AVERTISSEMENT

J’écrivis cette histoire au moment où sa conclusion m’avait affectée si sensiblement, que je fus forcée d’y employer toute la nuit qui la suivit. Ce fut précisément le jour où l’on apprit à Londres, la bataille que le maréchal d’Estrée1 avait gagnée sur les Anglais, et qui, soit dit en passant, les jeta dans la plus grande consternation2. Je prie le lecteur de se rappeler cette date, que j’ai oubliée ; cela est important pour moi, qui n’aimerais pas à passer pour plagiaire.

Plusieurs années après, il me tomba entre les mains une comédie, intitulée le Fils Naturel3, où je trouvai une scène que j’aurais cru avoir été faite d’après celle où Dorante et Julie reconnurent leur faute. Assurément elle était originale ; mon manuscrit n’était point sorti de mes mains. Et monsieur Diderot est assez riche de son fonds, sans rien emprunter aux autres. Sans avoir des idées aussi abondantes, j’ose assurer le public que je n’ai point puisé chez lui ; et que cette histoire, dont le fond est très vrai, m’a seule offert le canevas que j’ai rempli. Celle qui va suivre n’est pas moins vraie, et prouve la nécessité de se conduire toujours par cette maxime :

Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fît.