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Classiques Garnier

Comptes rendus

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers Tristan L’Hermite
    2006, n° 28
    . varia
  • Auteurs : Peureux (Guillaume), Adam (Véronique), Berrégard (Sandrine), Bombart (Mathilde)
  • Pages : 96 à 103
  • Réimpression de l’édition de : 2006
  • Revue : Cahiers Tristan L’Hermite
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782812440137
  • ISBN : 978-2-8124-4013-7
  • ISSN : 2262-2004
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-4013-7.p.0096
  • Éditeur : Rougerie
  • Mise en ligne : 29/12/2012
  • Périodicité : Annuelle
  • Langue : Français
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COMPTES RENDUS
David Lee RUBIN (dir.) et al., La Poésie franfaise du premier 17` siècle : Textes et contextes [Gunter Narr Verlag, 1986], 2nde éd., revue et augmentée avec la collaboration de R. T. Corum, Charlottesville, Rookwood Press, 2004, 404 p.

On peut se réjouir de voir reparaître l'anthologie dirigée par D.L. Rubin en 1986, augmentée de quatre poètes  : Sarasin, Scarron, Saint Pavin et Cyrano de Bergerac. Elle donne notam- ment àlire, dans une orthographe modernisée, quelques poètes trop rares, comme Sigognes, César de Nostredame, Jean Auvray ou Etienne Durand. Elle s'ouvre sur une série de trois brefs essais de R. Nicolich, F.J. Hausmann et Cl. Abraham. Les choix de poèmes sont quant à eux souvent présentés et annotés par des spécialistes des poètes ou de la période (dont M. Alco- ver pour Cyrano, A. Génetiot pour Scarron et Sarasin, J. Bailbé et Ch. Wentzlaff-Eggebert pour Saint-Amant, mais aussi C. Grisé, A. Canut et J.-P. Chauveau pour Tristan, etc. ), l'annota- tion étant le plus souvent précise et utilement placée. Chaque section consacrée à un poète contient une bibliographie sélec- tive. Enfin, si le nombre total des auteurs présentés demeure modeste (20), c'est bien un échantillon représentatif d'une poésie variée, surprenante et peu connue que propose cette anthologie : il est rare en effet que les satyriques, en l'occur- rence par la présence de Sigognes, soient insérés dans les anthologies de la période.
L'étude de R. N. Nicolich sur la « fortune critique de la poésie du premier 17` siècle » propose un parcours historiographique qui met en lumière les périodes de disgrâce et d'engouement connues par cette poésie. On passe ainsi en revue l'émergence de la notion de « baroque » dans les années 1950; les débats qui s'ensuivirent ; le renouveau de l'érudition qui s'est emparée de certaines oeuvres (celles de Régnier, de Malherbe, de Tristan ou encore de Théophile et de Saint-Amant par exemple) et a donné lieu à leur publication; jusqu'à la méthode d'analyse proposée par D. L. Rubin dans The Knot of Artifice (1981), selon laquelle il faut dépasser l'impression de dispersion suscitée par beaucoup des textes des auteurs de la période et parier sur une unité secrète, cachée, tissée dans leur trame.
F.-J. Hausmann propose une analyse du « langage littéraire » de la période pour mettre en évidence ce qu'il considère comme l'avènement d'une langue classique en France. Il examine des extraits de discours liminaires pour illustrer, en diachronie, l'évo- lution des pratiques linguistiques, l'impulsion donnée par « l'usage de la cour », mais aussi le rôle de Malherbe, dont il cite
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97 un long extrait de ses remarques sur Desportes (élégie XVII), dans l'évolution du français.
Cl. Abraham, enfin, donne un « aperçu de la versification fran- çaise du 17° siècle ». Il s'agit de donner un « outillage » au lec- teur. II observe donc le travail sur le matériau sonore, et recense les formes et les types de vers employés, relevant des vers à deux coupes, une fixe et une secondaire ainsi que des tétramètres parmi les alexandrins, et rappelle le lien intrinsèque d'une partie de cette poésie avec la musique.
Si les questions posées par ces trois essais, à visée clairement pédagogique, sont encore agitées aujourd'hui, ils n'en souffrent pas moins d'un déficit d'actualité théorique et critique. Les enjeux historiographiques et la construction de catégories litté- raires (« baroque » et « classicisme » sont couramment contestés et tendent à disparaître graduellement du langage critique), les modalités d'institution de palmarès littéraires (par exemple : Malherbe avait-il une doctrine ? a-t-il influencé autant qu'on l'a dit ?); l'évolution de la langue (quels étaient en fait les enjeux des discours sur la langue, leur part d'autoreprésentation ?) la mise en question de la notion de cour (est-ce un lieu, des gens, une institution ?); l'étude de la versification, suite aux travaux de B. de Cornulier et du Centre d'Études Métriques de Nantes, a beaucoup évolué et remis en question certaines descriptions des mètres français, dont la notion de coupe secondaire, fausse, en effet; toutes ces questions demeurent au coeur des recherches dix-septiémistes de ce début de 21°siècle, mais ont été largement renouvelées depuis 1986.
On regrette enfin, puisqu'il s'agit d'une réédition, que des coquilles n'aient pas été corrigées (ainsi, p. 117 : lire « Biblio- thèque » et non pas « Bibiothèque ») et qu'on ~'ait pas ajouté, sinon un glossaire, du moins une table des incipits. De même, on ne peut que déplorer que les bibliographies, différemment pré- sentées selon les auteurs (parfois de manière chronologique, par- fois selon les noms d'auteurs), n'aient pas été actualisées : la référence la plus récente concernant Tristan remonte à 1991.
Guillaume Peureux
La Mariane de Tristan l'Hermite, éd. Ruggero CAMPAGNOLI, Eric LYSOE, Anna SONCINI FRATTA, Seminari pasquali di analisi testuale, Seconde série 1, Bologne, Club, 2003.
Cette édition publie les actes d'un séminaire organisé conjoin- tement par le Dipartimento di Lingue e Letterature Straniere Moderne (Università degli Studi di Bologna) et le Centre de Recherche sur l'Europe littéraire (Université de Haute-Alsace).

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98 Ce séminaire entièrement consacré à la Mariane de Tristan s'est tenu l'année du quatrième centenaire de la naissance de Tristan, au Centre européen de rencontres de Lucelle (Haut-Rhin). Il contient notamment les interventions d'universitaires bien connus des Amis de Tristan : Daniela Dalla Valle, Roger Guiche- merre, ou Guillaume Peureux.
Cet ouvrage présente trois volets : le texte des conférences, le résumé des discussions et enfin un mini cd-rom sur lequel on peut trouver le texte intégral de la pièce et son lexique classé par ordre alphabétique puis par thèmes (corps et couleurs). Ce der- nier volet ne présente que des listes de mots sans analyses mais constituent une solide base de données, constituée par Eric Lysoe. Les deux premiers volets opposent deux visions de la Mariane : à l'approche classique des interventions portant sur les personnages, la structure, un thème récurrent dans l'oeuvre de Tristan (la mélancolie) ou chez les auteurs classiques (la déme- sure) s'opposent les tentatives de lectures plus modernes, libé- rées des commentaires des contemporains de Tristan, proposées lors des discussions soit par les conférenciers, soit par les audi- teurs. Ces tentatives quoique contestées par certains conféren- ciers, ont le mérite de proposer des éclairages nouveaux sur la pièce (sociologique, psychanalytique ou sémantique), ce qui n'est pas toujours le cas des interventions qui s'appuient en grande partie sur les apports des travaux de Jacques Schérer et de sa Drarrcaturgie classique.
Les conférenciers ont eu visiblement pour souci commun de réfléchir sur des questions générales avec une préférence atten- due pour Hérode et Mariane. Ils s'appuient régulièrement sur les jugements de critiques contemporains de Tristan. Sont ainsi convoqués à plusieurs reprises Corneille, Mairet, Scudéry, les Pères Rapin, Caussin et Le Moyne. La question de la nature de la pièce de Tristan est également plusieurs fois posée par certains sans qu'on ne puisse vraiment la définir : la Mariane est-elle une pièce humaniste ou classique ? À ce duel maintes fois relevé, Daniela Dalla Valle (« Mariane : le titre de la pièce et le nom du personnage ») préfère ajouter un troisième pôle : la Mariane pourrait aussi être qualifiée en partie de tragédie chrétienne. Mais au final, l'unité de la pièce semble moins venir de sa nature que d'un thème donnant à l'intrigue sa cohérence : mélancolie pour G. Peureux (« Parole, images, action. La Mariane, tragédie de la mélancolie érotique ») ou démesure pour Ch. Mazouer (« La Démesure dans la Mariane de Tristan »). L'unité peut aussi naître de sa structure même, une articulation autour de deux per- sonnages essentiellement, Mariane et Hérode (R. Guichemerre, Daniela Dalla Valley.
À plusieurs reprises, les conférenciers montrent ainsi la foca-
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99 lisation de la pièce sur le personnage d'Hérode : même si Roger Guichemerre (« Les Personnages de Mariane ») prend soin de montrer la place de personnages secondaires comme Salomé, tous s'accordent à souligner le paradoxe du titre qui donne de l'importance à Mariane alors que sa présence sur scène est fort discrète au regard des scènes dédiées à Hérode (notamment Daniela dalla Valley. La victoire est sans doute donnée à Hérode, même si certains nous assurent de l'équilibre entre Hérode et Mariane, voire de l'importance de Mariane. Ch. Mazouer voit dans la pièce une tension entre deux formes de démesure qui la font progresser, la monstruosité d'Hérode et la violente haine de Mariane. Mais les discussions viennent montrer que cette déme- sure est surtout soutenue par le seul Hérode. Si Dominique Mon- cond'huy (« I,a Mariane : une Dramaturgie de la femme illustre »), en s'interrogeant sur la représentation littéraire de la femme forte, démontre comment Mariane correspond aux des- criptions des femmes fortes ou illustres de Le Moyne ou Scudéry et comment Tristan tente dans sa tragédie de se conformer aux modèles connus de cette femme exemplaire, l'effacement scé- nique de Mariane, relevé par les autres conférenciers, vient sou- ligner le désaccord entre la finalité du dramaturge et la réalité de sa pièce. L'existence dramaturgique du personnage, décrite très précisément par Daniela Dalla Valle et Roger Guichemerre pré- sente Mariane comme un personnage fondamental pour l'in- trigue et la construction d'Hérode. G. Peureux, quant à lui, achève de réduire la place du personnage féminin et voit la mélancolie d'Hérode, manifestée notamment dans ses songes, contaminer les autres personnages et structurer toute l'intrigue.
Ces multiples lectures restent très classiques, on le compren- dra, et n'apportent pas de véritables nouveautés sur la Mariane à l'exception des interventions de Dominique Moncond'huy et de Charles Mazouer qui utilisent des angles d'éclairage inusités sur Tristan : si des intervenants ont déjà beaucoup écrit sur le sujet et ne peuvent indéfiniment renouveler leur propos (Daniela Dalla Valle ), on regrette que certaines conférences ne fassent que résu- mer pour des néophytes la pièce (Roger Guichemerre) ou ne prennent pas le temps d'analyser précisément les images repérées, pourtant qualifiées de fondamentales. Le relevé des images de la mélancolie ou de la démesure sert certes à démontrer la justesse de l'approche mais ne propose pas d'interprétations du texte, il se limite au seul effet dramaturgique ou simplement tragique de ces images. Si l'effet sur le spectateur, la nature de la pièce, le sens des caractères sont primordiaux pour les dramaturges classiques et le public du dix-septième, le lecteur moderne a dépassé ces questions dont il a trouvé les réponses depuis longtemps.
Véronique Adam

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100 D. Moncond'huy, Histoire de la littérature française du XVII siècle, Pans, Champion (Unichamp-Essentiel n° 16), 2005, 272 p.
Parue dans une collection destinée à un large public, cette nouvelle Histoire de la littérature française du dix-septième siècle constitue une sorte de synthèse des travaux de recherches les plus récents publiés sur le sujet. Excluant les représentations, héritées de l'époque de Lanson, qui visent à construire l'image du « Grand Siècle », jugeant tout aussi simplificatrice l'idée, plus récente, qui consiste à réduire le dix-septième siècle à la succes- sion du « baroque » et du « classicisme », D. Moncond'huy se propose de montrer la complexité qui caractérise cette période de l'histoire littéraire, par un examen attentif des genres et du contexte (culturel, idéologique...) dans lequel ils se développè- rent.
Les lecteurs des Cahiers seront sans doute heureux de consta- ter que la place accordée à Tristan dans cet ouvrage est loin d'être négligeable, et surtout que la diversité de son oeuvre est prise en considération. En effet, D. Moncond'huy le présente dans son introduction comme le type même du polygraphe, qui ne se spécialisa dans aucun genre (p. 10), avant de l'évoquer dans un développement consacré à la poésie (« De La Céppède à Tristan L'Hermite », p. 153-155), parmi les imitateurs de Marino et les disciples de Malherbe, mais par la suite il rappelle aussi que l'écrivain a connu ses plus grands succès au théâtre et qu'il est un des principaux dramaturges de sa génération (p. 165). Pré- sent également parmi les auteurs auxquels le critique choisit de consacrer une notice dans la première section de son « Petit atlas littéraire du siècle », il figure encore dans la rubrique suivante avec trois de ses oeuvres, Les Amours, La Lyre et La Mariane (écrite successivement avec deux orthographes différentes !, p. 222 et 226). On regrettera néanmoins que Le Page disgracié, dont le critique souligne au passage l'originalité (« un roman marginal important, de caractère autobiographique  », p. 222 ), et qu'il date par erreur de 1641, ne fasse pas à lui seul l'objet d'une notice. Enfin, le tableau chronologique situé à la fin du volume mentionne, parmi les ceuvres de poésie non dramatique Les Amours, La Lyre et Les Uers hérdiques, parmi les pièces de théâtre La Mariane et La Mort de Sénèque, et parmi les « fictions en prose » Le Page disgracié. C'est dire l'importance, toute rela- tive certes, que D. Moncond'huy reconnaît à Tristan dans la lit- térature de son siècle, mais surtout le portrait qui se dégage de lui montre une nouvelle fois qu'il est impossible de le classer dans une catégorie précise.
Sandrine Benegard

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101 ÉCRIVAINS DE THÉÂTRE, 1600-1649. Documents réunis et présentés par Alan Howe, à partir des analyses de Madeleine Jurgens. Avant-propos de Gérard Ermisse et préface de Jean Mesnard, Paris, Centre historique des Archives nationales, coll. « Documents du Minutier central des notaires de Paris », 2005. Un vol. 21,5 x 15 cm de 340 p.
Après Le Théâtre professionnel à Paris, 1600-1649, paru en 2000, Alan Howe nous offre un nouveau volume réalisé à partir de l'inventaire des fonds du Minutier central des notaires pari- siens opéré par Madeleine Jurgens entre 1949 et 1970. Quelques documents étaient déjà connus, comme le rappelle l'introduction (p. 3 et 7) en signalant les études déjà parues de M. Jurgens et E. Maxfield-Miller sur Molière ou Jean-Baptiste l'Hermite, et de l'auteur lui-même sur Corneille, Rotrou ou Tristan (voir les CTLH n°24, 2002 ). Mais le désir d'offrir un outil de travail exhaustif a conduit à les reprendre de manière à réunir en un seul volume la totalité des minutes notariées parisiennes concernant les auteurs en question, au nombre de vingt-cinq au total.
Le livre se compose de deux grandes parties : dans la pre- mière, des « notices et analyses » rangées par ordre alphabétique d'auteur (de Baro à Villiers) présentent une synthèse des infor- mations apportées par les documents, suivie d'un résumé de chaque pièce retrouvée. Dans la seconde, on trouve, organisée cette fois selon un ordre chronologique, la transcription intégrale des actes les plus intéressants du Minutier. À la suite, une « table des analyses » (par ordre chronologique), une bibliographie et un index des noms de personnes permettent un maniement aisé du volume.
Les documents mis au jour touchent aux aspects les plus variés de la vie des auteurs : contrats de mariage, inventaires de biens, promesses, quittances.., pour la dimension « privée » de ces actes; contrats avec des éditeurs, contrats entre libraires, pour les actes relatifs à leurs activités comme auteur. Le propos est de permettre une meilleure connaissance de la biographie de chacun (leur charge ou office, leur situation financière, etc. ), de leur car- rière (les relations avec leur protecteur en particulier), et de leurs oeuvres (chronologie de publication, succès, mesuré notamment aux conditions plus ou moins avantageuses selon lesquelles est monnayé tel ou tel écrit). Plus généralement, c'est un « aperçu de l'évolution du statut de l'auteur dramatique au cours de la pre- mière moitié du XVII~ siècle » (« Introduction », p. 5) que vise l'ouvrage.
De fait, au-delà du goût de l'anecdote ou du détail biogra- phique, ce volume met à la disposition des curieux et des cher- cheurs des pièces permettant de revenir sur bien des idées reçues et des points obscurs. Pour Tristan, par exemple, un contrat passé
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102 avec Cardin Besongne le 7 avril 1645 pour l'impression de La Mort de Chrispe nous apprend qu'outre un nombre conséquent d'exemplaires non reliés, l'éditeur s'engage à verser à l'auteur l'importante somme de 400 livres, acceptant de plus de différer la publication de manière à laisser encore plusieurs semaines d'exclusivité à la troupe de l'Illustre Théâtre qui la jouait alors. De tels indices sont bien le signe qu'une valeur commerciale cer- taine est attribuée au texte. Dès lors on ne peut plus, montre clai- rement A. Howe (p. 203), continuer d'affirmer comme le veut la tradition critique que la pièce n'eut que peu ou pas de succès. Plus largement, on rencontre au fil de ce volume quantités d'in- formations précieuses sur les pratiques auctoriales de l'époque moderne, comme les modalités selon lesquelles les auteurs négo- cient la valeur de leurs écrits (souvent en contraste frappant avec les déclarations de modestie et de détachement agrémentant les préfaces du temps); on y trouve aussi de nombreuses pistes permettant de mieux comprendre la condition des hommes de lettres : leur insertion dans les maisons aristocratiques, leurs réseaux d'amitié et d'affaires, leurs stratégies familiales ou encore la question, souvent délicate, de leurs noms et signatures (voir par exemple les remarques sur l'évolution de la signature de Théophile, de « Theophile Deviau » à « Theophile » , p. 225 ).
La richesse d'ensemble du volume étant incontestable, nous signalerons toutefois deux réserves. Tout d'abord, on mention- nera des doutes sur une analyse : l'intérêt que Tristan porte à l'embellissement des Heures de la Sainte trerge, manifeste à travers trois actes de 1644-1645 réglant l'aide financière que le secrétaire des finances de Gaston d'Orléans, Michault, apportait au poète pour la publication du livre permet-elle de déduire aisé- ment « la sincérité des sentiments religieux » du notre auteur (p. 205) ? Il semble que, tout au plus, ces actes permettent d'in- sister sur l'attention portée par Tristan à la publication d'une oeuvre de prestige, la publication de vers religieux comptant alors beaucoup dans une carrière de poète. Ensuite, certaines informa- tions gagneraient à une mise en perspective qui tiendrait plus compte des avancées récentes de la recherche en matière d'his- toire sociale des professions lettrées. Les relations de protection et de clientélisme (voir les travaux d'Alain Viala et de Christian Jouhaud), ou encore le rôle joué par les parents et les réseaux amicaux dans la vie d'homme d'affaires qu'était aussi nécessai- rement celle d'homme de lettres (voir les travaux de Nicolas Schapira), lisibles dans nombre de ces documents notariés, s'en trouveraient grandement éclaircis — et, avec eux, la place si para- doxale dans la société d'Ancien Régime de cette occupation sans statut juridique fixe ni reconnaissance institutionnelle achevée qu'est l'activité lettrée. On terminera, enfin, en se demandant si bien des « actes » ici répertoriés ne mériteraient pas d'être consi-

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103 dérés non comme le simple reflet des situations des auteurs en question, mais, de manière plus dynamique, comme partie pre- nante d'opérations menées par ceux-ci ou du moins certains d'entre eux — et avec les moyens propres de l'écrit, même s'il s'agit d'écrits au statut et aux lieux de circulation tout autres que leurs oeuvres —pour agir dans le monde social et y transformer leurs positions.
Mathilde Bombant


























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