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Classiques Garnier

Introduction

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Introduction

Cette première partie est centrée sur le roi, le prince. En premier lieu, je me pencherai sur les généralités qui touchent au comportement du prince en matière de justice et, en particulier, sur les enseignements que prodiguent les Miroirs aux princes. Se posera la question de comprendre de quel droit il est véritablement question et de ce que peut être, dans la chanson de geste, un droit épique.

Cela conduira à analyser les attitudes du roi, de lempereur et de quelques grands seigneurs en des contextes où interviennent le droit, la coutume, mais aussi les pratiques de la société féodale avec code dhonneur, force et défense du lignage et obligations féodo-vassaliques : hommage, ambassades, otages, héritages, dévolution des fiefs, etc. Il faudra alors distinguer le roi juste et équitable du prince ayant des comportements de tyran. La chanson de geste, qui tend quasiment toujours à un retour à léquilibre, navigue ainsi entre des pôles opposés quen général elle tente in fine de réconcilier.

Le roi-juge manifeste sa droiture en premier lieu en demandant conseil et en suivant ceux de sa cour et de ses conseillers qui savent « dire le droit ». Il faudra sinterroger sur ce quest la Curia regis et, au-delà, la Cour des pairs, dans la représentation épique. Se pose donc la question de ce que sont les conseillers, de leur rôle, des bons comme des mauvais. Je porterai une attention particulière à Naimes de Bavière, le sage conseiller de Charlemagne par excellence, véritable archétype de celui qui sait toujours dire le bon droit.

Le roi cependant peut rendre la justice seul, ou soumettre des vassaux à dinjustes mesures, ou bien encore imposer ses vues à sa cour de façon autoritaire. Le roi est « souverain juge » pour le meilleur, ou pour le pire, surtout lorsquil est dominé par ses passions, la colère en tout premier lieu.

Lentourage du prince nest pas exclusivement constitué dhommes. Les femmes sont présentes à la cour, le plus souvent en tant quépouses 38ou futures mariées ; même si elles nont pas de rôle officiel – la reine se définissant essentiellement comme épouse du roi –, leur présence est de fait fortement marquée, et cest bien souvent quelles disent le droit, dans des situations où le roi, lépoux, leur seigneur et maître, entend ne pas le respecter, pris par ses passions ou sous linfluence des traîtres et mauvais conseillers.

Il est une fonction du prince qui apparaît dans lépopée, celle de marieur. Dès quil est donc question de mariage, arrivent en arrière-plan la juridiction de lÉglise et le rituel religieux. Le dernier chapitre de cette première partie sera dévolu à la question du mariage, omniprésent dans la plupart des chansons. En partant du rôle du roi dans lunion matrimoniale, ce chapitre sélargira vers diverses questions, souvent centrées sur les personnages féminins : consensus, consommation, rapt, validation du mariage, empêchements dirimants, etc. Ce sera aussi loccasion de voir comment certaines chansons, tardives pour la plupart, jouent sur diverses transgressions.

Ce dernier chapitre, en quelque sorte, est un préambule à la deuxième partie de ce livre, dans laquelle seront traitées différentes pièces dun puzzle, éléments constitutifs de ce qui peut permettre de comprendre comment sécrit dans la fiction un droit épique, non nécessairement autour du roi, de lempereur, mais à travers divers motifs centrés sur les crimes mis en scène dans les épopées.