Présentation générale
- Publication type: Book chapter
- Book: Dictionnaire économique de l’entrepreneur
- Pages: 7 to 10
- Collection: Classiques Jaunes (The 'Yellow' Collection), n° 677
- Series: Économies, n° 1
- CLIL theme: 3340 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Histoire économique
- EAN: 9782406073987
- ISBN: 978-2-406-07398-7
- ISSN: 2417-6400
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-07398-7.p.0007
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 05-03-2018
- Language: French
Présentation générale
Ce dictionnaire n’a pas la prétention de couvrir toutes les dimensions du personnage de l’entrepreneur, il y faudrait une encyclopédie et la mobilisation des centaines de chercheurs dans un grand nombre de domaines. Notre ambition est de rouvrir des pistes de réflexion et de garder cependant une lisibilité accessible à tous ceux que cette question préoccupe : cadres d’entreprise et d’administration, journalistes, enseignants, grand public, au-delà des seuls chercheurs spécialistes du domaine. La forme adoptée a été celle d’articles courts avec une bibliographie restreinte permettant d’aller plus loin.
La problématique générale de ce dictionnaire, qui est son fil conducteur, est la suivante : l’entrepreneur est-il indispensable au fonctionnement de l’économie de marché ? Depuis le début des années 1980, en effet, l’entrepreneur et la création d’entreprise sont devenus des sujets communs. Pourquoi cet engouement soudain alors que, durant les années de forte croissance (1950-1970), l’entrepreneur était perçu comme une espèce en voie de disparition ou encore comme un « patron », c’est-à-dire comme un individu possédant les ressources matérielles et financières qui s’enrichit grâce au travail des autres ? Une économie forte était alors une économie dotée de grandes entreprises. Pourquoi et comment un tel changement a-t-il pu se manifester ? Comment le capitalisme actuel génère des entrepreneurs et que possèdent ceux-ci de particulier pour être économiquement et socialement indispensables ? 8Enfin, qui sont-ils ? Comment se placent-ils dans l’ensemble économique ?
Dans une période de crise, la petite entreprise et l’entrepreneur – ce personnage mythique du capitalisme – suscitent des débats passionnants entre les économistes et les politiques. Les petites entités de production de biens et services sont considérées en effet comme des sources de nouveaux emplois, d’innovations, de productivité, de flexibilité et d’adaptabilité. Dans ce même contexte d’incertitude et de chômage élevé, la création d’entreprise se présente le plus souvent comme un (le seul ? l’ultime ?) moyen de survie et dans certains heureuses circonstances comme un projet professionnel permettant de valoriser un savoir scientifique et technique de haut niveau ou une compétence particulière. Créer son entreprise, créer son propre emploi devient un moyen de concilier à la fois revenu et réalisation de soi par le travail, d’autant plus que les pouvoirs publics et les collectivités territoriales ont mis en place un grand nombre d’aides juridiques, fiscales et financières pour assister le créateur et le jeune dirigeant d’entreprise.
Aujourd’hui, on vante les mérites de l’entrepreneur, son rôle central en matière d’innovation, son esprit prompt à prendre des risques économiques, sa capacité d’initiative. Au xixe siècle déjà, pour Jean-Baptiste Say (1767-1832), l’entrepreneur est « l’agent principal de la production ». La « capacité de jugement » est sa première qualité, car il doit supporter « les risques de la production » et gagner la confiance du banquier, qui doit lui-même se méfier des « charlatans » et des « faiseurs de projet » (J.-B. Say [1803], Traité d’économie politique, Paris, Economica, éd. coordonnée par André Tiran, 2006). Près d’un siècle plus tard, Joseph Aloïs Schumpeter (1883-1950) voit dans la fonction de l’entrepreneur le moteur de l’évolution économique : l’entrepreneur réalise 9de « nouvelles combinaisons de moyens de production », renouvelle les marchés et est à l’origine d’une nouvelle phase de croissance (J. A. Schumpeter, Théorie de l’évolution économique, Paris, Dalloz, 1935).
Dans les années 1970, le modèle de la grande entreprise bureaucratique, dirigée par des gestionnaires professionnels, entre en crise. C’est ainsi que les petites entreprises livrent seules la guerre contre la pauvreté, nous dit George Gilder (G. Gilder, L’esprit d’entreprise, Paris, Fayard, 1985), ceci parce que leurs propriétaires « connaissent les grandes lois du monde » et savent « briser le miroir des idées reçues ». D’autant plus, ajoute Peter Drucker (P. Drucker, Les entrepreneurs, Paris, Hachette, 1985), que l’esprit d’entreprise se matérialise par un comportement spécifique, ce n’est pas un trait de caractère : « l’innovation est l’instrument spécifique de l’esprit d’entreprise. C’est l’action qui consiste à ouvrir de nouvelles possibilités aux ressources pour pouvoir créer des richesses ». « L’esprit d’entreprise consiste à agir le premier, non à réagir ». Selon G. Gilder, il crée alors la richesse « dont les politiciens font ensuite l’objet de leur comédie et de leur combat ».
L’entrepreneur, acteur ou agi dans l’économie de marché ? L’objet de ce dictionnaire économique de l’entrepreneur est double : a) présenter et discuter la notion de l’entrepreneur et le rôle que les intellectuels lui assignent dans la dynamique de l’accumulation ; b) exposer les liaisons entre la fonction et les capacités de l’entrepreneur et entre l’entrepreneur et son environnement sociotechnique et économique.
Dans le dictionnaire, les notions retenues appartiennent à plusieurs champs disciplinaires (économie, gestion, droit, sociologie, histoire). En effet, sans être toutes de nature spécifiquement économique elles éclairent la connaissance que l’on peut avoir du concept d’entrepreneur.
10Ce volume est composé de 83 entrées, rédigées par plus de 60 chercheurs, qui illustrent les multiples facettes de l’entrepreneur et de sa place dans la dynamique économique. Les trois premiers textes sont consacrés à l’analyse du concept ainsi qu’à sa contextualisation. Les 80 autres entrées présentent les notions clés qui s’associent au concept de l’entrepreneur (risque, incertitude, entreprise, innovation, créativité, etc.), aux caractéristiques intrinsèques de celui-ci et à la pensée des auteurs qui ont cherché à analyser son importance économique et sociale. Les corrélats, placés en fin d’article suggèrent des chaînes ou les constellations notionnelles les plus prégnantes. Tel ou tel renvoi permet de compléter, de développer ou d’étendre l’acception du terme sous lequel figure ainsi que sa bibliographie.
André Tiran
et Dimitri Uzunidis