Avant-propos
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Classer les mots, classer les choses. Synonymie, analogie et métaphore au xviiie siècle
- Auteurs : Delon (Michel), Thoma (Heinz)
- Pages : 7 à 8
- Collection : Rencontres, n° 100
- Série : Le dix-huitième siècle, n° 10
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782812432095
- ISBN : 978-2-8124-3209-5
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-3209-5.p.0007
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 16/12/2014
- Langue : Français
Avant-propos
Au cours des dernières décennies une refonte complète du statut de la rhétorique au xviiie siècle a été entamée. C’est en effet l’époque où le code semble céder le pas à une « naturalisation » de l’expression de la pensée et des émotions. Deux études majeures, l’une française, l’autre allemande, ont largement contribué à la connaissance de ce changement de paradigme. Du côté français, c’est le grand volume sur l’Histoire de la rhétorique dans l’Europe moderne : 1450-1950 (1980, 3. éd. 2002) édité par Marc Fumaroli qui a ouvert la brèche, tandis qu’en Allemagne le livre de Dietmar Till sur les Transformationen der Rhetorik im 17. und 18. Jahrhundert (2004) a pu nous brosser un tableau plus nuancé qui, certes, a nettement tendance à dépasser la tradition rhétorique au profit d’un discours mettant au centre les notions de vérité, de naturel et d’authenticité des sentiments, mais qui ne renonce pas pour autant aux procédés de coutume.
C’est dans le cadre de cette discussion que s’insère le colloque sur la synonymie, l’analogie et la métaphore, fruit d’une coopération entre le Centre d’étude des xviie et xviiie siècles (CELLF 17-18) à la Sorbonne et du Landesforschungsschwerpunkt « Aufklärung-Religion-Wissen » de l’université Martin-Luther de Halle-Wittenberg qui, au xviiie siècle, à côté de Gœttingue, faisait office de centre de réformes face à l’orthodoxie protestante.
La préparation de ce colloque ainsi que sa réalisation ont bel et bien montré les différences d’approche propres aux partenaires de la coopération et la complémentarité de leurs apports respectifs. Tandis que du côté français on proposait de mettre au centre de la discussion la synonymie, le côté allemand insistait sur la nécessité de discuter des procédés supplémentaires, telle l’analogie, capables d’exprimer la ressemblance avec pour effet de mettre en relief le potentiel analytique des figures de rhétorique. Le programme définitif est venu confirmer ces choix préalables. La synonymie fait partie intégrante de l’héritage de la
culture classique française, de sa capacité de variation, de distinction et du bien dire dans la conversation, mais devient un outil de réflexion philosophique chez Condillac (dans le Dictionnaire des synonymes, 1751) et chez les encyclopédistes. Elle ne manque pas de se retrouver dans les contributions qui portent sur sa place dans les dictionnaires, sur sa fonction ainsi que de de son impact culturel, tandis que l’analogie trouve sa place au sein des contributions à perspective plus théorique, s’appuyant sur des textes allemands. Les exemples particuliers alternent avec des analyses abstraites, les œuvres littéraires entrent en série avec des textes scientifiques. Fort heureusement, les participants n’ont pas toujours suivi à la lettre les « données » de leur matrice culturelle. Sont ainsi à l’affiche des « synonymistes » allemands tout comme des « analogistes » francophones, sans que soient omises d’autres pistes pour autant. Diderot et Kleist, auteurs d’études sur la pantomime, scarabées et fluides électriques donnent lieu à une réflexion sur l’analogie. Finalement, on retrouve aussi la métaphore, celle de l’imaginaire comme celle de l’orage dans la Révolution. Polyphonie donc et heureux résultat d’une coopération à prolonger pour mieux comprendre les catégories intellectuelles et les mutations décisives dans l’Europe du xviiie siècle.
Michel Delon
et Heinz Thoma