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Classiques Garnier

Chronologie

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Correspondance (1920-1950)
  • Pages : 25 à 37
  • Collection : Bibliothèque gidienne, n° 11
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406093190
  • ISBN : 978-2-406-09319-0
  • ISSN : 2494-4890
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09319-0.p.0025
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 02/12/2019
  • Langue : Français
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CHRONOLOGIE

Note. Nous avons mis laccent sur Ernst Robert Curtius ; la chronologie relative à la vie dAndré Gide peut être consultée dans chacun de ses volumes de la « Bibliothèque de la Pléiade ».

1869

Naissance de Paul Guillaume André Gide, le 21 novembre, à Paris. Fils de Paul Gide, professeur à la faculté de Droit, et de Juliette Rondeaux.

1880

Le père de Gide meurt subitement le 28 octobre. Celui-ci sera désormais élevé par sa mère, avec le soutien de son directeur de conscience, le pasteur Élie Allégret.

1886

Naissance dErnst Robert Curtius, le 14 avril, à Thann en Alsace (alors allemande). Fils de Friedrich Curtius, originaire dAllemagne, et de Louise von Erlenbach-Hindelbank, fille dun comte bernois et dune comtesse neuchâteloise.

1891

Parution des Cahiers dAndré Walter (Paris, Perrin), premier ouvrage de Gide.

1893-1894

Premier voyage de Gide en Afrique du Nord. Première expérience homosexuelle.

1894-1903

Curtius habite en Alsace où son père occupe plusieurs fonctions liées au rattachement de la province à lAllemagne : il effectue ses études primaires à Thann, puis ses études secondaires à Strasbourg, dans un lycée protestant, où il passe son Abitur. Premiers contacts avec la France, sa langue et sa littérature.

1895

Gide publie Paludes. Mort de sa mère. Mariage avec sa cousine Madeleine Rondeaux, puis voyage de noces qui dure près de sept mois (France, Suisse, Italie, Tunisie…). Second voyage en Afrique du Nord.

1897

Publication par Gide des Nourritures terrestres au Mercure de France.

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1899

Publication par Gide du Prométhée mal enchaîné.

1902

Publication par Gide de LImmoraliste au Mercure de France. – Séjour du jeune Curtius à Londres.

1904

Curtius sinscrit à luniversité de Berlin pour étudier le sanscrit et la philologie comparative. Il y fréquente, à linstar de Rainer Maria Rilke, les salons du couple de peintres Sabine et Reinhold Lepsius. Dans ce cercle, il fait la connaissance de Friedrich Gundolf et de Charles Du Bos, avec lesquels il va entretenir des liens amicaux, et rencontre Stefan George. À Berlin, il revoit Albert Schweitzer, lié damitié avec ses parents, qui le familiarise avec la littérature française et notamment avec Romain Rolland.

1905

Curtius étudie également à Heidelberg où il suit des cours chez le philosophe Wilhelm Windelband. Cest à cette époque quil découvre Virgile, qui sera pour lui un auteur essentiel ; par ailleurs, il déteste Madame Bovary.

1906

Le couple Gide sinstalle dans la villa Montmorency, à Auteuil, conçue par Louis Bonnier.

1908

En décembre, Curtius réussit un examen agréé par lÉtat lui permettant doccuper des postes de professeur danglais et de français dans les hautes écoles. – Fondation de La Nouvelle Revue française, dont Gide est la figure-clé.

1909

Gide publie La Porte étroite. – Curtius effectue un long séjour détude à Paris pour sa thèse, qui consiste en lédition critique du Livre des Rois (publié en 1911 sous le titre Einleitung zu einer neuen Ausgabe der Quatre Livres des reis). Il assiste aux cours dHenri Bergson au Collège de France, qui limpressionnent. Tous les matins, il visite le Louvre.

1910

Première Décade de Pontigny pour Gide. – En mai, Curtius obtient son doctorat en Littérature médiévale sous la direction du romaniste Gustav Gröber, à Strasbourg. Il rencontre le poète alsacien Ernst Stadler, qui lui recommande de lire les auteurs français de La NRF, ouverte à lidée européenne (à lopposé des académiciens Paul Bourget, Anatole France ou Maurice Barrès). Nouvelles rencontres avec Stefan George à Bingen. Curtius est fasciné autant quinfluencé par le poète allemand, mais il renoncera finalement à faire partie de ses disciples.

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1910-1911

Curtius sengage en tant que volontaire dans linfanterie du régiment 105 à Strasbourg et y passe un an (à partir du 1er octobre).

1911

Début de la rédaction par Gide des Caves du Vatican, qui sera publié en 1914. La NRF crée sa propre maison dédition, avec pour gérant Gaston Gallimard.

1912

De février à avril, Curtius séjourne à Rome, à Sestri Levante et à Florence pour se remettre dune pneumonie. Rome deviendra sa ville délection. En décembre, il débute lannée denseignement probatoire.

1913

Le 22 octobre, Curtius défend sa thèse dhabilitation sur Ferdinand Brunetière à Bonn, devant lélève de Gröber, Heinrich Schneegans. – Ouverture à Paris du théâtre du Vieux-Colombier, dirigé par Jacques Copeau.

1914

Publication par Gide des Caves du Vatican. – Publication de la thèse de Curtius : Ferdinand Brunetière. Beitrag zur Geschichte der französischen Kritik. Cest un ouvrage contre le critique, jugé trop entier et éloigné de la réalité. Curtius enseigne à luniversité de Bonn (littérature française médiévale et littérature contemporaine). Il commence à préparer son ouvrage Die literarischen Wegbereiter des neuen Frankreich [Les Pionniers littéraires de la France nouvelle] (qui ne sera publié quen 1919).

1914-1915

Curtius est envoyé en France et participe en 1915 à la campagne en Pologne. Il est blessé au cou et se voit déclaré inapte au service. Il sera par la suite décoré de la Croix de fer deuxième classe.

1915

Gide soccupe du Foyer franco-belge, œuvre de bienfaisance pour les réfugiés des territoires envahis, avec Charles Du Bos et Maria Van Rysselberghe.

1916

Libéré de ses obligations militaires en mai, Curtius reprend son activité denseignant (privat-docent) à Bonn.

1917

Début de la liaison entre Gide et Marc Allégret, fils de son ancien directeur de conscience. Voyage en Suisse avec celui-ci et son frère André.

1918

Gide séjourne en Angleterre avec Marc Allégret. Le 21 novembre, il apprend que Madeleine a détruit toutes les lettres quil lui avait adressées depuis trente ans.

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1919

Reprise de la parution de La NRF, interrompue pendant la guerre. Publication par Gide de La Symphonie pastorale. Début de la rédaction des Faux-Monnayeurs. – Curtius obtient un poste de professeur extraordinaire à luniversité de Bonn. Le décès de sa mère, Louise Curtius, laffecte profondément. Parution de son livre Die literarischen Wegbereiter des neuen Frankreich (Potsdam, Gustav Kiepenheuer), écrit avant-guerre, qui fait la promotion dune nouvelle pensée française allant à lencontre des préjugés, avec pour objectif affiché une entente européenne. Le premier chapitre est consacré à Gide. Cet ouvrage crée la polémique à une époque où la France et sa culture sont rejetées par nombre dAllemands. Louvrage na jamais été traduit en français.

1920

Gide expédie à Curtius un exemplaire de La Symphonie pastorale : début de la correspondance entre les deux hommes. – Le 1er avril, Curtius est nommé professeur de philologie romane à luniversité de Marburg, avec entrée en fonction immédiate. Dans le but de provoquer, il publie, dans La Revue de Genève, « Les influences asiatiques dans la vie intellectuelle de lAllemagne aujourdhui ». – Tirage privé de Corydon et de Si le grain ne meurt de Gide (Ire partie).

1921

Publication confidentielle par Gide de Si le grain ne meurt (IIe partie). – En juin, première rencontre entre Curtius et Gide chez les Mayrisch, à Colpach. Gide publie « Les rapports intellectuels entre la France et lAllemagne » dans La NRF ; Curtius publie « Deutsch-französische Kulturprobleme » dans le Neue Merkur, et Der Syndikalismus der Geistesarbeiter in Frankreich (Bonn, Friedrich Cohen), mais il faut surtout mentionner Maurice Barrès und die geistigen Grundlagen des französischen Nationalismus (Bonn, Friedrich Cohen).

1922

Conférences de Gide sur Dostoïevski au Vieux-Colombier. Saül est créé par Jacques Copeau au Vieux-Colombier. – Curtius publie dans le Neue Merkur larticle « Pontigny » ; mais aussi « Rheinische Schicksalsfragen » dans Die Tat. Il participe aux Décades de Pontigny avec une intervention sur Stefan George. Il y fait la rencontre du jeune Jacques Heurgon, avec lequel il se lie damitié.

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1923

Gide, dont le réél désir denfant a petit à petit pris forme, devient père : Catherine Gide naît le 18 avril, à Annecy, mise au monde par Élisabeth Van Rysselberghe, la fille de sa grande amie Maria. Sa marraine est Aline Mayrisch. – Curtius publie Balzac (Bonn, Friedrich Cohen), salué par la critique et, contrairement aux essais précédents, par ses collègues. Il refuse de venir aux Décades de Pontigny pour protester contre loccupation de la Ruhr.

1924

Le 1er avril, Curtius est nommé professeur de philologie romane à luniversité de Heidelberg, avec entrée en fonction immédiate. Cette nomination déplaît à certains collègues, qui voyaient en lui un « moderniste » peu compatible avec le sérieux de leur discipline. En août, il se rend pour la deuxième et dernière fois aux Décades de Pontigny. – Édition courante de Corydon de Gide à La NRF.

1925

Avec Marc Allégret, Gide entreprend un voyage en Afrique noire (Congo et Tchad), qui dure près de onze mois. – Curtius publie Französischer Geist im neuen Europa (Stuttgart, DVA), qui complète Les Pionniers littéraires.

1926

Pendant son absence de France, Gide fait publier Les Faux-Monnayeurs. Parution de Si le grain ne meurt. Édition originale du Journal des Faux-Monnayeurs. – Curtius publie un compte rendu des Faux-Monnayeurs dans Die Neue Rundschau.

1927

Publication du journal dAfrique de Gide sous le titre Voyage au Congo. En mai, celui-ci et Curtius se retrouvent à Fribourg puis Heidelberg (« Conversations infinies avec Curtius »). – En juillet-août, voyage de Curtius en France (Ouest, de la Normandie au Périgord, et Centre), avec Aline Mayrisch puis Jean Schlumberger. Il commence à souffrir d« états pourtant trop réels de fatigue nerveuse ».

1928

Vente de la villa Montmorency et installation de Gide et de Maria Van Rysselberghe en voisins de palier au 1bis, rue Vaneau (Madeleine vit exclusivement dans sa propriété normande de Cuverville). Publication du Retour du Tchad. – Curtius participe à un Hommage à Marcel Proust.

1928-1929

Séjour de Curtius à Rome entre octobre 1928 et mars 1929. Cest là-bas quil apprend sa nomination à luniversité de Bonn.

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1929

Le 2 janvier, entrée en fonction de Curtius à luniversité de Bonn, en tant que professeur de philologie romane (et plus tard également médiévale). Il publie James Joyce und sein « Ulysses » (Zurich, Verlag der Neuen Schweizer Rundschau), et LIdée de civilisation dans la conscience française (Paris, Dotation Carnegie pour la paix internationale). Le 1er novembre, il se fiance avec Ilse Gsottschneider, originaire de Mannheim, qui était une de ses étudiantes à Heidelberg. – Publication de LÉcole des femmes, dédicacé à Curtius, et de lEssai sur Montaigne de Gide chez Schiffrin (« Bibliothèque de la Pléiade »), puis de Robert, supplément à LÉcole des femmes. Charles Du Bos publie son Dialogue avec André Gide.

1930

Mariage de Curtius avec Ilse Gsottschneider. Publication de Die französische Kultur (Berlin/Stuttgart, DVA), une défense significative de la culture française. (Essai sur la France, trad. par J. Benoist-Méchin, Paris, Grasset, 1932.) – En mai, voyageant en Allemagne, Gide vient voir Curtius à Bonn.

1930-1931

Curtius vit une crise existentielle qui le mène à un retour vers la tradition. Il écrit à Gide : « Je me trouve à un tournant de mon existence » (14 février). Il se détourne petit à petit des auteurs français, souvent proches des avant-gardes (Aragon, Valéry, Proust…), et sintéresse à des écrivains plus « traditionalistes » tels T. S. Eliot, Hugo von Hofmannsthal, Miguel de Unamuno, José Ortega y Gasset. Il publie un compte rendu sur la pièce Œdipe de Gide dans Die Literarische Welt.

1931

Publications de Divers de Gide (réunissant Caractères, Un esprit non prévenu, Dictées et Lettres). – Curtius traduit la pièce Œdipe de Gide (Stuttgart, DVA), publiée la même année et mise en scène par Georges Pitoëff à Paris. Il publie les réflexions de Gide sur lEurope : Europäische Betrachtungen. Übertragen von Ernst Robert Curtius (Stuttgart, Berlin, DVA, 1931).

1932

Œdipe dans sa version allemande (dont la publication a suscité de nombreux articles de presse) est mis en scène par lavant-gardiste Gustav Hartung à Darmstadt. Gide fait plusieurs séjours à Berlin et assiste avec Curtius à la dernière représentation de sa pièce. Enthousiaste sur lURSS, Gide soutient la politique de Staline. Parution du premier tome

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(sur quinze) des Œuvres complètes pour le compte des Éditions de la NRF. Début de la série des Pages de Journal données par Gide à La NRF. – Curtius écrit larticle « Goethe oder der deutsche Klassiker », paru dans Deutsch-französische Rundschau, puis en français dans La NRF. – Publication par Curtius de Deutscher Geist in Gefahr (Stuttgart, DVA) : ce livre combat la haine culturelle et sert à la compréhension de la tradition occidentale. Il y fait le diagnostic dun déclin de la culture et plaide pour un renouveau par un retour aux valeurs humanistes qui devait passer à ses yeux par un nouveau contact avec le Moyen Âge. Décès de son père. Nouvel épisode de dépression et dabattement physique et nerveux. Consultations chez C. G. Jung. Curtius se détourne de son époque et sintéresse de plus en plus exclusivement au Moyen Âge et à sa littérature latine.

1933

Hitler devient chancelier le 30 janvier. Curtius constate la fin de son rêve dune entente franco-allemande. Il espère que la jeunesse nationaliste, « si tant est quelle intègre des objectifs culturels dans son vouloir », se tournera vers lItalie. La culture italienne lui permettrait de lire Dante puis de découvrir Virgile, pour revenir nécessairement à la culture française. Durant lété, il écrit à Catherine Pozzi : « Vous ne pouvez pas savoir ce que cest que de vivre dans lAllemagne daujourdhui. Le droit, la raison, la culture y sont honnis. La Bête est déchaînée, lesprit est terrorisé. » Le courrier postal est censuré, il ne peut écrire librement que lors de ses rares déplacements hors du pays (chez les Mayrisch par exemple). Il ne publie plus de livres ni de chroniques ou de traductions. – LHumanité publie Les Caves du Vatican de Gide en feuilleton.

1934

Publication par Gide de Perséphone. Il participe avec André Malraux et Ilya Ehrenbourg au grand meeting de la salle Wagram. – Curtius prête serment à Hitler, comme le régime lexigeait de tous les enseignants. Un refus laurait envoyé en camp de concentration, car il avait suscité bien des critiques avec son pamphlet de 1932. Cette suspicion la empêché de se lier à des groupes de résistants ou de protester contre le sort des Juifs. Au lieu de sexiler, il a préféré se taire.

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1935

Publication des Nouvelles Nourritures de Gide. – En juin, Curtius voyage au Portugal et participe aux célébrations en lhonneur de Luis de Camões. Il poursuit son voyage à Paris où il revoit Gide.

1936

Candidature de Curtius à luniversité de Bâle (succession de Marcel Raymond). Cest Albert Béguin qui est finalement retenu, malgré les recommandations de la commission. – Invité par les autorités soviétiques, Gide se rend en URSS, en compagnie de Pierre Herbart. Il est rejoint par Louis Guilloux, Jef Last, Jacques Schiffrin et Eugène Dabit, qui y meurt. Très rapidement, il fait paraître Retour de lURSS. – Curtius publie « Calderón und die Malerei » (Romanische Forschungen, no 50, p. 89-136).

1937

Gide rompt avec le communisme avec la publication des Retouches à mon « Retour de lURSS ». La presse communiste réagit violemment.

1938

Le 17 avril, mort de Madeleine Gide à Cuverville. – Curtius prépare sa grande étude sur la littérature européenne et le Moyen Âge latin. Le 16 mai, il écrit à Jacques Heurgon : « Je suis tombé sur une veine presque inexplorée. Je devrais dire une vaste étendue de territoire. Il faut une véritable hybris pour saventurer à travers cette forêt vierge. » Curtius publie « Zur Literarästhetik des Mittelalters » (Zeitschrift für romanische Philologie, no 58, p. 1-50).

1939

Gide voyage en Égypte et en Grèce. Publication de son Journal (1889-1939) dans la « Bibliothèque de la Pléiade ». – Décès de Charles Du Bos. – Curtius passe ses dernières vacances avant le début de la guerre, à Mürren (Oberland bernois). Il retourne en Allemagne le 28 août. En décembre, le commandement militaire local lui demande sil lui est possible de quitter son poste ; grâce au doyen de la faculté de Bonn, il est libéré du service militaire. Plusieurs attaques issues des milieux universitaires nazis avaient pour but son licenciement. Ces milieux lui reprochaient de ne pas « sengager » suffisamment. Selon plusieurs témoignages, Curtius a énormément souffert de lévolution de la situation, à commencer par la catastrophe française de 1940.

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1939-1940

Lors du déclenchement des hostilités, Gide se trouve en cure au Mont-Dore. Il rejoint Nice puis Vence, et sinstalle à La Messuguière, chez Aline Mayrisch, à Cabris, pendant plus dun an. Il adopte une position attentiste. Il est ensuite accueilli par les Bussy, à Nice. Parution du dernier tome de ses Œuvres complètes.

1941

Gide rompt avec La NRF. En octobre, il sinstalle à Nice avec Catherine et Maria Van Rysselberghe. Première Interview imaginaire dans Le Figaro. Certains de ses dix-huit textes seront censurés.

1942

Gide sexile en Afrique du Nord. Il loge à Sidi Bou Saïd (Tunisie), puis à Tunis. – Dès août, la Rhénanie est le théâtre de bombardements.

1943

Publication en Suisse et aux États-Unis des Interviews imaginaires de Gide. Gide, invité par les Heurgon, quitte la Tunisie pour Alger. Il ira également au Maroc. – Curtius traduit Thésée de Gide. Il travaille avec acharnement à son opus magnum sur la littérature du Moyen Âge.

1944

Curtius est invité à faire des conférences au Portugal, mais le ministère correspondant du Reich nautorise pas ce voyage du fait que Curtius, « libéraliste pur et dur », était « trop distant à légard du national-socialisme ». En mars, lInstitut détudes romanes de Bonn est détruit avec une partie de sa bibliothèque. Lappartement de Curtius devient inhabitable. Entre septembre 1944 et mai 1945, les Curtius séjournent à Mönchshof, près de Niederbreisig (Rhénanie-Palatinat).

1945

Le 6 juin, retour de Gide à Paris. – Curtius reçoit des offres des universités de Hamburg et de Tübingen, mais refuse. À la fin de lannée, il visite Aline Mayrisch à Colpach.

1946

Thésée est publié chez Pantheon Books à New York. Gide refuse dentrer à lAcadémie française (malgré le souhait formulé par le général de Gaulle). Il voyage en Égypte et au Liban où il donne des conférences, comme plus tard en Allemagne et en Autriche. Sa traduction de Hamlet est mise en scène par Jean-Louis Barrault au théâtre Marigny. – Curtius renoue des liens épistolaires avec ses amis étrangers : Gide, Max Rychner, T. S. Eliot, etc. Il reprend ses cours à Bonn.

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Il continue à fasciner par son savoir, son entrain. Mais son élitisme ne plaît pas à tout le monde, tout comme son côté péremptoire. La littérature contemporaine ne lintéresse plus (en littérature française, il reconnaît ne pas y avoir observé de nouveaux sommets dans les vingt dernières années), puisquil dit volontiers que « le moderne se contente de peu ». Elle passe désormais au second plan, son grand travail ayant consisté à montrer la continuité de la littérature européenne entre lAntiquité et la modernité, en passant par le Moyen Âge latin.

1947

Décès dAline Mayrisch. – Publication confidentielle de Et nunc manet in te de Gide suivi des passages supprimés du Journal ayant trait à Madeleine aux éditions Ides et Calendes (Neuchâtel). Début de la publication du Théâtre complet (Neuchâtel, Ides et Calendes, 8 volumes). Gide se voit décerner le titre de docteur honoris causa de luniversité dOxford (où il se rend avec Catherine). Il est lauréat du prix Nobel de littérature le 13 novembre. Jean-Louis Barrault monte ladaptation du Procès de Kafka par Gide au théâtre Marigny. En juin-juillet, Gide passe trois semaines en Allemagne, va à Bonn et revoit Curtius.

1948

Lédition définitive des Notes sur Chopin de Gide est publiée aux Éditions de LArche. – Curtius publie son opus magnum, auquel il aura travaillé dix ans : Europäische Literatur und lateinisches Mittelalter (Berne, Francke Verlag). Ce livre souhaite mettre en évidence la continuité de la littérature européenne. En août, voyage à Mürren. Sur le chemin du retour, il rencontre son grand ami Max Rychner à Bâle.

1949

Gide subit une légère attaque cardiaque à Paris. Publication des Feuillets dautomne au Mercure de France et de lAnthologie de la poésie française dans la « Bibliothèque de la Pléiade ». Les trente-quatre entretiens radiophoniques de Gide avec Jean Amrouche sont diffusés par lORTF. Publication de sa Correspondance avec Paul Claudel (par les soins de Robert Mallet). Une exposition est organisée en son honneur par Marie Dormoy à la Bibliothèque littéraire Jacques-Doucet. Sa santé faiblit. – Parution de la traduction de Thésée de Gide

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par Curtius, débutée en 1947 (Stuttgart, DVA ; prépublication dans Merkur I, 1947-1948, et II, 1948). De juin à décembre, Curtius passe six mois aux États-Unis, en compagnie dAlbert Schweitzer : dabord à Aspen, Colorado, pour le Goethe bicentennial: The Medieval Bases of Western Thought, puis à lInstitute for Advanced Study à Princeton (New Jersey).

1950

Gide publie son Journal (1942-1949) chez Gallimard. Littérature engagée paraît par les soins dYvonne Davet. Voyage en Sicile avec Pierre Herbart. Les Caves du Vatican est monté par Jean Meyer à la Comédie-Française. Lors de la création (13 décembre), le président de la République Vincent Auriol est présent. – Le 21 janvier, Curtius prononce un discours à loccasion du prix Lessing quil se voit attribuer par la ville de Hamburg : « Literarische Kritik in Deutschland ». Il publie Kritische Essays zur europäischen Literatur (Berne, Francke Verlag) : ce volume réunit des articles sur Virgile, Goethe, Friedrich Schlegel, Balzac, Emerson, Stefan George, Hofmannsthal, Hesse, Unamuno, Ortega y Gasset, Ramon Pérez de Ayala, Eliot, Toynbee, Cocteau, et finit avec un brillant essai sur les Argonautes. En novembre, il se rend à Paris pour la semaine Balzac et voit Gide une dernière fois.

1951

Gide meurt des suites dune congestion pulmonaire le 19 février. Ses obsèques se déroulent à Cuverville. Six jours avant de mourir, lécrivain a mis le point final à Ainsi soit-il ou Les jeux sont faits, qui sera publié en 1952. La NRF fait paraître en novembre un numéro dhommage à lécrivain (Curtius lui consacre un article intitulé « Amitié de Gide »). Curtius écrit à Anne Heurgon : « Il y avait entre Gide et moi une amitié profonde et que je [ne] puis expliquer à personne. Elle différait de ses amitiés françaises. Je men rends bien compte en lisant les souvenirs de Mauriac, père et fils, de la Table Ronde. Entre Gide et moi la question du catholicisme ne se posait pas, ni la question du communisme, ni la question morale… Ni bien dautres questions encore. En revanche, nous avions en commun Goethe, Browning, Dante, Virgile. Mais ces noms ne marquent que dune façon symbolique le pays de notre amitié. Les sympathies ne sexpliquent pas.

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Cest le dernier de mes “grands aînés” qui sen va » (8 avril 1951). – Le 31 mars, Curtius devient professeur émérite et arrête lenseignement. Son dernier cours est consacré à Brise marine de Mallarmé : « La chair est triste, hélas ! et jai lu tous les livres. / Fuir ! là-bas fuir ! [] / Je partirai ! » Il reçoit la plaquette Goethe, distinction importante de la ville de Francfort-sur-le-Main. Le 20 juin, on lui décerne le titre de docteur honoris causa de luniversité de Glasgow à loccasion de la célébration des cinq cents ans de luniversité.

1952

Curtius republie Französischer Geist im zwanzigsten Jahrhundert (Berne, Francke Verlag), qui reprend pour partie Les Pionniers littéraires. Il publie également un essai sur Marcel Proust (Berlin/Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp Verlag). Le 31 mai, il est décoré de lordre national du Mérite. Fin octobre, il connaît des problèmes de santé altérant ses capacités à sexprimer et à écrire.

1954

En novembre, Curtius est fait docteur honoris causa par la Sorbonne. Il est le premier Allemand à recevoir cet honneur après la guerre. Claude David publie la traduction française de Kritische Essays zur europäischen Literatur : Essais sur la littérature européenne (Grasset). – Publication (posthume) de Journal 1939-1949. Souvenirs dAndré Gide.

1954-1955

De novembre 1954 à mai 1955, Curtius séjourne à Rome avec sa femme.

1956

Décès à Rome dErnst Robert Curtius le 19 avril, cinq jours après son 70e anniversaire. Son corps est rapatrié à Fribourg-en-Brisgau, où il est enterré dans la tombe familiale des Erlenbach. Selon Jacques Heurgon, « il est beau que Curtius lui-même soit mort à Rome ». Jean Schlumberger note, dans Le Figaro du 28 avril : « Avec lui, la littérature française perd le plus compréhensif et en même temps le plus courageux des commentateurs quelle ait eu hors de nos frontières. » Max Rychner et Walter Boehlich avaient préparé un volume de mélanges, Freundesgabe für Ernst Robert Curtius zum 14. April 1956 (Berne, 1956). Publication française de Europäische Literatur und Lateinisches Mittelalter, traduit par Jean Bréjoux : La Littérature européenne et le Moyen Âge latin (PUF).

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1960

Publication des deux ouvrages posthumes de Curtius, Gesammelte Aufsätze zur romanischen Philologie (Berne, Francke Verlag), et Büchertagebuch (Berne, Francke Verlag, avec une postface de Max Rychner).

1980

Publication par Herbert et Jane M. Dieckmann, de Deutsch-französische Gespräche 1920-1950. La Correspondance de Ernst Robert Curtius avec André Gide, Charles Du Bos, Valery Larbaud (Francfort-sur-le-Main, Vittorio Klostermann).