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Classiques Garnier

Avant-propos

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : Descartes et ses mathématiques
  • Pages : 7 à 8
  • Collection : Histoire et philosophie des sciences, n° 27
  • Thème CLIL : 3916 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Histoire de la philosophie
  • EAN : 9782406126553
  • ISBN : 978-2-406-12655-3
  • ISSN : 2260-9873
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12655-3.p.0007
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 14/09/2022
  • Langue : Français
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AVANT-PROPOS

Le Discours de la méthode sert de préface à trois essais scientifiques : La Géométrie, Les Météores et La Dioptrique (où est énoncée, entre autre, la loi de la réfraction, quon appelle aujourdhui « loi de Snell-Descartes »). Il expose quatre préceptes auxquels se réduit la méthode générale de résolution de tout problème rationnel. Une telle « recette », comme lappelle Leibniz, suffit-elle à rendre compte de la complexité de la pratique scientifique cartésienne à lœuvre aussi bien dans Les Essais que dans les autres écrits ? Se contenter de la démarche du Discours conduit à méconnaître ou à rejeter hors du système cartésien, les textes, mathématiques en particuliers, où une pratique différente se développe.

Il ny aurait donc pas une seule méthode cartésienne, illustrée par les procédures, certes révolutionnaires, de la Géométrie de 1637. Il y aurait plutôt des méthodes, qui seraient autant de transgressions dune version orthodoxe de « faire » des mathématiques et de la science. Ainsi, on aurait affaire à des pratiques et des usages cartésiens des mathématiques très variés.

Le but du présent ouvrage, réunissant des contributions de spécialistes de Descartes mathématicien et savant, est dexposer ces différentes pratiques mathématiques marginales de Descartes, officiellement exclues par la Géométrie de 1637, mais qui sont pourtant engagées dans sa réflexion théorique, comme en témoigne sa Correspondance.

« Pluralité des pratiques » signifie à la fois diversité dopérations et dobjets. On montrera que cette pluraliré ninvalide aucunement la « méthode » de Descartes. Loin dintroduire une contradiction dans sa pensée, elle témoigne au contraire de sa richesse et de sa vitalité. Elle atteste la volonté de Descartes de résoudre tous les problèmes mathématiques qui se posent à lui, même ceux dont il considère quils nadmettent pas de solution « recevable » mathématiquement. Elle exprime donc cette tension propre à celui qui, ayant créé un cadre théorique puissant et 8entièrement nouveau, souhaite tout y comprendre, mais se rend compte immédiatement quune foule dobjets et de problèmes sy dérobent. Cette capacité à sortir en permanence du cadre sans le faire éclater et pour le conforter1 a permis à Descartes déviter de construire un système clos, et à sa place dédifier une théorie ouverte qui, par définition, comporte des contradictions latentes et des propositions non démontrées (et peut-être non démontrables). Cest cette ouverture théorique qui a donné naissance aux sytèmes cartésiens qui le prolongent en le critiquant (Spinoza ou Leibniz) et anti-cartésiens (Locke ou Berkeley).

Dans une première partie, nous abordons la pratique mathématique « hétérodoxe » de Descartes. On y découvrira un Descartes inattendu, quil sagisse dalgèbre, darithmétique ou de physique (la physique cartésienne, parfois fantaisiste, est en tous cas infidèle au principe de mathématisation stricte de la matière quimplique sa réduction à létendue). On questionnera le rapport de Descartes à la géométrie euclidienne, fondement de lintelligence de la nature. Nous verrons limportance de la dimension ontologique dans cette pratique.

La seconde partie prolonge ce dernier aspect, en adoptant une approche méta-théorique et métaphysique. Y a-t-il une philosophie cartésienne des mathématiques ? Et quel dispositif logique révolutionnaire sorigine dans la démarche du cogito ? Enfin, quel nouveau rapport de la rationalité et, plus précisément, de la démarche démonstrative, à linfini, en découle ?

Ainsi, on verra à lœuvre un Descartes enfreignant nombre des interdits érigés en contraintes canoniques dans la Géométrie, afin de résoudre tel problème mathématique ; ou encore adoptant une explication mathématique des phénomènes physiques qui implique une autre définition du terme « mathématique ».

Aussi, derrière le roi de la méthode et de la rigueur, si ce nest de la rigidité, découvrons-nous un Descartes mathématiquement polymorphe.

1 Sur un autre plan, celui de la métaphysique, on observe cette tension avec les thèses de la distinction réelle et de lunion réelle de lâme et du corps. Ces thèses résolvent des problèmes autant quelles en entraînent de nouveaux, énonçables seulement dans ce nouveau cadre dualiste.