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Classiques Garnier

Note sur les choix de traduction

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Capital et profit. Cahiers XVI-XVII des manuscrits de 1861-1863
  • Pages : 21 à 22
  • Collection : Écrits sur l'économie, n° 3
  • Série : 1, n° 3
  • Thème CLIL : 3340 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Histoire économique
  • EAN : 9782812439018
  • ISBN : 978-2-8124-3901-8
  • ISSN : 2261-0995
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-3901-8.p.0021
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 10/03/2016
  • Langue : Français
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Note sur les choix
de traduction

Notre traduction sappuie principalement sur lédition MEGA². Toutefois, nous avons consulté le manuscrit original mis à notre disposition par lInstitut international dhistoire sociale (IISH) dAmsterdam tantôt pour corriger des erreurs manifestes de transcription de la MEGA², tantôt pour justifier dautres choix de traduction. Ces modifications sont signalées par une note renvoyant en annexe à une reproduction numérique du fragment du manuscrit en question. De plus, comme à chaque fois que Marx se livre à une série de calculs servant à illustrer la dynamique des rapports entre variables économiques, le manuscrit contient un certain nombre derreurs que nous avons tâché de signaler et de corriger en note. Enfin, certaines pages de ce manuscrit, en particulier celles où Marx développe ses opérations arithmétiques, ont subi des dommages occasionnant des lacunes. Celles-ci sont signalées dans le texte tantôt par des points entre crochets, tantôt par des mots entre crochets lorsquils se déduisent aisément du reste de la phrase. De la même façon, nous avons comblé un certain nombre dellipses quinduit naturellement le rythme décriture de Marx.

Nous avons fait le choix de traduire Mehrwerth par plus-value, bien que survaleur se soit imposée dans le marxisme francophone depuis la traduction de J.-P. Lefebvre de la quatrième édition allemande du livre I du Capital. Dabord, rappelons que Marx, qui maîtrisait le français, na semble-t-il jamais contesté ce choix lorsquil révisa les épreuves de lédition française de 1872 établie par Joseph Roy. Daprès Lefebvre, ce choix pouvait se justifier à cette époque : le mot existait en français, ce qui rendait la lecture du Capital plus familière au public francophone, et navait pas encore été dévoyé par son usage comptable ou financier. Il sagirait donc aujourdhui de restituer dans la langue française à la fois la création linguistique propre à Marx, le réseau

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sémantique auquel il est relié (surtravail, surproduit, etc.), et sa cohérence avec les traductions anglaise, russe, italienne, etc.1. Bizarrement, Lefebvre ne trouve rien à redire à la traduction italienne, plus-valore, à laquelle il estime que survaleur correspond mieux que plus-value. Or, à la différence de Hegel par exemple, Marx crée rarement des néologismes, bien quil invente des catégories nouvelles telles que capital constant et capital variable, ou composition organique du capital. Cest même une question de méthode : la critique de léconomie politique, avant tout, sempare des catégories économiques existantes pour leur conférer un sens nouveau, une réalité nouvelle, et les faire entrer dans des rapports cachés. Si Marx a créé le mot Mehrwerth, cest dabord quil nexistait pas dans la langue économique allemande, comme le confirme dans ce manuscrit lusage du néologisme Surpluswerth tiré de surplus value, courant dans la littérature anglaise, comme létait plus-value ou même plus-valeur en français. Ensuite, le réseau sémantique auquel songe Lefebvre plaiderait plutôt en faveur de plus-value que de survaleur. Littéralement, Mehrwerth, Mehrarbeit, Mehrprodukt, se traduisent par plus-valeur, plus-travail, plus-produit. En outre, dans ce manuscrit comme dans Le Capital, Marx use indifféremment des expressions Überarbeit et Mehrarbeit, écrit Überproduktion pour surproduction, mais Mehrprodukt quon traduit par surproduit. En revanche, jamais il nécrit Überwerth. Lefebvre pense que Roy aurait traduit Mehrwerth par plus-value, et Mehrarbeit et Mehrprodukt par surtravail et surproduit, parce que le premier existait en français alors que les deux autres ny avaient pas déquivalent. Mais cest bien surtravail et surproduit qui sécartent de lallemand, et au contraire plus-value qui traduit fidèlement le préfixe Mehr dans Mehrwerth.

1 Le Capital, Livre I, Messidor/Éditions sociales, Paris, 1983, p. xliii-xlvi.