ÉTABLISSEMENT DU TEXTE

Nous avons pris comme texte de base celui de l’édition originale (1660) :

STILICON, / TRAGEDIE. / [coupe de fruits] / Imprimé à ROVEN, Et se vend / A PARIS, / Chez AVGUSTIN COVRBÉ, au Palais, en la / Gallerie des Merciers, à la Palme. / Et / GVILLAVME DELVYNE, Libraire Iuré, / dans la mesme Gallerie, / à la Iustice. / [filet] / M.DC.LX. / AVEC PRIVILEGE DV ROY.

In-12 de 6 f. non ch. et 88 p. Privilège du 3 mai 1660, accordé à Guillaume de Luyne, qui y associe Augustin Courbé. Enregistrement sur le Livre de la Communauté des Libraires le 5 mai 1660. Achevé d’imprimer du 16 août 1660, chez L. Maurry à Rouen. Bibliothèque nationale de France : 8-RF-2702.

La numérotation des pages de l’édition originale est indiquée entre crochets.

Thomas et son frère ne quittèrent Rouen pour s’installer à Paris qu’au mois d’octobre 1662. Pendant de longues années ils firent imprimer leurs pièces (parfois « aux dépens de l’auteur ») par Laurent II Maurry, imprimeur rouennais, puis conclurent des accords avec des libraires parisiens pour la vente. Ainsi ils pouvaient mieux contrôler la fabrication de leurs textes et surtout la correction des épreuves. Maurry mourut en 1670. La Mort d’Annibal, achevée d’imprimer le 12 avril 1670, fut sa dernière contribution à l’œuvre de Thomas Corneille.

Nous avons collationné les éditions suivantes :

1661. STILICON, / TRAGEDIE. / [coupe de fruits] / A PARIS, / Chez GVILLAVME DE LVYNE, Libraire / Iuré, dans la Galerie des 38Merciers, / à la Iustice. / [filet] / M.DC.LXI. / AVEC PRIVILEGE DV ROY.

In-12 de 7 f. non ch. et 82 p. Privilège du 3 mai 1660. Enregistrement du 5 mai 1660. Achevé d’imprimer du 8 janvier 1661. Bibliothèque nationale de France : 8-RF-2703.

Cette édition est une contrefaçon, imprimée à Grenoble par Philippe Charvys. D’une impression moins soignée que l’originale, elle comporte plusieurs coquilles. Le nombre de virgules, en fin de vers mais aussi à l’hémistiche pour marquer la césure, est nettement plus élevé que dans le texte de 1660 ; une virgule est introduite systématiquement après et, le plus souvent, avant le mot enfin. Par contre, la quantité de majuscules est réduite (accord, amour, assassin, avenir, barbare, complice, compte, coupable, destin, état, innocent, jardin, maître, nature, ombre, paix, parricide, règne, sort, sujet, traître), mais de nouvelles capitales sont introduites également (Armée, Arrêt, Auteur, Empire, Enfer, Gendre, Hymen, Maître).

1664. STILICON, / TRAGEDIE. / [coupe de fleurs] / A ROVEN, Et se vend / A PARIS, / Chez THOMAS IOLLY, au Palais, dans la / petite Salle, à la Palme, & aux Armes / de Hollande. / [filet] / M.DC.LXIV. / AVEC PRIVILEGE DV ROY.

In-12 de 5 f. non ch. et 88 p. Privilège du 3 mai 1660. Enregistrement du 5 mai 1660. Achevé d’imprimer du 16 août 1660. (Cette 2e édition reprend l’achevé de l’édition originale). Bibliothèque nationale de France : RES-YF-3977.

À l’extrait du privilège accordé le 3 mai 1660 sont ajoutés ces mots : « Du depuis ledit sieur Courbé a transporté le droit qu’il auoit audit Priuilege cy-dessus, aux Sieurs Thomas Iolly & Loüis Billaine Marchands Libraires à Paris ». Jolly reproduit, à une douzaine de variantes et quelques menus détails de ponctuation près, le texte de l’édition originale de 1660.

1666. POËMES / DRAMATIQVES / DE / T. CORNEILLE. / III. PARTIE. / [fleuron] / A PARIS, / Chez THOMAS IOLLY, au Palais, dans la / Salle des Merciers, à la Palme, & / aux Armes de Hollande. / [filet] / M.DC.LXVI. / AVEC PRIVILEGE DV ROY.

In-8. Pagination continue : Stilicon aux p. 105-205. Privilège du t. III du 3 décembre 1657, accordé à Augustin Courbé, 39qui y associe Guillaume de Luyne. « Et ledit Courbé a cedé sa moitié à Thomas Iolly et Loüis Billaine, aussi Marchands Libraires à Paris, pour en ioüir suiuant l’accord fait entr’eux. » Enregistrement du 10 décembre 1657. Achevé d’imprimer du 30 octobre 1665. Bibliothèque nationale de France : YF-2564.

Quelques virgules remplacées par des points-virgules ou vice-versa : voici l’essentiel en ce qui concerne les variantes de ce texte tiré d’un volume collectif qui contient plusieurs coquilles.

1669A. POËMES / DRAMATIQVES / DE / T. CORNEILLE. / III. PARTIE. / [marque] / A ROVEN, Et se vendent / A PARIS, / Chez LOVIS BILLAINE, au Palais, / au second Pilier de la grand’ Salle, à la / Palme, & au grand Cesar / [filet] / M.DC.LXIX. / AVEC PRIVILEGE DU ROY.

In-12. Pagination continue : Stilicon aux p. 95-182. Privilège du t. IIIen date du 3 décembre 1657, accordé à Augustin Courbé. « Et ledit Sieur Courbé a associé audit Privilege le Sieur de Luyne aussi Marchand Libraire ». « Et du depuis ledit Sieur Courbé a cedé les droits qu’il avoit au susdit Privilege aux Sieurs Thomas Iolly & Louis Billaine, suivant l’accord fait entr’eux ». « Cette Édition achevée d’imprimer au mois d’Avril 1669, A ROVEN par le susdit L. MAVRRY ». Bibliothèque nationale de France : YF-2567.

1669B. POËMES / DRAMATIQVES / DE / T. CORNEILLE. / III. PARTIE.[coupe defruits] / A ROVEN, Et se vendent / A PARIS, / Chez GVILLAVME DE LVYNE, Libraire / Iuré, au Palais, en la Gallerie des / Merciers, à la Iustice. / [filet] / M.DC.LXIX. / AVEC PRIVILEGE DU ROY.

In-12. Pagination continue : Stilicon aux p. 71-145. Même privilège etc. que pour 1669A. Bibliothèque nationale de France : 8-RF-2651(3).

Deux éditions des Poèmes dramatiques de Thomas Corneille sont sorties en 1669 à Paris, chez Guillaume de Luyne, Thomas Jolly et Louis Billaine (voir Émile Picot, Bibliographie cornélienne, Paris, A. Fontaine, 1876, p. 145-148 où elles sont désignées par les numéros 110 et 111). Comme le dit Picot, le texte du théâtre de la deuxième impression (notre 1669B) est beaucoup plus compact que la première, les noms des interlocuteurs étant indiqués 40par des initiales placées à la marge, la plupart des didascalies renvoyées en bas de la page et les tirades imprimées sans déplacements à la ligne. « Il est vrai que le papier est moins beau, mais les caractères, les lettres ornées et les fleurons sont identiques, et les feuillets préliminaires […] ont certainement été imprimés sur la même composition. […] » (p. 147).

1682. POËMES / DRAMATIQUES / DE / T. CORNEILLE. / III. PARTIE. / [vase de fleurs] / A PARIS, / Chez GUILLAUME DE LUYNE, Libraire Juré, au / Palais, dans la Salle des Merciers, sous la montée / de la Cour des Aydes, à la Justice. / [filet] / M.DC.LXXXII. / AVEC PRIVILEGE DU ROY.

In-12. Pagination continue : Stilicon aux p. 95-182. Le t. III ne comporte pas d’extrait de privilège. Bibliothèque nationale de France : 8-RF-2652(3).

En novembre 1682 Jean Donneau de Visé écrit dans le Mercure galant : « Le Sieur de Luyne, Libraire au Palais, a fait une nouvelle Édition des Œuvres de Messieurs de Corneille, beaucoup plus correcte que les précédentes. Elles sont divisées en neuf Volumes, qui contiennent soixante et deux Pièces de Théâtre […] Les cinq derniers Volumes de cette nouvelle Édition contiennent trente Pièces du Frère de ce grand Auteur, connu depuis si longtemps sous le nom de Monsieur de Corneille le Jeune. Les succès de D. Bertrand, du Feint Astrologue, du Géolier de Soi-même, et du Baron d’Albikrac, pour le Comique ; De Timocrate, de la Mort de Commode, de Camma, de Stilicon, d’Ariane, et du Comte d’Essex, pour le Tragique, et de Circé et de l’Inconnu, pour le Spectacle, et pour le Galant, me donneraient lieu de vous en vanter les différentes beautés, si par le pouvoir que l’amitié lui donne sur moi, il ne me forçait pas à me taire sur les choses qui le touchent » (p. 293-294, 299-300).

1692. POEMES / DRAMATIQUES / DE / T. CORNEILLE. / III. PARTIE. / [vase de fleurs] / A PARIS, / Chez PIERRE TRABOUILLET au Palais, dans la / Gallerie des Prisonniers à l’Image S. Hubert, / & à la Fortune proche le Greffe des / Eaux & Forests. / [filet] / M.DC.LXXXXII. / AVEC PRIVILEGE DU ROY.

In-12. Pagination continue : Stilicon aux p. 3-90. (Dans cette édition, Stilicon précède Le Galant doublé.) Le t. III ne comporte pas d’extrait de privilège. Bibliothèque nationale de France : YF-2580.

Dans le Mercure galant de janvier 1692 on lit : « Vous vous êtes plainte plusieurs fois, ainsi que bien d’autres, du peu de soin que les Libraires de Paris avaient eu des Œuvres de Mrs Corneille Frères, dont ils donnèrent en 1682 une Édition en neuf volumes si pleine de fautes, soit pour un grand nombre de Vers entiers oubliés, soit pour une infinité de mots changés, ou omis, qu’on peut dire que c’est ne les point avoir, que de les avoir d’une édition si défectueuse. » (p. 169-170). Et plus loin, parlant de l’édition de 1692 : « On trouvera plusieurs changements dans les cinq volumes qui ont pour titre, Poèmes Dramatiques, et qui sont de Mr[Thomas] Corneille son Frère. Ces changements regardent ce qu’il a trouvé dans ses Pièces de moins correct pour la Langue, et surtout plusieurs façons de parler, qui étaient encore autorisés par l’Usage il y a vingt ans, comme alors que, pour lors que, lors pour alors, dedans, dessus, et dessous, pour dans, sur et sous. » (p. 170-171).

Mais Thomas a procédé à un toilettage autrement détaillé de son texte. L’édition originale de Stilicon et ses successeurs présentent des accumulations d’alexandrins terminés par une virgule, alors que la révision de 1692 introduit partout une ponctuation plus forte et, en quelque sorte, plus moderne. Ainsi des virgules sont remplacées par des points-virgules à l’intérieur mais surtout en fin de vers. D’autres virgules en fin de vers deviennent des points. Des points remplacent des points-virgules ou vice-versa. De nouvelles virgules sont introduites, à l’intérieur et en fin des vers. Par contre, certaines virgules sont enlevées. Enfin, quelques points d’interrogation ou d’exclamation sont introduits ou changés. Par rapport à l’édition originale, quelques substantifs prennent systématiquement une majuscule en 1692, alors que d’autres la perdent. Il serait fastidieux de reproduire toutes ces modifications dans une liste de variantes. Comme indiqué dans la section de notre Introduction intitulée « Principes de l’édition », nous avons préféré nous conformer à la ponctuation de l’édition originale, sauf dans les rares cas où un changement est exigé pour la compréhension du texte.

1698. POEMES / DRAMATIQUES / DE / T. CORNEILLE. / TROISIEME PARTIE. / [fleuron] / A LYON, / Chez LAURENS BACHELU fils, / ruë Neuve, à S. Joseph. / [filet] / M.DC.XCVIII. / AVEC PRIVILEGE DU ROY.

In-12. Pagination continue : Stilicon aux p. 3-90. (Dans cette édition, Stilicon précède Le Galant doublé.) Le t. III ne comporte 42pas d’extrait de privilège. Taylor Institution Library, Oxford : UNS.157.D.3.

À l’exception de plusieurs coquilles, cette édition lyonnaise reproduit le texte de la révision de 1692 dont elle suit scrupuleusement la ponctuation et la capitalisation. Pourtant, quelques changements sont introduits dans l’orthographe, par exemple : vostre > vôtre, tasche > tâche, -oy > -oi (quoy > quoi, etc), je sçay > je scai, même si la modernisation n’est pas cohérente, car temps devient tems, accordacord, appelleapelle et ainsi de suite.

1706. POEMES / DRAMATIQUES / DE / T. CORNEILLE. / NOUVELLE EDITION, / revûë, corrigée, & augmentée. / SECONDE PARTIE. / [fleuron] / A PARIS, / Chez CHARLES OSMONT, ruë S. Jacques, / au coin de la ruë de la Parcheminerie, / à l’Ecu de France. / [filet] / M.DCC.VI. / AVEC PRIVILEGE DU ROI.

In-12. Pagination continue : Stilicon aux p. 467-540. (Dans cette édition, Stilicon précède Le Galant doublé, qui ouvre le t. III.) Pas de dédicace. Le t. IIne comporte pas d’extrait de privilège. Bibliothèque nationale de France : YF-2584.

Dans cette édition, la dernière à paraître en France avant la mort de l’auteur, il y a quelques nouvelles leçons, aux v. 307 (illustre > noble), 617 (sang > rang) et 1365 (Non que j’ose douter > Non je n’ose douter). On remarque aussi des signes de la modernisation de la langue : avec deux exceptions (v. 892 et 917), l’expression Et bien devient Eh bien (v. 88, 481, 1129, 1189, 1472, 1521, 1744, 1869 et 1937) et aux v. 316 et 678 le pronom complément de l’infinitif se place devant l’infinitif et non plus devant le verbe qui le régit.

Je tiens à remercier mon ami David Thomas pour son aide précieuse dans le collationnement de certaines de ces éditions.