Avant-propos
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Des mots aux actes
2018, n° 7. Sémantique(s), sémiotique(s) et traduction - Auteurs : Lautel-Ribstein (Florence), Pineira-Tresmontant (Carmen)
- Pages : 17 à 19
- Revue : Des mots aux actes
- Thème CLIL : 3147 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Linguistique, Sciences du langage
- EAN : 9782406087458
- ISBN : 978-2-406-08745-8
- ISSN : 2592-690X
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08745-8.p.0017
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 28/02/2019
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français
Avant-propos
Que n’a-t-on tenté pour éviter, ignorer ou expulser le sens ? On aura beau faire : cette tête de méduse est toujours là, au centre de la langue, fascinant ceux qui la contemplent.
Émile Benveniste, Problèmes de linguistique générale, vol. 1, Gallimard, 1966, p. 126.
En 1883, Bréal proposait l’hellénisme « sémantique » pour distinguer l’étude des « lois intellectuelles du langage1 ». Ainsi, la sémantique interpelle tous ceux qui s’intéressent à la pensée, à la connaissance ou encore à la communication interhumaine. Elle se pose comme théorie du signe et du sens et se situe donc au cœur des Sciences Humaines. C’est en cela qu’il n’existe pas une sémantique mais des sémantiques : celle qui s’intéresse aux langues naturelles à travers l’étude du lexique, de la morphologie et de la syntaxe ; celle, plus logique, qui étudie les langues artificielles ; celle qui mène une réflexion philosophique sur le sens linguistique et le langage ; etc. Il va de soi que les méthodes et les objets d’étude diffèrent d’une sémantique à l’autre mais que le sens reste au centre des recherches de tous ceux qui se heurtent à lui.
La fin de l’hégémonie structuraliste qui avait mis en avant les thèses de Saussure ou de Greimas, puis l’arrivée des théories des opérations énonciatives avec Benveniste, Culioli et Ducrot ont permis l’entrée en scène du paradigme cognitiviste avec des auteurs actuels comme Rastier, Kleiber et Fuchs où le langage est porteur de l’« expérience de pensée », du logos, plus que de celle du corps. Puis les analyses a-référentielles de 18la signification, comme l’approche constructiviste de Cadiot et Visetti où le caractère holiste de l’interprétation s’appuie sur la relation entre perception et langage, et sur l’analogie entre construction de formes dans l’activité perceptive et construction de formes sémantiques dans l’activité de langage.
C’est également cette vision holiste et non plus parcellée du texte qui sous-tend l’approche sémiotique, comme celle de Jean-Claude Coquet pour qui le langage renvoie aussi à la réalité du corps tout entier, percevant, connaissant, parlant, pulsionnel, en lien étroit avec la nature, la phusis (cf. Coquet, 2015, p. 15).
Toutes ces évolutions ont un impact sur la façon d’aborder les processus mis en jeu a priori et pendant l’acte de traduction. Une traduction cohérente nécessite que le traducteur se fonde sur une réflexion, voire une théorie des mécanismes de construction du sens du texte source afin d’opérer la transposition vers une autre langue naturelle en texte cible. Ce positionnement indispensable vis-à-vis du texte source, sans ouvrir sur la recherche d’universaux du langage, a guidé les différentes approches traductives présentées dans ce volume, en envisagent le processus de traduction comme une démarche qui va de la microgenèse du sens des lexies à une sémantique interprétative des textes.
L’approche analytique adoptée dans ce volume explorera donc parallèlement le processus de traduction et le processus de la construction du sens du texte. Les approches contemporaines, qu’elles se fondent sur la perception ou la représentation, seront privilégiées et porteront ainsi à la connaissance du lecteur un panorama de la réflexion traductologique de ces dernières années. Cette présentation permettra à ceux désireux d’étudier le domaine de la traductologie de mieux comprendre, d’une part la complexité de l’opération de traduction en l’éclairant en amont par les mécanismes d’exploration des possibles du processus créatif, et d’autre part de s’interroger sur l’élaboration du sens du texte entreprise au moment de l’acte de re-création qu’est le texte traduit.
Les contributeurs, traductologues à part entière (praticiens, théoriciens et historiens de la traduction) ou bien chercheurs issus des disciplines des sciences du langage, des langues, de la littérature comparée, de la 19philosophie ou du vaste domaine de l’audio-visuel ont cherché à jeter des ponts interdisciplinaires pour éclairer les trois champs traductologiques de la pragmatique, qui étudie les pratiques de la traduction, de l’analytique, qui étudie les traductions et de la critique, qui étudie les discours sur la traduction.
Florence Lautel-Ribstein
et Carmen Pineira-Tresmontant
1 Langue française, « La sémantique », Larousse, 4, décembre 1969, p. 5.