europäische Aufklärung zwischen Wien und Triest : die Tagebücher des Gouverneurs Karl Graf von Zinzendorf 1776-1782, Wien, Böhlau, 2009, Veröffentlichungen der Kommission für neuere Geschichte Österreichs, 4 Bände.

8 Parmi ses publications récentes, on s’intéressera notamment à Fulvio Conti, Massoneria e religioni civili : cultura laica e liturgie politiche fra XVIII e XX secolo, Bologna, Il mulino, 2008.

9 Hoffmann Stefan-Ludwig, Die Politik der Geselligkeit. Feimaurerlogen in der deutschen Bürgergesellschaft 1840-1918, op. cit.

10 À qui l’on doit une thèse sur Sociability, friendship and the Enlightenment among women freemasons in eighteenth-century France, Arizona State University, 1986, sur microfiches.

11 Janet Burke et Margaret Jacob, Les premières franc-maçonnes au siècle des Lumières, traduit de l’anglais par Laure Caille et Pierre Morère, avec une préface de Cécile Révauger et un avant-propos par Jean-Pierre Bacot et Laure Caille, deuxième édition revue et corrigée, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2011.

12 Notamment la thèse alors novatrice de François Labbé, Le message maçonnique au 18e siècle. Origines, communication, évolution et influence en France (1723-1771), thèse de troisième cycle sous la direction de Jacques Brengues, Université de Haute-Bretagne, 1975, 2 volumes dactylographiés, 507 p. + 91 p + XXX p. L’auteur n’a pas fait carrière, ce qui est révélateur de la difficulté de faire reconnaître des recherches sur la franc-maçonnerie. Il a tiré de son manuscrit, un ouvrage intitulé : Le message maçonnique au xviiie siècle. Contribution à l’histoire des idées, Paris, Dervy, 2005, 351 p.

13 Citons parmi ses publications récentes, In Vrijheid Verbonden. Studies over Belgische vrijmetselaars en hun maatschappijproject in de 19de eeuw, Gent, Liberaal Archief, 2009.

14 On peut également citer un enseignement et une formation à la recherche comparables à l’Université d’Exeter dans le cadre du Exeter Centre for the Study of Esotericism.

15 Il s’agit d’une « extraordinary chair », prévue pour cinq ans.

16 En 1999, une chaire d’étude de la philosophie hermétique et des courants hermétiques a été inaugurée au sein du Département de théologie et d’étude des religions de l’Université d’Amsterdam.

17 Malcolm Davies, The masonic muse. Songs, music and musicians associated with Dutch freemasonry, 1730-1806, Utrecht, Koninklijke Vereniging voor Nederlandse Muziekgeschiedenis, 2006.

18 Ce que confirme aussi l’itinérance académique d’un Jan Snoek.

19 Le texte publié dans ce volume le démontre clairement. Le Professeur Fukasawa forme d’ailleurs certains de ses élèves sur ces problématiques. Citons notamment le cas de Nozomu Tase qui travaille sur la franc-maçonnerie à Bordeaux au xviiie siècle dans le cadre d’une thèse de doctorat à Tôkyô et d’un master 2 recherches en histoire moderne de la Méditerranée à l’Université de Nice Sophia-Antipolis.

20 http://citere.hypotheses.org/

21 Deux thèses de doctorat ont été par ailleurs soutenues sous notre direction et publiées : Céline Sala, Les Francs-maçons en terres catalanes entre Lumières et Restauration : l’art royal de Perpignan à Barcelone, 1740-1830, Paris, Honoré Champion, 2009, 644 p. ; Dominique Jardin, Voyages dans les tableaux de loge : histoire et symboles, préface d’Antoine Faivre ; avant-propos de Pierre Mollier, Paris, J.-C. Godefroy, 2011. Une troisième est en cours de rédaction : Jean-Marie Mercier. Le même auteur a par ailleurs publié, Les Francs-maçons du pape : l’art royal à Avignon au xviiie siècle, Paris, Éd. Classiques Garnier, 2010, Les Méditerranées ; 3, 246 p.

22 Concernant l’Autriche, il faut également évoquer l’ouvrage d’Elisabeth Rosenstrausch-Königsberg Freimaurerei im Josephinischen Wien. Aloys Blumauers Weg vom Jesuiten zum Jakobiner, Wien, Wilhelm Braumüller, 1975. On lui doit également sur Friedrich Münter un livre passionnant : Freimaurer, Illuminat, Weltbürger. Friedrich Münters Reisen und Briefs in ihren europäischen Bezügen. Brief und Briewechsel im 18. und 19. Jahrhundert als Quellen den Kulturbeziehungsforschung, Bd. 2, Essen, Reimar Hobbing Verlag, 1987, 186 p.

23 Schriftenreihe der Internationalen Forschungsstelle « Demokratische Bewegungen in Mitteleuropa 1770-1850 ».

24 Renate Endler, Elisabeth Schwarze, Die Freimaurerbestände im Geheimen Staatsarchive Preußischer Kulturbesitz, 1 : Großlogen und Protektor Freimaurerische Stiftungen und Vereinigungen ; 2 : Tochterlogen, Francfort-sur-le-Main Bern New York, Peter Lang, Schriftenreihe der Internationalen Forschungsstelle « Demokratische Bewegungen in Mitteleuropa 1770-1850 », tome 13, 1994, 425 p. et tome 18, 1996, 306 p.

25 Helmut Reinalter (dir.), Der Illuminatenorden (1776-1785/87). Ein politischer Geheimbund der Aufklärungszeit, Francfort-sur-le-Main Bern New York, Peter Lang, Schriftenreihe der Internationalen Forschungstelle « Demokratische Bewegungen in Mitteleuropa 1770-1850 », tome 24, 1997, 418 p.

26 Il reste actif dans le champ de l’édition et termine un dictionnaire de la franc-maçonnerie européenne chez l’éditeur munichois Berg.

27 Stichting ter bevordering van weten-schappelijk Onderzoek naar de geschiedenis van de Vrijmetselarij in Nederland (Fondation pour la recherche scientifique en histoire maçonnique des Pays-Bas).

28 OVN œuvre pour « stimulate academic research from all disciplines into the history of Freemasonry in The Netherlands and its former territories from the time of its foundation until the present day, as well as to stimulate the exchange of knowledge and the results of research into this field ».

29 William Preston, Illustrations of Masonry, edition critique sur cdrom par Andrew Prescott, Academy Electronic Publications, 2002.

30 Dans la préface à la troisième édition de Pénitents et francs-maçons, Maurice Agulhon précise qu’il ne connaissait pas l’existence du texte de Simmel sur la sociabilité – auquel il faudrait ajouter ses études sur le secret – pendant la rédaction de sa thèse complémentaire publiée initialement en 1966. Maurice Agulhon, Pénitents et francs-maçons de l’ancienne Provence : essai sur la sociabilité méridionale, Paris, Fayard, 1984, 3e éd., p. xii.

31 Jürgen Habermas, L’espace public. Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, avec une préface inédite de l’auteur –à la 17e édition allemande-, trad. fr. de Strukturwandel der Öffentlichkeit (1962) par Marc B. de Launay, Paris, Payot, Critique de la politique, 1993, 324 p.

32 On se limitera à ses ouvrages pionniers : Maurice Agulhon, Pénitents et francs-maçons…, op. cit. ; Le cercle dans la France bourgeoise 1810-1848, étude d’une mutation de sociabilité, Cahier des Annales no 36, Paris, Armand Colin, 1977, 105 p.

33 Daniel Roche, Le Siècle des Lumières en province : académies et académiciens provinciaux, 1680-1789, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, Civilisations et sociétés ; 62, éd.1989, 2 vol. ; du même, Les Républicains des Lettres. Gens de culture et Lumières au xviiie siècle, Paris, Fayard, 1988.

34 Margaret C. Jacob, The Radical enlightenment : pantheists, freemasons and republicans, 1981, 2nd. revised edition, Lafayette (Louisiana), Cornerstone book publisher, 2006, XX-277 p. ; de la même, deux recueils : Living the Enlightenment : freemasonry and politics in eighteenth-century Europe, New York-Oxford, Oxford university press, 1991,VIII-304 p. et The origins of freemasonry : facts & fictions, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2006, 168 p.

35 C’est particulièrement vrai pour Maurice Agulhon.

36 Paul Leuilliot, « La franc-maçonnerie, fait social », dans Annales Economies, Sociétés, Civilisations, avril-juin 1953, p. 240-259.

37 Elle fait partie des objectifs du projet CITERE de l’Agence national de la recherche susmentionné.

38 Marc J. Ratcliff, « Abraham Trembley’s Strategy of Generosity and The Scope of Celebrity in the Mid-Eighteenth Century », Isis, 2004, 95, 4, p. 555-575.

39 Dans le même esprit, le dictionnaire de la franc-maçonnerie en préparation aux éditions Armand Colin sous notre direction et sur une amicale proposition de Michel Figeac, vise clairement à n’associer que des universitaires, du doctorant au chercheur confirmé, afin de rompre avec l’enfermement maçonnologique. Refusant la vaine quête de la prétendue exhaustivité dans laquelle nombre de dictionnaires récents se sont enlisés, il a délibérément opté pour une sélection d’essais problématisés, d’ampleur inégale, comme autant de clés d’accès et de lecture du phénomène maçonnique.

40 On se reportera avec profit à l’excellent panorama proposé par Claire Lemercier dans « Analyse de réseaux et histoire », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2/2005 (no 52-2), p. 88-112 ainsi qu’à deux volumes désormais classiques : Juan Luis Castellano et Jean-Pierre Dedieu (éd.), Réseaux, familles et pouvoirs dans le monde ibérique à la fin de l’Ancien Régime, Paris, CNRS éditions, Amériques-Pays ibériques, 1998, 267 p. ; Maurizio Gribaudi (éd.), Espaces, temporalités stratifications. Exercices sur les réseaux sociaux, Paris, Editions de l’ÉHÉSS, Recherches d’histoire et de sciences sociales, 1998, 346 p.

41 Bernard Lepetit, Les formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel, 1995, 337 p.

42 Jacques Revel, L’Histoire au ras du sol, préface à Giovanni Levi, Le pouvoir au village. Histoire d’un exorciste dans le Piémont du xviie siècle, traduction française, Paris, Gallimard, Bibliothèque des Histoires, 1989, p. xii.

43 Pierre-Yves Beaurepaire et Dominique Taurisson éd., Les ego-documents à l’heure de l’électronique. Nouvelles approches des espaces et des réseaux relationnels, Montpellier, Presses universitaires de Montpellier, 2003, 555 p.