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Classiques Garnier

Les synonymes dans l’arène révolutionnaire

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : Classer les mots, classer les choses. Synonymie, analogie et métaphore au xviiie siècle
  • Auteur : Roger (Phillippe)
  • Résumé : Que la question de la synonymie ait pu se frayer un chemin jusque dans les polémiques politiques de la période révolutionnaire est moins surprenant qu’il n’y paraît. Polémistes et publicistes, en effet, recourent volontiers à la forme dictionnaire, qui a fait ses preuves. Quant à la synonymie, elle se donne elle-même, dès avant la Révolution, pour « philosophique » (Roubaud, Condillac). Ajoutons qu’elle jouit alors d’une véritable vogue, qu’enregistre Rivarol. Chez les pamphlétaires de la période révolutionnaire, la référence à la synonymie est parfois ouvertement revendiquée, entre captation et pastiche. Ainsi dans le pamphlet anonyme intitulé Synonymes nouveaux (1790 ?) dont l’analyse révèle à la fois l’attrait qu’exerce cette forme (avec ses mises en équivalence rapides et péremptoires) mais aussi les difficultés que son peu de souplesse oppose à ceux qui l’adoptent. Impossible d’en jouer le jeu très longtemps sans tricher ; mais cette impossibilité reflète elle-même ce que la synonymie grammairienne et philosophique comportait d’impureté dans sa démarche. La pseudo-synonymie de Synonymes nouveaux, tout en mimant les formes antérieures, travaille à amalgamer des significations et non à distinguer entre elles. Au lieu d’être un « nuancier » du sens, cette synonymie pamphlétaire impose des identifications brutales et sans nuances. Alignant les « grands mots » de la révolution en chapelets pseudo-synonymiques, le pamphlétaire contre-révolutionnaire en affiche l’ultime insignifiance. Le second texte analysé date de la période thermidorienne et s’intitule Les Synonimes jacobites (1795). À première vue, il reproduit plus fidèlement le dispositif du dictionnaire de synonymes, en présentant en vis-à-vis, sur une même ligne, deux signifiants à la fois séparés et reliés par une série de points de suspension. Mais il s’agit là encore d’un jeu, et plus complexe encore, puisque ce pseudo-dictionnaire est tout à la fois un conte, une saynète, un dialogue politique et un croquis parisien. La mise en scène synonymique sert ici, non plus à dégonfler les baudruches verbales de la révolution commençante, mais à expliquer l’énigme des mots d’ordre terroristes. Le pamphlet pseudo-synonymique a évolué avec la conjoncture historique, mais il est à noter que, royaliste ici, et là républicain anti-terroriste, il prône dans les deux cas un retour à l’ordre. Aussi voit-on sans surprise la synonymie politique et le débat qu’elle suscite reprendre, après une éclipse, pendant la Restauration – en particulier dans le Conservateur littéraire des frères Hugo. Le recours contre-révolutionnaire ou conservateur à la synonymie apparaît donc comme la réplique, d’ampleur modeste et de moyens limités, donnée à la novation révolutionnaire et, en fin de compte, comme une démarche anti-néologique.
  • Pages : 115 à 134
  • Collection : Rencontres, n° 100
  • Série : Le dix-huitième siècle, n° 10
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782812432095
  • ISBN : 978-2-8124-3209-5
  • ISSN : 2261-1851
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-3209-5.p.0115
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 16/12/2014
  • Langue : Français