Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Cioran, archives paradoxales. Tome VI. Nouvelles approches critiques
- Pages : 271 à 275
- Collection : Rencontres, n° 546
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782406130321
- ISBN : 978-2-406-13032-1
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-13032-1.p.0271
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 03/08/2022
- Langue : Français
Résumés
Aurélien Demars, « Introduction. Le raté exemplaire et l’apothéose de l’échec selon Cioran »
Aucune question ne semble plus grave que celle de l’échec existentiel, parce qu’il remet en cause toute une vie, en détruit le sens, en démolit les valeurs fondamentales, parce que l’échec ronge, brûle et tue. Or, Cioran cultive une véritable passion de l’échec. Comment comprendre l’étrange exaltation qu’il en éprouve et sa déconcertante admiration pour les ratés ? Il s’agira d’élucider de qui et de quoi procède cette énigmatique conception cioranienne de l’échec.
Patrice Bollon, « Variations sur l’échec et ses doubles »
L’échec est un des thèmes centraux de Cioran, mais qui reste en partie latent. En croisant ses réflexions sur le non-sens de la naissance, de la mort et de la vie, on peut néanmoins extraire de son œuvre une ontologie de l’échec. Cioran a émis également certaines remarques éparses qui ouvrent sur une philosophie de l’existence. Cet article rapproche celle-ci de cette morale elle aussi demeurée en partie informulée qu’est le dandysme, en décrit le mouvement et en pointe les limites.
Pierre Garrigues, « De l’urgence de ne pas réussir »
« Ne pas réussir » (Fondane) semble un bon synonyme d’échouer sans en avoir la nature assertive : il est aussi aporétique de réussir à échouer que d’échouer à échouer. Il faut distinguer l’usage transitif ou non de ces verbes et les contextualiser. Ainsi nous pourrions distinguer le(s) ratage(s) dans la vie du ratage de sa vie. Si ne pas réussir est une forme de structuration du désir, de paradoxes en truismes, l’injonction de Beckett, « échouer mieux », pourrait convenir au ratage cioranien.
272Alfredo Abad, « La séduction de l’échec. Cioran et l’exégèse de la ruine »
Dans l’œuvre de Cioran, il y a un intérêt pour l’échec et ce qu’il représente comme mode d’interprétation anthropologique. Les particularités de l’échec constituent une exégèse de l’homme lui-même, à partir de laquelle il est possible d’identifier les expériences fondamentales de vide et d’ennui. Le déséquilibre humain représente cependant une référence équivoque, parce que « le pessimisme » cioranien peut être vu paradoxalement comme une force vitale.
Rodrigo Inácio R. Sá Menezes, « Hantise de l’échec essentiel. L’autopoïétique d’un “Virtuose du Fiasco” »
Une exégèse de « hantise de l’essentiel » (Précis de décomposition) est réinterprétée comme la « hantise d’un échec essentiel ». En vertu de cette hantise-limite, Cioran s’avère, paradoxalement, un auteur moderne et antimoderne à la fois. L’échec est la version moderne du néant ; son expérience nous révèle l’essentiel à l’égard de l’existence. Bien plus qu’une contingence redoutable, l’échec est un impératif, la seule forme de perfection à la portée de l’esprit trop exigeant, difficile dans ce qu’il fait.
Joseph Acquisto, « De l’impossibilité de l’échec chez Emil Cioran »
L’échec, bien qu’il soit inévitable et même désirable dans la pensée cioranienne, s’avère en fin de compte impossible, au moins dans les termes selon lesquels l’on comprend habituellement cette idée. Les œuvres de Cioran rejettent, malgré les apparences, une simple opposition entre l’échec et la réussite en faveur d’une approche dialectique qui mène à une réévaluation de l’interdépendance et de l’inséparabilité des deux notions.
François Demont, « Écrire l’échec ou comment exister pour Cioran dans le champ littéraire ? »
Dans cet article, nous montrons que si le thème de l’échec participe du discours philosophique de Cioran dès le début de sa carrière en Roumanie, celui-ci met tout particulièrement l’accent sur l’aspect positif de l’échec une fois exilé en France. En insistant sur la dimension personnelle de son échec, il met alors en scène son statut d’auteur « raté » dans un but à la fois stratégique (gagner la sympathie de ses lecteurs) et thérapeutique (se consoler lors des moments les plus difficiles de sa carrière).
273Vincent Berthelier, « Cioran, philosophe raté ? »
Cet article met en avant les affinités entre Cioran et la phénoménologie, à partir de sa description de l’insomnie, qui peut être abordée à la lumière de la pensée lévinassienne, et de sa réflexion sur la technique, qui puise dans l’appareil conceptuel heideggérien. On voit ainsi l’œuvre cioranienne hésiter entre une analyse plus nettement philosophique des rapports de la conscience au monde et le déploiement d’une prose littéraire, lyrique ou pamphlétaire.
Pierre-Emmanuel Dauzat, « Cioran et le corpus juif. Une lecture en échec »
L’intérêt de Cioran pour l’histoire des religions est évident aux yeux de tout lecteur. Nombre de travaux le présentent cependant comme un connaisseur du corpus juif : Talmud ou Zohar. Qu’en est-il de ses références ? Que nous révèlent de son approche les rares citations qu’il fait des textes rabbiniques, hors Ancien Testament ? La « seconde main » et la fascination de l’aphorisme expliquent l’échec d’une lecture ne cessant de christianiser un corpus demeuré incompris et multipliant les contresens.
Jean-Pierre Chopin, « Cioran, éthique et esthétique de l’échec »
La lecture de Cioran peut nous inviter à une éthique et une esthétique existentielles par le réveil d’une conscience tragique qui nous interdit aussi bien la paix des bêtes que le confort des certitudes. Paradoxalement sa lucidité à la fois assassine et jubilatoire peut devenir une propédeutique de l’Espérance contre les faux espoirs et les illusions optimistes qui conduisent au véritable désespoir.
Mihaela-Genţiana Stănişor, « L’échec de l’amour et l’amour de l’échec chez Cioran »
Nous nous proposons d’analyser la relation qu’entretient l’échec avec l’amour dans le livre Fenêtre sur le Rien. Nous insistons sur la mise en forme d’une onto-poétique du ratage où l’amour, la femme et la mort jouent un rôle essentiel. La maladie spirituelle dont souffre Cioran est la catholite, qui se caractérise par une lucidité particulière qui renvoie l’esprit au sentiment du néant, de la perte de soi tragique. C’est pourquoi ce qui définit l’esprit créateur cioranien est la passion de l’échec.
274Simona Modreanu, « La dignité de l’exclu »
L’ennui cioranien est une absence d’intensité, un vide essentiel, définissant la condition humaine, reposant sur un équilibre instable entre le vide du cœur et le vide du monde. Inutilité, vide, ennui, oisiveté, marginalité, entre-deux : dans le monde de Cioran, il n’y a pas de place pour les projets ou les accomplissements, il y a juste la possibilité d’une lucidité tranchante, mais digne.
Stéphane Barsacq, « Lettre à Mihaela-Genţiana Stănişor »
En réponse à une invitation de M.-G. Stănişor à méditer sur le rapport de Cioran à l’échec, l’article revient sur les florissants paradoxes d’une œuvre qui a triomphé au Panthéon des lettres et qui s’est pourtant adonnée au « courage de l’échec », comme l’évoque Cioran dans une lettre à Arşavir Acterian du 23 juin 1975.
José Thomaz Brum, « Cioran, Pessoa et les limites de la philosophie »
Cet article présente les limites de la philosophie selon le penseur franco-roumain Cioran et selon le poète portugais Fernando Pessoa. Pour Cioran, la philosophie serait incapable d’apporter une consolation pour l’homme. Pour Pessoa, la philosophie serait comme un « théâtre de mots ».
Monica Garoiu, « Cioran, du lyrisme au laconisme »
Dans cette analyse de l’écriture cioranienne du lyrisme enflammé de la période roumaine à la lucidité négative de la période française, l’on s’intéressera au changement d’identité de l’écrivain à la suite du passage à sa langue d’adoption. On tentera de montrer que la réflexion lucide de Cioran sur les mots est devenue possible grâce à la distance qu’il a pu prendre dans sa langue d’emprunt.
Mihaela-Genţiana Stănişor, « Le cas Cioran ou comment la biographie et l’œuvre se (dé)figurent l’une l’autre »
Selon A. Buzdugan, il faut croire à l’œuvre d’un auteur malgré son idéologie ou bien malgré l’idéologie que les autres se hâtent de découvrir dans sa création. En se basant sur les documents historiques existants, l’exégète roumain propose d’analyser si Cioran a été un idéologue légionnaire.
275Mihaela-Genţiana Stănişor, « À la recherche de l’idiolecte cioranien »
Dicţionar de termeni cioranieni [Dictionnaire de termes cioraniens], coordonné par Simona Constantinovici, représente une première approche linguistique et lexicographique de l’œuvre roumaine de Cioran, un travail sur le lexique roumain du penseur né à Răşinari.
Mihaela-Genţiana Stănişor, « La promenade solitaire comme mode de vie et de regard »
Le dialogisme, toujours plus poussé sous la forme d’un monologue intérieur, cette caractéristique essentielle du style de Cioran, n’a pas échappé à l’œil fin de Philippe Reytier, l’auteur du livre de bandes dessinées On ne peut vivre qu’à Paris (Paris, 2021), ayant comme protagoniste Cioran. Celui-ci est croqué par le dessinateur dans un Paris désert, silencieux et atemporel, mais d’autant plus ouvert et favorable à la recherche de soi.