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Classiques Garnier

Préface

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Troïlus et Criseyde. Tome II. Œuvres complètes
  • Pages : 7 à 8
  • Collection : Textes littéraires du Moyen Âge, n° 74
  • Thème CLIL : 3438 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- Moyen Age
  • EAN : 9782406149026
  • ISBN : 978-2-406-14902-6
  • ISSN : 2261-0804
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-14902-6.p.0007
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 26/07/2023
  • Langue : Français
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Préface

Ce deuxième Tome des œuvres complètes de Geoffrey Chaucer invite une nouvelle fois le lecteur à explorer un univers littéraire dune richesse inégalée. Les forêts oniriques et jardins courtois des premiers récits du poète anglais laissent désormais la place à un contexte pseudo-historique bien plus marquant : la guerre de Troie.

Continuant de tisser sa toile narrative au gré de ses lectures, Chaucer nous plonge donc au cœur de ce conflit légendaire, sans pour autant se soucier réellement de la nature martiale du siège. Il nous indique dailleurs à plusieurs reprises navoir aucun intérêt pour les combats eux-mêmes, quil mentionne sans jamais rentrer dans les détails, préférant nous fournir une liste de lecture sur le sujet. Troie est assiégée et cela lui offre le cadre parfait pour une histoire damour impossible. Le prince Troïlus, fils du roi Priam, séprend dune jeune veuve, la nièce de son meilleur ami, Pandare. Terrassé par cet amour soudain, il ignore comment conquérir sa dame dans une ville où les rumeurs circulent vite et où une réputation peut être ruinée tout aussi rapidement. Le siège de Troie constitue, en dautres termes, un huis-clos parfait pour explorer la complexité des sentiments humains.

Pour un traducteur, cette œuvre savère particulièrement intéressante à adapter. Chaucer traduit lui-même, en grande partie, Le Philostrate de Jean de Boccace, tout en sinspirant de plusieurs autres récits. Son narrateur est ainsi un personnage fascinant : profondément touché par lamour entre Troïlus et Criseyde, il manipule le récit afin de ne pas sétendre sur linfidélité de Criseyde et semble redouter larrivée inéluctable de la conclusion de cette histoire. Mais il apparaît également sous les traits dun narrateur historien beaucoup plus objectif, énumérant les références littéraires et historiques censées bâtir le cadre narratif de son récit. La voix du traducteur sajoute inéluctablement à ce dialogue entre le narrateur et le lecteur. Connaissant tout aussi bien la fin de lhistoire que lauteur lui-même, il lui faut avancer tout en voyant Troïlus seffondrer 8et Criseyde manquer à sa parole. Lexercice de traduction prend alors une autre dimension et, tout comme Chaucer, le traducteur se voit pris au jeu et régulièrement frappé par cette pensée : « Dussè-je prendre un an il faudra pourtant que je suive mon auteur et dise leur joie tout comme jai pu conter leur chagrin. » (III, v. 1196-1197)

Je tiens à remercier Barry Windeatt pour sa contribution et son expertise ainsi qu Andréa Rando Martin pour son travail de relecture.

Jonathan Fruoco