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Classiques Garnier

Introduction

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Correspondance. Tome XXIV. Avril 1874 – mai 1876
  • Pages : i à iii
  • Réimpression de l’édition de : 1990
  • Collection : Bibliothèque du xixe siècle, n° 24 – Hors collection
  • Thème CLIL : 3436 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques
  • EAN : 9782406085003
  • ISBN : 978-2-406-08500-3
  • ISSN : 2258-8825
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08500-3.p.0007
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 14/12/2018
  • Langue : Français
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INTRODUCTION



Voilà que nous arrivons au terme du voyage. La dernière lettre est là, qui débouche sur le vide. De cette lettre, ma femme ne put longtemps se résoudre à faire la copie destinëe à l'impression, elle la mettait de côté, pendant des semaines, avant de s'y décider, comme si elle allait trancher quelque lien invz:rible et faire mourir George Sand une seconde fois. Erpoir de découvrir une dernière lettre plus proche du dénouement fatal ?Mais le carnet où jusqu'au bout la romancière inscrivait les noms des destinataires de son courrier est formel: aprës le 30 mai 1876 personne n'y figure. On verra aux Annexes que c'est prëcisément le 30 mai que la maladie fit explosion. Quand elle écrit à son neveu, c'est le matin, Nohant est encore
calme et gai ~, et bien que K très patraque », elle montre un détachement serein : « ... j'ai fait mon temps et ne m'attrzste d'aucune éventualité. » Attitude qui ne se démentira pas pendant la longue agonie :aucune révolte, aucune effroi, seulement l'expression du désir que sur- vienne vite la mort libératrice. Et je pense que les lecteurs de cette Correspondance ne seront pas surprz:r de découvrir le dernier mot de cette derniëre lettre, le dernier tracé par la petite main féconde : c'est le mot K aime ». C'est toujours la même qui ëcrivait en 1857: <{ Le je pense, donc je suis, devrait être : j'aime, donc je suis ~ (t. XIV, n° 7424).
8 Dans ce dernier tome encore, comme dans les précé- dents, les preuves de son grand cour ne manquent pas active correspondance avec un jeune inconnu sympathique qu'elle veut aider de conseils judicieux à son entrée dans
la vie ; interventions accompagnées de charités directes pour deux vieilles actrices ; —recommandation pour des écrivains débutants ; —lutte pour assurer des emplois à un ami de jeunesse aux faibles ressourcer ; —tentatives pour éviter â Flaubert la gêne sêrieuse qu'entraîne la faillite d'un parent, en même temps que, fi'~le à sa vocation de consolatrice, elle lutte contre la désolation qui submerge l'auteur désemparé de Madame Bovary.
Pendant quarante ans je l'ai regardée vivre ;aujourd'hui je ne la vois pas mourir sans chagrin. Comment pourrait- on quitter sans quelque déchirement celle que l'on a accompagnée partout pendant tant d'années, je ne dirai pas de la naissance à la mort, mais suivant un tracé en zigzag, car l'ëditeur de Correspondances restitue la vie de son personnage dans l'ordre chronologique, mais il l'appréhende dans un désordre chaotique : hier lui arri- vaient des lettres de la maturitê, aujourd'hui c'est un paquet de feuillets de l'adolescente, demain ce seront der billets où la fatigue de l'âge sera dénoncée par l'êcriture tremblée et la brièveté inhabituelle (dix lignes lâ où naguère troa:r, quatre pages auraient jailli). Ces K lieues de chien »ont leur charme, celui de l'a~rrzprêvu, mais obligent d une gymnastique de la mémoire, d'ailleurs stimulante. Les morceaux du puzzle fznissent par s'incruster à leur place, chacun délivrant son message qui révèle du nouveau, ou conforte ou explique l'ancien. Sauf qu'il subsiste tou~ôurs quelques lettres orphelines, indatables et sans application, pour piquer la curiosité et maintenir bien vivante la passion du chercheur.
C'est en 1864 qu'a commencê la publication de cette Correspondance, mais les travaux d'approche, les prépara- tifs indispensables, les fondations l'avaient de loin précé- dée. Au tome XXIT~, il est temps de s'interroger : suis je satisfait d'arriver au bout de l'entreprise ?
Non, car ce fut passionnant d'un bout à l'autre.
9 Non, car les heures passées en compagnie de George Sand m'ont confirmé que j'avais fait le bon choix.
Non, parce que j'ai vêtu avec une personnalité atta- chante et complexe qui m'a beaucoup apportë et que, moi aussi, comme André Maurois, j'ai eu le bonheur d'aimer.
Oui, car si je fais un bilan général, je puis dire que la Correspondance a amené ou ramené à la romancière beaucoup de lecteurs et d'amis dans le monde entier, et même suscitê des éditeurs nouveaux qui ont découvert des terrainr en jachère dans son cpuvre abondante : je n'aurai donc pas oeuvré pour rien.
Est-ce d'ailleurs le moment d'inscrire le mot FIN ? A condition de lui accoler : provisoire. Car, je l'ai lat:rsé prévoir en tëte du tome précêdent, je tiens en réserve bien des textes tombés entre mes mains trop tard pour figurer à leur date. Il n'est guère de ventes ou de catalogues d'autographes qui n'en aient offert ces années dernières. La chance m'a aidé aussi à retrouver la trace de familles détentrices d'archives plus que centenaires. Récemment encore, une copie ancienne de lettres â Michel de Bourges, plus fidële que la publication de 1890 apparemment, et comportant quelques inédits, est venue prendre place dans mes cartons.
George Sand et moi donnons donc rendez-vous â nos lecteurs pour un supplëment copieux,
On sait que dans les années trente, elle fut appelée par Bulot f~ la reine de notre génération littéraire H. Au tome XXV, ce sera le lieu de dire, comme le héraut à la mort du monarque : « La Reine est morte, vive la Reine
Georges LUBIN

Ce tome contient 938 numéros, dont 379 en déficit et 559 lettres ou billets, plus un traité. Sur ce dernier total, 452 documents (80 %) ont été copiés ou vênf és sur autographes, microfilms ou photocopies. 350 sont totale- ment inédits, 43 le sont partiellement, soit une proportion
de 70 %.