Matières/manières
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Considérant – Revue du droit imaginé
2024, n° 6. varia - Auteurs : Bareït (Nicolas), Connil (Damien)
- Résumé : L’analyse des représentations de l’Union européenne au cinéma et dans les séries télévisées confirme l’intérêt d’une approche thématique, par matières, du droit imaginé. Elle conduit également à s’interroger sur l’opportunité de compléter, voire dépasser, une telle approche en engageant aussi une réflexion méthodologique, centrée sur les manières d’appréhender le droit imaginé.
- Pages : 11 à 13
- Revue : Considérant – Revue du droit imaginé
- Thème CLIL : 3260 -- DROIT -- Droit général
- EAN : 9782406165958
- ISBN : 978-2-406-16595-8
- ISSN : 2729-2177
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-16595-8.p.0011
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 27/03/2024
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français
- Mots-clés : droit imaginé, thème, méthode, Union européenne, représentation, image
MATIÈRES/MANIÈRES
Dans l’exploration du droit imaginé, il est des domaines, des thèmes, des matières qui s’imposent en raison de leur évidence. De leur récurrence, aussi : le Président des États-Unis à l’écran, le procès pénal en littérature, Kafka, Shakespeare, l’utopie et la dystopie, l’univers carcéral. Ce ne sont que des exemples.
Certains phénomènes juridiques, normes ou institutions, semblent, au contraire, échapper à la représentation. Mais ce n’est qu’une première impression. Le contentieux du surendettement ? Il anime D’autres vies que la mienne d’Emmanuel Carrère1. Le Tribunal arbitral du sport ? Il donne lieu à un épisode passionnant de The Good Wife2. La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 ? Elle est mise en musique par Max Richter3. Ce ne sont, encore, que des exemples.
L’Union européenne – ses institutions et ses normes – pourrait figurer dans ce groupe. En effet, comment faire de la littérature avec des directives ? Comment rendre photogénique la Commission européenne ? Comment guider le spectateur dans les coulisses du Parlement européen ? De nouveau, la première impression est trompeuse. Ainsi, du côté de la littérature, les rouages du Parlement européen sont au cœur de la mécanique policière des Compromis de Maxime Calligaro et Éric Gardère4. Dans La Clé USB et Les Émotions de Jean-Philippe Toussaint5, le narrateur et protagoniste principal est fonctionnaire à la Commission européenne. Dans Parlement, le « héros » est assistant 12parlementaire6 – et nous voici du côté de l’image. À cet égard, certains ont pu souligner la rareté des films consacrés à l’Union européenne :
Comme en écho de compétences et d’un poids budgétaire insuffisamment expliqués aux citoyens, les cinéastes s’emparent peu de ce sujet7.
Or ce peu – ou cette impression de peu – est déjà quelque chose. Il y a là matière à analyser – à décrire et à comprendre. Telle a été la conviction profonde des organisateurs du colloque qui s’est tenu à Limoges le 23 février 2023 sur le thème : « Union européenne, cinéma et séries TV ». Colloque fructueux à l’occasion duquel des chercheurs venus des quatre coins du continent européen (est-ce un hasard ?) ont observé l’Europe à l’écran afin de saisir comment ses organes étaient exposés, ses règles mises en perspective, ses objectifs et ses valeurs critiqués.
Le fruit de ces réflexions est proposé dans les pages qui suivent. Et chacune de ces pages conforte une idée plus générale : finalement, tout phénomène juridique peut donner lieu à représentation(s).
Qui cherche trouve et le temps est le meilleur allié du chercheur. Tôt ou tard, un texte, un épisode de série, un film traiteront du recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif, de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution de la Ve République ou de la fiducie. Peut-être est-ce déjà le cas, d’ailleurs. En ce sens, le droit imaginé est inépuisable. Ce qui, selon le tempérament, enthousiasme ou donne le vertige.
Dans The West Wing, le Président Bartlet demande régulièrement à ses assistants et collaborateurs : « What’s next ? ». « Quelle est la suite ? ». Pour nous aussi, la question se pose et se fait de plus en plus insistante8. Que faire désormais ? Continuer à décliner les matières du droit imaginé, nourrir un peu plus la bibliothèque « Droit et Littérature », compléter encore le catalogue « Droit et Cinéma », visiter davantage les musées, multiplier les coups de sonde dans les imaginaires individuels et collectifs ? Pour décrire, comprendre, expliquer. 13Ou bien s’arrêter sur les manières, sur les méthodes, sur les façons de lire, les pratiques de visionnage, les concepts à mobiliser, les catégories pour penser le droit imaginé ? What’s next ? Matières ou manières ? Matières et manières ? À suivre…
Nicolas Bareït et Damien Connil
1 Paris, P.O.L, 2009.
2 S4E12, « Je Ne Sais What ? » (« La Tour de Babel » en version française).
3 V. Considérant – Revue du droit imaginé, no 4, 2022, p. 280-281.
4 Paris, Payot et Rivages, coll. Rivages/Noir, 2019. V. Bareït, Nicolas et Connil, Damien, « Représenter les représentants », Considérant – Revue du droit imaginé, no 2, 2020, p. 11.
5 La Clé USB, Paris, Éditions de Minuit, 2019 ; Les Émotions, Paris, Éditions de Minuit, 2020.
6 V. Considérant – Revue du droit imaginé, no 3, 2021, p. 243-244.
7 V. Andrieu, Louis, « L’Union européenne au cinéma », Esprit, no 487-488, 2022, p. 190.
8 V. déjà Bareït, Nicolas et Connil, Damien, « Explorations », Considérant – Revue du droit imaginé, no 5, 2023, p. 12.